La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2022 | TOGO | N°090/22

Togo | Togo, Cour suprême, 20 octobre 2022, 090/22


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°090/22 du 20 Octobre 2022 _________ Pourvoi N°216/RS/19 du 30 Décembre 2019 ___________ AFFAIRE
Sieurs Y Aj, Y AJ et B Ai
C/
Sieur AH Ad Af A Mensah ________
PRESENTS: MM
BASSAH* : PRESIDENT
SAMTA LOXOGA MEMBRES AMOUSSOU-KOUETETE BIGNANG FIAWONOU : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT OCTOBRE DEUX MILL

E VINGT-DEUX (20-10-2022)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, ...

COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°090/22 du 20 Octobre 2022 _________ Pourvoi N°216/RS/19 du 30 Décembre 2019 ___________ AFFAIRE
Sieurs Y Aj, Y AJ et B Ai
C/
Sieur AH Ad Af A Mensah ________
PRESENTS: MM
BASSAH* : PRESIDENT
SAMTA LOXOGA MEMBRES AMOUSSOU-KOUETETE BIGNANG FIAWONOU : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT-DEUX (20-10-2022)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi vingt octobre deux mille vingt-deux, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de monsieur Agbenyo Koffi BASSAH, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°336/18 en date du 30 mai 2018 rendu par la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête à fin de pourvoi de maître Yaovi AMEGANKPOE conseil des demandeurs au pourvoi ; Vu le mémoire en réponse de maître Paul LARE, conseil des défendeurs au pourvoi ; Vu le mémoire en réplique de maître Yaovi AMEGANKPOE, conseil des demandeurs au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de madame Ab C AG, 5ème avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n° 97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n° 82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï monsieur Agbenyo Koffi BASSAH en son rapport ; Ouï les conseils des parties ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant sur le pourvoi formé le 30 décembre 2019, par maître Yaovi AMEGANKPOE, avocat au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte des nommés Y Aj, Y AJ et B Ai contre l’arrêt n° 336/18 du 30 mai 2018 rendu par la Cour d’appel de Lomé qui, en la forme, recevait l’appel, au fond, infirmait le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, constatait que c’est depuis 1979 que les demandeurs ont acquis l’immeuble litigieux, disait aussi que la vente consentie au sieur AH Ad et à la succession de feu A Messan par le nommé B Ai est parfaite et régulière, confirmait en conséquence le droit de propriété de AH Ad sur le domaine querellé de 39 ares 23 centiares sis à Aa Ah, limité au Nord par la collectivité HOUNKPETOR-DOH, au Sud par celui de AH Ad, à l’Est par celui de X Ae et à l’Ouest par la collectivité AI Ak puis condamnait les intimés aux dépens ;
En la forme Attendu que tous les actes de procédure ont été faits dans les forme et délai de la loi, qu’il y a lieu de recevoir le pourvoi ;
Au fond Vu les dispositions de l’article 221 du code de procédure civile ;
Attendu qu’aux termes de cet article, la juridiction de renvoi est tenue par les points de droit définis par l’arrêt de cassation ;
Attendu qu’il résulte des éléments du dossier que suite au litige qui les oppose relativement à deux domaines fonciers, le sieur AH Ad et la succession de feu A Mensah représentée par dame A Claire ont fait donner assignation au sieur Z Y AJ, chef du village de KOHE à comparaître par-devant le tribunal de première instance de Lomé pour voir confirmer leur droit de propriété respectivement sur le domaine de 39 a 23 ca et sur celui de 39 a 24 ca et ordonner au requis, la cessation de toute tracasserie sous astreinte de 100.000 FCFA par heure au motif qu’ils ont acquis les lieux auprès du sieur B Ai dans les années 1979 ; que par jugement n° 1488/11 du 13 mai 2011, le tribunal de Lomé, après avoir déclaré toutes les actions recevables, a dit que le domaine litigieux, d’une superficie totale de 78 ares 47 centiares sis à Agoènyivé-Téléssou est et demeure la propriété entière du sieur Y Aj par voie d’héritage, ordonné l’expulsion des demandeurs et de tous occupants de leur chef dudit immeuble, déclaré nulles et inopposables au sieur Y Aj les ventes consenties aux requérants par le nommé B Ai et portant sur l’immeuble ci-dessus indiqué, dit n’y avoir lieu à exécution provisoire puis condamné les demandeurs aux dépens ; que par arrêt n° 336/18 du 30 mai 2018, la Cour d’appel de Lomé a infirmé ledit jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, la Cour d’appel a constaté que c’est depuis 1979 que les demandeurs ont acquis l’immeuble litigieux, dit également que la vente consentie au sieur AH Ad et à la succession de feu A Messan par le nommé B Ai est parfaite et régulière, confirmé en conséquence, le droit de propriété de AH Ad sur le domaine querellé de 39 a 23 ca sis à Aa Ah, suivant la configuration et description que dessus précisées ;
