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17/03/2022 | TOGO | N°034/22

Togo | Togo, Cour suprême, 17 mars 2022, 034/22


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°034/22 du 17 mars 2022 ________
Pourvoi N°0183/RS/2019 du 20 Novembre 2019
AFFAIRE
Ministère public & Aa Aa Ae (Me Foly G. ATTIVI) C/ A Ad Af (Me GBEGNRAN) __________
PRESENTS : MM
KODA : PRESIDENT
LOXOGA ABBEY-K* BODJONAMEMBRES AYEVA
DODZRO : M.P. NIKA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI DIX-SEPT MARS DEUX MILLE VINGT-DEUX (17/03/2022)

A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au si...

COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°034/22 du 17 mars 2022 ________
Pourvoi N°0183/RS/2019 du 20 Novembre 2019
AFFAIRE
Ministère public & Aa Aa Ae (Me Foly G. ATTIVI) C/ A Ad Af (Me GBEGNRAN) __________
PRESENTS : MM
KODA : PRESIDENT
LOXOGA ABBEY-K* BODJONAMEMBRES AYEVA
DODZRO : M.P. NIKA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI DIX-SEPT MARS DEUX MILLE VINGT-DEUX (17/03/2022)
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-sept mars deux mille vingt-deux, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de madame Kayi ABBEY-KOUNTE, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°036/19 rendu le 9 Mai 2019 par la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête à fin de pourvoi de maître Akoété GBEGNRAN, avocat au barreau du Togo, conseil du demandeur au pourvoi ; Vu le mémoire en réponse de maître ATTIVI Foly Gnavo, conseil du défendeur au pourvoi ; Vu le mémoire en réplique de maître Akoété GBEGNRAN, conseil du demandeur au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de monsieur B Ac, deuxième avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n° 97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï le conseiller Kayi ABBEY-KOUNTE en son rapport ; Ouï maître Akoété GBEGNRAN, conseil du défendeur au pourvoi ; Nul pour de maître ATTIVI Foly Gnavo, conseil du demandeur au pourvoi ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en matière pénale sur le pourvoi n°006/19 formé le 15 mai 2019 par Maître GBEGNRAN Akoété, avocat au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte du nommé A Ad Af contre l’arrêt n°036/2019 rendu le 9 mai 2019 par la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Lomé, lequel arrêt a été prononcé suite à l’arrêt de cassation n°110/17 en date du 21 décembre 2017 qui a renvoyé cause et parties devant la Cour d’appel de Lomé autrement composée pour y être statué conformément à la loi ; ledit arrêt, après avoir reçu en la forme l’appel interjeté par le nommé Aa Aa Ae, a au fond, partiellement infirmé le jugement entrepris, en ce qu’il a déclaré la citation directe du 16 octobre 2008 irrecevable ; statuant à nouveau, il a déclaré ladite citation directe recevable et constatant le décès du nommé Aa Aa Ae, a dit et jugé que l’action publique est éteinte à son égard ; que par contre à l’encontre du sieur A Af Ad, il retient la prévention du délit de l’usure, en conséquence le condamne à cinq cent mille (500 000) francs CFA d’amende et en outre annule la convention de prêt intervenue entre les deux parties le 1er juin 1998 et condamné l’appelant aux dépens ; EN LA FORME
Sur l’exception d’irrecevabilité pour autorité de chose jugée ;
Attendu que les défendeurs au pourvoi par le biais de leur conseil, estimant qu’il y a autorité de la chose jugée pour ce qui concerne le délit de l’usure reproché au demandeur au pourvoi par l’arrêt de renvoi n°110/17 du 21 décembre 2017, en ce que ledit arrêt n’a pas cassé l’arrêt n°013/13 du 14 mars 2013 déféré sur ce point, le présent pourvoi doit être déclaré irrecevable ;
Mais attendu qu’il est de principe de droit, soutenu par une jurisprudence constante que, lorsqu’une décision a fait l’objet d’un premier pourvoi, qu’elle est cassée et renvoyée aux juridictions du fond, tout se remet en état, et les juges du fond sont tenus de statuer en fait et en droit ; que l’unique obligation qui s’impose à elles, est de tenir compte des points de droit relevés par la juridiction de droit ; que de l’arrêt de renvoi sus énoncé, on relève que la Cour de céans en cassant l’arrêt n°013/13 du 14 mars 2013 entrepris, en ce que, les juges d’appel ne se sont pas prononcés sur l’opportunité de la nullité de la convention de prêt incriminée, n’empêche nullement la Cour d’appel de renvoi à statuer en fait et en droit conformément à la loi ; qu’il s’ensuit que dans cette condition, on ne peut retenir qu’il y a autorité de chose jugée