LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ; Ouï les parties en leurs déclarations respectives ;
Le Ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que par exploit en date à Lomé du 05 juillet 2006 de Maître Kossi C. ZANOU, Huissier de justice à Lomé, le Sieur A Ac Aa, propriétaire demeurant et domicilié à Lomé, assisté de Maître Sylvain K. ATTOH- MENSAH, Avocat à la cour à Lomé ; le Sieur B Ab, demeurant et domicilié à Lomé, assisté de Maître Edoh AGBAHEY, Avocat à la cour, par- devant le Tribunal de céans statuant en matière commerciale, le 25 juillet 2006 pour venir s’entendre :
- Prononcer la résiliation du contrat de bail verbal intervenu entre eux ; - Condamner à payer au requérant la somme de 1.030 000 francs CFA représentant les
loyers impayés et frais de remise en état du toit de sa maison ;
- Condamner aux entiers dépens y compris les frais de timbres et d’enregistrement ;
- Prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours ;
Attendu que pour soutenir son action, le requérant expose qu’il avait remis au requis un local servant de Cyber-café à titre de location à raison de 30 000 francs par mois ; que le requis a reçu les clés du local le 30 septembre 2002 et n’a jamais voulu signer un contrat de bail en bonne et due forme ; qu’à la remise des clés, le requis lui a versé la somme de 360 000 francs à titre de garantie représentant 12 mois de loyers ; le requis n’a commencé à payer les loyers qu’à partir de la fin du mois d’août 2003 consommant ainsi le montant de dix mois de loyers sur la garantie ; que le requis a fait installer sur le toit de sa maison une antenne cyber sans son accord préalable ; qu’au cours du bail, le loyer, a été porté à 40 000 F CFA par mois d’un commun accord ; que courant mars 2006, le requis lui a signifié la résiliation du contrat par un préavis de trois mois prenant terme à la fin du mois de juin 2006 ; que les loyers de ses trois mois soit la somme de 120 000 F CFA à raison de 40 000 francs par mois n’ont pas été réglés ; qu’il fixe à 30 000 F par an le loyer de l’installation de l’antenne cyber sur le toit de sa maison ; qu’en définitive, le requis lui doit à ce jour la somme totale de 1.030. 000 francs se décomposant comme suit : 780.000 francs de loyers impayés, de 250.000 francs de frais de remise en état du toit de sa maison ; qu’il est donc fondé à s’adresser à la justice pour entendre le requis condamner à lui payer cette somme ;
Attendu que par conclusion en date du 11 janvier 2008, le requis par le biais de son conseil Maître Edoh AGBAHEY demande au Tribunal de débouter le requérant de toutes ses prétentions et reconventionnellement le condamner à lui payer deux millions (2 000 000) de francs CFA à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Attendu qu’au soutien de sa prétention, il allègue qu’il a loué un local auprès du demandeur suivant accord entre parties du 30 septembre 2002 moyennant un loyer
mensuel de 30 000F CFA ; que pour avoir accès au local et commencer les travaux effectivement, il a versé entre les mains du demandeur, la somme totale de 360 000 francs CFA représentant 12 mois de loyers ; que suite à ce paiement, une des deux clés lui a été remise puisque le demandeur avait entreposé des effets dans le local qui servait également de salle d’études pour ses enfants ; que certaines fenêtres n’ayant pas de lames de naco ni vitrine, le requérant a décidé de garder une des deux clés avec lui pour pouvoir remettre les choses en état de même que certaines portes et permettre aussi à ses enfants de continuer par faire usage du local pour leurs études en attendant la fin des travaux de remise en état ; que ce n’est qu’au 27 juin 2003 qu’il a installé dans le local après l’exécution des travaux soit neuf (09) mois après le paiement des 360 000F CFA ; que c’est donc à la date du 07 juillet 2003 que le cyber a démarré effectivement ; que compte tenu du fait qu’il était à ses débuts, il a demandé à son bailleur de prélever le premier loyer, celui du mois de juillet 