COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°162/21 du 16 décembre 2021 _________ Pourvoi N°087/18 du 11 juin 2018 AFFAIRE
Ministère public et la BCEAO (Direction Nationale pour le Togo) C/
Y Ac
Z: MM ABBEY-KOUNTE : PRESIDENT BODJONA AYEVA* MEMBRES AI AH KANTCHIL-LARRE : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE-TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN (16-12-21)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi seize décembre deux mille vingt et un, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de monsieur Tcha-Tchibara AYEVA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°106/18 en date du 06 juin 2018 rendu par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête à fin de pourvoi de maître Jean Yaovi DEGLI, avocat au barreau du Togo, conseil des demandeurs au pourvoi ; Vu le mémoire en réponse de maître SOEDJEDE, conseil de la demanderesse au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de monsieur Ab B, 4ème avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï monsieur Tcha-Tchibara AYEVA en son rapport ; Ouï les conseils des parties ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en matière pénale et en état de cassation sur le pourvoi formé le 11 juin 2018 par maître Jean Yaovi DEGLI, agissant au nom et pour le compte du sieur Y Ac, contre l’arrêt n°106/18 rendu le 6 juin 2018 par la chambre d’ accusation de la Cour d’appel de Lomé qui s’est déclarée compétente pour statuer, reçu la partie civile en son appel en la forme, au fond, déclaré maître SOEDJEDE fondé en son appel, vu les dispositions des articles 173 et 178 du code de procédure pénale, constaté que des zones d’ombre restent à être élucidées avant l’intervention de l’ordonnance de règlement, annulé par conséquent en toutes ses dispositions l’ordonnance définitive de non-lieu à suivre en date du 11 Février 2016 querellée, évoquant, ordonné un complément d’information, devant porter sur l’audition de tous les acteurs du circuit d’achat de l’Ae X Aa, la constatation matérielle des rideaux litigieux, l’analyse suivie de l’interprétation des états des fonds objets de détournement de la part de l’inculpé et l’interpellation de celui-ci à ce sujet, l’audition des gérants des hôtels EDAOBA, SAINT THOMAS, SARAKAWA, MARIBEAU et NACK Hotel en exigeant d’eux la production au dossier des pièces justificatives, ordonné le retour du dossier de la procédure au juge d’instruction pour y être procédé et réservé les dépens ; En la forme Attendu qu’il ressort des éléments du dossier que le pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ; Au fond Attendu que de l’arrêt attaqué et des pièces du dossier, il ressort qu’il est reproché au sieur Y Ac, alors chef d’agence de la BCEAO à Kara, diverses malversations financières et fraudes au préjudice de la Banque centrale ; Attendu qu’en raison de ces faits, il fut interpellé et déféré par-devant le parquet de Lomé le 28 septembre 2013 qui a ouvert une information ; Attendu que le 8 avril 2016 le juge d’instruction a rendu une ordonnance définitive de non-lieu contre laquelle la banque a interjeté appel le 18 avril 2016 ; Attendu que par arrêt n°234/16 rendu le 27 juillet 2016, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé a déclaré l’appel irrecevable, décision contre laquelle la banque s’est pourvue en cassation devant la Cour de céans qui a rendu l’arrêt a cassé et annulé l’arrêt n°234/2016 rendu le 27 juillet 2016, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé a déclaré l’appel irrecevable, décision contre laquelle la banque s’est pourvue en cassation devant la Cour de céans qui a rendu l’arrêt n°17/18 le 15 février 2018 ; que cet arrêt a cassé et annulé l’arrêt n°234/2016 rendu le 27 juillet 2016 par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé ; Attendu que par lettre en date du 11 avril 2018, le greffier en chef près la Cour suprême a transmis le dossier de la procédure à la Cour d’appel de Lomé qui, le 6 juin 2018 a rendu l’arrêt n°106/18 qui a ordonné de retourner le dossier de la procédure au juge d’instruction pour complément d’informations ; que c’est contre cet arrêt qu’est dirigé le présent pourvoi qui s’articule autour de huit (08) moyens ; Sur le premier moyen pris en ses deux branches
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt d’avoir violé les articles 220 et 135 du code de procédure civile en ce que la chambre d’accusation de la Cour d’appel s’est autosaisie en violation de la loi et de la pratique consacrée par la jurisprudence en matière de procédure de cassation et après l’arrêt de cassation sans renvoi ; Mais attendu que le dossier de la procédure a été transmis par le greffier en chef de la Cour suprême par lettre datée du 11 avril 2018 à la Cour d’appel ; que la Cour de céans a cassé et annulé l’arrêt de la chambre d’accusation qui a déclaré irrecevable l’appel de la partie civile ; qu’elle n’a pas cassé sans renvoi ; qu’il suit que la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé n’a pas violé les dispositions des articles 220 et 135 du code de procédure civile ; qu’en conséquence le moyen n’est pas fondé et mérite rejet ; Sur le deuxième moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à la chambre d’accusation d’avoir dépourvu son arrêt de base légale ; Mais attendu que la Cour d’appel en soutenant que lorsque la Cour suprême casse et annule un arrêt sans renvoi, l’on ne saurait que recourir à ce qui a été la pratique en cas de cassation avec renvoi n’a fait qu’une appréciation souveraine qui échappe à la censure de la Cour suprême ; qu’il convient de déclarer le moyen non fondé et le rejeter ; Sur le troisième moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 30 de la loi n°97-5 du 5 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême en ce que la Cour d’appel a cru justifier sa saisine par une erreur de la Cour suprême qui n’aurait pas précisé la suite de sa cassation alors même qu’elle n’a aucune compétence pour ce faire puisqu’en cas d’erreur matérielle de la part de la Cour suprême seule une procédure engagée par le procureur général de la juridiction suprême peut y remédier ; Mais attendu que la Cour d’appel en soutenant dans son arrêt « que l’on ne saurait dans ce cas que recourir à ce qui a été toujours la pratique en cas de cassation avec renvoi étant donné que le fond du litige n’est pas encore réglé en l’espèce » n’a nullement rectifié une prétendue erreur matérielle ; qu’il suit que le troisième moyen n’est pas fondé et mérite rejet ; Sur le quatrième moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche au juges d’appel d’avoir violé l’article 9 de l’ordonnance 78-35 du 7 septembre 1978 en ce que pour justifier le fait qu’elle autosaisie, la chambre d’accusation affirme qu’elle s’interroge et pose des arguments conditionnels alors même que ce que l’on doit attendre d’une juridiction légale est non pas de s’interroger et de semer le doute mais au contraire d’appliquer le droit, et ce, avec toutes les certitudes que cela implique ; Mais attendu que la Cour d’appel en s’interrogeant sur le sort à réserver aux arrêts de cassation rendus par la juridiction suprême et pour lesquels elle n’a pas pris soin de préciser la suite de sa cassation, et en y apportant elle-même une solution en soutenant que « l’on ne saurait que recourir à ce qui été toujours le fois pratique en cas de cassation avec renvoi étant donné que le fond du litige n’est pas encore réglé en l’espèce ; n’a pas fait des motifs dubitatifs équivalent à un défaut de motif ; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ; Sur le cinquième moyen Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt de la chambre d’accusation une contradiction entre les motifs et le dispositif équivalent à un défaut de motif entraînant la violation de l’article 9 de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 et la violation du principe de la présomption d’innocence ; Mais attendu que l’expression utilisée par la chambre d’accusation selon laquelle l’analyse suivie de l’interprétation des états de fonds de détournement de la part de l’inculpé » ne saurait s’analyser en une reconnaissance par les juges d’appel d’un détournement ; que si tel avait le dossier de la procédure aurait été clôturé ; qu’en prenant des mesures diverses et en renvoyant le dossier devant le juge d’instruction pour compléments d’information, il n’y a pas eu de contradiction entre le motif et le dispositif qu’il suit que le principe de la présomption d’innocence n’a pas été non plus violé ; que le moyen en ses deux branches ne peut prospérer et mérite rejet ; Sur le sixième moyen Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de la chambre d’accusation de n’avoir pas observé le principe du contradictoire entraînant la violation de l’article 50 du code de procédure civile en ce que les juges d’appel ont dans leur arrêt statué sur la base des pièces qui n’ont pas été communiquées à l’inculpé ni devant le juge d’instruction, ni devant la chambre d’accusation ou qui l’ont été que partiellement et ce malgré les demandes répétées du sieur C AG Ac qui a soulevé cette situation devant la chambre d’accusation et sollicité que ces pièces qui violent le principe du contradictoire soient écartées des débats ; Mais attendu que la chambre d’accusation en soutenant que « pour la manifestation de la vérité et éventuellement pour contourner l’obstacle de communication de certaines pièces par la partie civile » a relevé la résistance par la partie civile de produire certaines pièces et en a tiré des conséquences ; qu’en statuant comme elle l’a fait on ne peut reprocher à la chambre d’accusation la violation de l’article 50 du code de procédure civile ; que le sixième moyen n’est pas fondé et mérite rejet ; Sur le septième moyen pris en ses deux branches
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de la chambre d’accusation d’avoir violé l’article 39 du code de procédure civile et défaut de réponse à conclusion en ce que les juges de la Cour d’appel n’ont pas répondu aux demandes du sieur DIVO-AYAOVI tendant à faire déclarer irrecevables les pièces produites par la BCEAO pour la première fois devant la chambre d’accusation et pour lesquelles la plupart n’ont pas été communiquées à l’inculpé, alors même que dans ses conclusions en date du 6 juin 2018 il a conclu à l’irrecevabilité et au rejet desdites pièces ou que ces pièces soient écartées des débats ; que la chambre d’accusation n’a non plus répondu au problème de non communication des pièces et de leur irrecevabilité ni dans ses motifs, ni dans son dispositif alors même que le juge a l’obligation de répondre aux diverses conclusions et notamment à chaque moyen soulevé par chacune des parties ; Mais attendu que la chambre d’accusation en soutenant « qu’elle peut, dans tous les cas à la demande du Procureur Général, d’une partie ou d’office, ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile » ; « que dans ces conditions ces zones d’ombre ainsi relevées méritent d’être élucidées pour une meilleure compréhension du dossier », qu’on ne peut reprocher à la chambre d’accusation de n’avoir pas répondu à toutes les demandes étant donné qu’elle a constaté des zones d’ombre qu’elle voudrait faire élucider ; qu’en outre la chambre d’accusation a répondu aux conclusions relatives à la non communication des pièces produites dans la procédure, leur caractère irrégulier ou la nécessité de ne pas statuer sur la base desdites pièces en ces termes « qu’en effet, il convient souligner que l’accusation reposant essentiellement de deniers publics dont entre autres, la confection de fausses factures par le sieur Y Ac et que ce dernier ne reconnaissant pas lesdits faits, il apparaît nécessaire pour la manifestation de la vérité et éventuellement pour contourner l’obstacle de communication de certaines pièces par la partie civile de procéder plutôt à l’audition de tous les acteurs du circuit d’achat de l’Ae X Aa, a la constatation matérielle des rideaux litigieux… » qu’en statuant comme elle l’a fait la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lomé n’a pas violé l’article 39 du code de procédure civile et a répondu aux diverses conclusions ; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé en ses deux branches ; Sur le huitième moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt d’avoir violé l’alinéa 2 de l’article 174 du code de procédure civile en ce qu’elle a ordonné une information par le juge d’instruction alors même que les chefs de poursuites visés concernés sont les mêmes que ceux compris dans les inculpations déjà faites par le juge d’instruction ; Mais attendu que pour ordonner un complément d’information la chambre d’accusation s’est appuyée sur les dispositions de l’article 173 du code de procédure pénale et non sur l’article 174 alinéa 2 dudit code ; qu’aux termes des dispositions de l’article 173 visé par la chambre d’accusation « La chambre d’accusation peut, dans tous les cas à la demande du Procureur Général, d’une des parties ou même d’office, ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile, décerner tous mandats …. » ; qu’il suit que la chambre d’accusation n’a pas violé l’article 174 alinéa 2 du code de procédure pénale ; que le moyen n’est donc pas fondé et mérite rejet ; Sur les dommages et intérêts
Attendu que le défendeur au pourvoi sollicite la condamnation du demandeur au pourvoi au payement de la somme de quinze millions de francs à titre de dommages intérêts suivant l’article 32 alinéa 2 de la loi organique n°97-05 organisant le fonctionnement de la Cour suprême ; Mais attendu que le demandeur au pourvoi n’a fait qu’user des voies de recours qui lui sont ouverts par la loi ; que le pourvoi n’est pas abusif ; qu’il échet de rejeter la demande de la défenderesse tendant au payement des dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière pénale et en état de cassation ; En la forme
Reçoit le pourvoi ; Au fond
Le rejette ; Rejette la demande de la défenderesse tendant au payement des dommages et intérêts pour procédure abusive comme mal fondée ; Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ; Condamne le demandeur au pourvoi aux dépens ; Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi seize décembre deux mille vingt et un et à laquelle siégeaient : Madame Kayi ABBEY-KOUNTE, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ; Messieurs Pignossi BODJONA, Tcha-Tchibara AYEVA, FOLLY et DETEH, tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur Ad A, 2ème avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.