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18/07/2024 | FRANCE | N°23TL01316

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 juillet 2024, 23TL01316


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 janvier 2023 portant refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français.



Par un jugement n° 2300913 du 9 mai 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juin et le 21 juillet 2023

, M. B..., représenté par Me Ory, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2013 du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 janvier 2023 portant refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2300913 du 9 mai 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juin et le 21 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Ory, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2013 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 janvier 2023 portant refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, l'ensemble de ses moyens n'ayant pas été analysés, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- la décision portant refus de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- le refus de lui délivrer un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors, notamment, qu'il démontre être en France depuis dix ans ;

- l'illégalité de la décision portant refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Rey-Bèthbéder au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain entré en France le 18 mai 2012, sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité, le 9 mai 2022, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un refus, assorti d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, lui a été opposé par un arrêté du 17 janvier 2023 du préfet de l'Aude.

2. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mai 2023 qui rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

4. M. B... soutient résider habituellement sur le territoire français depuis son arrivée le 18 mai 2012. Or, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les documents qu'il produit, y compris au titre de l'année 2014 - au titre de laquelle il communique, outre sa déclaration des revenus et l'avis d'impôt sur les revenus, la lettre du 8 avril 2014 relative à un prélèvement impayé, la lettre qui lui a été adressée le 20 juin 2014 par un huissier de justice en vue du recouvrement d'une créance, et les relevés de compte faisant apparaître quelques opérations de retrait à un distributeur automatique de billets réalisées au cours du mois d'octobre 2014, un contrat de travail signé en janvier 2014 et un certificat de travail attestant de ce qu'il a été employé dans une entreprise carcassonnaise du 3 février au 3 mai 2014 - et de l'année 2021, au titre de laquelle il produit de nombreux relevés bancaires et des factures, démontrent qu'il a résidé de manière habituelle en France depuis plus de dix ans. En outre et dans la mesure où l'intéressé avait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de l'Aude a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne soumettant pas la demande d'admission au séjour à la commission du titre de séjour. La consultation de cette commission constitue pour l'intéressé une garantie dont la privation entache d'irrégularité la procédure suivie, et justifie, dès lors, l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il est, par suite, fondé à en demander l'annulation ainsi que celle de l'arrêté du 17 janvier 2023 du préfet de l'Aude rejetant sa demande de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. /La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

7. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté attaqué en raison d'une irrégularité de procédure, eu égard à la nécessité de consulter au préalable la commission du titre de séjour en l'état du dossier, implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de l'Aude de prendre, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, une nouvelle décision sur sa demande, au terme d'un réexamen de sa situation.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aude du 17 janvier 2023 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aude de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01316
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : ORY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23tl01316 ?
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