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17/03/2023 | FRANCE | N°459720

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 17 mars 2023, 459720


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 12 novembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a enjoint à l'association France Galop de lui retirer l'autorisation de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver des chevaux de course, ainsi que la décision du même jour par laquelle cette société a procédé au retrait de ces autorisations. Par une ordonnance n° 2103821 d

u 7 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif a sus...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 12 novembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a enjoint à l'association France Galop de lui retirer l'autorisation de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver des chevaux de course, ainsi que la décision du même jour par laquelle cette société a procédé au retrait de ces autorisations. Par une ordonnance n° 2103821 du 7 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de ces deux décisions.

Par un pourvoi, enregistré le 22 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;

- le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 12 novembre 2021, le ministre de l'intérieur a enjoint à l'association France Galop, sur le fondement de l'article 12 du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, de retirer les autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver des chevaux de course qu'elle avait délivrées à M. B.... Par une décision du même jour, l'association France Galop a procédé au retrait de ces autorisations. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 7 décembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de ces deux décisions.

3. Aux termes de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux : " Sont seules autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l'agriculture. / Ces sociétés participent, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural. / Dans chacune des deux spécialités, course au galop et course au trot, une de ces sociétés de courses de chevaux est agréée comme société-mère. Chaque société-mère exerce sa responsabilité sur l'ensemble de la filière dépendant de la spécialité dont elle a la charge. Elle propose notamment à l'approbation de l'autorité administrative le code des courses de sa spécialité, délivre les autorisations qu'il prévoit, veille à la régularité des courses par le contrôle des médications, tant à l'élevage qu'à l'entraînement, et attribue des primes à l'élevage. / Les obligations de service public incombant aux sociétés-mères et les modalités de leur intervention sont définies par décret ". Aux termes du II de l'article 12 du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, pris pour l'application de ces dispositions : " Les sociétés mères : / (...) / Délivrent les autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver les chevaux de courses, selon les critères définis par leurs statuts et par le code des courses de chaque spécialité. Ces autorisations ne peuvent être accordées qu'après un avis favorable du ministre de l'intérieur émis au regard des risques de troubles à l'ordre public qu'elles sont susceptibles de créer. Elles peuvent être suspendues, pour une durée maximale de six mois ou être retirées par la société mère concernée à l'issue d'une procédure contradictoire engagée de sa propre initiative ou à la demande du ministre de l'intérieur. La société mère est tenue de suspendre ou de retirer l'autorisation si le ministre de l'intérieur maintient sa demande au vu des observations émises à l'occasion de la procédure contradictoire ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B... a commis, en 2014, des faits de violence par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, de violence avec usage ou menace d'une arme et de menace de mort réitérée et qu'il a commis, en 2015, des faits de détention non autorisée de stupéfiants et de conduite de véhicule en ayant fait usage de stupéfiants. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B... a été mis en examen en 2021 du chef d'escroquerie commise en bande organisée pour avoir, en sa qualité d'entraîneur, administré de façon répétée sur une période de plusieurs mois des produits dopants à des chevaux de course, ces faits ayant entraîné le placement sous contrôle judiciaire de l'intéressé le 9 septembre 2021.

5. En estimant que le moyen tiré de ce que les faits, mentionnés au point précédent, imputés à M. B... ne sont pas de nature à justifier le retrait de ses autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver des chevaux de course est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des mesures de police litigieuses, alors que ces faits n'étaient pas sérieusement contestés par l'intéressé et que la poursuite de l'activité de M. B... était susceptible de porter atteinte au bon déroulement des courses hippiques et des paris dont elles sont le support et, ainsi, de créer des troubles à l'ordre public, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Pour demander la suspension des décisions contestées, M. B... soutient qu'elles sont entachées d'insuffisance de motivation et que le retrait de ses autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver des chevaux de course n'est ni nécessaire ni proportionné. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ces décisions.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, M. B... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution des décisions du 12 novembre 2021 du ministre de l'intérieur et de l'association France Galop.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société France Galop, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, M. B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande, au même titre, l'association France Galop.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens du 7 décembre 2021 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association France Galop au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée à l'association France Galop.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 17 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 459720
Date de la décision : 17/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2023, n° 459720
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459720.20230317
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