Attendu qu’en l’espèce, Il y a lieu de signaler que par jugement n° 1488/11 du 13 mai 2011, le tribunal de première instance de Lomé a dit que le domaine litigieux est et demeure la propriété entière du sieur Y Aj par voie d’héritage ; que pour aboutir à cette décision, le tribunal, après avoir écarté la thèse des requérants (AH Ad, succession de feu A Messan) suivant laquelle ils ont acheté ledit immeuble auprès du sieur B Ai dans les années 1979, a dit aussi que les requérants sont mal fondés à invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 2262 du code civil qui ne peuvent recevoir application en l’espèce à cause de leur mauvaise foi manifeste qui résulte du fait qu’ils savaient au moment de leurs acquisitions que le terrain n’appartenait pas à leur vendeur ;
Que pour infirmer ledit jugement n° 1488/11 du 13 mai 2011, la Cour d’appel de Lomé a raisonné ainsi qu’il suit :
« Attendu qu’avant de vendre ce domaine de terrain aux acquéreurs AH Ad et A Ag, le sieur B Ai exploitait lui-même ledit domaine ; qu’il ne conteste pas que c’est lui qui leur a vendu ce terrain ; qu’il se borne seulement à dire qu’il leur avait dit que ce terrain ne lui appartenait pas et que pourtant ils ont accepté l’acheter ;
Attendu qu’il s’agit là d’une allégation mensongère car personne ne peut acheter un bien à une personne en sachant qu’elle n’en est pas propriétaire ; que sachant que l’immeuble n’est pas sa propriété, il lui appartenait de s’abstenir de le vendre ; que c’est plutôt le sieur B Ai qui est de mauvaise foi et non ses acquéreurs qui ignoraient certainement qu’il n’était pas propriétaire de ce domaine ;
Attendu qu’il est constant que les acquéreurs ont acheté ce domaine courant année 1979 ; que depuis lors, ils habitent la zone de façon paisible au vu et au su de tout le monde y compris leur vendeur ; que seul le sieur Y Aj qui ne vivait pas à Lomé depuis 1979 jusqu’à l’année 2010 ignorait cette situation ; qu’aux termes de l’article 2262 du code civil « toutes les actions tant réelles que personnelles sont prescrites par trente ans sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi » ; qu’en l’espèce, les acquéreurs disposent des reçus de vente que leur a délivrés le sieur B Ai ; que ce dernier ne le conteste pas ; qu’on ne peut dire qu’ils sont de mauvaise foi car celle-ci se prouve ; qu’à défaut de cette preuve, ils sont censés être de bonne foi car cette dernière se présume ; qu’il convient de conclure que le tribunal a fait une mauvaise appréciation des faits de la cause et du moyen de droit invoqués devant lui ; que dès lors, son jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions ; que statuant à nouveau, il y a lieu de constater que les appelants ont acquis cet immeuble il y a trente (30) ans et qu’ils bénéficient des dispositions des articles 2262 du code civil puisque la convocation du procureur général est intervenue en mai 2010 soit dans la trente unième (31ème) année après la prescription ; qu’il convient donc de confirmer le droit de propriété de chacun des appelants sur la parcelle qu’il a acquise auprès du sieur B Ai ; » Attendu que cet arrêt n° 247/11 du 27 décembre 2011 a fait l’objet d’un pourvoi en cassation et par arrêt 051/16 du 19 mai 2016, la Cour suprême du Togo a cassé et annulé ledit arrêt au motif « qu’en statuant ainsi alors qu’elle constatait que le véritable propriétaire du terrain, le sieur Y Aj, qui ne vivait pas à Lomé depuis 1979 jusqu’à l’année 2010, ignorait que son terrain a été frauduleusement vendu et ne pouvait donc exercer aucune action pendant cette période, d’une part, que les défendeurs au pourvoi avaient été informés par leur vendeur indélicat, qu’il n’était pas le propriétaire de l’immeuble objet de la vente, d’autre part, la Cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
Attendu qu’en effet, il est de jurisprudence constante que « Le tiers possesseur du bien au moment de la vente étant parvenu à usacaper après la vente, celle-ci doit être annulée comme étant celle de la chose d’autrui, le vendeur ayant perdu rétroactivement la propriété du bien vendu » ;
Attendu qu’il faut reconnaître que par ces attendus, la Cour suprême, dans son arrêt n° 051/16 du 19 mai 2016 a fixé que le véritable propriétaire des lieux se trouve être le sieur Y Aj absent de Lomé depuis 1979 jusqu’à l’année 2010 et ignorait la vente frauduleusement faite à son préjudice encore et surtout que les acquéreurs (défendeurs au pourvoi) étaient informés par leur vendeur qu’il n’était pas propriétaire de l’immeuble ;
Attendu que par ce raisonnement, la Cour suprême signifiait alors aussi bien aux parties qu’aux juges que dans ces circonstances de faits, la théorie de l’usucapion ne saurait recevoir application ;
Que la Cour de renvoi, en considération de ces mêmes éléments de faits et dans ces mêmes circonstances, ne saurait passer outre la doctrine de la Cour suprême eu égard aux dispositions de l’article 221 du code de procédure civile suivant lesquelles « La juridiction de renvoi est tenue par le point de droit défini par l’arrêt de cassation »;
Attendu qu’en l’espèce, la Cour de renvoi a retenu, par contre, dans son arrêt n° 336/18 du 30 mai 2018 que « Depuis l’acquisition des lieux en 1979, les appelants en ont joui paisiblement ; qu’ils s’y sont installés et ont vendu certaines parcelles à de tierces personnes ; qu’ils n’ont jamais été troublés dans la jouissance des lieux jusqu’au 09 juin 2010, date à laquelle monsieur AH Ad a reçu une convocation de monsieur le procureur général ; or à ce moment, il s’était déjà écoulé plus de 30 ans, de sorte que les appelantes sont recevables et fondées à invoquer la prescription trentenaire prévue par les dispositions de l’article 2262 du code civil, encore qu’il n’a pas été rapporté au dossier, la preuve de l’absence du prétendu véritable propriétaire durant 30 ans ; que dans ces conditions, il convient de constater que le droit de propriété des appelants sur les parcelles en cause est suffisamment consolidé et ne saurait être aujourd’hui remis en cause ; qu’il convient dans ces conditions d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de confirmer, par conséquent, le droit de propriété des appelants sur leur parcelle de terrain respective » ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que dans son arrêt n° 051/16 du 19 mai 2016, la Cour suprême a tranché sur ce point de droit relatif à l’usucapion en retenant "qu’en effet, il est de jurisprudence constante que le tiers possesseur du bien au moment de la vente étant parvenu à usucaper après la vente, celle-ci doit être annulée comme étant celle de la chose d’autrui, le vendeur ayant perdu rétroactivement la propriété du bien vendu et alors que la Cour de renvoi est, aux termes des dispositions de l’article 221 du code de procédure civile tenue de se conformer à la doctrine juridique de l’arrêt de cassation, la Cour d’appel a donc violé les dispositions visées au moyen, d’où il suit que son arrêt mérite cassation ; SUR LE NON RENVOI DE LA CAUSE DEVANT UNE AUTRE JURIDICTION Attendu que le demandeur au pourvoi sollicite qu’il plaise à la Cour dire que le jugement n° 1488/11 du 13 mai 2011 rendu par le tribunal de Lomé ait son plein et entiers effets ;
Attendu qu’il est vrai que le premier juge a suffisamment et bien motivé sur les différents points de droit, notamment les conditions nécessaires à faire jouer le principe de l’usucapion, le défaut de preuve des actes personnels de possession, le défaut du caractère paisible de la possession, le fait que le vendeur AGBASSA a informé les acquéreurs dès le départ que le terrain ne lui appartient pas avant de dire qu’il se déduit de tout ce qui précède que les demandeurs sont mal fondés à invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 2262 du code civil surtout en raison de leur mauvaise foi manifeste ;
Attendu que le jugement n°1488/11 du 13 mai 2011 rendu par le Tribunal de première instance de première classe de Lomé étant motivé sur les divers points en débats entre les parties mérite confirmation par voie de cassation sans renvoi surtout qu’il est de jurisprudence constante, telle que retenue par l’arrêt de cassation n°051/16 du 19 mai 2016 rendu par la cour de ce siège, en tout état de cause, que «  le tiers possesseur du bien au moment de la vente étant parvenu à usucaper après la vente, celle-ci doit être annuler comme étant celle de la chose d’autrui, le vendeur ayant perdu rétroactivement la propriété du bien vendu » ;
Que sur le fondement de tous ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande du sieur AMENYITOR et de dire que le jugement 1488/11 du 13 mai 2011 produira ses pleins et entiers effets ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement en matière civile et en état de cassation ; En la forme  Reçoit le pourvoi ;
Au fond Le dit fondé ;
Casse sans renvoi l’arrêt n° 336/18 du 30 mai 2018 ;
Dit que le jugement n° 1488/11 du 13 mai 2011 rendu par le tribunal de première instance de Lomé produira ses pleins et entiers effets ;
Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi au demandeur ;
Condamne les défendeurs au pourvoi aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt octobre deux mille vingt-deux à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, Président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ; Messieurs Badjona SAMTA, Kuma LOXOGA, Anani AMOUSSOU-KOUETETE et Koffi BIGNANG, tous quatre conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur Yaovi Ac FIAWONOU, avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 090/22
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2022-10-20;090.22 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award