LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 avril 2013), que Mme X... a participé à compter du 2 mai 2003 à des travaux de recherche dans le cadre d'une collaboration entre la société Electricité de France (EDF) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; que selon deux contrats à durée déterminée couvrant les périodes du 11 octobre au 31 décembre 2006 et du 3 décembre 2007 au 31 mars 2008, elle a été engagée en qualité de consultante par la société Catalpa afin d'accomplir une mission au sein de la société EDF ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la reconnaissance d'un contrat de travail entre elle et la société EDF, au paiement d'indemnités au titre de la rupture du contrat et à la condamnation in solidum de cette société et de l'entreprise de portage au paiement d'un rappel de salaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société EDF, alors, selon le moyen :
1°/ que la mise à disposition, pendant plusieurs années, par une entreprise, à un prestataire, de moyens matériels destinés à lui permettre d'accomplir sa mission est de nature à le placer dans un état de subordination, en particulier lorsque la mission est exercée de manière exclusive pour cette entreprise ; de sorte qu'en s'étant abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par Mme X..., si la mise à disposition, par la société EDF, qui bénéficiait, de manière exclusive, de ses travaux de recherche et de publication, de moyens et notamment d'un bureau, de matériel informatique et d'un service de messagerie électronique, afin de lui permettre d'accomplir ses missions, était ou non de nature à la placer dans un état de subordination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le lien de subordination révélant l'existence d'un contrat de travail est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; de sorte qu'en se bornant à affirmer, en l'espèce, par un motif d'ordre général, que la salariée ne démontrait pas qu'elle était placée sous la subordination de la société EDF et notamment que celle-ci avait le pouvoir de donner des directives pour organiser ses activités, sans rechercher, comme elle y était invitée par la salariée, s'il ne résultait pas de la présentation de l'appel à projet 2006 ANR et de l'évaluation par la direction Recherche et développement d'EDF du contrat de recherche de Mme X... au cours de la période 2003-2008 que celle-ci avait collaboré activement et de manière continue avec le GRETS dans un cadre précisément défini par la direction Recherche et développement d'EDF en s'intégrant à l'équipe de chercheurs que la direction Recherche et développement d'EDF avait constitué, ce en respectant les directives de cette direction quant aux finalités des travaux à accomplir, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'intéressée avait réalisé un travail de recherche en toute indépendance et autonomie sans recevoir de directives ou d'instructions de la part de la société EDF, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé, par confirmation, de débouter la salariée de sa demande de requalification des relations contractuelles en un unique contrat de travail à durée indéterminée avec la société EDF et de ses demandes salariales et indemnitaires subséquentes ;
AUX MOTIFS QUE l'appelante soutient qu'elle s'est trouvée 1 liée à ED F R et D par une relation de travail continue du 2 mai 2003 ou à tout le moins du 1 le'juin 2004 au 31 août 2008, que cet employeur est responsable de la rupture à compter du 31 août 2008 qui doit s'analyser en un licenciement ouvrant droit à diverses indemnités ; que la société EDF réplique que l'opération de portage salarial est parfaitement légale, que la société CA T ALP A est le seul et unique employeur de Mme X..., que la concluante ne saurait être responsable du fait que la société CA T ALP A n'ait proposé que deux contrats de travail au lieu de trois, sans tenir compte précisément des délais prévus dans les contrats de prestation de services, qu'elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles en payant à son prestataire ses honoraires (dernière facture le 26 août 2007- date de livraison du manuscrit le 31 juillet 2007), que subsidiairement, elle conclut à l'absence de preuve d'un lien de subordination entre Mme X... et elle-même tant sur la période 2003-2006 que sur la période 2006 ¬ 2008 ainsi que l'absence de pouvoir hiérarchique et l'absence de travail dans un service organisé ; qu'un contrat de travail se définit comme une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle elle se place moyennant rémunération ; Que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; Que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en l'espèce l'appelante qui avait