La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°454140

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 17 novembre 2022, 454140


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 454140, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés le 1er juillet 2021 et les 1er avril et 1er août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Conseil du commerce de France, l'association Performance investissement fiabilité économie maintenance, l'association Union des métiers et des industries de l'hôtellerie et le Groupement des entreprises industrielles de services textiles demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 24 novembre 2020 modifiant l'

arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des c...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 454140, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés le 1er juillet 2021 et les 1er avril et 1er août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Conseil du commerce de France, l'association Performance investissement fiabilité économie maintenance, l'association Union des métiers et des industries de l'hôtellerie et le Groupement des entreprises industrielles de services textiles demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 24 novembre 2020 modifiant l'arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, ainsi que le rejet implicite de leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 458758, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 24 novembre 2021 et le 26 avril 2022, l'association Conseil du commerce de France, l'association Performance investissement fiabilité économie maintenance, l'association Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, le Groupement des entreprises industrielles de services textiles, la Fédération française des pressings et des blanchisseries et l'Association française des laveries demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 29 septembre 2021 modifiant l'arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 ;

- le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 ;

- l'arrêté interministériel du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire ;

- l'arrêté interministériel du 13 avril 2022 modifiant l'arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 111-10-3, désormais repris à l'article L. 174-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l'habitation : " " I.- Des actions de réduction de la consommation d'énergie finale sont mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire, définis par décret en Conseil d'Etat, afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030,50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010. (...) / Tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l'obligation doit atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, les objectifs suivants : / 1° Soit un niveau de consommation d'énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 ; / 2° Soit un niveau de consommation d'énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. / Les objectifs mentionnés aux 1° et 2° du présent I peuvent être modulés en fonction : / a) De contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ; / b) D'un changement de l'activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ; / c) De coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d'énergie finale. / La chaleur fatale autoconsommée par les bâtiments soumis à obligation peut être déduite de la consommation, contribuant ainsi à atteindre les objectifs. / La consommation d'énergie liée à la recharge de tout véhicule électrique et hybride rechargeable est déduite de la consommation énergétique du bâtiment et ne rentre pas dans la consommation de référence. / II. - Les propriétaires des bâtiments ou des parties de bâtiments et, le cas échéant, les preneurs à bail sont soumis à l'obligation prévue au I pour les actions qui relèvent de leurs responsabilités respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations. Ils définissent ensemble les actions destinées à respecter cette obligation et mettent en œuvre les moyens correspondants chacun en ce qui les concerne, en fonction des mêmes dispositions contractuelles. / Chaque partie assure la transmission des consommations d'énergie des bâtiments ou parties de bâtiments la concernant pour assurer le suivi du respect de son obligation. (...) / III. - Un décret en Conseil d'Etat détermine :1° Les catégories de bâtiments soumis à l'obligation prévue au I, en fonction de leur surface et du type d'activité qui y est exercée à titre principal ; / (...) ; / 3° Les conditions d'application de la modulation prévue aux a, b et c dudit I ; / 4° Les modalités de mise en place d'une plateforme informatique permettant de recueillir et de mettre à disposition des personnes soumises à l'obligation prévue au même I, de manière anonymisée, à compter du 1er janvier 2020, les données de consommation et d'assurer le suivi de la réduction de consommation d'énergie finale, ainsi que les modalités de transmission de ces données ".

2. Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 131-39 du code de la construction et l'habitation, issu du décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans les bâtiments à usage tertiaire, désormais repris à l'article R. 174-23, dispose que : " I. - Pour la détermination des objectifs de réduction de la consommation énergétique finale mentionnée au 2° du III de l'article L. 111-10-3 : / 1° La consommation énergétique de référence mentionnée au 1° du I de l'article L. 111-10-3 correspond à la consommation d'énergie finale du bâtiment, de la partie de bâtiment ou de l'ensemble de bâtiments à usage tertiaire, constatée pour une année pleine d'exploitation et ajustée en fonction des variations climatiques selon une méthode définie par arrêté pris par les ministres chargés de la construction, de l'énergie et des outre-mer ; / 2° Le niveau de consommation d'énergie finale d'un bâtiment, d'une partie de bâtiment ou d'un ensemble de bâtiments, fixé en valeur absolue en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de la même catégorie, mentionné au 2° du I de l'article L. 111-10-3, est déterminé par un arrêté des ministres chargés de la construction, de l'énergie et des outre-mer, pour chaque échéance de 2030, 2040 et 2050, sur la base d'indicateurs d'intensité d'usage de référence spécifiques pour chaque catégorie d'activité ajustés en fonction des conditions climatiques de référence. " Aux termes de l'article R. 131-40, désormais codifié à l'article R. 174-26 : " I. - La modulation des objectifs de réduction de consommation d'énergie finale, prévue au a du I de l'article L. 111-10-3, peut être mise en œuvre lorsque certaines actions susceptibles de contribuer à l'atteinte de l'objectif : / 1° Font courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos couvert du bâtiment ; / 2° Entraînent des modifications importantes de l'état des parties extérieures ou des éléments d'architecture et de décoration de la construction, (...) ; / 3° Ne sont pas conformes à toutes autres servitudes (...). / Les conditions de la modulation prévue au présent I sont précisées par arrêté des ministres chargés de la construction, de l'énergie, de la culture, du domaine et des outre-mer. / II. - La modulation des objectifs de réduction de la consommation d'énergie finale en fonction du volume d'activité, prévue au b du I de l'article L. 111-10-3, est mise en œuvre à partir des indicateurs d'intensité d'usage de référence spécifiques à chaque catégorie d'activités, dans les conditions fixées par arrêté pris par les ministres chargés de la construction, de l'énergie, du domaine et des outre-mer. III. - La modulation des objectifs de réduction de la consommation d'énergie finale en raison des coûts manifestement disproportionnés des actions nécessaires par rapport aux avantages attendus, prévue au c du I de l'article L. 111-10-3, est mise en œuvre sur la base d'une argumentation technique et financière. (...). " Aux termes de l'article R. 131-41 du code, désormais repris à l'article R. 174-27 : " La plateforme numérique prévue au 4° du III de l'article L. 111-10-3 est mise en place par l'Etat ou, sous son contrôle, par un opérateur désigné par arrêté des ministres chargés de la construction et de l'énergie. / Pour chaque bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiment soumis à l'obligation de réduction de la consommation d'énergie finale, le propriétaire et, le cas échéant, le preneur à bail déclarent sur la plateforme : / 1° La ou les activités tertiaires qui y sont exercées ; / 2° La surface des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments soumis à l'obligation ; / 3° Les consommations annuelles d'énergie par type d'énergie, des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments ; / 4° Le cas échéant, l'année de référence mentionnée au 1° de l'article R. 131-39 et les consommations de référence associées, par type d'énergie, avec les justificatifs correspondants ; / 5° Le cas échéant, le renseignement des indicateurs d'intensité d'usage relatifs aux activités hébergées, permettant de déterminer l'objectif de consommation d'énergie finale en application du 2° de l'article R. 131-39 et, éventuellement, de le moduler en application du II de l'article R. 131-40 ; / 6° Le cas échéant, les modulations prévues à l'article R. 131-40. La modulation qui porte sur le volume de l'activité est effectuée automatiquement par la plateforme numérique sur la base des indicateurs d'intensité d'usage spécifiques aux activités concernées ; / 7° Le cas échéant, la comptabilisation des consommations d'énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. / Chaque année à partir de 2021 sont transmises, au plus tard le 30 septembre, les données relatives à l'année précédente. " Aux termes de l'article R. 174-27, entré en vigueur le 1er novembre 2021 : " (...) ces données sont transmises chaque année à des échéances fixées par un arrêté conjoint des ministres chargés de la construction et de l'énergie. " Enfin, aux termes de l'article R. 131-41-3, repris à l'article R. 174-30 : " Les modalités de droits d'accès à la plateforme numérique, de transmission des données, d'exploitation, de capitalisation et de restitution de leur exploitation sont prévues par arrêté des ministres chargés de l'énergie et de la construction. Les données sont rendues anonymes et leur exploitation ainsi que leur publication respectent le secret des affaires ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que les propriétaires et les preneurs à bail de bâtiments à usage tertiaire sont tenus d'établir un plan d'action permettant d'atteindre, d'ici les années 2030, 2040 et 2050, un objectif de réduction progressive de leur consommation d'énergie finale exprimé, au choix, en valeur relative ou en valeur absolue. Cet objectif peut être modulé pour tenir compte des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales auxquelles les bâtiments concernés peuvent être soumis, de leur volume d'activité calculé à partir d'indicateurs d'intensité d'usage ou encore du caractère disproportionné du coût des mesures à mettre en œuvre par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d'énergie finale. Peuvent également être déduits de la consommation énergétique finale la " chaleur fatale ", ainsi que celle liée à la recharge de véhicules électriques et hybrides. Les données permettant ainsi de mesurer la proportion dans laquelle sont atteints les objectifs de réduction de la consommation énergétique doivent être transmises, sous peine des sanctions prévues à l'article R. 131-44, repris à l'article R. 185-2 du code de la construction et de l'habitation, sur une plateforme numérique dénommée " Observatoire de la Performance Energétique de la Rénovation et des Actions du Tertiaire " (OPERAT), afin d'assurer le suivi annuel de ces obligations.

4. Pour l'application de ces dispositions, l'arrêté interministériel du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire a notamment précisé les conditions de détermination et de modulation du niveau des objectifs de consommation d'énergie finale à atteindre ainsi que les modalités de transmission, d'exploitation et de restitution des données recueillies.

5. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, l'association Conseil du commerce de France et autres demandent l'annulation des arrêtés des 24 novembre 2020 et 29 septembre 2021 qui ont modifié l'arrêté du 10 avril 2020.

Sur les interventions :

6. Eu égard à leur objet, l'Association française des laveries et la Fédération française des pressings et des blanchisseries ont intérêt à contester l'arrêté du 24 novembre 2020. Par suite, leurs interventions sont recevables.

Sur l'arrêté du 24 novembre 2020 :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. Il ressort des pièces du dossier que le Conseil national d'évaluation des normes a été consulté sur le projet d'arrêté. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce conseil manque en fait.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. En premier lieu, le moyen tiré par les associations requérantes de ce que l'arrêté attaqué n'aurait pas été pris dans un délai raisonnable ne peut en tout état de cause qu'être écarté comme inopérant.

9. En deuxième lieu, ni les dispositions citées aux points 1 et 2 ni aucun principe ne faisaient obligation aux ministres compétents de prendre l'ensemble des dispositions réglementaires nécessaires à leur application en une seule fois. Dès lors, la circonstance que l'arrêté attaqué ne préciserait ni les valeurs absolues ni les indicateurs d'intensité d'usage des activités relevant des secteurs du commerce, de l'hôtellerie, de la restauration et de la blanchisserie, ainsi que le prévoit le 2° du I de l'article R. 131-39 du code de la construction et l'habitation, n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité.

10. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté comporterait des données erronées n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. En quatrième lieu, les associations requérantes ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui de leur requête, de la circulaire du Premier ministre du 23 mai 2011 relative aux dates communes d'entrée en vigueur des normes concernant les entreprises et de la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013 relative à la mise en gel de la réglementation, qui se bornent à fixer des orientations pour l'organisation du travail gouvernemental. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait illégal au motif qu'il est entré en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel ne peut qu'être écarté. Si les associations requérantes soutiennent également qu'elles étaient dans l'impossibilité de transmettre en temps utile leurs données de consommation, et que l'arrêté serait ainsi illégal faute d'avoir prévu, sur ce point, un différé d'application, son article 16 a prévu, notamment, que la consommation énergétique de référence de l'année 2020 peut être déclarée jusqu'au 30 septembre 2022. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure transitoire serait insuffisante.

12. En cinquième lieu, les associations requérantes ne sont pas davantage fondées à soutenir que le principe de sécurité juridique aurait été méconnu aux motifs que l'arrêté attaqué, d'une part, comporte des données susceptibles d'évolution, d'autre part, ne fixe pas les objectifs en valeur absolue et les indicateurs d'intensité d'usage des activités de commerce, d'hôtellerie, de restauration et de blanchisserie. En revanche, dès lors que l'absence de fixation de ces dernières données ne met pas les opérateurs en mesure de choisir entre un objectif de réduction de leur consommation énergétique exprimé en valeur absolue ou en valeur relative ni de moduler cet objectif, cette circonstance doit être regardée comme faisant obstacle à ce que les opérateurs soient contraints de transmettre sur la plateforme OPERAT les informations mentionnées aux 4° à 7° de l'article R. 131-41 du code de la construction et de l'habitation, repris à l'article R. 174-27, tant que ces données n'auront pas été arrêtées. Il s'ensuit que, l'arrêté attaqué n'ayant ni pour objet ni pour effet d'obliger les opérateurs relevant des secteurs d'activités du commerce, de l'hôtellerie, de la restauration et de la blanchisserie à transmettre ces informations, les associations requérantes ne peuvent utilement soutenir qu'il serait à l'origine d'une rupture d'égalité entre ces opérateurs et ceux relevant des secteurs pour lesquels les objectifs en valeur absolue et les indicateurs d'intensité d'usage ont déjà été déterminés.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 131-41-1, repris à l'article R. 174-28 : " La déclaration annuelle des consommations d'énergie sur la plateforme numérique est réalisée par le propriétaire ou par le preneur à bail, selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations, et dans le cadre des dispositions relatives aux droits d'accès sur la plateforme numérique. Ils peuvent déléguer la transmission de leurs consommations d'énergie à un prestataire ou, sous réserve de leur capacité technique, aux gestionnaires de réseau de distribution d'énergie. Le preneur à bail peut déléguer cette transmission de données au propriétaire. / Les propriétaires et les preneurs à bail se communiquent mutuellement les consommations annuelles énergétiques réelles de l'ensemble des équipements et des systèmes dont ils assurent respectivement l'exploitation ".

