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15/10/2020 | FRANCE | N°19/13368

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 15 octobre 2020, 19/13368


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 15 OCTOBRE 2020



N° 2020/508













N° RG 19/13368



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYWG







SCI DES CHÈVREFEUILLES





C/



[C] [F]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me ERMENEUX



Me MUSACCHIA













D

ÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/01910.





APPELANTE



SCI DES CHÈVREFEUILLES

dont le siège social est [Adresse 2]



représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 15 OCTOBRE 2020

N° 2020/508

N° RG 19/13368

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYWG

SCI DES CHÈVREFEUILLES

C/

[C] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me ERMENEUX

Me MUSACCHIA

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/01910.

APPELANTE

SCI DES CHÈVREFEUILLES

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Catherine FAVAT de la SELARL FBC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIME

Monsieur [C] [F]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Odile DUSSART, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Catherine OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

madame Geneviève TOUVIER, présidente,

madame Sylvie PEREZ, conseillère,

madame Catherine OUVREL, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2020,

Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon bail sous seing privé du 2 août 2004, la SCI La Boal, aux droits de laquelle vient désormais la SCI des Chèvrefeuilles a donné en location à monsieur [M], aux droits duquel vient aujourd'hui monsieur [C] [F], un local commercial situé [Adresse 5], aux fins d'exploitation d'un restaurant dénommé 'Le Mûrier'.

Par décision du 20 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Draguignan a annulé un commandement visant la clause résolutoire du bail délivré par la bailleresse le 2 février 2014, et a condamné celle-ci au paiement de dommages et intérêts, cette décision étant confirmée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 8 mars 2016.

Par jugement du 4 avril 2019, le juge des loyaux commerciaux de [Localité 3], après expertise, a maintenu le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 29 juillet 2013 à la somme de 25 285 € HT et HC.

La SCI des Chèvrefeuilles a fait délivrer le 24 janvier 2019 un commandement de reprendre l'exploitation dans le délai d'un mois, sur la base d'un procès-verbal de constat par huissier de justice, maître [D], en date du 10 janvier 2019 relevant la fermeture du restaurant et l'apposition de panonceaux mentionnant : 'Fermeture annuelle / Retour au printemps'.

Par ordonnance en date du 17 juillet 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan a :

débouté la SCI des Chèvrefeuilles de sa demande de constatation de la résiliation du bail et de sa demande d'expulsion,

débouté monsieur [C] [F] de sa demande de dommages et intérêts,

condamné la SCI des Chèvrefeuilles au paiement des dépens,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration reçue au greffe le 14 août 2019, la SCI des Chèvrefeuilles a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur le rejet de ses demandes de résiliation du bail, d'expulsion et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sur sa condamnation au paiement des dépens.

Par dernières conclusions transmises le 31 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI des Chèvrefeuilles demande à la cour de :

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté ses demandes de résiliation du bail, d'expulsion et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en ce qu'elle l'a condamnée au paiement des dépens,

constater la résiliation du bail,

ordonner l'expulsion de monsieur [C] [F] ainsi que celle de tous occupants de son chef dans les huit jours de la signification de l'arrêt à intervenir, ce, sous astreinte de 150 € par jour de retard avec le concours de la force publique,

condamner monsieur [C] [F] à lui verser à titre provisionnel la somme de 3 500 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation à compter du 25 février 2019 et jusqu'à complète libération des lieux,

débouter en toute hypothèse monsieur [C] [F] de sa demande de condamnation de la SCI des Chèvrefeuilles à lui régler la somme de 5 000 euros à titre de réparation de la menace de résiliation et de son préjudice moral,

condamner monsieur [C] [F] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner monsieur [C] [F] au paiement des dépens, comprenant la signification du commandement visant la clause résolutoire, outre les frais d'exécution forcée avec distraction.

La SCI des Chèvrefeuilles se fonde sur l'article L 145-41 du code de commerce et sur les procès-verbaux de constats par huissier de justice du 10 janvier 2019 et du 26 février 2019 pour justifier de la fermeture et de l'absence d'exploitation des lieux loués pendant près de trois mois et invoque la non exécution par le locataire de ses obligations contractuelles dans le mois suivant le commandement du 24 janvier 2019 tendant à la reprise d'activité. Elle soutient que ce dernier a violé les articles 17, 21 et 24 du bail commercial, le preneur ne s'étant pas conformé à son obligation d'exploitation permanente de son activité commerciale, et que le juge des référés doit prononcer la résiliation du bail sans porter d'appréciation sur la gravité de l'infraction dès lors que celle-ci est constatée. Ainsi, la SCI des Chèvrefeuilles estime qu'aucune force majeure n'est démontrée pour motifs médicaux, au sens de l'article 1218 du code civil. Elle poursuit donc l'expulsion de monsieur [C] [F] et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle.

L'appelante se défend de tout acharnement contre son locataire et s'oppose au paiement de tout dommage et intérêt.

Par dernières conclusions transmises le 5 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [C] [F] sollicite de la cour qu'elle :

'déboute la SCI des Chèvrefeuilles de ses demandes,

'confirme la décision entreprise,

Y ajoutant :

'condamne la SCI des Chèvrefeuilles à lui régler la somme de 5 000 euros à titre de réparation de la menace de résiliation et de son préjudice moral,

'condamne la SCI des Chèvrefeuilles à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Monsieur [C] [F] fait valoir que les conditions légales de la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ne sont pas réunies dans la mesure où l'arrêt temporaire d'exploitation du restaurant est justifié par la prise de ses congés annuels après avoir subi deux opérations, le 13 décembre 2018 et le 10 janvier 2019, son état de santé constituant en tout état de cause un cas de force majeure. Il ajoute que l'article 24 du contrat de bail n'impose pas au preneur une obligation d'exploitation continue. Il affirme avoir repris son activité comme en atteste le procès-verbal dressé par huissier de justice le 26 mars 2019. Il se défend de toute absence d'entretien des lieux. En tout état de cause, l'intimé indique qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la résiliation du bail ni d'apprécier le bien fondé et la durée de la cause d'inexploitation avancée.

