LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 décembre 2024
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1279 F-B
Pourvoi n° T 23-20.716
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024
M. [M] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-20.716 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société MAPE, Mesur Analys Process Environnemt, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [K], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société MAPE, Mesur Analys Process Environnemt, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023), M. [K] a été engagé en qualité de « business unit manager », le 4 novembre 2011, par la société MAPE (la société). A compter du 20 septembre 2016, il s'est vu confier, en sus de ses fonctions, celles de conseiller du président.
2. Il a été licencié le 17 avril 2018, pour faute lourde, en raison de son refus de collaborer avec la nouvelle direction et de ses propos critiques et dénigrants visant la société et ses dirigeants, tenus lors d'échanges électroniques et par SMS envoyés au moyen de son téléphone portable professionnel.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et aux fins de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en ses première et troisième à septième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement était justifié par une faute grave et de le débouter de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 2°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'en retenant, pour dire que les agissements reprochés à M. [K] étaient constitutifs d'une faute grave, que celui-ci avait critiqué auprès d'autres salariés la directive relative à l'obligation faite aux cadres de déclarer leurs heures de travail et celle incombant aux responsables d'unité d'exploitation de remplir leurs chiffres dans un logiciel, qu'il avait indiqué à un ancien collaborateur que la démarche de ce dernier d'attraire la société devant la juridiction prud'homale lui paraissait ''logique'' et à un autre qu'il y avait de fortes probabilités que la société perde devant cette juridiction, et enfin que ''les courriels, produits par M. [K] lui-même, postérieurs à la suppression de sa mission de conseiller du président, sont rédigés sur un ton sarcastique et contestataire qu'ils soient adressés au nouveau directeur technique et développement, son N+1, ou à ses collègues ou collaborateurs'', sans caractériser l'existence, par l'emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, d'un abus dans l'exercice de la liberté d'expression dont jouit tout salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'en retenant qu'étaient fautifs les propos tenus par M. [K] concernant les litiges opposant la société MAPE à deux anciens salariés, ainsi que ceux tenus à l'égard de M. [N], alors directeur d'exploitation, sans rechercher si compte tenu du cadre dans lequel ils avaient été tenus, strictement limité à des échanges de SMS, ces propos n'entraient pas dans le cadre d'un usage non abusif de la liberté d'expression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 du code du travail et 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
7. La cour d'appel a relevé que le salarié avait désigné un membre de la société sous la dénomination dénigrante « [R] » et avait détourné l'appellation « l'EPD » (entretien progrès développement) en répondant à son collègue en ces termes « on peut vraiment dire : le PD » pour désigner le directeur général M. [N], caractérisant ainsi l'existence, par l'emploi de termes injurieux et excessifs, d'un abus dans l'exercice de sa liberté d'expression, peu important le caractère restreint de la diffusion de ces propos.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen additionnel
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une conversation constituée de SMS échangés par le biais du téléphone professionnel du salarié, qui n'est pas destinée à être rendue publique, ne peut constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail ; qu'en retenant qu'étaient fautifs les propos tenus par M. [K] concernant les litiges opposant la société MAPE à deux anciens salariés, ainsi que ceux tenus à l'égard de M. [N], alors directeur d'exploitation, dans le cadre d'échanges par SMS qui constituaient une conversation privée, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel a constaté que les propos visés dans la lettre de licenciement avaient été tenus par le salarié par messages SMS envoyés au moyen de son téléphone portable professionnel, lors d'échanges avec des salariés en poste, ou des salariés ayant quitté la société concernant les litiges prud'homaux les opposant à celle-ci et, ensuite, qu'il s'agissait de propos critiques de la société et de propos dénigrants à l'égard de ses dirigeants.
11. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que les messages litigieux, qui bénéficiaient d'une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail et dont le contenu était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privé, la cour d'appel a exactement déduit, peu important que ces échanges ne fussent pas destinés à être rendus publiques, qu'ils pouvaient être retenus au soutien d'une procédure disciplinaire.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre.