La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2022 | FRANCE | N°21-14920;21-14921

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2022, 21-14920 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1305 F-D

Pourvois n°
B 21-14.920
C 21-14.921 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

La sociét

é Transports Cazaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° B 21-14.920 et C 21-14.921 contre deux arrêt...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1305 F-D

Pourvois n°
B 21-14.920
C 21-14.921 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

La société Transports Cazaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° B 21-14.920 et C 21-14.921 contre deux arrêts rendus le 11 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale section B), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [X] [C], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [Z] [D], domicilié [Adresse 2],

3°/ à Eurl [P] [H], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Partie intervenante :

La société CBF associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société Transports Cazaux.

La demanderesse au pourvoi n° B 21-14.920 invoque à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° C 21-14.921 invoque à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés Transports Cazaux et CBF associés, ès qualités, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Eurl [P] [H], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [D] et [C], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 21-14.920 et C 21-14.921 sont joints.

Intervention

2. Il est donné acte à la société CBF Associés de son intervention, en qualité d'administrateur judiciaire de la société Transports Cazaux, dans l'instance ouverte sous les pourvois n° B 21-14.920 et C 21-14.921 par cette société.

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 11 février 2021), M. [C] et M. [D] ont été engagés respectivement les 5 janvier et 3 septembre 2012 par la société Eurl [P] [H] en qualité de conducteurs d'engin polyvalent et étaient affectés à l'activité de terrassement urbain.

4. Au mois d'avril 2016, la société Transports Cazaux a repris l'exploitation des pelles articulées au maniement desquelles étaient affectés les salariés, lesquels ont ensuite travaillé à compter du 1er juin 2016 pour le compte de cette société en étant également affectés à la conduite de ces engins, sans avoir démissionné ni avoir été licenciés par leur précédent employeur.

5. Se prévalant notamment de la poursuite de leur contrat de travail dans le cadre du transfert d'une entité économique autonome ou, à tout le moins, d'une application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen des pourvois B 21-14.920 et C 21-14.921 et le troisième moyen du pourvoi B 21-14.920, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen des pourvois B 21-14.920 et C 21-14.921

Enoncé du moyen

7. La société Transports Cazaux fait grief aux arrêts de juger qu'il y a eu cession partielle d'activité, de constater l'application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de lui enjoindre sous astreinte de rétablir les salariés depuis le 1er juin 2016 dans leurs droits en procédant aux rectifications idoines sur leurs bulletins de salaire au niveau du taux horaire et aux rappels de salaire afférents et de leur ancienneté, alors :

« 1°/ que, pour valoir commencement de preuve, l'écrit doit émaner de la personne à laquelle il est opposé et non de celle qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, pour juger, après avoir écarté toute application de plein droit des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence manifeste des conditions d'application légales, que les sociétés [P] et Transports Cazaux auraient eu l'intention commune d'appliquer volontairement les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a retenu que la survenance du contrat de travail à durée indéterminée du salarié ‘'dans le contexte et aux conditions susvisées, à la suite de la reprise par la société Transports Cazaux de l'exploitation des pelleteuses au maniement desquelles étaient antérieurement affectés les salariés concernés, s'inscrit dans le cadre d'un faisceau d'indices d'éléments dont il s'évince l'intention commune des sociétés'‘ et que le projet d'acte de cession partielle d'actifs évoqué dans un courriel adressé à la société [P], le 2 juin 2016, par Me Fanny Solans, avocat en charge de sa rédaction, devait être rapproché du courriel adressé le 11 mai 2016 par M. [H] [P] affirmant que ‘'tous les éléments juridiques de notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains sont en cours de réalisation'‘ à M. [G] [Y] [W], fils du gérant de la société Transports Cazaux, lui ayant répondu ‘'pas de problème'‘ ; qu'en statuant ainsi, quand le ‘'projet'‘ d'acte de cession partielle d'actifs, jamais signé par la société Transports Cazaux, envoyé par Me Solans, à sa cliente, la société [P], par courriel du 2 juin 2016, qui ne constituait pas un écrit émanant de la personne à laquelle il était opposé, ne pouvait valoir commencement de preuve par écrit, et quand le seul courriel antérieur, en date du 11 mai 2016, de M. [G] [Y] [W], fils du gérant de la société Transports Cazaux, répondant ‘'aucun problème'‘ à un courriel du même jour de M. [P] qui lui confirmait seulement, sans faire aucune mention des contrats de travail de MM. [C] et [D], que ‘'tous les éléments juridiques de notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains sont en cours de réalisation'‘, n'était pas susceptible d'établir à lui seul la volonté claire et non équivoque de la société d'appliquer les dispositions de l'article L. 1224-1 aux contrats de travail de MM. [C] et [D], la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail, par fausse application ;

