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24/04/2025 | FRANCE | N°23BX01948

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 24 avril 2025, 23BX01948


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association OSI France Opérations a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge totale de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts à hauteur de 868 011 euros au titre des années 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2101602 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juillet 2023 et 12 février 2024, l'association OSI France Opérations, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association OSI France Opérations a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge totale de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts à hauteur de 868 011 euros au titre des années 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2101602 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juillet 2023 et 12 février 2024, l'association OSI France Opérations, représentée par Me Zimbris-Golleau, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2023 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale a fait une application erronée de l'article 200 du code général des impôts dès lors qu'elle remplit l'ensemble des conditions qui permettent à ses adhérents de bénéficier de réductions d'impôt sur leur revenu au titre des dons qu'ils lui versent ; l'association répond en effet à la qualification d'organisme d'intérêt général ayant un caractère éducatif et scientifique au sens de l'article 200 du code général des impôts et les volontaires bénévoles ne reçoivent pas de contrepartie à leurs dons ; elle peut par conséquent délivrer des reçus fiscaux au titre des sommes perçues ;

- les conditions d'application de l'amende prévue par l'article 1740 A du code général des impôts ne sont pas remplies dès lors qu'elle n'a pas sciemment délivré les reçus fiscaux prévus par l'article 200 du code général des impôts dans des conditions irrégulières ; elle est fondée à se prévaloir en application de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales de la décision de rescrit du 9 avril 2008 délivrée à une association membre de l'ONG internationale Objectif Sciences International.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2023 et 7 mars 2024, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par ordonnance du 12 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2024 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2018-739 QPC du 12 octobre 2018 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,

- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Zimbris-Golleau, représentant l'association OSI France Opérations.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Objectif Sciences International (OSI) France Opérations a pour objet le développement de l'éducation aux sciences et de la recherche scientifique dans une démarche de développement durable. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 à l'issue de laquelle l'administration, par une proposition de rectification du 19 août 2019, a remis en cause la possibilité pour l'association de délivrer des reçus fiscaux auxquels l'article 200 du code général des impôts subordonne le bénéfice d'une réduction d'impôts aux personnes effectuant des versements à son profit et l'a informée de l'application de l'amende prévue par l'article 1740 A du code général des impôts calculée à partir des sommes encaissées au titre des années 2016 et 2017. L'association a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de conclusions tendant à la décharge de l'amende qui, par un jugement du 17 mai 2023, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête, à concurrence d'un dégrèvement de l'amende de 539 219 euros intervenu le 9 novembre 2021, et a rejeté le surplus des conclusions. Par la présente requête, l'association OSI France Opérations demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur le bien-fondé de l'amende :

2. Aux termes de l'article 1740 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " La délivrance irrégulière de documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d'obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, un crédit d'impôt ou une réduction d'impôt, entraîne l'application d'une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents (...) ".

3. Dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2018-739 QPC du 12 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions non conformes à la Constitution au motif qu'elles méconnaissent le principe de proportionnalité en précisant, qu' " afin de faire cesser l'inconstitutionnalité, il y a lieu de juger que l'amende instituée par le premier alinéa de l'article 1740 A du code général des impôts s'applique uniquement aux personnes qui ont sciemment délivré des documents permettant à un contribuable d'obtenir un avantage fiscal indu ". Les réserve d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient aussi bien les autorités administratives que le juge pour l'application et l'interprétation de cette disposition.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 200 du code général des impôts : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, au profit : (...) / b) D'œuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'œuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ; / (...) ".

5. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement de la proposition de rectification du 19 août 2019 que, pour estimer que l'association OSI France Opérations délivrait à tort des reçus permettant aux contribuables de bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu prévue par les dispositions précitées, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que l'association OSI France Opérations qualifiait de dons l'ensemble des sommes qu'elle percevait de la part des participants aux différents séjours qu'elle propose.

