COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°087/22 du 20 octobre 2022 _________ Pourvoi N°128/RS/20 du 25 août 2020 ___________ AFFAIRE
Ministère public et Union Togolaise de Banque
C/
A Ac C Edoé ________
PRESENTS: MM
BASSAH : PRESIDENT
KODA LOXOGA MEMBRES ABBBEY-KOUNTE AMOUSSOU-KOUETETE*
B : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT-DEUX (20-10-2022)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi vingt octobre deux mille vingt-deux, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de monsieur Anani AMOUSSOU-KOUETETE, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°119/20 en date du 12 août 2020 rendu par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête à fin de pourvoi de maîtres Adama DOE-BRUCE et Sylvain ATTOH-MENSAH, tous deux conseils de la demanderesse au pourvoi ; Vu les mémoires en réponse et en duplique de maître Edah A. N’DJELLE, conseil des défendeurs au pourvoi ; Vu le mémoire en réplique et les observations de maître Adama DOE-BRUCE, conseil de la demanderesse au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de monsieur Af X, 3ème avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n° 97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n° 82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï monsieur Anani AMOUSSOU-KOUETETE en son rapport ; Ouï les conseils des parties ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en matière pénale et en état de cassation sur le pourvoi formé le 25 août 2020 par maître Adama DOE-BRUCE, avocat au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte de l’Union Togolaise de Banque (UTB), partie civile, contre l’arrêt n°119/2020 du 12 août 2020 par lequel la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé a, sur le fondement des articles 173 et 178 du code de procédure pénale, annulé en toutes ses dispositions l’ordonnance définitive de non-lieu partiel, de requalification et de renvoi devant le tribunal correctionnel des inculpés A Ac et FUMEY Edoé rendue le 23 juin 2020 par le doyen des juges d’instruction, évoquant, requalifié les faits d’abus de confiance pour lesquels les inculpés sont en outre poursuivis en ceux de vol aggravé au sens des dispositions des articles 97, 100-9° et 101 alinéa 1er du code pénal ancien, constaté qu’il subsiste au dossier d’instruction des zones d’ombre méritant d’être élucidées, ordonné par conséquent un complément d’information, enjoint pour ce faire au magistrat instructeur d’ordonner sans délai, en tenant compte des délais éventuels de prescription, une expertise graphologique et de vérification des signatures apposées sur les différents documents et chèques dont l’inculpé Ac A est présumé l’auteur ou l’un des auteurs en vue de s’assurer du bien-fondé ou non des faits de faux et usage de faux reprochés à ce dernier ; En la forme
Attendu que le pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ; Au fond Sur le moyen unique tiré de la violation des articles 158 et 159 du code de procédure pénale
Vu les articles 158 et 159 du code de procédure pénale ; Attendu qu’il résulte des termes desdits articles que « le Procureur de la République a le droit d’interjeter appel devant la Chambre d’accusation de toute ordonnance du Juge d’instruction… Le droit d’interjeter appel appartient également dans tous les cas au Procureur général… » (article 158) et que « le droit d’interjeter appel appartient à l’inculpé contre les ordonnances statuant notamment sur : 1. la constitution de partie civile quand elles la reçoivent, 2. les demandes de mise en liberté formées par cet inculpé, soit lorsque cette mise en liberté est refusée, soit lorsqu’elle est accordée sous conditions, 3. les expertises et contre expertises lorsque ces mesures sont refusées, 4. la compétence du juge d’instruction lorsque ce dernier la retient, 5. une cause d’extinction de l’action publique au bénéfice de l’inculpé lorsqu’une ordonnance refuse d’admettre cette cause. La partie civile peut interjeter appel de toute ordonnance faisant grief à ses intérêts civils à l’exception de celles relatives à la détention de l’inculpé… » (article 159) ; Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué et des éléments du dossier que les nommés A Ac et C Aa Ae, cadres de banque au service contentieux de l’Union Togolaise de Banque (UTB), ont commis des malversations sur les comptes des clients douteux ou décédés dont ils ont la charge ; qu’en effet, pour réaliser des opérations de retrait sur lesdits comptes, les mis en cause émettent des chèques de guichet à des personnes intermédiaires en lieu et place des successibles ou ayants-droit dont la procédure