2003 de la caution de 12 mois qu’il a versé en attendant les premières recettes, ce qui fut fait ; que c’est ainsi qu’à la fin du mois suivant, il a payé le loyer d’août 2003 ainsi que l’atteste le reçu en date du 1er Septembre 2003 ; que le paiement des loyers a été régulièrement assuré lorsqu’à partir de janvier 2006, le bailleur a commencé par des intrusions dans le cyber avec des menuisiers pour mesurer les tables sur lesquelles sont posés des ordinateurs en présence des clients dans le souci de créer à lui aussi un cyber ; que découragé, il a été obligé de délaisser volontairement les lieux, le demandeur ayant augmenté le loyer de trente mille (30 000) francs CFA à cinquante mille (50 000) francs CFA, courant février et mars 2006 ; que les intrusions intempestives du requérant au sein du cyber ont eu pour corollaires, la fuite des clients qui ne peuvent plus travailler dans la paix et la baisse considérable de ses recettes ; que c’est pour cette raison que n’ayant de quoi payer ses loyers, il a décidé de quitter les lieux en informant son bailleur à cet effet ; que c’est ainsi qu’il a fermé ses portes après avoir remis les lieux en état (maçonnerie, badigeonnage …) ; qu’invité pour visiter les lieux avant son départ, le bailleur s’y est opposé ; que dans ces conditions et pour arrêter de cumuler les pertes, il a fermé les lieux et c’est donc un commandant de la Brigade d’Adidogomé, ami du requérant qui a pris la clé pour la lui remettre ; que toutes les demandes entreprises auprès du parquet général pour voir rembourser le reliquat de sa caution sont demeurées vaines ainsi qu’en fait foi la convention en date du 22 mai 2006 ; qu’aujourd’hui, c’est contre toute attente et par mauvaise foi que le requérant a initié cette action ; qu’en définitive, eu égard aux pièces du dossier, le requérant lui reste devoir la somme de deux cent quatre-vingt dix mille (290 000 ) francs CFA après déduction de 30 000 et 40 000 francs représentant les loyers de juillet 2003 et mars 2006 ; que dans ces conditions, il conviendra de déclarer les prétentions du sieur A non fondées et en conséquence le débouter de son action ; que reconventionnellement, il sollicite la condamnation du requérant à lui payer la somme de 290 000 francs CFA en remboursement de caution et de l’avance sur loyers et de celle de deux millions (2 000 000) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, tendancieuse et vexatoire ;
Attendu que par conclusions en date du 03 Novembre 2008, le requérant demande paradoxalement au Tribunal, ceci par le biais de son conseil Maître ATTOH- MENSAH, de le condamner à payer la somme de 290 000 F CFA au titre de remboursement de la caution, la somme de 2 000 000 FCFA à titre de dommages- intérêts pour troubles de jouissance du bail et la somme de 2 000 000 F CFA pour procédure abusive et vexatoire et de le condamner enfin aux dépens ;
Attendu qu’au soutien de sa prétention, il affirme que le requis use de subterfuge pour égarer le Tribunal ; que cette manœuvre ne peut guère prospérer, qu’il est constant que le preneur a exécuté les obligations prévues à la présente convention jusqu’en février 2006, il a commencé par troubler le preneur dans la jouissance du bail en cause ; qu’aux termes de l’article 77 de l’acte uniforme relatif au droit commercial général, « le bailleur est responsable envers le preneur du trouble de jouissance survenu de son fait de ses ayants droit ou de ses préposés » que les troubles de jouissance qu’il a occasionnés ont causé de sérieux préjudices au preneur notamment la diminution considérable de la clientèle ; que devant cette situation, le preneur n’a d’autres choix que de vider les lieux ; qu’il a opposé une fin de non recevoir à la demande tendant à faire l’état des lieux avant le dépôt de la clé ; que toutes les démarches effectuées par le requis pour obtenir le remboursement de sa caution sont demeurées vaines ; qu’il échet donc de le condamner à rembourser au requis la somme de 290 000 FCFA, représentant la caution, la somme de 2000 000 FCFA à titre de dommages intérêts pour troubles de jouissance du bail et 2000 000 pour procédure abusive et vexatoire ;