Reconventionnellement, l'intimé soutient que le bailleur récidive dans sa mauvaise foi en tentant d'obtenir la résiliation du bail commercial, faisant planer une menace de résiliation du bail, ce qui lui cause un préjudice moral dont il entend obtenir réparation.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 1er septembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du bail commercial et la demande d'expulsion

Par application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes du bail commercial sous seing privé en date du 2 avril 2004 liant, d'une part, la SCI des Chèvrefeuilles et, d'autre part, monsieur [C] [F], s'agissant d'un local commercial à usage de restaurant à Grimaud, figure à l'article 24 une clause d'exploitation ainsi rédigée : 'dans tous les cas, sauf les exceptions prévues par la législation en vigueur, les lieux loués doivent toujours rester ouverts, exploités et achalandés'. Le bail comprend également en son article 17 une clause résolutoire stipulant notamment qu'à défaut d'exécution d'une seule des conditions de l'acte, le bail sera résilié de plein droit un mois après la délivrance d'un commandement d'exécuter resté infructueux.

En date du 10 janvier 2019, la SCI des Chèvrefeuilles a fait réaliser un procès-verbal de constat par huissier de justice aux termes duquel il apparaît que le restaurant Le Mûrier est fermé, les trois panneaux situés à l'entrée, et d'ordinaire dévolus à la présentation des cartes et menus du restaurant, indiquant : 'Fermeture annuelle / retour au printemps'. La SCI des Chèvrefeuilles a fait délivrer le 24 janvier 2019 à monsieur [C] [F], son locataire, exploitant du restaurant, un commandement visant la clause résolutoire et tendant à la reprise, dans le mois de l'acte, d'une activité commerciale effective et permanente des locaux loués pour le commerce autorisé au bail.

Le 26 février 2019, un nouveau procès-verbal de constat par huissier de justice a établi que le restaurant Le Mûrier demeurait toujours fermé.

Le 26 mars 2019, un autre procès-verbal de constat par huissier de justice a, au contraire, permis de témoigner de la reprise de l'activité de restauration au sein de l'établissement dont le couvert était dressé et dont les chambres froides et les réfrigérateurs étaient remplis de nourriture.

Monsieur [C] [F] ne conteste pas que le restaurant a été fermé du 13 décembre 2018 au 13 mars 2019 à raison de congés annuels, ce qui est d'ailleurs conforme à l'indication fournie sur la page d'accueil internet du restaurant Le Mûrier selon capture d'écran du 5 mars 2019 produite aux dossiers.

Il ressort des pièces, et principalement d'une attestation du chirurgien (pièce 12 de l'intimé) que monsieur [C] [F] a subi deux interventions chirurgicales sur ses membres inférieurs, l'une le 13 décembre 2018, l'autre le 10 janvier 2019, chacune, nécessairement espacée d'un mois, ayant requis un repos post-opératoire de 10 à 15 jours. Il n'est justifié d'aucun arrêt de travail, ce qui ne constitue pas la cause avancée de la cessation temporaire d'exploitation.

Or, la cause avancée pour cette arrêt momentané de l'activité de restauration, dont il n'est pas contesté qu'elle a repris régulièrement depuis, tient en des congés annuels dont le principe est légalement acquis pour toute personne travaillant en France. Dès lors, la prétention émise devant le juge des référés tendant au constat du jeu de la clause résolutoire du bail pour violation de la clause d'exploitation conventionnellement stipulée durant la période du 13 décembre 2018 au 13 mars 2019 revient à conduire ce magistrat à apprécier la durée des congés pris au regard de l'obligation d'exploitation continue, ce qui excède ses pouvoirs.

C'est donc à juste titre que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant au constat de la clause résolutoire du bail et à l'expulsion de monsieur [C] [F].

Sur la demande d'indemnité d'occupation

Compte tenu du rejet de la demande de résiliation du bail, il n'y a pas lieu à référé quant à la demande d'indemnité d'occupation, le bail poursuivant son plein effet.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par le preneur

Par application de l'article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Bien que plusieurs actions aient été jusqu'à présent intentées par la SCI des Chèvrefeuilles envers son locataire, pour des motifs divers (résiliation, montant du loyer notamment), et au delà du contexte conflictuel entre les parties, l'exercice même de la présente action prise individuellement, et des voies de recours légalement ouvertes, ne caractérise pas un abus de droit. Il n'est par ailleurs démontré aucun préjudice moral à raison d'une menace de résiliation du bail, alors que celui-ci se poursuit et qu'il n'est établi aucune entrave quant à l'exercice de l'activité objet du bail depuis l'introduction de la procédure.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a rejetée la demande de dommages et intérêts présentée par monsieur [C] [F].

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

La SCI des Chèvrefeuilles qui succombe au litige sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de monsieur [C] [F] les frais, non compris dans les dépens, qu'il a exposés pour sa défense. L'indemnité qui lui a été allouée à ce titre en première instance sera confirmée et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 2 000 euros en cause d'appel.

L'appelante supportera en outre les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne la SCI des Chèvrefeuilles à payer à monsieur [C] [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SCI des Chèvrefeuilles de sa demande sur ce même fondement,

Condamne la SCI des Chèvrefeuilles au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 19/13368
Date de la décision : 15/10/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°19/13368 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-15;19.13368 ?
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