COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°022/22 du 17 FEVRIER 2022 _________ Pourvoi N°099/RS/19 du 17 juin 2019 AFFAIRE
C Ad Ah, mandataire de la succession Z C X
C/
Sieur C Ai C Af C Ag et autres
PRESENTS: MM BASSAH : PRESIDENT
KODA LOXOGA MEMBRES ABBEY-KOUNTE* AYEVA BEKETI : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE-TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI DIX-SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX (17-02-22)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-sept février deux mille vingt-deux, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de madame Kayi ABBEY-KOUNTE, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°100/19 en date du 20 février 2019 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête à fin de pourvoi de maîtres Dopé EKOUE-KOUVAHEY et Edoh AGBAHEY, tous avocats au barreau du Togo, conseils des demandeurs au pourvoi ; Vu le mémoire en réponse de maître Kodjovi DOSSOU, avocat au barreau du Togo, conseil des défendeurs au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de monsieur Aa A, 2ème avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n°97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï madame Kayi ABBEY-KOUNTE en son rapport ; Nul pour maîtres Ae Y et Edoh AGBAHEY, conseil des demandeurs au pourvoi, absents et non représentés ;
Ouï maître Kodjovi DOSSOU, conseil des défendeurs au pourvoi ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 14 juin 2019 par maîtres Dopé EKOUE-KOUVAHEY et Edoh AGBAHEY, tous deux, avocats au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte du nommé C Ad Ah, mandataire de la succession ABONI Z C Ac contre l’arrêt n°100/19 rendu le 20 février 2019 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé, lequel arrêt, après avoir reçu en la forme la tierce opposition dudit mandataire contre l’arrêt n°039/2016 rendu le 3 février 2016 par la même Cour, a, au fond, dit et jugé ladite tierce opposition mal fondée, en conséquence, débouté le tiers opposant de toutes ses demandes, fins et conclusions, dit en outre que l’arrêt querellé n°039/2016 rendu le 3 février 2016 produira ses pleins et entiers effets, rejeté la demande reconventionnelle des intimés comme non fondés et condamné le tiers opposant aux dépens ; EN LA FORME
Attendu que tous les actes de la procédure ont été accomplis dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de recevoir le pourvoi ; AU FOND
Attendu que des faits constants de la présente procédure, il ressort que par exploit d’huissier en date du 15 septembre 2016, le nommé Ah Ad C, mandataire de la succession Z C Ac, assisté de maître Edoh AGBAHEY, a donné assignation aux nommés C Ai, C Af et autres, ayant pour conseil maître Kodjovi DOSSOU, à comparaître par-devant la Cour d’appel de Lomé en tierce opposition contre l’arrêt n°039/2016 rendu le 3 février 2016 par la même Cour pour voir en la forme, déclarer l’action en tierce opposition recevable et au fond la déclarer bien fondée et rétracter par voie de conséquence ledit arrêt en déclarant l’immeuble litigieux propriété exclusive de la succession de feu Z C Ac ; qu’au soutien de ladite action, le concluant fait valoir pour l’essentiel qu’il s’agit d’un immeuble de la succession de leur auteur commun que les requis revendiquent comme leur propriété pleine et entière au motif que ledit immeuble a déjà fait l’objet de donation entre vifs par leur père à leur mère dame ADIKA-WETA Amédoé de leur vivant ; qu’ainsi, ledit immeuble ne fait plus partie des biens de la succession Z C Ac ; que se fondant sur les dispositions de l’article 1093 du code civil applicable au Togo, le demandeur au pourvoi estime que, quand bien même, l’immeuble litigieux aurait été donné en pleine propriété à dame ADIKOU-WETA Amédoé par son mari, tous deux vivants à l’époque, ce bien doit revenir à toute la succession de l’auteur commun en vertu de l’article 1093 du code civil du fait du prédécès de la donataire ; que les premiers juges se fondant sur l’article 1er de l’ordonnance n°80-16 du 31 janvier 1980 portant code des personnes et de la famille, ont estimé que ledit article n’est plus applicable au Togo, parce que abrogé par les dispositions transitoires dudit code ; que ce faisant, ils