LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier et le second moyens, réunis, ci-après annexés :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 mars 2018), que la société Acanthe a réalisé une opération de lotissement et vendu, par acte du 10 février 2006, à M. et Mme P..., le lot n° 36 cadastré n° [...] d'une superficie de 461 m² sur laquelle ils ont fait construire une maison d'habitation et fait édifier une clôture ; que, par acte authentique du 23 novembre 2007, M. et Mme P... ont vendu l'immeuble, par l'intermédiaire de la société Agence transactions immobilières, à M. E... et Mme R... ; que ceux-ci ont été mis en demeure par la société Acanthe de déplacer la clôture de leur terrain au motif qu'elle ne correspondait pas au bornage et qu'un espace vert à vocation communale, correspondant à la parcelle cadastrée n° [...], avait été intégré à tort dans leur propriété ; que, soutenant que le déplacement de la clôture avait amputé leur terrain, M. E... et Mme R... ont assigné M. et Mme P..., la société Agence transactions immobilières et la société Acanthe en réparation de leurs préjudices ;
Attendu que M. E... et Mme R... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Acanthe avait fait procéder en mai 2005, avant la vente à M. et Mme P..., au bornage des lots conformément au plan de bornage et qu'aucune erreur n'avait été démontrée, que le plan de bornage délimitait bien les parcelles [...] et [...] et qu'il avait été annexé à l'acte authentique de vente de l'immeuble à M. E... et Mme R..., que la consistance du bien en superficie était conforme aux énonciations du compromis et de l'acte de vente, que les acquéreurs ne justifiaient pas que les bornes apposées en 2005 avaient été déplacées, qu'il n'était pas démontré que M. et Mme P... savaient que la parcelle [...] n'était pas clôturée dans le respect des bornes apposées en 2005 et qu'ils étaient de mauvaise foi, et souverainement retenu que les acquéreurs ne justifiaient pas qu'ils n'auraient pas contracté si les circonstances avaient été connues d'eux et qu'ils ne rapportaient pas la preuve d'une faute de la société Acanthe de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions inopérantes, a pu en déduire qu'il n'y avait pas de réticence dolosive et que les demandes dirigées contre les vendeurs et le lotisseur devaient être rejetées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. E... et Mme R... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. E... et Mme R... et les condamne à payer la somme de 2 000 euros à M. et Mme P... et la somme de 2 000 euros à la société Acanthe ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. E... et Mme R....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. E... et Mme R... de leurs demandes contre les époux P... ;
Aux motifs que selon les pièces versées aux débats, la société Acanthe a fait réaliser une opération de lotissement sur un terrain situé à Combourg ; qu'il était précisé que les espaces communs du lotissement seraient rétrocédés à la commune et classés dans le domaine public ; que la société Acanthe a fait réaliser un bornage des parcelles selon un plan établi le 11 mai 2005 ; que par acte authentique du 10 février 2006, auquel était annexé le plan de bornage signé des époux P..., ces derniers ont acquis le lot n° 36 cadastré [...] , d'une superficie de 461 mètres carrés ; que les époux P... ont par la suite confié, ainsi qu'il résulte du devis qu'ils ont accepté en juillet 2007, la réalisation de la clôture de leur terrain à la société Les Jardins d'Alex ; qu'ils ont ensuite mis le bien en vente ; qu'une annonce décrivait la construction sur un « joli terrain de 461 mètres carrés environ » ; qu'un compromis était signé le 23 novembre 2007 avec les consorts E... R..., précisant que la surface du bien était de 461 mètres carrés ; que dans l'acte authentique signé le 23 novembre 2007, l'immeuble cadastré [...] était d'une contenance de 461 mètres carrés ; que l'acte précisait que les acquéreurs étaient tenus de toutes les obligations résultant de l'arrêté de lotir et du cahier des charges, documents qu'ils déclaraient bien connaître, tant par la lecture faite préalablement aux présentes qu'au moyen des copies remises par le vendeur, que par celle que leur donnait le notaire ; qu'ultérieurement, la société Acanthe a demandé aux consorts E... R... de déplacer la clôture qui ne correspondait pas au plan de bornage ; que les consort E... R... doivent justifier l'existence des manoeuvres des époux P... déterminantes de leur consentement ; que la cour constate que le plan de bornage qui délimite bien les parcelles [...] et [...] a été annexé à l'acte authentique ; qu'ils affirment l'existence d'un « bornage illicite » en 2008, d'un « déplacement physique du bornage » au-delà des 461 mètres carrés sur le terrain communal dont « personne d'autre qu'eux ne peut être à l'origine » sans le moindre document étayant un déplacement des bornes apposées en 2005 ; que rien non plus ne justifiait que la parcelle [...] aurait été mise à la disposition des époux P..., ce qui aurait permis à ces derniers de tromper les acquéreurs ; que rien ne permettait non