entachant la recevabilité du présent pourvoi ; que ce moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ; Sur la recevabilité du pourvoi ; Attendu qu’aux termes de l’article 20 alinéa 2 de la loi organique n°97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême, « le délai pour se pourvoir en cassation en matière pénale est de huit (8) jours francs à compter de la signification de la décision, selon les modes prévus par le code de procédure pénale. », et l’article 21 du même texte de disposer que : « le pourvoi est ouvert à toutes les parties au procès pénal, à l’exception des parties défaillantes ou en fuite. » Qu’il ressort des éléments du présent dossier que tous les actes de la procédure ont été accomplis dans les forme et délai prescrits par les dispositions légales susvisées ; qu’il convient de déclarer le pourvoi recevable ; AU FOND Attendu que des éléments du présent dossier, il ressort que suivant contrat en date 1er juin 1998, le nommé A Ad Af a remis au nommé Aa Aa Ae à titre de prêt une somme de cinquante millions (50 000 000) de francs CFA à un taux d’intérêt mensuel de 2% soit 24% par an ; que selon l’évolution dudit contrat, le débiteur tout en remboursant de façon évolutive le prêt initialement reçu, sollicitait d’autres prêts périodiquement ; que de cette convention de prêt avec un mécanisme de prêts-remboursements-prêts, il est arrivé à devoir à son créancier courant année 2007, la somme totale de quarante-six millions quatre cent mille (46 400 000) francs CFA comme somme principale et intérêts échus, somme qu’il n’arrivait plus à rembourser ; que dans le but de récupérer son argent, le prêteur a obtenu du tribunal civil de Lomé le 14 octobre 2008 une ordonnance d’injonction de payer contre le débiteur et portant sur une somme totale de cinquante-quatre millions six cent soixante-sept mille huit-cent (54 667 800) francs CFA ; que pour s’opposer au paiement d’une telle somme, le débiteur a enclenché contre son créancier une procédure de citation directe pour délit de prêt de l’usure conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi n°2000-04 du 11 janvier 2000 devant la chambre correctionnelle du tribunal de Lomé ; Attendu que par jugement n°329/10 du 15 mars 2010, le tribunal correctionnel de Lomé a déclaré irrecevable ladite action, rejeté en conséquence toutes les demandes des parties pour défaut de fondement ; que sur appel du débiteur, la Cour d’appel de Lomé, par arrêt n°013/2013 en date du 14 mars 2013, a déclaré l’action du débiteur recevable en la forme et au fond dit et jugé que le délit de l’usure est consommé à l’égard des deux parties litigantes ; en conséquence les a condamnés chacun au payement d’une somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA à titre d’amende ; que sur pourvoi du débiteur, en ce que, l’arrêt entrepris a omis de se prononcer sur la nullité de la convention de prêt incriminé, alors qu’une demande a été faite en ce sens, la Cour de céans, par arrêt n°110/17 en date du 21 décembre 2017, a cassé et annulé l’arrêt déféré en renvoyant cause et parties devant la Cour d’appel autrement composée pour y être statué à nouveau conformément à la loi ; que par arrêt n°036/2019 rendu le 9 mai 2019, la Cour d’appel de Lomé, statuant sur renvoi, a infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la citation directe du 16 octobre 2008 irrecevable, et statuant à nouveau, a déclaré ladite citation recevable en la forme, et au fond, constatant le décès du débiteur, a déclaré qu’à son égard, l’action publique est éteinte ; que par contre, à l’égard du créancier ledit délit étant constitué, l’a condamné à une amende de cinq cent mille (500 000) francs CFA et prononcé l’annulation du contrat de prêt incriminé ;
Vu l’article 1er de la Loi n°2000-004 du 11 janvier 2000 portant définition et répression de l’usure et fixation du taux d’intérêt légal ; Attendu que constitue un prêt usuraire, tout prêt et toute convention dissimulant un prêt d’argent consenti, en toute matière, à un taux effectif global excédant, à la date de sa stipulation, le taux de l’usure ; que le taux de l’usure est déterminé par le Conseil des ministres de l’Union Monétaire Ouest Africaine ; qu’aux termes du règlement du conseil des ministres de l’UEMOA en date du 3 juillet 1997, le taux de l’usure est déterminé de façon uniforme à 18% pour les banques et à 27% pour tous les acteurs de la vie économique dont les particuliers, ces taux sont reconnus comme tels par la BCEAO, en sa lettre n°3162/EC/SE en date 13 