accepté un travail de collaboration scientifique avec des chercheurs du Grets (Groupe de Recherche Energie Technologie et société) de la société EDF R et D et du CNRS, ne démontre pas qu'elle était placée sous la subordination de la société EDF R et D, que celle-ci avait le pouvoir de lui donner des directives pour organiser ses activités, en contrôler l'exécution et lui imposer des jours et des horaires de travail, alors que son travail de collaboration avec la société EDF R et D n'a pas été continu et permanent au cours de la période considérée, qu'elle était salariée auprès du CNRS, qu'elle a réalisé un travail de recherche en toute indépendance et autonomie sans recevoir de directives ou d'instructions de la part des membres de l'équipe, ingénieurs-chercheurs et coauteurs pour la rédaction de l'ouvrage collectif, animés par un même intérêt commun, en se comportant comme un auteur jouissant d'une entière liberté d'action ; Qu'en conséquence, Mme X... ne peut avoir la qualité de salariée de la société EDF R et D et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification ainsi que les demandes accessoires ;
ALORS QUE, premièrement, la mise à disposition, pendant plusieurs années, par une entreprise, à un prestataire, de moyens matériels destinés à lui permettre d'accomplir sa mission est de nature à le placer dans un état de subordination, en particulier lorsque la mission est exercée de manière exclusive pour cette entreprise ; de sorte qu'en s'étant abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par Mme X..., si la mise à disposition, par la société EDF, qui bénéficiait, de manière exclusive, de ses travaux de recherche et de publication, de moyens et notamment d'un bureau, de matériel informatique et d'un service de messagerie électronique, afin de lui permettre d'accomplir ses missions, était ou non de nature à la placer dans un état de subordination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, le lien de subordination révélant l'existence d'un contrat de travail est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; de sorte qu'en se bornant à affirmer, en l'espèce, par un motif d'ordre général, que la salariée ne démontrait pas qu'elle était placée sous la subordination de la société EDF et notamment que celle-ci avait le pouvoir de donner des directives pour organiser ses activités, sans rechercher, comme elle y était invitée par la salariée, s'il ne résultait pas de la présentation de l'appel à projet 2006 ANR et de l'évaluation par la direction Recherche et Développement d'EDF du contrat de recherche de Mme X... au cours de la période 2003-2008 que celle-ci avait collaboré activement et de manière continue avec le GRETS dans un cadre précisément défini par la direction Recherche et Développement d'EDF en s'intégrant à l'équipe de chercheurs que la direction Recherche et Développement d'EDF avait constitué, ce en respectant les directives de cette direction quant aux finalités des travaux à accomplir, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé, par confirmation, de débouter la salariée de sa demande de condamnation solidaire de la société CATALPA au paiement de diverses sommes au titre du rappel de salaire pour la période du 1er juin 2006 au 21 août 2008 ;
AUX MOTIFS QUE l'appelante soutient qu'elle communique l'ensemble des documents et échanges démontrant la réalité et l'ampleur de la tâche accomplie justifiant sa demande à hauteur de 17 mois de salaires (entre juin 2006 et août 2008) outre l'indemnité de congés payés, que les deux CDD ont subsisté bien au-delà du terme des contrats portés pour le compte de la mission accomplie pour l'employeur EDF R et D, que la participation de chacune des sociétés pour ce but commun entraîne entre elles à son égard un principe de solidarité au sens de l'article 1200 du code civil au titre de la même obligation de paiement de l'intégralité des sommes dues à la salariée en contrepartie de l'accomplissement de sa mission jusqu'à son terme et eu égard aux dispositions de l'article L 8222 ¬ 2 du code du travail sanctionnant le recours au travail dissimulé ; que la société EDF R et D réplique que l'appelante a réalisé un travail intermittent au fur et à mesure de ses disponibilités et des échanges entre les co-directeurs de l'ouvrage et de leur réunion d'ajustement, que l'appelante ne revendique un travail à temps plein que pour le seul mois d'août 2008, qu'au surplus, il s'agit d'une période au cours de laquelle l'appelante également enseignante, est sortie de son périmètre d'intervention et les tâches requises excluaient toute définition de durée du travail ; Que la société CATALP A qui demande la confiol1ation du jugement, invoque l'absence de lien de subordination avec