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29/12/2023 | FRANCE | N°23NC02259

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 29 décembre 2023, 23NC02259


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.



Par un jugement n° 2203710 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejet

é sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires complém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2203710 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 juillet, 24 août et 13 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me El Fekri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203710 du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour et de lui délivrer dans un délai d'un mois, un titre de séjour l'autorisant à travailler à compter du 3 janvier 2022, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui verser une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral et matériel subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision portant refus de titre est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'avenant du 25 février 2008 modifiant l'article 4 point 42 de l'accord signé le 23 septembre 2006 entre la France et le Sénégal dès lors qu'elle remplit l'ensemble des conditions tenant à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation sur sa vie familiale, sa vie personnelle et son insertion en France ; c'est à tort que le préfet a mentionné qu'elle n'avait perçu que des revenus modestes et ce motif ne pouvait justifier légalement la décision ;

- alors que son titre de séjour était en fabrication selon les informations données par les services préfectoraux par courriel du 9 mai 2022, celle-ci a étonnement été annulée lorsque son compagnon a été arrêté par les services de police ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

sur les dommages et intérêts :

- elle est fondée à solliciter une somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et financier car elle a été privée d'emploi durant la période où elle était en situation irrégulière ; elle est suivie psychologiquement.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 11 août et 6 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées le 12 décembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires qui, formulées pour la première fois en appel, présentent le caractère de conclusions nouvelles et sont, comme telles, irrecevables.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008, et notamment son annexe IV dressant la liste des métiers ouverts aux ressortissants sénégalais sans opposition de la situation de l'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les observations de Me El Fekri, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 19 août 1992, est entrée en France le 22 octobre 2016, munie d'un visa. Une carte de séjour temporaire, portant la mention " étudiante ", lui a été délivrée et était valable du 5 décembre 2017 au 4 décembre 2018. Elle a été renouvelée à deux reprises. Une carte de séjour portant la mention " création d'entreprise " valable du 27 novembre 2020 au 26 novembre 2021 lui a ensuite été délivrée. Le 28 décembre 2021, elle a demandé son admission exceptionnelle au séjour. Sa demande a été " classée sans suite ", le 3 janvier 2022. Le 1er avril 2022, elle a déposé une nouvelle demande de titre de séjour. Par une décision du 22 juin 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Cette décision a été abrogée le 4 novembre 2022 et l'instruction de sa demande a été reprise. Par un nouvel arrêté du 30 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 novembre 2022 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la requérante reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus au point 2, à juste titre, par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié "," travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

4. D'une part, les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans toutes ses composantes.

5. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative, en application des dispositions de l'article L. 435-1 précité, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".

6. Mme A... fait valoir qu'elle a résidé régulièrement sur le territoire français pendant plus de cinq ans, sous couvert de titres de séjour " étudiant " puis pour la création d'une entreprise et qu'elle est diplômée d'un master à l'ICN Business School au titre de l'année 2019/2020. Par la production de contrats et bulletins de salaires démontrant qu'elle a exercé plusieurs emplois depuis l'année 2020, pour des emplois de personnel de conditionnement, d'agent d'exploitation logistique ou d'agent d'entretien, ainsi que d'une promesse d'embauche du 20 octobre 2022 en qualité de secrétaire administrative au sein d'une société dans laquelle elle a effectué en septembre et octobre 2022 un contrat de trois semaines en tant qu'assistante comptable, la requérante justifie d'une intégration par le travail. Toutefois, ces éléments ne caractérisent pas un motif exceptionnel, au sens et pour l'application des dispositions précitées, de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme A..., le préfet, qui a procédé à un examen de l'ensemble de sa situation en mentionnant toutes les pièces relatives à son activité professionnelle dont il était en possession et notamment le montant de ses revenus, n'a tiré aucune conséquence directe de ses revenus modestes sur son droit au séjour.

7. Par ailleurs, si la requérante se prévaut également de la naissance en France de ses deux enfants nés le 14 février 2021 et le 2 juillet 2022, son conjoint et père de ses enfants, de nationalité sénégalaise, est lui-même en situation irrégulière. Dans ces conditions, alors même que la requérante a pu nouer des liens en France, cette dernière ne peut pas être regardée comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale".

8. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant le séjour à Mme A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise, le préfet n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation.

9. En troisième lieu, la circonstance, aussi regrettable soit-elle que les services préfectoraux lui aient indiqué par erreur qu'un titre de séjour était en fabrication, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral attaqué.

10. En quatrième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que le préfet aurait entendu prendre en considération l'arrestation de son compagnon pour prendre la décision en litige.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. La requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui a été opposés par le tribunal administratif de Nancy, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le premier juge.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...);3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ;(...) ".

15. Lorsqu'un refus de titre de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de motivation spécifique. En l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour comporte l'énoncé des éléments de fait et de droit sur lesquels s'est fondé le préfet pour prendre sa décision. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

16. Mme A... n'a pas présenté de conclusions indemnitaires devant le tribunal administratif de Nancy. Ces conclusions, nouvelles en appel, sont donc irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation. Sa requête doit donc être rejetée dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... A..., à Me El Fekri et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. C...

2

N° 23NC02259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02259
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ASTERIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23nc02259 ?
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