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27/01/2023 | FRANCE | N°452256

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 janvier 2023, 452256


Vu la procédure suivante :

L'association France Horizon a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler le titre de perception émis le 24 juin 2019 pour le paiement de la somme de 111 997 euros au titre de la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, commerce et stockage en Ile-de-France, les décisions des 11 et 27 septembre 2019 par lesquelles le directeur régional et interdépartemental adjoint de l'équipement et de l'aménagement de la région

Ile-de-France a rejeté sa réclamation formée contre ce titre, ainsi que la mise en dem

eure de payer du 30 octobre 2019 majorant le montant de la somme à verser ...

Vu la procédure suivante :

L'association France Horizon a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler le titre de perception émis le 24 juin 2019 pour le paiement de la somme de 111 997 euros au titre de la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, commerce et stockage en Ile-de-France, les décisions des 11 et 27 septembre 2019 par lesquelles le directeur régional et interdépartemental adjoint de l'équipement et de l'aménagement de la région

Ile-de-France a rejeté sa réclamation formée contre ce titre, ainsi que la mise en demeure de payer du 30 octobre 2019 majorant le montant de la somme à verser de 10 % et de la décharger en conséquence de l'obligation de payer cette somme. Elle a également demandé au tribunal, à titre subsidiaire, de réduire l'assiette de la taxe en excluant les locaux d'une surface de 200 mètres carrés affectés préalablement à un usage de garages et, en conséquence, de la décharger partiellement de l'obligation de payer la somme mise à sa charge. Par un jugement n° 1924371 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mai et 4 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Horizon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 ;

- la décision du 23 septembre 2022 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association France Horizon ;

- la décision n° 2022-1026 du 25 novembre 2022 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association France Horizon ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de l'association France Horizon ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association France Horizon, créée sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 et spécialisée dans la gestion d'établissements sociaux, médico-sociaux et de crèches multi-accueil pour personnes en situation de précarité, a obtenu par arrêté du 19 avril 2019 un permis de construire pour la construction d'une crèche de trois étages sur sous-sol partiel avec toiture végétalisée d'une surface de 930 mètres carrés sur un terrain situé dans le 20ème arrondissement de Paris. Par courrier du 3 juin 2019, le directeur régional et interdépartemental adjoint de l'équipement et de l'aménagement de la région Ile-de-France a informé l'association que la délivrance du permis de construire donnait lieu à l'assujettissement à la taxe pour la construction de locaux commerciaux en

Ile-de-France pour un montant de 111 997 euros. L'association se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 mars 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 24 juin 2019 et de la mise en demeure valant commandement de payer du 30 octobre 2019, ainsi qu'à la décharge totale de l'obligation de payer, et, à titre subsidiaire, à la réduction de l'assiette de la taxe en excluant les locaux de 200 mètres carrés actuellement exploités comme garages détruits par le projet.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme applicable à partir du 1er janvier 2016 : " En région d'Ile-de-France, une taxe est perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage définis, respectivement, aux 1°, 2° et 3° du III de l'article 231 ter du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 520-8 du même code : " I. Pour les locaux à usage de bureaux et les locaux commerciaux, les tarifs de la taxe sont appliqués par circonscriptions, telles que définies ci-après : / 1° Première circonscription : Paris et le département des Hauts-de-Seine ; (...) II. Les tarifs au mètre carré sont ainsi fixés : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux : / 1ère circonscription : 400 euros ; 2° Pour les locaux commerciaux : 1ère circonscription : 129 euros ". Aux termes de l'article L. 520-6 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 : " Sont exonérés de la taxe prévue à l'article L. 520-1 : / (...) 2° Les locaux affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l'Etat, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial ; / (...) / 6° Les bureaux utilisés par les membres des professions libérales et les officiers ministériels ; / 7° Les locaux affectés aux associations constituées dans les formes prévues à l'article 10 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; / (...) ". Aux termes du III de l'article L. 520-7 du même code : " Ne sont pas pris en considération pour établir l'assiette de la taxe les locaux de caractère social ou sanitaire mis à la disposition du personnel ".

3. D'autre part, aux termes du III de l'article 231 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1° (...) les locaux à usage de bureaux, (...) s'entendent d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ; / 2° (...) les locaux commerciaux, (...) s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes couvertes ou non et des emplacements attenants affectés en permanence à ces activités de vente ou de prestations de service ; / (...) ".

4. Pour l'application de ces dispositions combinées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances pour 1999 dont elles sont issues, les locaux utilisés par des associations sont imposables dans la catégorie dite des locaux à usage de bureaux au sens du 1° du III de l'article 231 ter du code général des impôts, à l'exception de ceux qu'elles utilisent pour exercer, à titre lucratif, des activités de commerce ou de prestations de services et qui sont destinés à accueillir la clientèle, imposables dans la catégorie dite des locaux commerciaux au sens du 2° de ce même III.

5. En premier lieu, par sa décision n° 2022-1026 du 25 novembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution, d'une part, le renvoi opéré par l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, aux mots " ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif " figurant au 1° du III de l'article 231 ter du code général des impôts et aux mots " prestations de services " figurant au 2° du même III et, d'autre part, le 2° de l'article L. 520-6 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de la non-conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut, par suite, qu'être écarté.

6. En second lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris a jugé que les locaux de la crèche exploitée par l'association requérante constituaient des locaux commerciaux au sens des dispositions du 2° du III de l'article L. 231 ter du code général des impôts citées au point 3, au motif que le public s'y rendait afin d'y recevoir une prestation de services moyennant une rémunération.

7. En statuant ainsi, alors, que, d'une part, la perception d'une rémunération en contrepartie d'une prestation de services ne suffit pas, à elle-seule, à regarder cette prestation comme fournie à titre lucratif et que, d'autre part, il lui appartenait de distinguer parmi les locaux en litige, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, ceux, le cas échéant, destinés à accueillir une clientèle pour la réalisation, à titre lucratif, de prestations de services, regardés comme des locaux commerciaux au sens du 2° du III de l'article 231 ter du code général des impôts, et les autres, imposables dans la catégorie des locaux à usage de bureaux au sens du 1° du même III, le tribunal a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'association requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'association France Horizon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 4 mars 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à l'association France Horizon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association France Horizon et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 janvier 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et Mme Agathe Lieffroy, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 janvier 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

La rapporteure :

Signé : Mme Agathe Lieffroy

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 452256
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2023, n° 452256
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agathe LIEFFROY
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : CABINET FRANÇOIS PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:452256.20230127
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