2°/ que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent la volonté de s'engager ; que cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a à aucun moment fait ressortir que la société Transports Cazaux ait été destinataire d'un projet de cession partielle d'actifs de la part de la société [P] faisant état d'un transfert des contrats de travail de ses deux salariés, MM. [C] et [D], ni encore moins d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, ce ‘'projet'‘ n'ayant été échangé qu'entre la société [P] et son propre conseil, nullement mandaté par la société Transport Cazaux ; que la cour d'appel n'a pas davantage fait ressortir que le courriel du 11 mai 2016 adressé par M. [H] [P] à M. [G] [Y] [W] et auquel ce dernier avait rapidement répondu ‘'pas de problème'‘ évoquait d'une quelconque manière une reprise volontaire des contrats de travail des deux salariés avec maintien de salaire, de l'ancienneté et des avantages afférents à leur contrat au sein de la société [P], le courriel évoquant seulement, selon les propres constatations de la cour d'appel, ‘'notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains'‘, dont la cour d'appel a elle-même retenu qu'il ne s'agissait pas d'une entité économique autonome dont la reprise pouvait emporter en soi transfert des contrats de travail ; qu'enfin, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que le courrier adressé le 21 mai 2016 aux deux salariés, M. [C] et [D], évoquant un ‘'transfert de contrat de travail'‘ permettant de maintenir l'ancienneté, le taux horaire et les avantages acquis, émanait de la seule société [P], ne pouvant stipuler pour la société Transports Cazaux, sans contreseing de la société Transports Cazaux ni même copie à cette dernière ; qu'en retenant toutefois une prétendue application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail malgré l'absence de toute convention signée en ce sens par la société Transports Cazaux manifestant sa volonté de s'engager en ce sens, et sans faire ressortir aucune déclaration ni aucun comportement non équivoque de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101 et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 1101, 1102 et 1113 du code civil ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que la société faisait valoir que le transfert du contrat de travail du salarié en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, avait été revendiqué par l'ancien employeur dans le seul but d'éluder un licenciement pour motif économique ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant de la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent rejeter ou accueillir les prétentions des parties sans analyser l'ensemble des pièces fournies à l'appui de ces prétentions ; qu'en l'espèce, la société Transports Cazaux, pour fonder ses prétentions, a produit l'échange de courriels du 6 juin 2016 concernant sa demande auprès de la société [P] de lui transmettre les ‘'lettres de fin de contrats'‘ de M. [C] et de M. [D] en vue de leur embauche postérieurement à la rupture du contrat de travail qui les liait à la société [P] ; qu'en se bornant à affirmer que la société Transports Cazaux aurait entendu volontairement appliquer l'article L. 1224-1 du code du travail, sans aucunement viser ni analyser, même sommairement, cet élément dont il ressortait qu'elle croyait en réalité que les salariés concernés avaient été préalablement licenciés par la société [P] et qu'elle souhaitait obtenir les documents nécessaires pour procéder valablement à leur embauche, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a constaté, par motifs propres et adoptés, qu'après la reprise des deux pelleteuses au maniement desquelles étaient affectés les deux salariés de la société [P], qui était un sous-traitant de la société Transports Cazaux, et alors qu'avait été envisagée entre les deux sociétés une cession partielle d'actifs avec poursuite du contrat de travail des deux conducteurs affectés à l'activité de terrassement, en application de l'article L.1224-1 du code du travail, cession qui n'avait toutefois pas été signée, la société Transports Cazaux avait continué à employer, à compter du 1er juin 2016, les deux conducteurs de ces pelles articulées sur les mêmes chantiers et sous son autorité, en leur délivrant des bulletins de paie et en les rémunérant et que ce n'était qu'après la reprise des contrats de travail qu'elle avait remis en cause les termes de l'accord envisagé avec l'ancien employeur.

