LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 janvier 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 11 FS-B
Pourvoi n° W 23-12.462
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025
La société Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-12.462 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [X] [B], épouse [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme [B], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 décembre 2022), Mme [B] a été engagée, en qualité d'ingénieure, le 6 mars 2000, par le Commissariat à l'énergie atomique. Son contrat de travail a été transféré, le 28 février 2002, à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (l'IRSN), établissement public à caractère industriel et commercial.
2. Le 23 mars 2018, elle a été licenciée pour faute grave.
3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'IRSN fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner, en conséquence, à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si les dispositions de l'article R. 592-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-283 du 10 mars 2016, confient au directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire le pouvoir de licencier les salariés sauf à réserver l'hypothèse d'une délégation de signature, l'article R. 592-23 du même code permet aux signataires d'un accord d'entreprise conclu avec les organisations syndicales collectives de fixer "les conditions générales d'emploi et de travail ainsi que les garanties sociales des salariés" et donc, à ce titre, de préciser les règles relatives à la procédure de licenciement et à la notification de la lettre de licenciement ; que l'article 4-402 de l'accord d'entreprise "relatif aux conditions générales d'emploi au sein de l'IRSN" en date du 21 octobre 2015 dispose que "le licenciement est prononcé par le directeur général ou son représentant" ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions réglementaires et conventionnelles que le directeur de l'IRSN qui dispose en principe du pouvoir de licencier le personnel peut soit déléguer sa signature pour l'exercice d'une partie de ses attributions selon les principes régissant un tel acte, soit déléguer son pouvoir de licencier à un salarié de l'entreprise ; que la délégation du pouvoir de licencier peut être tacite et résulter notamment de l'exercice des fonctions de directeur des ressources humaines ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement avait été signée par le directeur des ressources humaines ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorisait le directeur général de l'IRSN à déléguer ses pouvoirs en dehors d'une délégation de signature qui aurait dû faire l'objet d'une publicité suffisante antérieurement au prononcé du licenciement, pour déclarer en conséquence sans motif le licenciement notifié par le directeur des ressources humaines antérieurement à la formalisation et la publicité d'une délégation de signature, la cour d'appel a violé les articles R. 592-13 et R. 592-23 du code de l'environnement, dans leur rédaction résultant du décret n° 2016-283 du 10 mars 2016, l'article 13 du règlement intérieur de l'IRSN ainsi que l'article 4-402 de l'accord d'entreprise "relatif aux conditions générales d'emploi au sein de l'IRSN" en date du 21 octobre 2015, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article R. 592-13 du code de l'environnement, dans sa version antérieure au décret n° 2019-190 du 14 mars 2019, le directeur général représente l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Il est chargé, sous réserve des attributions du directeur général adjoint définies à l'article R. 592-14, de la mise en oeuvre des programmes et des opérations confiées à l'établissement, de la préparation et de l'exécution des décisions concernant l'organisation et le fonctionnement des services. Il assure la direction administrative et financière de l'établissement. Il exerce la direction des services et a, à ce titre, autorité sur le personnel. Il conclut les contrats de travail, recrute et licencie les salariés de toutes catégories. Il peut déléguer sa signature.
6. Aux termes de l'article R. 592-23 du même code, les conditions générales d'emploi et de travail ainsi que les garanties sociales des salariés de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire soumis au droit privé sont précisées par un accord d'entreprise conclu avec les organisations syndicales représentatives.
7. L'article 4-402 de l'accord d'entreprise relatif aux conditions générales d'emploi, du 21 octobre 2015, dispose que tout salarié à l'égard duquel est envisagé un licenciement doit être reçu par le directeur des ressources humaines, ou son représentant, puis que le licenciement est prononcé par le directeur général, ou son représentant.
8. L'article 13 du règlement intérieur de l'IRSN prévoit que les sanctions sont prononcées par le directeur général, après avis du conseil de discipline, lui-même présidé par le directeur délégué aux ressources humaines, ou son représentant, et après un entretien avec celui-ci.
9. Il en résulte qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le directeur de l'IRSN à déléguer son pouvoir de licencier.
10. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, après avoir constaté que la lettre de licenciement n'avait pas été signée par le directeur général de l'établissement mais par le directeur des ressources humaines, lequel n'avait reçu délégation de signature que le 20 avril 2018, soit postérieurement à la notification du licenciement, en a déduit, nonobstant les dispositions de l'article 4-402 de l'accord d'entreprise, que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt-cinq.