ont reçu en la forme leur action en tierce opposition, et au fond, ils l’ont dit mal fondée et par voie de conséquence, ils les ont déboutés de toutes leurs demandes, fins et conclusions, et jugé que l’arrêt déféré n°039/2016 rendu le 3 février 2016, produira ses pleins et entiers effets ; Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt déféré la violation de l’article 9 de la loi organique n°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire pour défaut de motifs ou manque de base légale, en ce que, les juges d’appel ont fondé leur décision sur les dispositions de l’article 1er du code des personnes et de la famille du 31 janvier 1980, lequel article est abrogé par les dispositions de l’article 733 du nouveau code des personnes et de la famille, issu de la loi n°2014-019 du 17 novembre 2014 portant modification de certains articles de la loi n°2012-014 du 06 juillet 2012 portant code des personnes et de la famille ; Attendu que le demandeur au pourvoi estime que dès l’instant où l’ordonnance n°80-16 du 31 janvier 1980 portant code des personnes et de la famille a été abrogée par le nouveau texte portant code des personnes et de la famille en son article 733, il n’est plus possible que les juges du fond en fassent référence pour statuer ; que dans cette condition, les dispositions de l’article 1093 du code civil français par eux évoquées à l’appui de leur requête en tierce opposition doivent recevoir application dans le cas d’espèce ; Mais attendu que, s’il est vrai que l’ordonnance n°80-16 du 31 janvier 1980 portant code des personnes et de la famille a été abrogée par la loi n°2012-014 du 06 juillet 2012 portant code des personnes et de la famille, elle-même par la suite modifiée par la loi n°2014-019 du 17 novembre 2014 portant modification de certains articles de ladite loi, en son article 733, il est aussi constant que, depuis le 31 janvier 1980 où le Togo a adopté son code des personnes et de la famille, il a sorti de son ordonnancement juridique et remplacé par de nouvelles dispositions légales, certaines dispositions du code civil français rendues applicables dans le pays par le Décret du 22 mai 1924 en son article 1er relatif aux dispositions transitoires, en particulier, les dispositions des articles 102 à 515, 718 à 1100, 1387 à 1581 dont l’article 1093 du code civil français incriminé ; qu’ainsi, toutes les dispositions légales du code civil français abrogées depuis le 31 janvier 1980, ne peuvent plus recevoir application au Togo même si le texte légal les ayant abrogé, a été par la suite abrogé et remplacé par une nouvelle loi, en ce que, la nouvelle loi, n’a plus expressément réintroduit dans l’ordonnancement juridique national lesdites dispositions légales françaises abrogées; que par ailleurs, il y a lieu de relever que la donation entre vifs incriminée, est intervenue bien avant la réforme du code des personnes et de la famille, qui a successivement eu lieu en 2012 et 2014 ; qu’au moment où cet acte de donation a été fait, le texte applicable est bien l’Ordonnance n°80-16 du 31 janvier 1980 portant code des personnes et de la famille, en son article 558 qui fait de la donation entre vifs, un acte définitif et irrévocable ; Qu’ainsi, c’est à bon droit que les juges d’appel, se fondant sur les dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n°80-16 du 31 janvier 1980 portant code des personnes et de la famille, ont déclaré mal fondée, la présente tierce opposition ; qu’il s’ensuit que le moyen unique de cassation proposé ne peut prospérer et doit être rejeté ; PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ; EN LA FORME Reçoit le pourvoi ; AU FOND
Le rejette comme mal fondé ; Ordonne la confiscation de la taxe de pourvoi ; Condamne le demandeur au pourvoi aux dépens ;
Dit que mention du présent arrêt sera faite en marge ou au pied de l’arrêt déféré ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-sept février deux mille vingt-deux et à laquelle siégeaient : Monsieur Agbenyo Koffi BASSAH, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ; Messieurs Koffi KODA, Kuma LOXOGA, Kayi ABBEY-KOUNTE et Tcha-Tchibara AYEVA, tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur Ab B, 4ème avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.