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07/05/2024 | FRANCE | N°22DA01660

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22DA01660


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Eurostockage a demandé au tribunal administratif de Lille, d'annuler ou à défaut d'abroger l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le préfet du Nord l'a mise en demeure de respecter les articles 7.4.3, 7.4.4, 7.6.2 et 7.6.3.6 de l'arrêté d'autorisation d'exploitation du 24 septembre 2007 ainsi que le point 1.4 de l'article 1 de l'annexe II de l'arrêté ministériel du 11 avril 2017.



Par un jugement n° 1905733 du 30 mai 2022, le tribunal administ

ratif de Lille a abrogé l'arrêté du 2 mai 2019 en tant qu'il met en demeure la société Eurtostockage...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurostockage a demandé au tribunal administratif de Lille, d'annuler ou à défaut d'abroger l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le préfet du Nord l'a mise en demeure de respecter les articles 7.4.3, 7.4.4, 7.6.2 et 7.6.3.6 de l'arrêté d'autorisation d'exploitation du 24 septembre 2007 ainsi que le point 1.4 de l'article 1 de l'annexe II de l'arrêté ministériel du 11 avril 2017.

Par un jugement n° 1905733 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a abrogé l'arrêté du 2 mai 2019 en tant qu'il met en demeure la société Eurtostockage de respecter les dispositions des articles 7.4.3 et 7.6.2 de l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2007 relatif à l'exploitation d'un site de stockage de matières combustibles relevant de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement sur le territoire de la commune de Bierne et a rejeté le surplus des conclusions de la société Eurostockage.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 10 octobre 2023, la société Eurostockage, représentée par Me Cindy Malolepsy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a confirmé l'arrêté du 2 mai 2019 en tant qu'il la met en demeure de respecter les dispositions des articles 7.6.3.6 de l'arrêté d'autorisation d'exploitation du 24 septembre 2007 ainsi que le point 1.4 de l'article 1 de l'annexe II de l'arrêté du 11 avril 2017 ;

2°) d'annuler ou à défaut d'abroger l'arrêté du 2 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dysfonctionnements constatés lors de la visite du 5 février 2019 en ce qui concerne la détection incendie ont été corrigés, la mise en demeure est donc devenue sans objet ;

- la société ne peut produire l'état des stocks des sociétés présentes sur le site qui sont seules redevables de cette obligation.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Des pièces produites par la société Eurostockage à la demande de la cour ont été enregistrées le 30 octobre 2023 et ont été communiquées.

Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées que la cour était susceptible de relever d'office le non-lieu partiel sur les conclusions de l'arrêté du 2 mai 2019 en tant qu'il la met en demeure de respecter les dispositions des articles 7.6.3.6 de l'arrêté d'autorisation d'exploitation du 24 septembre 2007 ainsi que le point 1.4 de l'article 1 de l'annexe II de l'arrêté du 11 avril 2017 en raison de la suppression des stocks de matière combustible.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires par des courriers des 12 et 16 avril 2024 et la société Eurostockage par courrier du 16 avril ont produit des observations qui ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Cindy Malolepsy représentant la société Eurostockage.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société Eurostockage exploite un site de stockage de matières combustibles sur le territoire de la commune de Bierne, autorisé au titre de la législation sur les installations classées par un arrêté du 24 septembre 2007 du préfet du Nord. A la suite de visites sur le site de l'inspection des installations classées, le préfet du Nord a mis en demeure la société Eurostockage, par arrêté du 2 mai 2019 de porter à sa connaissance l'ensemble des modifications notables de l'exploitation ainsi que de remédier aux non-conformités techniques. Saisi par la société, le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 30 mai 2022 a abrogé cet arrêté uniquement en tant qu'il met en demeure la société de respecter les dispositions des articles 7.4.3 et 7.6.2 de l'arrêté initial d'autorisation du 24 septembre 2007. La société relève appel de ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à sa demande d'annulation ou d'abrogation de la totalité de l'arrêté du 2 mai 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du I de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " -Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement.".

En ce qui concerne la détection incendie :

3. Aux termes de l'article 7.6.3.6 de l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2007 d'autorisation de l'installation : " Tous les matériels de sécurité et de secours sont régulièrement entretenus pour être en état permanent de fonctionnement. En outre, ils doivent être vérifiés au moins une fois par an. Ces vérifications sont consignées sur un registre de sécurité tenu à la disposition de l'inspection des installations classées. ".

4. L'arrêté de mise en demeure constatait que lors de la visite du 5 février 2019, le système automatique de détection incendie dysfonctionnait. Le rapport de l'inspection des installations classées du 26 février 2019 établi à la suite de cette visite notait également que le système de détection incendie était également en dérangement lors des visites du 16 janvier 2018 et du 20 mars 2018, que la dernière visite de contrôle de la centrale incendie datait de juillet 2017 et que le contrat de maintenance de la centrale n'avait pas été transmis à l'inspection.

5. La société produit des factures d'une société pour des remplacements de détecteurs de fumée et le contrat de maintenance du système de sécurité incendie valable du 1er juin 2021 au 31 mai 2022 avec une visite de contrôle effectuée le 5 juillet 2021. Elle ne démontre donc pas que l'article 7.6.3.6 de l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2007 était respecté en ce qui concerne la vérification annuelle des matériels de sécurité et de secours à la date où la cour statue, ni même à la date du jugement du tribunal administratif. De même le rapport établi par le service départemental d'incendie et de secours le 17 septembre 2021 qu'elle produit se borne à établir le caractère opérationnel du point d'eau incendie de la société. Dans ces conditions, la société Eurostockage n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de mise en demeure du 2 mai 2019 doit être annulé en ce qui concerne la détection incendie.