14. Il résulte des dispositions des articles L. 174-1 et R. 131-41-1 du code de la construction et de l'habitation que l'obligation de déclaration des données relatives à la consommation énergétique incombe aux propriétaires et, le cas échéant, aux preneurs à bail, chacun pour ce qui lui incombe aux termes du bail conclu. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme, faute de définir la notion d'assujetti et de désigner la personne responsable de la transmission de ces informations. En outre, la circonstance que l'arrêté attaqué ne fixe pas les objectifs en valeur absolue et les indicateurs d'intensité d'usage des secteurs d'activité dont relèvent les requérants et ne comporte pas de dispositions applicables à l'outre-mer n'est pas, par elle-même, de nature à méconnaître cet objectif.

15. En septième lieu, si les associations requérantes font valoir que l'annexe IV relative au cadre type du dossier technique qu'en application du IV de l'article R. 131-40, repris à l'article R. 174-26, les opérateurs doivent remplir pour bénéficier d'une modulation de leur objectif de réduction de consommation d'énergie finale, ne permet pas de moduler cet objectif lorsque ce dernier est exprimé en valeur relative, il ressort toutefois de l'arrêté attaqué que celui-ci a modifié l'article 7 de l'arrêté du 10 avril 2020 pour prévoir qu'une telle modulation sera fixée selon la formule prévue au 3° de l'article 10, et qu'elle sera réalisée automatiquement par la plateforme OPERAT. Le moyen manque donc en fait.

16. En huitième lieu, compte tenu des modalités fixées par les articles 6 et 7 de l'arrêté selon lesquelles seront prises en compte les modulations des objectifs de réduction de la consommation d'énergie finale en raison de l'existence de contraintes architecturales, techniques ou patrimoniales, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l'article L. 174-1 du code de la construction et de l'habitation, en prévoyant qu'elles obéiraient à la même formule de calcul que celle utilisée pour la modulation fondée sur le volume d'activité.

17. En neuvième lieu, les requérants ne peuvent utilement soutenir dans le cadre de la présente instance que l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'article L. 174-1 du code de la construction et de l'habitation, faute de comporter une formule de calcul permettant de moduler les objectifs de réduction en raison d'une disproportion manifeste entre le coût des actions de réduction de la consommation énergétique et les avantages attendus en matière de consommation d'énergie finale, dès lors que cette formule résulte du I de l'article 11 de l'arrêté du 10 avril 2020 et n'a pas été modifiée par l'arrêté attaqué.

18. En dixième lieu, les requérants ne peuvent pas non plus utilement soutenir que la notion d'entité fonctionnelle aurait pour effet d'étendre le champ d'application de la réglementation à des bâtiments qui ne relèvent pas du secteur tertiaire, dès lors que sa définition, qui figure au d) de l'article 2 de l'arrêté du 10 avril 2020, n'a pas été modifiée par l'arrêté litigieux.

19. En onzième lieu, si l'annexe VI énumérant les données standardisées qui doivent être transmises et enregistrées sur la plateforme OPERAT et fixant un modèle de fichier, que l'arrêté attaqué intégrait parmi les annexes de l'arrêté du 10 avril 2020, ne comprenait pas de ligne permettant de renseigner les consommations d'énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, il a été remédié à cette omission par l'article 1er de l'arrêté du 13 avril 2022, devenu définitif, modifiant l'arrêté du 10 avril 2020, dont il n'est pas contesté qu'il n'avait pas reçu exécution sur ce point. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué en tant qu'il ne mentionne pas ces données parmi celles qui doivent être transmises à la plateforme OPERAT.

20. En douzième lieu, si les dispositions du IV de l'article 1er de l'arrêté attaqué ont modifié le 2° du II de l'article 5 de l'arrêté du 10 avril 2020 pour prévoir que la consommation énergétique de référence et les consommations énergétiques annuelles seraient ajustées en fonction des variations climatiques, sans distinguer les consommations liées à l'ambiance thermique générale et à la ventilation des locaux des consommations liées au refroidissement d'équipements de production ou de commercialisation, des dispositions procédant à cette distinction leur ont été ultérieurement substituées par le 9e du IV de l'article 1er de l'arrêté précité du 13 avril 2022. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre ces dispositions de l'arrêté attaqué, dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont pas reçu exécution avant leur modification, en tant qu'elles appliquent la même formule de correction climatique à l'ensemble des consommations d'énergie relatives au refroidissement.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2020.

