La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°461929

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 17 novembre 2022, 461929


Vu la procédure suivante :

Mme E... G... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau de les proclamer élus à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 27 juin 2021 dans le canton du Moyen-Adour ou, à titre subsidiaire, d'annuler ces opérations électorales et, dans tous les cas, de suspendre le mandat des élus du canton de Moyen-Adour.

Par un jugement n° 2101724 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Pau a annulé les opérations électorales des 20 et 27 juin 2021 dans le canton du Moyen-Adour.

Par une requête,

un mémoire complémentaire et deux autres mémoires, enregistrés les 28 février, 25 ...

Vu la procédure suivante :

Mme E... G... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau de les proclamer élus à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 27 juin 2021 dans le canton du Moyen-Adour ou, à titre subsidiaire, d'annuler ces opérations électorales et, dans tous les cas, de suspendre le mandat des élus du canton de Moyen-Adour.

Par un jugement n° 2101724 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Pau a annulé les opérations électorales des 20 et 27 juin 2021 dans le canton du Moyen-Adour.

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux autres mémoires, enregistrés les 28 février, 25 mars, 12 mai et 1er août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... I... et M. H... C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la protestation de Mme G... et M. B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme G... et Monsieur B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 ;

- l'arrêté du 16 novembre 2018 pris en application des articles R. 5, R. 6 et R. 60 du code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Labrune, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme I... et de M. C... et à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme G... et de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du second tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 27 juin 2021 dans les communes de Laloubère et Horgues du canton du Moyen-Adour (Hautes-Pyrénées), le binôme de candidats formé par Mme I... et M. C..., qui a obtenu 2 509 voix, soit 50,01 % des suffrages exprimés, a été proclamé élu. Le binôme de candidats formé par Mme G... et M. B... a obtenu 2 508 voix, soit 49,99 % des suffrages exprimés. Mme I... et M. C... demandent au Conseil d'Etat d'annuler le jugement par lequel le tribunal administratif de Pau, à la demande de Mme G... et M. B..., a annulé les opérations électorales des 20 et 27 juin 2021 dans le canton du Moyen-Adour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes des dispositions du II de l'article L. 52-12 du code électoral : " Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs (...) ". En application de l'article 11 de la loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021 du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, la date limite mentionnée au II de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 17 septembre 2021 à 18 heures pour les élections relatives au renouvellement général des conseils départementaux.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 118-2 du code électoral : " Si le juge administratif est saisi de la contestation d'une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné, il sursoit à statuer jusqu'à réception des décisions de la commission instituée par l'article L. 52-14 qui doit se prononcer sur les comptes de campagne des candidats à cette élection dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai fixé au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 118-2 du code électoral que le juge administratif, saisi de la contestation d'une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné, sursoit à statuer jusqu'à réception des décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui doit se prononcer sur les comptes de campagne des candidats à cette élection dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai fixé au II de l'article L. 52-12 du même code.

5. Enfin, aux termes de l'article R. 114 du code électoral : " En cas de renouvellement général, le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de trois mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (...). / (...) Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 118-2, les délais prévus aux premiers et deuxième alinéas, dans lesquels le tribunal administratif doit se prononcer, courent à partir de la date de réception par le tribunal administratif des décisions de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou, à défaut de décision explicite, à partir de l'expiration du délai de deux mois prévu audit article ".

6. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Pau a reçu le 17 novembre 2021, avant l'expiration du délai fixé par l'article L. 118-2 du code électoral, qui a commencé à courir le 17 septembre 2021 en application des dispositions de l'article 11 de la loi du 22 février 2021 mentionnées au point 2, les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relatives aux comptes de campagne des candidats à l'élection de conseillers départementaux du canton du Moyen-Adour, circonscription dans laquelle le montant des dépenses électorales est plafonné. Par suite, en application de l'article R. 114 du code électoral, le tribunal administratif disposait, s'agissant du renouvellement général des conseils départementaux, d'un délai de trois mois à compter du 17 novembre 2021 pour se prononcer sur la protestation dont il était saisi. Le tribunal administratif ayant rendu son jugement le 1er février 2022, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait statué hors délai ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Il appartient au juge de l'élection de tirer les conséquences des irrégularités commises au cours du scrutin, en rectifiant, le cas échéant, les résultats de l'élection. Lorsqu'il est impossible de déterminer sur quelle liste ou en faveur de quel candidat s'est portée la voix à retrancher ou à ajouter aux suffrages exprimés, le juge de l'élection procède au calcul des résultats qui seraient constatés dans chacune des hypothèses, en vérifiant si la liste ou le candidat arrivé en tête conserve la majorité des suffrages. Pour prononcer l'annulation des opérations électorales qui se sont tenues les 20 et 27 juin 2021 dans le canton du Moyen-Adour, le tribunal administratif de Pau s'est fondé notamment sur le motif tiré de ce que onze suffrages irréguliers devaient être retranchés du décompte des suffrages exprimés le 27 juin 2021 en faveur de Mme I... et M. C... et que, ce nombre étant supérieur à l'écart d'une voix seulement séparant les deux binômes candidats, et compte tenu de la nature des griefs retenus, ce retrait entraînait l'annulation du second tour des opérations électorales, et, par voie de conséquence, celles du premier tour.

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 62 du code électoral : " A son entrée dans la salle du scrutin, l'électeur (...) prend, lui-même, une enveloppe. Sans quitter la salle du scrutin, il doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met son bulletin dans l'enveloppe ; (...) / Dans chaque bureau de vote, il y a un isoloir par trois cents électeurs inscrits ou par fraction. / (...) ".

9. Il ne résulte pas de l'instruction que les deux électeurs qui ont voté dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Laloubère sans passer par l'isoloir auraient été dans l'impossibilité de respecter cette formalité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les deux votes en cause ne devraient être retranchés ni du nombre des suffrages exprimés, ni du nombre de voix obtenues par les candidats proclamés élus.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 62-1 du code électoral : " (...) Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ".

11. Il résulte de l'instruction que, dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Laloubère, un électeur a voté sans procéder à l'émargement prévu par les dispositions du code électoral citées au point précédent. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce suffrage ne devrait être retranché ni du nombre des suffrages exprimés ni du nombre de voix obtenues par les candidats proclamés élus.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 11 qu'au moins trois suffrages irréguliers devaient être retranchés des suffrages exprimés et du nombre de voix obtenues par le binôme de candidats proclamé élu. Ce nombre est supérieur à l'écart d'une voix séparant les deux binômes de candidats. Ce motif justifiant à lui seul le dispositif du jugement attaqué, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort ce que le tribunal administratif de Pau a annulé l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton du Moyen-Adour, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens critiquant les autres motifs retenus par le jugement attaqué.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme G... et de M. B... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à leurs conclusions présentées au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme I... et de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme G... et M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme F... I..., à M. H... C..., à Mme E... G..., à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Nicolas Labrune, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 17 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Labrune

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 461929
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2022, n° 461929
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Labrune
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SCP GOUZ-FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:461929.20221117
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award