9. Elle a pu en déduire, sans avoir à répondre à un moyen qui, au regard de ses constatations, n'était pas de nature à avoir une influence sur la solution du litige, que la société Cazaux avait ainsi fait volontairement application de l'article L 1224-1 du code du travail, en poursuivant avec ces salariés, pour son propre compte, l'exploitation de ces pelleteuses et l'activité de terrassement auparavant exercée par la société [P].

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Transports Cazaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Transports Cazaux et la condamne à payer à MM. [C] et [D] la somme de 3 000 euros et à la société Eurl [P] [H] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Transports Cazaux, demanderesse au pourvoi n° B 21-14.920

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé qu'il y avait bien eu cession partielle d'activité, d'AVOIR constaté l'application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, d'AVOIR enjoint à la société Transports Cazaux de rétablir M. [C] depuis le 1er juin 2016 dans ses droits en procédant aux rectifications idoines sur ses bulletins de salaire au niveau du taux horaire et aux rappels de salaire y afférents et de son ancienneté et d'AVOIR assorti la condamnation prononcée contre la société Transports Cazaux lui enjoignant de rétablir M. [C] dans ses droits à compter du 1er juin 2016 s'agissant du taux horaire applicable (14,949 euros), du rappel de salaire afférent (36.047,74 euros outre 3.604,77 euros au titre des congés payés afférents) et de l'ancienneté (5 janvier 2012) d'une astreinte d'une astreinte de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir 30 jours après la notification du présent arrêt et ce, pendant un délai de 90 jours, délai au-delà duquel il appartiendra à la partie le plus diligente de saisir le juge de l'exécution ;

1) ALORS QUE pour valoir commencement de preuve, l'écrit doit émaner de la personne à laquelle il est opposé et non de celle qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, pour juger, après avoir écarté toute application de plein droit des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence manifeste des conditions d'application légales, que les sociétés [P] et Transports Cazaux auraient eu l'intention commune d'appliquer volontairement les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a retenu que la survenance du contrat de travail à durée indéterminée du salarié « dans le contexte et aux conditions susvisées, à la suite de la reprise par la société Transports Cazaux de l'exploitation des pelleteuses au maniement desquelles étaient antérieurement affectés les salariés concernés, s'inscrit dans le cadre d'un faisceau d'indices d'éléments dont il s'évince l'intention commune des sociétés » et que le projet d'acte de cession partielle d'actifs évoqué dans un courriel adressé à la société [P], le 2 juin 2016, par Me Fanny Solans, avocat en charge de sa rédaction, devait être rapproché du courriel adressé le 11 mai 2016 par M. [H] [P] affirmant que « tous les éléments juridiques de notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains sont en cours de réalisation » à M. [G] [Y] [W], fils du gérant de la société Transports Cazaux, lui ayant répondu « pas de problème » ; qu'en statuant ainsi, quand le « projet » d'acte de cession partielle d'actifs, jamais signé par la société Transports Cazaux, envoyé par Me Solans, à sa cliente, la société [P], par courriel du 2 juin 2016, qui ne constituait pas un écrit émanant de la personne à laquelle il était opposé, ne pouvait valoir commencement de preuve par écrit, et quand le seul courriel antérieur, en date du 11 mai 2016, de M. [G] [Y] [W], fils du gérant de la société Transports Cazaux, répondant « aucun problème » à un courriel du même jour de M. [P] qui lui confirmait seulement, sans faire aucune mention des contrats de travail de MM. [C] et [D], que « tous les éléments juridiques de notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains sont en cours de réalisation », n'était pas susceptible d'établir à lui seul la volonté claire et non équivoque de la société d'appliquer les dispositions de l'article L. 1224-1 aux contrats de travail de MM. [C] et [D], la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail, par fausse application ;

