La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2023 | FRANCE | N°462550

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 08 mars 2023, 462550


Vu la procédure suivante :

L'association Les Amis des Tuileries a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 12 novembre 2018 par lesquelles le président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre a autorisé l'association Le Monde festif en France à occuper l'esplanade des Feuillants du jardin des Tuileries du 16 novembre 2018 au 11 janvier 2019 et à ouvrir ses installations au public de 11h à 23h45 les dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, du 24 novembre 2018 au 6 janvier 2019. Par un jugement n° 1901270 du 18 mars 2021, ce tribunal

a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA02668 du 3 février 202...

Vu la procédure suivante :

L'association Les Amis des Tuileries a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 12 novembre 2018 par lesquelles le président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre a autorisé l'association Le Monde festif en France à occuper l'esplanade des Feuillants du jardin des Tuileries du 16 novembre 2018 au 11 janvier 2019 et à ouvrir ses installations au public de 11h à 23h45 les dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, du 24 novembre 2018 au 6 janvier 2019. Par un jugement n° 1901270 du 18 mars 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA02668 du 3 février 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'association Les Amis des Tuileries contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mars, 22 juin et 18 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Les Amis des Tuileries demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'établissement public du musée du Louvre la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de l'association Les Amis des Tuileries, à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de l'établissement public du musée du Louvre et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'association Le Monde festif en France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre a, par une convention d'occupation du domaine public conclue le 12 novembre 2018, autorisé l'association Le Monde festif en France à occuper l'esplanade des Feuillants du jardin des Tuileries du 16 novembre 2018 au 11 janvier 2019, périodes de montage et de démontage comprises, pour y organiser la manifestation " La Magie de Noël ". Par une décision n° DFJM/2018/61 du même jour, il a autorisé cette association, sur le fondement des articles 5 et 7 du règlement d'utilisation de jardin des Tuileries pour l'organisation de manifestations culturelle, festives et professionnelles du 30 septembre 2015, d'une part, à occuper l'esplanade des Feuillants pour le montage de ses installations du 16 au 23 novembre 2018 et pour leur démontage du 7 au 11 janvier 2019 et, d'autre part, à ouvrir ses installations au public du 24 novembre 2018 au 6 janvier 2019, les dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, de 11h à 23h45. L'association Les Amis des Tuileries se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la convention d'occupation du domaine public et, d'autre part, de la décision du 12 novembre 2018.

2. En premier lieu, aux termes de l'article de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-1-1 du même code : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-1-4 du même code : " Lorsque la délivrance du titre mentionné à l'article L. 2122-1 intervient à la suite d'une manifestation d'intérêt spontanée, l'autorité compétente doit s'assurer au préalable par une publicité suffisante, de l'absence de toute autre manifestation d'intérêt concurrente ".

3. Si l'association requérante soutenait, devant la cour administrative d'appel, que la convention en litige n'aurait pas été précédée d'une procédure de sélection préalable régulière, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 2122-1-1 et L. 2122-1-4 du code général de la propriété des personnes publiques, il est constant qu'elle n'alléguait pas avoir souhaité bénéficier d'une autorisation d'occupation de la dépendance du domaine public en cause en lieu et place de l'association Le Monde festif en France. Par suite, elle ne pouvait utilement se prévaloir d'un tel manquement aux règles préalables à la passation de cette convention, une telle irrégularité n'étant pas en rapport avec les intérêts lésés dont elle se prévalait. Il y a lieu de substituer ce motif, qui était opposé en défense devant les juges du fond et n'appelle pas l'appréciation de circonstances de fait, aux motifs retenus par l'arrêt de la cour administratif d'appel, dont ils justifient le dispositif.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques: " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation ". L'article L. 2122-1 du même code dispose que : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2122-2 du même code : " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire ". Enfin, aux termes de l'article L. 2122-3 : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire et révocable ". Il résulte de ces dispositions que si l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue, notamment, d'y exercer une activité économique, une telle autorisation, précaire et révocable, doit être compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine. S'agissant en particulier du jardin des Tuileries, si l'activité de fête foraine peut être regardée comme n'étant pas incompatible avec la destination de cette dépendance domaniale, ce n'est que sous réserve que les restrictions de temps et de lieu nécessaires soient apportées à son organisation.