régulière exige la présence effective ; que pour tout encaissement dans une agence de la banque, ils sont encore contactés aux fins de vérification de la régularité des opérations concernant lesdits chèques et c’est tout naturellement qu’ils donnent l’accord du service contentieux ; qu’ une vérification faite sur les comptes des clients décédés a révélé les irrégularités par eux commises relativement aux visas et signatures figurant sur les pièces comptables ; que sur plaintes du Directeur général de l’UTB, le nommé A Ac a été placé sous contrôle judiciaire après son inculpation alors que son coauteur C Aa Ae a pris la fuite pour, est-il dit, se réfugier aux Etats-Unis d’Amérique ; que l’inculpé A Ac n’a pas reconnu les faits d’abus de confiance de faux et d’usage de faux à eux reprochés alors que l’inculpé C Aa Ae, en fuite, a fait un aveu à travers une correspondance qu’il a adressée au doyen des juges d’instruction ; qu’estimant l’instruction terminée, ce dernier a, suivant ordonnance datée du 23 juin 2020, et après requalification, renvoyé les susnommés devant le tribunal correctionnel pour répondre des faits de vol aggravé d’une somme de cent dix millions huit cent trente-quatre mille cinquante (110.834.050) FCFA et de faux et usage de faux ; que l’inculpé A Ac a fait appel de ladite ordonnance de renvoi, laquelle a été annulée par la Chambre d’accusation de la cour d’appel de Lomé qui a ordonné un complément d’information ; Attendu que le défendeur au pourvoi conclut à l’irrecevabilité du moyen en soutenant qu’il s’agit d’un moyen nouveau, le demandeur au pourvoi étant, selon lui, mal fondé à soulever cette question de l’irrecevabilité de l’appel pour la première fois en cassation ; Attendu que la chambre d’accusation dont la compétence est déterminée par la loi qui a prévu les cas dans lesquelles elle peut être saisie par voie d’appel se doit de vérifier ou de s’interroger préalablement à tout débat, et même devant le silence des parties, si la cause pour laquelle elle a été saisie est de celles au sujet desquelles la loi lui donne pouvoir de prendre une décision ; que cette question de compétence qui induit le respect du principe de légalité est d’ordre public et peut être invoquée en tout état de cause ; qu’il suit qu’il ne s’agit pas d’un moyen nouveau dont on ne peut se prévaloir pour la première fois en cassation ; Attendu que pour décider comme elle l’a fait, la chambre d’accusation s’est fondée sur les dispositions des articles 178 et 173 du code de procédure pénale qui lui confèrent le pouvoir d’annuler, en tant que juridiction d’appel, toute décision du juge d’instruction contraire à la loi et d’ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile pour retenir que l’ordonnance de renvoi dont s’agit a été hâtive et doit s’analyser en un refus du juge d’instruction d’ordonner les mesures d’instruction nécessaires à la manifestation de la vérité, notamment les expertises indispensables pour éluder les faits de faux et d’usage de faux reprochés aux inculpés ; Attendu qu’en statuant ainsi alors que la loi a prévu expressément les cas dans lesquels elle peut être saisie par voie d’appel par un inculpé, l’ordonnance en cause qui ne figure pas au rang de ces cas étant strictement une ordonnance de renvoi en police correctionnelle qui ne peut s’analyser en un refus implicite d’une expertise
qui doit être faite au profit de l’inculpé, la chambre d’accusation qui a reçu l’appel a violé les textes visés au moyen ; d’où il suit que le moyen est fondé et que l’arrêt attaqué doit encourir cassation et annulation de ce chef ; PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière pénale et en état de cassation ; En la forme
Reçoit le pourvoi ; Au fond
Casse sans renvoi l’arrêt n°119/2020 rendu 12 août 2020 par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé ; Dit en conséquence que l’ordonnance définitive de non-lieu partiel, de requalification et de renvoi devant le Tribunal correctionnel des inculpés A Ac et FUMEY Edoé rendue le 23 juin 2020 par le doyen des juges d’instruction emporte ses pleins et entiers effets ; Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi ; Met les dépens à la charge de l’Etat ; Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt octobre deux mille vingt-deux à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, Président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ; Messieurs Koffi KODA, Kuma LOXOGA, madame Kayi ABBEY-KOUNTE et monsieur Anani AMOUSSOU-KOUETETE, tous quatre conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur Ab Ad B, 3ème avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.