6. Au soutien de ses conclusions, l'association fait valoir que les volontaires bénévoles, qu'elle qualifie de donateurs, ne reçoivent pas de contrepartie à leur don puisque, en se rapprochant de l'association, ils font le choix de participer à un projet de recherche scientifique en donnant de leur temps, au travers d'une mission organisée par l'association sur un thème. Il s'agit donc, selon l'association, de bénévolat scientifique, au travers duquel les participants bénévoles bénéficient des installations mises à leur disposition par l'association pour mettre en œuvre un protocole scientifique préétabli par cette dernière, et non de temps de loisirs. Il ressort toutefois de son site internet que l'association organise des séjours scientifiques dits de " recherches participatives solidaires " à destination des enfants, des adolescents, des familles et des adultes, qui se déroulent sur trois sites en France, dans la Drôme, dans les Pyrénées et en Bretagne. Ils sont présentés par l'association comme des " colonies de vacances scientifiques " ou des " camps de vacances scientifiques " qui permettent aux participants de " contribuer à l'avancée d'un projet de recherche scientifique à long-terme, construit en collaboration avec des partenaires académiques et techniques qui fournissent du matériel scientifique de pointe et permettent d'accéder à des lieux incroyables ". Au cours de la vérification de comptabilité, le service a relevé que les personnes souhaitant s'inscrire à un séjour scientifique disposent d'un " compte client " au travers duquel elles peuvent choisir l'ensemble des prestations proposées, à savoir différents séjours scientifiques mais également des prestations annexes telles que la possibilité de récupérer le participant à la gare ou à l'aéroport le plus proche, l'assurance annulation ou encore la possibilité de verser une somme à titre de libéralité pour soutenir l'action de l'association. Les sommes encaissées sont portées sur différents comptes : un compte 7541 intitulé " Actions de solidarité OSI " correspondant aux sommes perçues pour l'achat des séjours, un compte 7543 intitulé " Voyages accompagnés général " correspondant aux sommes forfaitaires liées aux frais de déplacement pour l'acheminement des participants de la gare ou de l'aéroport vers le site du séjour, un compte 7544 intitulé " Assurance annulation ", un compte 7545 intitulé " Hébergement et nourriture ", un compte 797 intitulé " Transfert de charges " qui comportait en 2016 les sommes versées par les résidents français ayant participé à un séjour organisé par l'association OSI CH Opérations dont le siège social est en Suisse, un compte 7713 intitulé " Libéralités perçues " et un compte 7585 intitulé " Contributions volontaires ", ces deux derniers comptes correspondant à des sommes versées par des personnes, sans contrepartie directe liée à la participation à un séjour. L'association a délivré des reçus fiscaux sur l'ensemble des sommes perçues au titre de ces différents comptes pour les années 2016 et 2017, déduction faite de réductions octroyées à différents titres, figurant en comptabilité. Or, le versement des sommes perçues pour l'achat de séjours et de prestations annexes comporte une contrepartie directe et ne peut être considéré comme procédant d'une intention libérale. Si l'association fait valoir que les sommes perçues ne financent que 57 % du coût total d'une mission, cette circonstance est sans incidence sur le champ d'application de la réduction d'impôt dès lors que les participants bénéficient d'une contrepartie réelle au versement du prix du séjour. Il est par ailleurs constant que l'association comptabilisait spécifiquement les dons en numéraire, dépourvus de toute contrepartie, sur les comptes 7713 et 7585. Dans ces conditions, et indépendamment même du nom du site internet de l'association qui constituerait, selon elle, une simple maladresse rédactionnelle, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la qualification de " don " pour les sommes perçues par l'association au titre des différentes prestations qu'elle propose.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté que l'association utilisait, sur son site internet ou sur ses plaquettes d'information, le bénéfice de la réduction d'impôt comme argument commercial tout en proposant une explication peu cohérente de la notion de don ou de contrepartie directe. L'association fait valoir que la mise en avant de ce dispositif incitatif n'atteste pas de sa mauvaise foi dès lors qu'elle considère remplir les conditions lui permettant d'émettre des reçus fiscaux. Il est toutefois constant que l'association, qui avait connaissance de la nécessité de versements de dons pour permettre aux donateurs de bénéficier du dispositif de réduction d'impôt, présente sur son site le montant des séjours déductible des impôts tout en rappelant, à ce titre, qu'un don implique une contribution financière sans contrepartie directe. Par ailleurs, sa comptabilité, et plus particulièrement l'existence de comptes intitulés " libéralités perçues " et " contributions volontaires " attestent bien de sa connaissance de la notion de " don " ou de " libéralité ". Dans ces conditions, c'est à a bon droit que l'administration a déduit de ces constatations l'intention de l'association OSI France Opérations de faire indûment bénéficier les participants à ses séjours du crédit d'impôt prévu à l'article 200 du code général des impôts et lui infliger, par suite, l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts.

8. Il résulte de ce qui précède que l'association OSI France Opérations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association OSI France Opérations demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association OSI France Opérations est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Objectif Sciences International (OSI) France Opérations et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01948
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : ZIMBRIS-GOLLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;23bx01948 ?
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