Attendu que par notes de plaidoirie en date du 16 mars 2009 le conseil du requis, Maître AGBAHEY Edoh demande au Tribunal de faire droit aux nouvelles demandes du sieur A contenues dans ses propres écritures en date du 03 novembre 2008, de le débouter de ses demandes contenues dans l’acte introductif d’instance du 07 juin 2006 comme il l’a sollicité lui-même, et en conséquence, le condamner à lui payer les sommes :
- 290 000 FCFA en remboursement de la caution ;
- 2000 000 FCFA au titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance ;
- 2000 000 FCFA au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, soit au total la somme de quatre millions deux cent quatre vingt dix mille (4 290 000) francs CFA et enfin d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution ;
Attendu que pour soutenir ses allégations, il affirme que répondant aux écritures en date du 11 janvier 2008 qu’il a déposées, le demandeur A a finalement, dans ses conclusions en date du 03 novembre 2008 sous la plume de son conseil, fait preuve d’une bonne foi sans précédent en concluant dans le même sens que lui, mieux encore ; que restituant les faits dans leur réalité, et surtout après avoir exposé le mal qu’il lui a fait
subir, le demandeur A a sur le fondement de l’article77 de l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif au Droit Commercial Général, sollicité du Tribunal qu’il fasse droit aux nouvelles demandes du Sieur A contenues dans ses propres écritures en date du 03 novembre 2008 ;
Attendu que les deux parties ont comparu et ont conclu en la présence instance, qu’il échet de statuer contradictoirement à leur égard ;
Attendu que la requête du Sieur A Aa a été introduite dans les formes et délai légaux ; qu’il échet de la déclarer recevable ;
• SUR LA DEMANDE PRINCIPALE Sur la résiliation du bail
Attendu qu’aux termes de l’alinéa 1er de l’article 93 de l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général ; « Dans le cas d’un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner congé par acte extrajudiciaire au moins six mois à l’avance » ;
Attendu qu’en mars 2006, Sieur B Ab a donné un préavis au requérant en lui signifiant son intention de quitter les lieux loués ;
Attendu que le bailleur ne s’est pas opposé à la démarche de son preneur qu’il considère d’ailleurs comme locataire indélicat ne payant pas régulièrement ses loyers et ne respectant pas les clauses et conditions du bail ; qu’il échet dans ces conditions d’accéder à la demande de résiliation du bail commercial existant entre le requérant et le Sieur B Ab, son locataire ;
Sur les loyers impayés et les frais de réparation du toit de la maison
Attendu que la requérante demande au Tribunal de condamner le Sieur B Ab à lui payer la somme totale de 1 030 000 francs CFA décomposée comme suit : 780 000 francs de loyers impayés et 250 000 francs CFA pour frais de remise en état du toit de la maison ;
Attendu qu’aux termes de l’article 43 du code de Procédure civile « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au soutient de sa prétention » ; qu’en l’espèce, le requérant ne produit aucune pièce pour justifier ses prétentions ;
Attendu qu’il est cependant constant, eu égard aux écritures des conseils des parties et aux débats à l’audience notamment les conclusions en date du 03 novembre 2008 de
Maître ATTOH-MENSAH, Avocat du requérant et les notes de plaidoirie en date du 16 mars 2009 de Maître Edoh AGBAHEY conseil du requis, que c’est plutôt le requérant qui reste devoir une somme de deux cent quatre vingt dix mille (290 000) francs CFA à son locataire à titre de caution ; qu’il échet dans ces conditions de le débouter de sa demande de paiement de loyers impayés et de frais de réparation du toit de la maison ;
• SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
Sur le remboursement de l’avance sur loyer et de la caution
