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14/05/2024 | FRANCE | N°23NC01837

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 14 mai 2024, 23NC01837


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler respectivement les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle des 1er juillet et 24 juin 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2202897, 2202898 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.



Pro

cédure devant la cour :



I) Par une requête, enregistrée le 7 juin 2023, M. A..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler respectivement les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle des 1er juillet et 24 juin 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202897, 2202898 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 7 juin 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et immédiatement une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement dans le même délai de réexaminer sa situation et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- la signature des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration figurant sur l'avis médical n'a pas été authentifiée ;

- la preuve n'est pas rapportée de la régularité de la désignation des médecins composant le collège ;

- l'auteur du rapport médical n'étant pas identifié, il n'est pas établi que ce dernier n'aurait pas siégé au collège ;

- il est impossible de savoir sur la base de quels éléments le préfet a pu s'appuyer pour estimer qu'il aurait un accès effectif aux soins dans son pays d'origine, alors que la base de données bibliothèque d'information santé sur le pays d'origine (BISPO) n'a pas été publiée dans son intégralité, et dans la mesure où le préfet n'a pas produit l'entier dossier de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; il n'est pas certain que l'ensemble de ses pathologies aient été prises en compte ;

- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis médical du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à son état de santé qui nécessite un traitement particulièrement lourd par plusieurs médicaments auxquels il ne pourra pas avoir effectivement accès dans son pays d'origine compte tenu des discriminations dont sont victimes des personnes d'origine rom en Serbie ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'irrégularité en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'irrégularité en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, la préfète

de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

II) Par une requête, enregistrée le 7 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et immédiatement une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement dans le même délai de réexaminer sa situation et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle se prévaut des mêmes moyens que M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, la préfète

de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes enregistrées sous les numéros 23NC01837 et 23NC01838 sont relatives à la situation d'un couple au regard de son droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme A..., ressortissants serbes nés respectivement en 1967 et 1972, ont déclaré être entrés en France le 13 mars 2018 et y ont sollicité l'octroi du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2018, confirmées le 14 mars 2019 par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile. Le 29 mars 2019, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. Par une décision du 2 octobre 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 avril 2022 et par un arrêt de la cour de ce jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour. M. A... a réitéré sa demande le 16 juin 2020. Son épouse a par ailleurs également sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé à cette même date. Par des arrêtés respectifs des 1er juillet et 24 juin 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé aux intéressés la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, M. et Mme A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 décembre 2022 rejetant leurs demandes à fin d'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

En ce qui concerne les moyens communs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France des intéressés, arrivés en 2018 aux âges respectifs de 50 et 45 ans, est récent. Ils ne justifient d'aucune attache familiale ou personnelle en France ni d'une insertion particulière, alors que leur cellule familiale pourra se reconstituer dans leur pays d'origine. M. et Mme A... n'établissent ni même n'allèguent avoir rompu tout lien et être dépourvus d'attaches en Serbie. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que les refus de titre de séjour attaqués seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard du pouvoir de régularisation du préfet ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article R. 425-11 du même code dispose : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Enfin, l'article 5 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 susvisé dispose que : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Et selon l'article 6 de ce texte : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. En premier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'absence de communication par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du rapport médical préalablement à l'avis du collège de médecins, de l'absence d'authentification des signatures des médecins auteurs de l'avis et de la régularité de la désignation et de la composition du collège auquel ne doit pas participer le médecin rapporteur. Il y a lieu d'écarter l'ensemble de ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Nancy dans le jugement attaqué, alors au demeurant que, par un courrier du 5 juillet 2022, l'OFII a communiqué à l'intéressé son dossier médical complet dont il résulte que l'intégralité de ses pathologies ont été prises en compte.

7. En deuxième lieu, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une acuité visuelle non corrigée de 0/10, d'un asthme, d'un syndrome d'apnées obstructives du sommeil pour lequel il nécessite un appareillage par un système de ventilation respiratoire, d'une coronaropathie, l'intéressé étant par ailleurs porteur de 5 stents, d'une discopathie dégénérative, d'une sténose

pré-oculaire et, enfin, d'un diabète dans un contexte d'obésité. Il est par ailleurs suivi régulièrement en centre médico-psychologique pour une pathologie anxieuse. Dans son avis du 16 février 2021, le collège de médecins de l'OFII a précisé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque.

9. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII.

10. Aucun des certificats médicaux produits par le requérant, qui se bornent à préconiser un suivi régulier de ses pathologies et de ses traitements médicamenteux et sont muets quant à d'éventuelles difficultés d'une prise en charge de l'intéressé en Serbie, ne permettent de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII quant à l'existence d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, avis sur lequel le préfet s'est également fondé pour prendre la décision contestée. Par ailleurs, M. A... n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'il ne pourrait accéder financièrement à la prise en charge qui lui est nécessaire, ni qu'il risque d'être personnellement discriminé, dans son pays d'origine, dans l'accès aux soins qui lui sont nécessaires, du fait de ses origines rom. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme A... :

11. En premier lieu, la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'absence de communication par l'OFII du rapport médical préalablement à l'avis du collège de médecins, de l'absence d'authentification des signatures des médecins auteurs de l'avis et de la régularité de la désignation et de la composition du collège auquel ne doit pas participer le médecin rapporteur. Il y a lieu d'écarter l'ensemble de ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Nancy dans le jugement attaqué, alors au demeurant que, par courrier du 5 juillet 2022, l'OFII a communiqué à l'intéressée son dossier médical complet dont il résulte que l'intégralité de ses pathologies ont été prises en compte.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre de symptômes anxio-dépressifs. Ces pièces mentionnent de plus une notion de cancer de l'intestin et une suspicion de cancer du sein. Dans son avis du 15 mars 2021, le collège de médecins de l'OFII a précisé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'à la date de l'avis, elle pouvait voyager sans risque.

13. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII.

14. Aucun des certificats médicaux produits par la requérante ne permet de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de soins, avis sur lequel le préfet s'est également fondé pour prendre la décision contestée, ni en tout état de cause sur l'absence de disponibilité de la prise en charge requise dans son pays d'origine. Par ailleurs, Mme A... n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'elle ne pourrait accéder financièrement à la prise en charge qui lui est nécessaire, ni qu'elle risque d'être personnellement discriminée, dans son pays d'origine, dans l'accès aux soins qui lui sont nécessaires, du fait de ses origines rom. Il s'ensuit, eu égard notamment aux principes mentionnés au point 7, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile doit être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de titre de séjour devraient être annulées en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Ainsi qu'il a été développé ci-dessus, les requérants, qui ne justifient pas, en tout état de cause, ne pas pouvoir bénéficier du suivi approprié à leurs pathologies en Serbie, ne sont pas fondés à se prévaloir de ces dispositions.

17. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination devraient être annulées en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. En deuxième lieu, il ressort des termes des décisions attaquées qu'elles comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit par suite être écarté.

20. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme A... seraient, en raison de leur origine rom, exposés à des traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour en Serbie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, non assorti des précisions de nature à en apprécier le bien-fondé, doit être écarté.

22. En dernier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation des intéressés dont seraient entachées les décisions litigieuses doit également, en tout état de cause, être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prendre les mesures d'instruction qu'ils sollicitent relatives à la production des dossiers médicaux par l'OFII, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC01837, 23NC01838 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01837
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23nc01837 ?
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