LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 128 F-D
Pourvoi n° B 21-23.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025
La société Immobiliare Concordia, société de droit italien, dont le siège est [Adresse 4] (Italie), a formé le pourvoi n° B 21-23.315 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Union bancaire privée, société de droit suisse, dont le siège est [Adresse 3] (Suisse),
2°/ à la société Fiduciaire internationale consultants, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Josc 2, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La société Union bancaire privée a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Immobiliare Concordia, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat des sociétés Union bancaire privée et Josc 2, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Union bancaire privée (la banque) du désistement de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'elle est dirigée contre la société Fiduciaire internationale consultants.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2021), la banque a fait délivrer, le 26 octobre 2017, un commandement de payer valant saisie immobilière à la société Immobiliare Concordia (la société), commandement dénoncé à la société Fiduciaire internationale consultants, créancier inscrit.
3. Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe du juge de l'exécution le 22 février 2018.
4. Après échec de la vente amiable, la vente forcée a été ordonnée, par jugement rendu le 13 juin 2019, pour une adjudication à l'audience du 24 octobre 2019.
5. Le 19 septembre 2019, la société a déposé des conclusions aux fins de voir prononcer la nullité des publicités ou, à titre subsidiaire, leur caducité.
6. Par jugement du 17 octobre 2019, un juge de l'exécution a déclaré la société irrecevable en sa contestation relative aux mentions contenues dans les publicités afférentes à la superficie des biens vendus et l'a déboutée de ses autres demandes.
7. Le 21 octobre 2019, la société a relevé appel de ce jugement.
Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
8. La banque fait grief à l'arrêt de juger recevable l'appel formé par la société contre le jugement du 17 octobre 2019 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, alors :
« 1°/ qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ; qu'en matière de procédure de saisie immobilière, la personne ayant formé une déclaration de surenchère au cours de l'instance d'appel doit être attraite dans la cause par l'appelant quand bien même cette déclaration aurait été annulée par un jugement intervenu au cours de cette instance ; qu'en relevant que Mme [Z] [R] avait formé une déclaration de surenchère le 4 novembre 2019, qui a ensuite été annulée par un jugement du 4 juin 2020, la cour d'appel s'est prononcée par une considération impropre à exclure l'obligation pour la société, qui avait interjeté appel, le 21 octobre 2019, d'un jugement statuant sur une contestation de la régularité d'une procédure de saisie immobilière, d'attraire, à peine d'irrecevabilité de son appel, Mme [Z] [R] dans la cause, de sorte qu'elle a violé l'article 553 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance ; qu'en matière de procédure de saisie immobilière, la personne ayant formé une déclaration de surenchère au cours de l'instance d'appel doit être attraite dans la cause par l'appelant quand bien même cette déclaration aurait été annulée par un jugement intervenu au cours de cette instance ; qu'en relevant que Mme [Z] [R] avait formé une déclaration de surenchère le 4 novembre 2019, qui a ensuite été annulée par un jugement du 4 juin 2020, la cour d'appel s'est prononcée par une considération impropre à exclure l'obligation pour la société, qui avait interjeté appel, le 21 octobre 2019, d'un jugement statuant sur une contestation de la régularité d'une procédure de saisie immobilière, d'attraire, à peine d'irrecevabilité de son appel, Mme [Z] [R] dans la cause, de sorte qu'elle a violé l'article 553 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Ayant retenu que le lien d'indivisibilité existant en matière de saisie immobilière n'imposait pas à la société de signifier sa déclaration d'appel du 21 octobre 2019 ni à la société Josc 2 ni à Mme [Z], lesquelles n'étaient pas parties au jugement frappé d'appel, la première ayant été déclarée adjudicataire lors de l'audience ultérieure du 24 octobre suivant, la seconde ayant formé une déclaration de surenchère le 4 novembre suivant, ensuite annulée par jugement du 4 juin 2020, c'est à bon droit que la cour d'appel a débouté la banque de ses demandes de caducité et d'irrecevabilité de l'appel.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. La société fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa contestation relative aux mentions contenues dans les publicités afférentes à la superficie des biens vendus comprenant l'appartement et la terrasse et, en conséquence, de déclarer irrecevable sa demande relative à la nullité de la vente sur adjudication en date du 24 octobre 2019 et de la débouter de sa demande de report de la vente forcée pour force majeure, alors « que, de première part, lorsqu'elles portent sur des actes de la procédure de saisie immobilière qui sont postérieurs à l'audience d'orientation, les contestations ou demandes incidentes ne sont pas irrecevables, pour la raison qu'elles ont été soulevées après l'audience d'orientation ; qu'en énonçant, par conséquent, pour la déclarer irrecevable en sa contestation relative aux mentions contenues dans les publicités afférentes à la superficie des biens vendus, qu'ayant eu connaissance des mentions afférentes à la superficie
intérieure du bien saisi et à celle de sa terrasse, figurant dans les actes de procédure antérieurs à l'audience d'orientation, la société, qui n'avait élevé aucune contestation à cette audience d'orientation de ces chefs, est irrecevable à contester les superficies mentionnées dans les publicités de la vente forcée et que le moyen tiré de ce que les publicités constitueraient des actes postérieurs à l'audience d'orientation était inopérant, quand la contestation soulevée par la société, relative aux mentions contenues dans les publicités afférentes à la superficie des biens vendus, portait sur des actes de publicité qui étaient, par définition, postérieurs à l'audience d'orientation et, partant, n'était pas irrecevable pour la raison qu'elle avait été soulevée après l'audience d'orientation, la cour d'appel a violé les dispositions des articles R. 311-5 et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution :
12. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du même code, à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
13. Pour déclarer la société irrecevable à contester les superficies mentionnées dans les publicités, l'arrêt retient que celles-ci n'ont fait que reproduire les mentions figurant dans le commandement de payer, le procès-verbal de description et le cahier des conditions de vente, notamment dans le certificat de superficie annexé, actes de procédure antérieurs à l'audience d'orientation, dont la société avait eu connaissance sans élever de contestation à l'audience d'orientation, le moyen tiré de ce que les publicités constitueraient des actes postérieurs à l'audience d'orientation étant inopérant.
14. En statuant ainsi, alors que la contestation portait sur les actes de publicité effectués après l'audience d'orientation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement entrepris en tant qu'il déclare la société irrecevable en sa contestation relative aux mentions contenues dans les publicités afférentes à la superficie des biens vendus entraîne la cassation du chef de dispositif confirmant le jugement en tant qu'il la déboute de sa demande de radiation des inscriptions et publications hypothécaires prises par le créancier poursuivant et de sa demande de report de la vente forcée pour force majeure, et de celui déclarant irrecevable sa demande relative à la nullité de la vente sur adjudication en date du 24 octobre 2019, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement entrepris en tant qu'il déclare la société Immobiliare Concordia Srl irrecevable en sa contestation relative aux mentions contenues dans les publicités afférentes à la superficie des biens vendus et en tant qu'il la déboute de sa demande de radiation des inscriptions et publications hypothécaires prises par le créancier poursuivant et de sa demande de report de la vente forcée, et en ce qu'il la déclare irrecevable en ses demandes relatives à la nullité de la vente sur adjudication en date du 24 octobre 2019, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne les sociétés Union bancaire privée, Josc 2 et Fiduciaire internationale consultants aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Union bancaire privée et Josc 2 et les condamne in solidum à payer à la société Immobiliare Concordia la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt-cinq.