Sur l'arrêté du 29 septembre 2021 :

En ce qui concerne la légalité externe :

22. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté attaqué vise par erreur des dispositions du code de la construction et de l'habitation abrogées et recodifiées à la date de son entrée en vigueur ne saurait affecter sa légalité.

23. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le Conseil national d'évaluation des normes a été consulté sur le projet d'arrêté. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce conseil manque en fait.

En ce qui concerne la légalité interne :

24. En premier lieu, le moyen tiré par les associations requérantes de ce que l'arrêté attaqué n'aurait pas été pris dans un délai raisonnable ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté comme inopérant.

25. En deuxième lieu, ainsi qu'il est dit au point 9, la seule circonstance que l'arrêté attaqué ne préciserait ni les valeurs absolues ni les indicateurs d'intensité d'usage des activités relevant des secteurs du commerce, de l'hôtellerie, de la restauration et de la blanchisserie et n'aurait pas prévu qu'en raison des perturbations d'activité liées à la crise sanitaire, les données de consommation de l'année 2021 ne puissent être considérées comme représentatives, ainsi qu'en dispose au demeurant désormais l'article 16 de l'arrêté du 10 avril 2020, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2022, n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité.

26. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté comporterait des données erronées n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

27. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 174-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, que : " Chaque partie assure annuellement la transmission des consommations d'énergie des bâtiments ou parties de bâtiments la concernant pour assurer le suivi du respect de son obligation. " Les requérants ne peuvent donc sérieusement soutenir qu'en imposant la transmission des données de consommation relatives aux années 2020 et 2021, l'arrêté attaqué ferait peser sur les opérateurs une charge disproportionnée et qui ne serait pas justifiée par l'objectif poursuivi par le législateur d'assurer le suivi annuel du respect de leur obligation de réduction de leur consommation énergétique.

28. En cinquième lieu, l'article 13 de l'arrêté du 10 avril 2020, dans sa rédaction issue de l'arrêté attaqué, dispose que : " Les données relatives à l'année 2020 sont transmises au plus tard le 30 septembre 2022. / Chaque année à partir de 2022 sont transmises, au plus tard le 30 septembre, les données relatives à l'année précédente. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit, notamment, de l'importance et de la nature des données à transmettre et du retard pris dans le déploiement de la plateforme OPERAT, l'arrêté attaqué du 29 septembre 2021, aurait, en imposant la transmission des données relatives aux années 2020 et 2021 sur la plateforme OPERAT au plus tard le 30 septembre 2022, soit un an après son édiction, méconnu le principe de sécurité juridique.

29. En revanche, ainsi qu'il est dit au point 12, faute de fixation par l'arrêté des valeurs absolues et des indicateurs d'intensité d'usage des activités relevant des secteurs du commerce, de l'hôtellerie, de la restauration et de la blanchisserie, les dispositions des 4° à 7° de l'article R. 131-41 du code de la construction et de l'habitation, repris à l'article R. 174-27, sont manifestement inapplicables aux opérateurs relevant de ce secteur. L'arrêté attaqué n'ayant ni pour objet ni pour effet d'obliger ces derniers à transmettre ces informations, les requérants ne peuvent, par suite, utilement soutenir qu'il porterait une atteinte illégale au principe d'égalité en ce qu'il prévoirait une date limite de transmission des données identiques pour tous les assujettis.

30. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2021.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées par les associations requérantes et, en tout état de cause, les intervenants soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions de l'Association française des laveries et de la Fédération française des pressings et des blanchisseries à l'appui de la requête n° 454140 sont admises.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 454140 dirigées contre l'arrêté du 24 novembre 2020 en tant que son annexe VI ne mentionne pas les consommations d'énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables parmi les données qui doivent être transmises à la plateforme OPERAT et en tant que les dispositions du IV de son article 1er appliquent la même formule de correction climatique à l'ensemble des consommations d'énergie relatives au refroidissement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 454140 et la requête n° 458758 sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions présentées par les associations requérantes et les intervenants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Conseil du commerce de France, première requérante dénommée, à l'Association française des laveries, à la Fédération française des pressings et des blanchisseries et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 17 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 454140
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2022, n° 454140
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454140.20221117
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award