2) ALORS QUE le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent la volonté de s'engager ; que cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a à aucun moment fait ressortir que la société Transports Cazaux ait été destinataire d'un projet de cession partielle d'actifs de la part de la société [P] faisant état d'un transfert des contrats de travail de ses deux salariés, MM. [C] et [D], ni encore moins d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, ce « projet » n'ayant été échangé qu'entre la société [P] et son propre conseil, nullement mandaté par la société Transport Cazaux ; que la cour d'appel n'a pas davantage fait ressortir que le courriel du 11 mai 2016 adressé par M. [H] [P] à M. [G] [Y] [W] et auquel ce dernier avait rapidement répondu « pas de problème » évoquait d'une quelconque manière une reprise volontaire des contrats de travail des deux salariés avec maintien de salaire, de l'ancienneté et des avantages afférents à leur contrat au sein de la société [P], le courriel évoquant seulement, selon les propres constatations de la cour d'appel, « notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains », dont la cour d'appel a elle-même retenu qu'il ne s'agissait pas d'une entité économique autonome dont la reprise pouvait emporter en soi transfert des contrats de travail ; qu'enfin, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que le courrier adressé le 21 mai 2016 aux deux salariés, M. [C] et [D], évoquant un « transfert de contrat de travail » permettant de maintenir l'ancienneté, le taux horaire et les avantages acquis, émanait de la seule société [P], ne pouvant stipuler pour la société Transports Cazaux, sans contreseing de la société Transports Cazaux ni même copie à cette dernière ; qu'en retenant toutefois une prétendue application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail malgré l'absence de toute convention signée en ce sens par la société Transports Cazaux manifestant sa volonté de s'engager en ce sens, et sans faire ressortir aucune déclaration ni aucun comportement non équivoque de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101 et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 1101, 1102 et 1113 du code civil ;

3) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que la société faisait valoir que le transfert du contrat de travail du salarié, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, avait été revendiqué par l'ancien employeur dans le seul but d'éluder un licenciement pour motif économique ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant de la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) et ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter ou accueillir les prétentions des parties sans analyser l'ensemble des pièces fournies à l'appui de ces prétentions ; qu'en l'espèce, la société Transports Cazaux, pour fonder ses prétentions, a produit l'échange de courriels du 6 juin 2016 concernant sa demande auprès de la société [P] de lui transmettre les « lettres de fin de contrats » de M. [C] et de M. [D] en vue de leur embauche (pièce n° 7) postérieurement à la rupture du contrat de travail qui les liait à la société [P] ; qu'en se bornant à affirmer que la société Transports Cazaux aurait entendu volontairement appliquer l'article L. 1224-1 du code du travail, sans aucunement viser ni analyser, même sommairement, cet élément dont il ressortait qu'elle croyait en réalité que les salariés concernés avaient été préalablement licenciés par la société [P] et qu'elle souhaitait obtenir les documents nécessaires pour procéder valablement à leur embauche, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Transports Cazaux avec effet au 11 février 2021, d'AVOIR dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Transports Cazaux à payer à M. [C] sommes suivantes de 5.082,92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 508,29 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, 5.453,54 euros à titre d'indemnité de licenciement, 18.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu le manquement imputé à l'employeur, consistant en l'omission des conséquences de l'application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail et des manquements relatifs au taux salarial de l'intéressé entraînant une perte salariale de plus de 35.000 euros ; qu'en affirmant néanmoins que ces manquements empêchent la poursuite du contrat de travail, sans nullement faire ressortir que la société Cazaux persistait, au jour de la décision, à ne pas faire bénéficier le salarié des conséquences de l'application volontaire de l'article L. 1224-1, volonté qu'elle a par ailleurs jugée établie dans sa décision, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1224-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Transports Cazaux à verser à M. [C] les sommes de 186,86 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et de 18,67 euros au titre du rappel de congés payés sur heures supplémentaires ;