Attendu que le requis sollicite reconventionnellement que le Tribunal condamne son bailleur à lui rembourser la somme de 290 000 francs CFA représentant le reliquat de la caution et de l’avance sur loyer qu’il a payé à la conclusion du contrat ;
Attendu qu’il est constant qu’avant d’intégrer le local loué, le requis a versé entre les mains de son bailleur une somme de trois cent soixante mille (360 000) francs représentant douze (12) mois de loyers ; que de cette somme ont été déduits les loyers de juillet 2003 et mars 2006 soit une somme de soixante dix mille (70 000) francs CFA, trente mille pour juillet et 40 000 pour mars 2006 ;
Attendu que les deux parties s’accordent sur le reliquat de la caution et de l’avance sur loyer s’élevant à 290 000 francs soit 360 000 – 70 000 ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande du requis en condamnant le requérant à lui restituer la somme de 290 000 francs CFA ;
Sur les dommages intérêts pour procédure abusive tendancieuse et vexatoire
Attendu que le requis demande au Tribunal de condamner son bailleur à lui payer la somme de deux millions (2 000 000) francs CFA pour procédure abusive, tendancieuse et vexatoire ;
Attendu que par exploit en date du 05 juillet 2006 de Maître Kossi C. ZANOU, Huissier de Justice à Lomé, le requérant a assigné son locataire devant le Tribunal de céans pour réclamer diverses sommes d’argent ; que par conclusions en date du 03 novembre 2008, il demande paradoxalement au Tribunal, ceci par le canal de son conseil Maître ATTOH-MENSAH de le débouter de ses prétentions initiales et de le condamner plutôt au paiement de diverses sommes d’argent ;
Attendu que l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ;
Attendu qu’en l’espèce, les agissements du requérant constituent un abus eu égard à la mauvaise foi dont il a fait preuve ; qu’il échet donc de le condamner de ce chef ;
Attendu cependant que la somme sollicitée par le requis est exagérée ; qu’il y a lieu de la ramener à une somme de 500 000 francs CFA ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance de bail
Attendu qu’aux termes de l’article 77 de l’Acte uniforme relatif au Droit Commercial
Général : « le bailleur est responsable envers le preneur du trouble de jouissance survenu de son fait, de ses ayants droit ou de ses préposés »
Attendu qu’en l’espèce, les agissements du bailleur notamment ses incursions intempestives dans le cyber ont occasionné de sérieux préjudices à l’égard du requis ; qu’il a perdu toute sa clientèle et a été finalement contraint de fermer le cyber, qu’il y a lieu dans ces conditions de condamner le requérant au paiement d’une somme de 100 000 F CFA de ce chef ;
Attendu enfin que l’exécution provisoire a été sollicitée par les deux parties ; qu’eu égard aux circonstances de la cause il y a lieu de l’ordonner sans caution ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
En la forme, reçoit le Sieur A Aa en son action régulière ;
AU FOND
Sur la demande principale
Prononce la résiliation du bail commercial intervenu entre le requérant et le Sieur B Ab ;
Le déboute en outre de sa demande en paiement de la somme de 1030 000 représentant les loyers impayés et les frais de réparation du toit ;
Sur la demande reconventionnelle
Ordonne le remboursement par le requérant de la somme de 290 000 francs CFA représentant le reliquat de la caution et de l’avance sur loyers au Sieur B Ab ;
Le condamne en outre au paiement de la somme de 500 000 francs CFA à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Le condamne enfin au paiement de la somme de 100 000 francs pour troubles de jouissance ;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution ;
Condamne le requérant aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par le Tribunal de première instance de première classe de Lomé (TOGO), en son audience publique ordinaire du vendredi 21 Mai 2010 à laquelle siégeait messieurs, Kokuvi MOTI Juge audit Tribunal, PRESIDENT, assisté de Maître TCHARIE Mindéwa Greffier ;
Ont signé le Président et le Greffier.