5. D'une part, le règlement d'utilisation du jardin des Tuileries pour l'organisation de manifestations culturelles, festives et professionnelles du 30 septembre 2015 prévoit que ce jardin peut accueillir des animations et des manifestations à la condition qu'elles ne soient pas incompatibles avec la vocation du lieu, les nécessités de sa conservation et la préservation de la circulation du public dans le jardin. S'agissant plus particulièrement de l'esplanade des Feuillants et du carré du Sanglier, son article 5 limite à six mois, montage et démontage des installations compris, la durée annuelle maximale d'occupation de ces espaces par de telles manifestations et précise que la durée d'exploitation de chaque autorisation d'occupation du domaine public accordée à cette fin ne peut excéder deux mois, et deux jours pour le montage et démontage des installations, cette durée pouvant être prolongée pour une durée maximale de deux semaines sur décision du président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre, sans qu'une telle prolongation puisse conduire à dépasser la durée maximale d'occupation annuelle de six mois. Le règlement prévoit la possibilité d'autoriser, dans ce cadre, l'organisation de fêtes foraines sur l'esplanade des Feuillants.

6. Pour juger que l'association requérante n'était pas fondée à exciper de l'illégalité du règlement d'utilisation du jardin des Tuileries du 30 septembre 2015, en ce que son article 5 n'aurait pas suffisamment restreint la possibilité qu'il prévoit d'occupation de ce jardin par des fêtes foraines, la cour s'est fondée sur ce qu'il résultait des termes mêmes de cet article que les autorisations d'occupation susceptibles d'être délivrées étaient limitées, d'une part, dans le temps, tant en ce qui concerne chaque manifestation qu'en ce qui concerne la durée annuelle maximale d'occupation, et, d'autre part, dans l'espace, l'esplanade des Feuillants et le carré du Sanglier ne représentant qu'une faible part de la superficie du jardin des Tuileries. En statuant ainsi, la cour, qui n'a pas entaché son arrêt de dénaturation des faits ou des pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit, ni donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la convention d'occupation du domaine public et la décision du 12 novembre 2018 en litige ont autorisé l'organisation, du 16 novembre 2018 au 11 janvier 2019, sur l'esplanade des Feuillants, de la manifestation dénommée " La Magie de Noël ", comportant des manèges, des stands de restauration et d'artisans ainsi que des animations culturelles. En jugeant, après avoir relevé, d'une part, que la durée de cette manifestation était inférieure à deux mois et, d'autre part, que l'esplanade des Feuillants ne représentait que 11 560 mètres carrés par rapport à la superficie de plus de 25 hectares du jardin des Tuileries, que l'autorisation en litige était assortie des restrictions de temps et de lieu nécessaires pour assurer en l'espèce sa compatibilité avec l'affectation du jardin des Tuileries, la cour administrative d'appel n'a pas donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique.

8. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si l'autorisation d'occupation privative délivrée à l'association Le Monde festif en France ne conduisait pas à méconnaître la durée maximale d'occupation de l'esplanade des Feuillants prévue par l'article 5 du règlement d'utilisation du jardin des Tuileries est nouveau en cassation. Par suite, il ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Les Amis des Tuileries n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public du Musée du Louvre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'association Les Amis des Tuileries à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de cette association une somme de 1 500 euros à verser, respectivement, à l'établissement public du musée du Louvre et à l'association Le Monde festif en France.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'association Les Amis des Tuileries est rejeté.

Article 2 : L'association Les Amis des Tuileries versera une somme de 1 500 euros à l'établissement public du musée du Louvre et une somme de 1 500 euros à l'association Le Monde festif en France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Les Amis des Tuileries, à l'établissement public du musée du Louvre et à l'association Le Monde festif en France.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 8 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Lapierre

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 462550
Date de la décision : 08/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 mar. 2023, n° 462550
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Lapierre
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT ; SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462550.20230308
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award