plus de dire qu'ils ont prétendu vendre la parcelle [...] ; qu'aucun document ne permettait de justifier qu'ils savaient que la parcelle [...] n'était pas clôturée dans le respect des bornes apposées en 2005 et qu'ils étaient ainsi de mauvaise foi, qu'ils ont transmis les pièces qui étaient en leur possession ; qu'en définitive, aucun élément ne justifie l'existence d'une réticence dolosive de la part des vendeurs destinée à tromper les acquéreurs ; qu'au surplus, les acquéreurs ne justifiaient pas qu'ils n'auraient pas contracté si les circonstances avaient été connues d'eux ; que sur le défaut de délivrance, la consistance du bien en superficie qu'ils ont acquis en 2007 est conforme aux énonciations de l'annonce, du compromis et de l'acte authentique ; qu'ils ne sont victimes d'aucune éviction ; que les consorts E... R... ne peuvent invoquer un défaut de délivrance conforme ; que sur l'information précontractuelle, il apparaît que la clôture a été implantée sans respect des limites fixées par les bornes ; que, comme il a été dit plus haut, rien ne permet de dire que les époux P... avaient connaissance de ce fait ; que par conséquent, il ne peut leur être reproché un manquement à une information précontractuelle qu'ils ne pouvaient fournir sur ce point ; qu'ils n'avaient pas en outre obligation d'informer les acquéreurs que la parcelle [...] devait être rétrocédée à la commune, dès lors que la parcelle vendue ([...]) n'était pas la parcelle rétrocédée à la commune ; que le jugement serait infirmé ;
Alors 1°) que commet une réticence dolosive le vendeur d'un terrain qui omet d'informer l'acquéreur, lors de la visite préalable à l'achat, que l'implantation de la clôture n'est pas conforme à la délimitation du terrain et qu'une partie de ce terrain doit être rétrocédée à la commune ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si l'existence d'un bornage illicite par les époux P... ne résultait pas de l'injonction adressée par la société Acanthe aux acquéreurs de déplacer leur clôture non conforme à la délimitation du terrain, à la suite de l'implantation d'une clôture par la société « Les Jardins d'Alex » en 2007 à la demande des époux P..., implantation dont ceux-ci reconnaissait l'existence dans leurs écritures (p. 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Alors 2°) que le dol du vendeur destiné à tromper l'acquéreur sur les limites exactes du terrain vendu a nécessairement un caractère déterminant sur le consentement de l'acheteur ; qu'en énonçant que les acquéreurs ne justifiaient pas qu'ils n'auraient pas contracté si « les circonstances avaient été connues d'eux », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'élément déterminant de la vente ne résultait pas des caractéristiques perçues de visu lors de la visite (p. 13), qui se sont avérées ensuite ne pas correspondre à la réalité juridique, peu important que la superficie restante soit bien celle qui figurait sur les titres, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Alors 3°) que le vendeur d'un immeuble doit délivrer le bien avec la contenance contractuellement prévue ; qu'en déboutant les acquéreurs de leur demande fondée sur le manquement des époux P... à leur obligation de délivrance, après avoir constaté qu'il apparaissait que la clôture avait été implantée sans respect des limites fixées par les bornes et sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mauvaise implantation n'avait pas été réalisée par la société Les Jardins d'Alex à la demande des vendeurs, la cour d'appel a violé les articles 1604 et 1616 du code civil ;
Alors 4°) que la garantie d'éviction est due par le vendeur lorsqu'un tiers détient sur la chose vendue des droits que l'acquéreur ignorait ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si l'éviction subie par les acheteurs ne résultait pas de la lettre du 27 mai 2009 par laquelle la société Acanthe les avait informés qu'un espace vert à vocation communale avait été intégré à tort dans le terrain vendu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1626 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. E... et Mme R... de leur demande contre la société Acanthe ;
Aux motifs que cette société avait fait procéder au bornage des lots en mai 2005 conformément au plan de bornage avant la vente au profit des époux P... ; qu'aucune erreur n'avait été démontrée ; que par ailleurs, rien n'obligeait la société Acanthe à rétrocéder à la commune la parcelle [...] avant la vente de la parcelle [...] ; que les consorts E... R... ne rapportaient la preuve d'aucune faute commise par la société de nature à engager sa responsabilité ;
Alors que le lotisseur engage sa responsabilité lorsqu'il ne fixe pas nettement sur le terrain les limites des lots vendus ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas d'une délibération du conseil municipal de Combourg du 9 novembre 2001 que la société Acanthe était informée, bien avant la vente aux consorts E... R..., de la rétrocession dans le domaine public communal de la parcelle n° D [...], parcelle que les acheteurs ont cru comprise dans le terrain vendu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.