juin 2019; Attendu que le demandeur au pourvoi par l’organe de son conseil a présenté deux moyens au soutien de son pourvoi ; Sur le moyen du pourvoi tiré de la violation de l’article 1er de la Loi n°2000-004 du 11 janvier 2000 portant définition et répression de l’usure et fixation du taux d’intérêt légal, en ce que, l’arrêt querellé a estimé que le prêt consenti par le prêteur a été fait à un taux usuraire ; Attendu que pour retenir le délit de prêt à taux usuraire à l’encontre du nommé A Ad Af, la Cour d’appel de Lomé s’est simplement contentée de relever que ledit délit est constitué au regard du taux appliqué en l’espèce, sans dire en quoi ledit taux, qui en l’espèce était de 24%, serait réellement un taux usuraire ; que la matière pénale étant d’application stricte, on ne peut entrer en condamnation contre quiconque sans texte de loi ;
Qu’en statuant comme ils l’ont fait, en ne démontrant pas en quoi le taux d’intérêt pratiqué par le demandeur au pourvoi serait un taux usuraire, les juges d’appel n’ont pas donné de base légale à leur décision qui de ce fait encourt cassation et annulation ; Attendu qu’aux termes de l’article 234 alinéa 2 du décret n°82-150 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile si la Cour retient l’un des moyens invoqués, elle n’a plus à statuer sur les autres moyens dès lors que le moyen retenu entraîne cassation ; SUR LE POINT DE L’EVOCATION
Attendu que le demandeur au pourvoi sollicite qu’au cas où l’arrêt querellé est annulé, la Cour de céans devra alors évoquer et statuer définitivement sur la question de la prévention du délit de l’usure à lui reproché ; qu’il fait observer qu’en l’espèce, la question qu’il faille se poser, serait de savoir si le prêt consenti au nommé Aa Aa Ae le 1er juin 1998 était-il usuraire et si le prêteur est-il coupable du délit de l’usure ; qu’à de telles questions, une réponse négative ne saurait faire l’ombre d’aucun doute du moment où le prêt incriminé consenti au taux 24% l’an en 1998 n’était pas usuraire, puisqu’à cette date, le taux de l’usure fixé par l’instance compétente est de 27% pour les prêteurs particuliers ; qu’il convient de déclarer le nommé A Ad Af non coupable du délit de l’usure et le relaxer purement et simplement et de dire et juger valable la convention de prêt en date du 1er juin 1998 intervenue entre les parties ; Attendu qu’il est de jurisprudence constante que lorsqu’un dossier revient en cassation pour une seconde fois, il est évoqué et la Cour de Céans statue définitivement sur la question de droit qui se pose ; que des éléments du dossier et des développements faits plus hauts, il y a lieu de procéder à l’évocation de la présente cause ; Attendu également que de tout ce qui précède, il ressort que la convention de prêt en date du 1er juin 1998 incriminée n’a pas été conclue sur un taux d’usure ; que le demandeur au pourvoi ne pouvant être retenu dans les liens de la prévention du délit d’usure, il convient de prononcer sa relaxe pure et simple ; Attendu que dans cette condition, il y a lieu de dire que la convention de prêt incriminée n’est pas nulle et elle doit produire ses pleins et entiers effets entre les parties. PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement en matière pénale et en état de cassation ; EN LA FORME 
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND 
Le dit bien fondé en son premier moyen ; En conséquence, casse et annule l’arrêt déféré ; EVOQUANT
Dit et juge que la convention de prêt incriminée intervenue entre les parties en juin 1998 n’étant pas faite à un taux usuraire, elle est par conséquent valable ; Prononce la relaxe du nommé A Ad Af des faits de la poursuite ; Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi au demandeur au pourvoi ; Condamne les défendeurs au pourvoi aux dépens ; Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-sept mars deux mille vingt-deux à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi KODA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, Président ; Monsieur Kuma LOXOGA, madame Kayi ABBEY-KOUNTE, monsieur Pignossi BODJONA et Tcha-Tchibara AYEVA, tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur C Ab, cinquième avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Naka NIKA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier./.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 034/22
Date de la décision : 17/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2022-03-17;034.22 ?
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