En ce qui concerne l'état des stocks :

6. Le point 1.4 de l'annexe II de l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts dispose que : " 1.4. Etat des matières stockées. / I. - Dispositions applicables aux installations à enregistrement et autorisation : / L'exploitant tient à jour un état des matières stockées, y compris les matières combustibles non dangereuses ou ne relevant pas d'un classement au titre de la nomenclature des installations classées. / Cet état des matières stockées permet de répondre aux deux objectifs suivants : / 1. servir aux besoins de la gestion d'un événement accidentel ; en particulier, cet état permet de connaître la nature et les quantités approximatives des substances, produits, matières ou déchets, présents au sein de chaque zone d'activités ou de stockage. / Pour les matières dangereuses, devront figurer, a minima, les différentes familles de mention de dangers des substances, produits, matières ou déchets, lorsque ces mentions peuvent conduire à un classement au titre d'une des rubriques 4XXX de la nomenclature des installations classées. / Pour les produits, matières ou déchets autres que les matières dangereuses, devront figurer, a minima, les grandes familles de produits, matières ou déchets, selon une typologie pertinente par rapport aux principaux risques présentés en cas d'incendie. Les stockages présentant des risques particuliers pour la gestion d'un incendie et de ses conséquences, tels que les stockages de piles ou batteries, figurent spécifiquement. / Cet état est tenu à disposition du préfet, des services d'incendie et de secours, de l'inspection des installations classées et des autorités sanitaires, dans des lieux et par des moyens convenus avec eux à l'avance ; / 2. répondre aux besoins d'information de la population ; un état sous format synthétique permet de fournir une information vulgarisée sur les substances, produits, matières ou déchets présents au sein de chaque zone d'activités ou de stockage. Ce format est tenu à disposition du préfet à cette fin. / L'état des matières stockées est mis à jour a minima de manière hebdomadaire et accessible à tout moment, y compris en cas d'incident, accident, pertes d'utilité ou tout autre événement susceptible d'affecter l'installation. Il est accompagné d'un plan général des zones d'activités ou de stockage utilisées pour réaliser l'état qui est accessible dans les mêmes conditions. / Pour les matières dangereuses et les cellules liquides et solides liquéfiables combustibles, cet état est mis à jour, a minima, de manière quotidienne. / Un recalage périodique est effectué par un inventaire physique, au moins annuellement, le cas échéant, de manière tournante. / L'état des matières stockées est référencé dans le plan d'opération interne lorsqu'il existe. / L'exploitant dispose, avant réception des matières, des fiches de données de sécurité pour les matières dangereuses, prévues dans le code du travail lorsqu'elles existent, ou tout autre document équivalent. Ces documents sont facilement accessibles et tenus en permanence à la disposition, dans les mêmes conditions que l'état des matières stockées. ". Il résulte des dispositions de l'article L. 171-11 du code de l'environnement que les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 de ce code, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

7. L'arrêté du 2 mai 2019 met en demeure la société Eurostockage de respecter les dispositions précitées. Le rapport de visite de février 2019 constate en effet que l'inventaire des matières stockées par la société Bogaert, occupante d'une cellule au sein du site ne reprend pas les stockages des matières combustibles présents sur le site au jour de la visite et que les états des stocks des autres sociétés présentes sur le site n'ont pas été actualisés.

8. Seule la société Eurostockage est l'exploitante de l'installation classée. C'est cette société qui bénéficie de l'autorisation d'exploiter cette installation accordée par l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2007. Par suite, les pouvoirs que le préfet tient de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ne peuvent être exercés qu'à l'égard de cette société. La société ne peut donc pas se prévaloir qu'elle se borne à louer les cellules de son entrepôt ou que la cellule occupée par la société Bogaert est la propriété de cette dernière pour ne pas respecter les obligations mises à sa charge, notamment celles relatives à la tenue et à la fourniture d'un état des stocks faisant apparaître les matières combustibles.

9. Toutefois, il résulte des pièces produites pour la première fois en appel que la société Eurostockage a racheté, le 29 décembre 2022 à la société Bogaert, la cellule qu'elle occupait au sein du site. L'acte de vente précise que les locaux sont libres de toute occupation. La société a informé le préfet de ce rachat par un porter à connaissance. Par ailleurs, un constat d'huissier du 25 février 2022 atteste qu'aucun matériel n'est stocké à l'extérieur du bâtiment occupé par la société Bogaert. Enfin, s'agissant des stocks des autres sociétés, l'état des stocks fourni en mars 2022 fait état de la situation entre mars et août 2021. Par ailleurs, lors de la visite inopinée qui a eu lieu le 15 avril 2024 un état des stocks de matières combustibles a pu être remis à l'inspectrice des installations classées. Il résulte de ces éléments qu'un état des stocks de matière combustible est disponible et tenu à disposition du préfet, conformément aux dispositions précitées de l'arrêté ministériel du 11 avril 2017. Dans ces conditions la société Eurostockage est fondée à soutenir que les obligations mises à sa charge par la mise en demeure du 2 mai 2019 ont été exécutées en ce qui concerne l'état des stocks de matières combustibles.

10. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions d'annulation de la mise en demeure du 2 mai 2019 en ce qui concerne le respect des dispositions de l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 visé au point 6 concernant l'état des stocks. En revanche, le surplus de la requête de la société Eurostockage à fin d'annulation doit être rejeté. Le jugement du tribunal administratif de Lille du 30 mai 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

11. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme réclamée par la société Eurostockage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions d'annulation de l'arrêté de mise en demeure du 2 mai 2019 du préfet du Nord en ce qui concerne le respect des dispositions de l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 concernant l'état des stocks.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 1905733 du 30 mai 2022 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eurostockage et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01660 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01660
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : MH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22da01660 ?
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