1) ALORS QUE toute décision de justice doit se suffire à elle-même et contenir les motifs de nature à la justifier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en se bornant à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Transports Cazaux au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents sans toutefois motiver sa décision, a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

2) et ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies par le salarié, il appartient à celui-ci de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en condamnant la société Cazaux au titre des heures supplémentaires, au motif que « M. [C] verse aux débats des bons de locations pour le mois de juin 2016 démontrant un dépassement d'horaire avec notamment des heures effectuées le samedi 25 juin 2016. Que les Transports Cazaux ne communiquent aucun élément permettant de justifier que lesdites heures supplémentaires ont été rémunérées », ce dont il s'évinçait que les éléments produits par le salarié n'étaient pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Transports Cazaux, demanderesse au pourvoi n° C 21-14.921

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé qu'il y avait bien eu cession partielle d'activité, d'AVOIR constaté l'application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, d'AVOIR enjoint à la société Transports Cazaux de rétablir M. [D] depuis le 1er juin 2016 dans ses droits en procédant aux rectifications idoines sur ses bulletins de salaire au niveau du taux horaire et aux rappels de salaire y afférents et de son ancienneté et d'AVOIR assorti la condamnation prononcée contre la société Transports Cazaux lui enjoignant de rétablir M. [D] dans ses droits à compter du 1er juin 2016 s'agissant du taux horaire applicable (14,949 euros), du rappel de salaire afférent (6.936,06 euros outre 693,60 euros au titre des congés payés afférents) et de l'ancienneté (3 septembre 2012) d'une astreinte d'une astreinte de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir 30 jours après la notification du présent arrêt et ce, pendant un délai de 90 jours, délai au-delà duquel il appartiendra à la partie le plus diligente de saisir le juge de l'exécution ;

1) ALORS QUE pour valoir commencement de preuve, l'écrit doit émaner de la personne à laquelle il est opposé et non de celle qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, pour juger, après avoir écarté toute application de plein droit des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence manifeste des conditions d'application légales, que les sociétés [P] et Transports Cazaux auraient eu l'intention commune d'appliquer volontairement les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel a retenu que la survenance du contrat de travail à durée indéterminée du salarié « dans le contexte et aux conditions susvisées, à la suite de la reprise par la société Transports Cazaux de l'exploitation des pelleteuses au maniement desquelles étaient antérieurement affectés les salariés concernés, s'inscrit dans le cadre d'un faisceau d'indices d'éléments dont il s'évince l'intention commune des sociétés » et que le projet d'acte de cession partielle d'actifs évoqué dans un courriel adressé à la société [P], le 2 juin 2016, par Me Fanny Solans, avocat en charge de sa rédaction, devait être rapproché du courriel adressé le 11 mai 2016 par M. [H] [P] affirmant que « tous les éléments juridiques de notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains sont en cours de réalisation » à M. [G] [Y] [W], fils du gérant de la société Transports Cazaux, lui ayant répondu « pas de problème » ; qu'en statuant ainsi, quand le « projet » d'acte de cession partielle d'actifs, jamais signé par la société Transports Cazaux, envoyé par Me Solans, à sa cliente, la société [P], par courriel du 2 juin 2016, qui ne constituait pas un écrit émanant de la personne à laquelle il était opposé, ne pouvait valoir commencement de preuve par écrit, et quand le seul courriel antérieur, en date du 11 mai 2016, de M. [G] [Y] [W], fils du gérant de la société Transports Cazaux, répondant « aucun problème » à un courriel du même jour de M. [P] qui lui confirmait seulement, sans faire aucune mention des contrats de travail de MM. [C] et [D], que « tous les éléments juridiques de notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains sont en cours de réalisation », n'était pas susceptible d'établir à lui seul la volonté claire et non équivoque de la société d'appliquer les dispositions de l'article L. 1224-1 aux contrats de travail de MM. [C] et [D], la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil dans sa version applicable au litige, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail, par fausse application ;

2) ALORS QUE le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent la volonté de s'engager ; que cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a à aucun moment fait ressortir que la société Transports Cazaux ait été destinataire d'un projet de cession partielle d'actifs de la part de la société [P] faisant état d'un transfert des contrats de travail de ses deux salariés, MM. [C] et [D], ni encore moins d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, ce « projet » n'ayant été échangé qu'entre la société [P] et son propre conseil, nullement mandaté par la société Transport Cazaux ; que la cour d'appel n'a pas davantage fait ressortir que le courriel du 11 mai 2016 adressé par M. [H] [P] à M. [G] [Y] [W] et auquel ce dernier avait rapidement répondu « pas de problème » évoquait d'une quelconque manière une reprise volontaire des contrats de travail des deux salariés avec maintien de salaire, de l'ancienneté et des avantages afférents à leur contrat au sein de la société [P], le courriel évoquant seulement, selon les propres constatations de la cour d'appel, « notre transfert d'activité sur la partie terrassement urbains », dont la cour d'appel a elle-même retenu qu'il ne s'agissait pas d'une entité économique autonome dont la reprise pouvait emporter en soi transfert des contrats de travail ; qu'enfin, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que le courrier adressé le 21 mai 2016 aux deux salariés, M. [C] et [D], évoquant un « transfert de contrat de travail » permettant de maintenir l'ancienneté, le taux horaire et les avantages acquis, émanait de la seule société [P], ne pouvant stipuler pour la société Transports Cazaux, sans contreseing de la société Transports Cazaux ni même copie à cette dernière ; qu'en retenant toutefois une prétendue application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail malgré l'absence de toute convention signée en ce sens par la société Transports Cazaux manifestant sa volonté de s'engager en ce sens, et sans faire ressortir aucune déclaration ni aucun comportement non équivoque de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101 et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, ensemble les articles 1101, 1102 et 1113 du code civil ;

3) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que la société faisait valoir que le transfert du contrat de travail du salarié, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, avait été revendiqué par l'ancien employeur dans le seul but d'éluder un licenciement pour motif économique ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant de la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) et ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter ou accueillir les prétentions des parties sans analyser l'ensemble des pièces fournies à l'appui de ces prétentions ; qu'en l'espèce, la société Transports Cazaux, pour fonder ses prétentions, a produit l'échange de courriels du 6 juin 2016 concernant sa demande auprès de la société [P] de lui transmettre les « lettres de fin de contrats » de M. [C] et de M. [D] en vue de leur embauche (pièce n° 7) postérieurement à la rupture du contrat de travail qui les liait à la société [P] ; qu'en se bornant à affirmer que la société Transports Cazaux aurait entendu volontairement appliquer l'article L. 1224-1 du code du travail, sans aucunement viser ni analyser, même sommairement, cet élément dont il ressortait qu'elle croyait en réalité que les salariés concernés avaient été préalablement licenciés par la société [P] et qu'elle souhaitait obtenir les documents nécessaires pour procéder valablement à leur embauche, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Transports Cazaux avec effet au 1er juin 2018, dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Transports Cazaux à payer à M. [D] les sommes suivantes de 5.475 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 547,50 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, 3.036,10 euros à titre d'indemnité de licenciement, 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les sommes de 2.000 euros à titre de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail et de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

ALORS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu le manquement imputé à l'employeur, consistant en l'omission des conséquences de l'application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail et des manquements relatifs au taux salarial de l'intéressé ayant entraîné une minoration du calcul des indemnités journalières qui lui avaient été versées par la Caisse primaire d'assurance maladie durant un arrêt de travail motivé par un état dépressif, qui aura duré du 14 mars 2017 jusqu'à la déclaration d'inaptitude médicale en date du 4 mai 2018 ; qu'en affirmant néanmoins que ces manquements empêchent la poursuite du contrat de travail, sans nullement faire ressortir que la société Cazaux persistait, au jour de la décision, à ne pas faire bénéficier le salarié des conséquences de l'application volontaire de l'article L. 1224-1, volonté qu'elle a par ailleurs jugée établie dans sa décision, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1224-1 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-14920;21-14921
Date de la décision : 07/12/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 11 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2022, pourvoi n°21-14920;21-14921


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SAS Buk Lament-Robillot, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.14920
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award