l'appelante dans le cadre de l'opération de portage salarial, ajoute que celle-ci ne 1'a jamais considérée comme étant son employeur, que les deux CDD ne peuvent recevoir la qualification de contrat de travail, que du propre aveu de l'appelante au sens de l'article 1354 du code civil, son seul et unique employeur était EDF R et D, que subsidiairement, elle objecte que la demande de rappel de salaires porte sur des périodes pendant lesquelles l'appelante n'avait aucun lien avec elle, qu'aucune solidarité n'était stipulée entre l'entreprise de portage et l'entreprise cliente, qu'aucun grief ne saurait lui être reproché, que la concluante ne saurait être tenue responsable des prestations de travail que l'appelante aurait effectuées pour le compte de la société EDF R et D avant, entre et après les deux CDD litigieux, qu'elle ne pouvait accepter de porter les contrats de travail de l'appelante qu'à la condition d'avoir été préalablement payée par la société EDF R et D (délais de règlement de trois mois après réception de la facture), qu'en tout état de cause, en aucun cas, l'appelante ne justifie avoir travaillé de manière continue et à temps plein au cours des 17 mois litigieux ; que c'est à juste titre que les premiers juges, après avoir relevé que Mme X... a librement consenti à effectuer l'activité sollicitée pour une somme déterminée et dans un certain délai, réalisée en portage salarial, l'encadrement légal résultant de l'article L 1251-64 du code du travail issu de la loi du 25 juin 2008 fût-il postérieur, a accepté le montage financier proposé sous forme triangulaire, que celle-ci a de son propre chef dépassé le cadre de sa mission initiale qui devait s'achever en septembre 2006, en réalisant des travaux non sollicités, alors que celle-ci n'était pas totalement disponible sur la période litigieuse de juin 2006 à août 2008, ont dit qu'aucun élément ne permet d'imputer la responsabilité du retard pris dans la réalisation de l'ouvrage collectif aux cocontractants, que le prix de la prestation sollicitée était forfaitaire et que la société EDF R et D ainsi que la société CA T ALP A avaient respecté leurs engagements contractuels respectifs ; Que la cour ajoute que l'accord de branche du 15 novembre 2007 qui admet le portage salarial, s'applique aux activités relevant de la convention collective dite Syntec, à laquelle est soumise la société CATALPA ; Qu'il est établi que Mme X... coordonnait l'ouvrage collectif, destiné à être publié dans la collection des ouvrages d'EDF R et D, que du retard a été pris dans les corrections et relectures, qu'elle s'est retrouvée en conflit avec les membres du comité éditorial composé de quatre personnes, qu'elle est sortie de son périmètre d'intervention en procédant à de nouvelles corrections, qu'elle a rédigé en août 2008 un texte sans solliciter le contrôle et la validation des autres coordonnateurs, en négociant avec l'éditeur des droits d'auteur supérieurs à ceux des autres membres de l'équipe éditoriale ; Que Mme X... avait été avisée en octobre 2008 par un coauteur, ingénieur-chercheur au sein de la société EDF R et D, que les deux membres du Grets de la société EDF ne disposaient ni de temps ni de financement pour la finalisation de l'ouvrage et qu'ils n'approuvaient pas les modifications unilatérales apportées par l'appelante dans la production des contributeurs ; Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaires ;
ALORS QUE, premièrement, le système du portage salarial ne permet pas de contourner l'interdiction de conclure des contrats à durée déterminée successifs afin de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; de sorte qu'en refusant de condamner solidairement la société CATALPA en tant que coemployeur de Mme X..., dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, au titre de la période débutant le 1er juin 2006 et s'achevant le 30 août 2008, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CATALPA n'avait pas, de concert avec la société EDF, recouru à des contrats de travail à durée déterminée pour contourner l'interdiction faite à la société EDF de recourir à des contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du même code ;
ALORS QUE, deuxièmement, en présence de contrats de travail à durée déterminée, les juges du fond doivent vérifier concrètement la réalité du surcroît d'activité mentionné dans les contrats ; de sorte que qu'en décidant, en l'espèce, que la société CATALPA avait pu valablement conclure deux contrats à durée déterminée, les 11 octobre 2006 et 3 décembre 2007, sans vérifier concrètement la réalité de l'accroissement temporaire d'activité mentionnée, à titre de motif de recours, dans ces deux contrats, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail