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21/04/2016 | TOGO | N°042

Togo | Togo, Cour suprême, 21 avril 2016, n°042/16


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°042/16 DU 21 AVRIL 2016







Audience publique ordinaire du jeudi 21 avril 2016



Pourvoi : n°06/RS/15 du 14 janvier 2015



Affaire : Ministère Public & la Société EQUINOXE SARL(

(scp Martial AKAKPO & Associés)

contre

X Ag et Autres

(Maître N’DJELLE)





Les frais de l’expertise judiciaire ordonnée par le juge, sont à bon droit répartis de moitié entre la partie civile, qui l’a d’ailleurs sollicitée, et le p

révenu. Elles ne se confondent pas aux dépens à la charge du seul prévenu, et éventuellement du civilement responsable, au sens de l’article 346 du code de procédure pénal...

COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°042/16 DU 21 AVRIL 2016

Audience publique ordinaire du jeudi 21 avril 2016

Pourvoi : n°06/RS/15 du 14 janvier 2015

Affaire : Ministère Public & la Société EQUINOXE SARL(

(scp Martial AKAKPO & Associés)

contre

X Ag et Autres

(Maître N’DJELLE)

Les frais de l’expertise judiciaire ordonnée par le juge, sont à bon droit répartis de moitié entre la partie civile, qui l’a d’ailleurs sollicitée, et le prévenu. Elles ne se confondent pas aux dépens à la charge du seul prévenu, et éventuellement du civilement responsable, au sens de l’article 346 du code de procédure pénale.

A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de la Cour à Lomé, le vingt et un avril deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :

Etaient présents :

Messieurs

ABDOULAYE

PRESIDENT

KODA

EDORH

MEMBRES

A

Z

AJ

M. P.

Et Maître

ADDI

GREFFIER

LA COUR

Sur le rapport de monsieur KODA Koffi, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême;

Vu l’arrêt n°001/2015 rendu en matière correctionnelle le 08 janvier 2015 par la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Lomé ;

Vu la requête à fin de pourvoi de la SCP Martial AKAKPO et Associés, conseil de la demanderesse au pourvoi ;

Vu le mémoire en réponse de maître N’DJELLE, conseil de X Ag défendeur au pourvoi ;

Vu les conclusions écrites de monsieur le procureur général près la Cour suprême ;

Vu les autres pièces de la procédure ;

Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême ;

Ouï le conseiller KODA Koffi en son rapport ;

Ouï maître DUSI, substituant la SCP Martial AKAKPO et Associés, conseil de la demanderesse au pourvoi ;

Ouï maître Edah N’DJELLE, conseil du défendeur au pourvoi ;

Le Ministère public entendu ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant en matière pénale sur le pourvoi formé le 14 janvier 2015 par la SCP Martial AKAKPO & Associés, cabinet d’avocats à la Cour à Lomé, agissant au nom et pour le compte de la Société EQUINOXE SARL, contre l’arrêt n°001 rendu le 8 janvier 2015 par la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Lomé, lequel arrêt a infirmé le jugement n°1312 rendu le 3 septembre 2012 par la deuxième chambre correctionnelle du tribunal de Lomé en ce qu’elle a :

fixé à la somme de trente-deux millions six cent seize mille huit cent soixante-dix-neuf (32.616.879) Francs CFA le reliquat de la somme détournée ;

dit et jugé que les frais d’expertise, soit la somme de dix sept millions six cent cinquante mille (17.650.000) Francs CFA seront supportés par les seuls prévenus ;

fixer à cinq millions (5.000.000) Francs CFA le montant des dommages et intérêts ;

affecté l’immeuble du sieur X Ag à la partie civile, le sieur B Ah, à titre de réparation du préjudice par lui subi ;

Statuant à nouveau, la Cour d’appel a :

écarté le second rapport de l’expert

fixé à la somme de trois millions cinq cent soixante-douze mille six cent vingt-deux (3.572.622) Francs CFA le montant du reliquat restant dû à la partie civile ;

réduit de moitié les frais d’expertise ;

dit et jugé que ces frais d’expertise seront supportés par moitié par les prévenus condamnés, l’autre moitié étant mise à la charge de la partie civile ;

fixé à deux millions cinq cent mille (2.500.000) Francs CFA le montant des dommages et intérêts ;

condamné solidairement en définitive les prévenus à payer à la partie civile les sommes suivantes :

reliquat du préjudice : 3.572.622 Francs CFA,

dommages-intérêts : 2.500.000 Francs CFA,

condamné les prévenus à payer à l’appelant la somme de 4.412.500 Francs CFA,

dit et jugé que l’immeuble du sieur X Ag précédemment mis sous-main de justice reste et demeure la propriété de celui-ci,

confirmé le jugement entrepris en ses autres points non contraires ;

EN LA FORME

Attendu que tous les actes de la procédure ont été faits dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de recevoir le pourvoi ;

AU FOND

Attendu, selon l’arrêt et les éléments du dossier, que le 12 octobre 2010, monsieur C Af, comptable à l’imprimerie EQUINOXE SARL à Lomé, a présenté à son chef, monsieur AG Ac, l’attaché du directeur, des bons de sortie de papiers rames, sur lesquels les chiffres ont été surchargés ; qu’une vérification ordonnée immédiatement par ce dernier a permis de constater des détournements de papiers rames au niveau du magasin géré par monsieur X Ag ; que ces malversations ont été chiffrées par la société EQUINOXE à sept millions six cent soixante-douze mille six cent vingt-deux (7.672.622) Francs CFA et couvrent la période de janvier 2010 au 12 octobre 2010 ; que l’enquête de la gendarmerie a révélé que monsieur X Ag a commis ces faits en complicité avec certains de ses collègues de travail, en l’occurrence les nommés Y Ai, AI Ab, ALAI Aa et AH Aj ;

Qu’au cours de la procédure, l’imprimerie EQUINOXE a demandé la commission d’un expert aux fins de déterminer avec exactitude l’ampleur du préjudice par elle subi ; que faisant suite à cette sollicitation, le juge d’instruction a commis le sieur AK Ad Constant, expert-comptable, lequel a déposé son rapport le 20 avril 2012 ; qu’il ressort de ce rapport que le montant du préjudice au sieur X ne peut être déterminé avec exactitude ;

Que saisi d’une nouvelle demande de complément d’expertise par la même société, le même expert-comptable commis, à savoir le sieur AK, a émis un second rapport daté de juin 2012 dans lequel il a chiffré le préjudice subi par la partie civile à la somme de 35.716.879 FCFA ;

Que suivant ordonnance en date du 19 juillet 2012, du juge d’instruction en charge du troisième cabinet au tribunal de première instance de Lomé, les nommés X Ag, Y Ai, AI Ab, AH Aj et ALAÏ Aa ont été renvoyés par-devant la deuxième chambre correctionnelle du tribunal de Lomé pour répondre des préventions d’abus de confiance pour le premier et complicité d’abus de confiance pour les quatre autres ;

Que sur l’action publique, le tribunal a condamné :

X Ag, à 36 mois d’emprisonnement dont 10 avec sursis pour le délit d’abus de confiance,

Y Ai et AI Ab, à 36 mois d’emprisonnement chacun dont 12 avec sursis pour complicité d’abus de confiance,

AH Aj, à 30 mois d’emprisonnement dont 12 avec sursis pour complicité d’abus de confiance,

ALAÏ Aa, à 18 mois d’emprisonnement dont 12 avec sursis pour complicité d’abus de confiance ;

Que sur l’action civile, le tribunal a décidé comme il est dit au début du présent arrêt ; que sur appel des prévenus, la Cour d’appel a partiellement infirmé ce jugement et a statué à nouveau comme précédemment rappelé.

Sur le premier moyen ; tiré de la violation des articles 309, 131 et 142 du code de procédure pénale, en ce que, l’arrêt attaqué a décidé que c’est le montant de 7.672.622 FCFA au lieu de 35.761.872 FCFA qui constitue le préjudice réel subi par la demanderesse au pourvoi aux motifs que le premier rapport d’expertise daté de juin 2012, tous deux établis par le même expert, donnent des conclusions contradictoires de sorte qu’il existe un doute sérieux sur la détermination du préjudice réel et incontestable subi par la demanderesse au pourvoi, alors que la preuve du quantum du préjudice causé par une infraction est une question d’ordre technique à laquelle la Cour n’aurait pu apporter une solution objective sans une expertise ou contre-expertise ;

Qu’à l’appui de ce moyen, la demanderesse au pourvoi soutient que les articles 309, sous la section « de l’administration de la preuve » et 131 du code de procédure pénale commandent à la juridiction saisie, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, d’ordonner, même d’office, une expertise ; que si la Cour d’appel estimait que les résultats du rapport daté de juin 2012 évaluant le préjudice causé à la somme de 35.761.879 FCFA ne sont pas crédibles, de son point de vue, elle se devait d’ordonner d’office une autre expertise en désignant un autre expert ; que mieux, l’article 142 du code de procédure pénale autorise le prévenu à demander une contre-expertise si les conclusions de l’expertise déjà établie ne lui paraissent pas crédibles ; que le prévenu n’a pas cru devoir le faire ; qu’en tout état de cause, en présence de deux rapports d’expertise aboutissant à des conclusions différentes, seule une autre expertise pouvait permettre à la Cour de se prononcer sur le quantum réel et définitif du préjudice causé à la demanderesse au pourvoi, de sorte que le choix opéré par la Cour sur le premier rapport d’expertise sous prétexte de doute allégué, n’est pas un mode légal d’administration de la preuve du quantum d’un préjudice au sens des articles 309, 131 et 142 du code de procédure pénale ;

Mais attendu qu’il convient de rappeler que la Cour d’appel de Lomé a relevé « …que l’expert-comptable commis, sur la demande de la partie civile, en vue de déterminer le montant du préjudice subi a, dans un premier temps, conclu qu’il n’était pas possible de déterminer le préjudice exact subit par l’imprimerie EQUINOXE SARL ; que le second rapport dressé par le même expert-comptable et sur la base des mêmes documents qui avaient servi à dresser le premier rapport suite à une demande de complément d’enquête sollicité par la plaignante et qui fixe le préjudice à la somme de 35.716.879 FCFA manque de crédibilité car il est incompréhensible que le même expert, sur la base des mêmes documents comptables, aboutisse à des conclusions aussi contradictoires…que dans ces conditions la Cour estime que c’est le montant préalablement fixé par la partie civile elle-même, soit la somme de 7.672.622 FCFA qui est le préjudice réel subi par la plaignante et d’infirmer le jugement sur ce point » ;

Attendu qu’il y a lieu de faire remarquer qu’aucune disposition légale n’oblige le juge à ordonner une contre-expertise s’il ne l’estime pas nécessaire ; que mieux, les conclusions d’expertise ne lient pas le juge ;

Attendu qu’en l’espèce, usant de son pouvoir souverain d’appréciation des faits, la Cour d’appel a estimé que les conclusions de l’expert manquent de crédibilité ; qu’elle a donc trouvé dans le dossier les éléments nécessaires, à savoir la somme retenue par la partie civile elle-même, pour fixer le montant du préjudice à sept millions six cent soixante-douze mille six cent vingt-deux (7.672.622) Francs CFA ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel n’a violé aucun texte ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

La demanderesse au pourvoi fait grief à la Cour d’appel d’avoir violé les dispositions de l’alinéa 5 de l’article 337 du code de procédure pénale, en ce qu’elle a jugé que l’immeuble du sieur X Ag, défendeur au pourvoi, demeure la propriété de celui-ci alors que l’article 337 alinéa 5 susvisé dispose que « le tribunal….peut en outre attribuer à la partie civile, après estimation par expert le cas échéant les biens acquis par le prévenu à l’aide des fonds provenant de l’infraction, en réparation du préjudice causé » ;

Mais attendu que c’est suite à une appréciation souveraine des faits de la cause que la Cour d’appel a pu juger que non seulement aucune preuve n’était rapportée pour établir que l’immeuble en cause avait été acquis avec des fonds susceptibles d’être le produit de l’infraction, mais encore que le premier juge avait failli en ne procédant pas à une expertise préalable, pourtant nécessaire dans le cas d’espèce, pour déterminer la valeur dudit immeuble, conformément à l’article 337 alinéa 5 visé au moyen ;

Qu’il en résulte que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt d’avoir violé les dispositions des articles 346 alinéa 5 et 348 alinéa 1 du code de procédure pénale, en ce que la Cour d’appel a réduit de moitié les frais d’expertise et a dit et jugé que ces frais seront supportés par moitié par les prévenus condamnés et l’autre moitié étant mise à la charge de la partie civile ;

Mais attendu que si l’article 346 alinéa 3 dispose que « …la partie civile dont l’action a été déclarée recevable n’est pas tenue des frais dès lors que l’individu contre lequel elle s’est constituée a été reconnu coupable d’une infraction », l’alinéa 1 dudit article précise bien qu’il s’agit des frais et dépens envers l’Etat ; qu’en effet, l’article 346 aliéna premier du code de procédure pénale dispose que « Tout jugement de condamnation rendu contre le prévenu et éventuellement contre le civilement responsable, les condamne au frais et dépens envers l’Etat… » ; qu’en l’espèce les frais sur lesquels la Cour d’appel s’est prononcée sont des frais d’expertise ; que par ailleurs, compte tenu du fait que les expertises dont s’agit ont été diligentées à la demande de la partie civile, c’est à bon droit que la Cour d’appel a dit que ces frais seront supportés par moitié par chacune des deux parties ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, publiquement en matière pénale et en état de cassation ;

EN LA FORME

Reçoit le pourvoi ;

AU FOND

Le rejette ;

Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;

Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;

Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt et un avril deux mille seize (21/04/16), à laquelle siégeaient :

Monsieur Yaya Bawa ABDOULAYE, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;

Messieurs Koffi KODA, Emmanuel Gbèboumey EDORH, DEGBOVI Koffi et BLAMCK Léeyé Koffi, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;

En présence de monsieur Ae AJ, deuxième avocat général près la Cour suprême ;

Et avec l’assistance de maître ADDI Kokou Lakpaye, greffier à ladite chambre, GREFFIER ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 042
Date de la décision : 21/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2016-04-21;042 ?
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