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17/03/2016 | TOGO | N°034

Togo | Togo, Cour suprême, 17 mars 2016, 034


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°034/16 DU 17 MARS 2016









Audience publique ordinaire du jeudi 17 mars 2016



Pourvoi : n°92/RS/14 du 24 juillet 2014



Affaire : Collectivité ADU-KPEDO représentée par Y AdX

(Maître MOUKE)

contre

Z AG et B représentées par AG Ab et B Afo

(Maître AMEGADJIE)



L’irrégularité dans la composition de la Cour d’appel est une exception d’incompétence qui doit être soulevée dans les termes de l’article 9 d

u code de procédure civile. Elle ne peut être soulevée pour la première fois, en cause de cassation, dès lors que la demanderesse au pourvoi ne l’avait pas évoquée au cour...

COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°034/16 DU 17 MARS 2016

Audience publique ordinaire du jeudi 17 mars 2016

Pourvoi : n°92/RS/14 du 24 juillet 2014

Affaire : Collectivité ADU-KPEDO représentée par Y AdX

(Maître MOUKE)

contre

Z AG et B représentées par AG Ab et B Afo

(Maître AMEGADJIE)

L’irrégularité dans la composition de la Cour d’appel est une exception d’incompétence qui doit être soulevée dans les termes de l’article 9 du code de procédure civile. Elle ne peut être soulevée pour la première fois, en cause de cassation, dès lors que la demanderesse au pourvoi ne l’avait pas évoquée au cours de l’instance d’appel.

A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de la Cour à Lomé, le jeudi dix-sept mars deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :

Etaient présents :

Messieurs

ADI-KPAKPABIA

PRESIDENT

SAMTA

DEGBOVI

MEMBRES

LOXOGA

BLAMCK

AZANLEDJI

M. P.

Et Maître

ATCHOLADI

GREFFIER

LA COUR

Sur le rapport de monsieur Koffi DEGBOVI, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;

Vu l’arrêt n°130/14 du 9 avril 2014 rendu par la Cour d’appel de Lomé ;

Vu la requête à fin de pourvoi de maître Mawuvi MOUKE, avocat à la Cour à Lomé, conseil de la demanderesse au pourvoi ;

Vu le mémoire en réponse de maître Komlanvi AMEGADJIE, avocat à la Cour à Lomé, conseil des défenderesses au pourvoi ;

Vu le mémoire en réplique de maître Mawuvi MOUKE, avocat à la Cour à Lomé, conseil de la demanderesse au pourvoi ;

Vu les conclusions écrites de monsieur le troisième avocat général ;

Vu les autres pièces de la procédure ;

Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;

Ouï le conseiller Koffi DEGBOVI en son rapport ;

Nul pour maître MOUKE, absent et non représenté, conseil de la demanderesse au pourvoi ;

Nul pour maître AMEGANDJIE, absent et non représenté, conseil des défenderesses au pourvoi ;

Le Ministère public entendu ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 24 juillet 2014 par maître Mawuvi MOUKE, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la collectivité ADU-KPEDO contre l’arrêt n°130/14 rendu le 09 avril 2014 par la Cour d’appel de Lomé dans le différend foncier qui oppose cette collectivité aux Z AG et B, ayant pour conseil maître Komlanvi AMEGADJIE, avocat à la Cour, lequel arrêt, rendu sur renvoi de la Cour suprême suivant arrêt de cassation n°61/12 du 19 juillet 2012, a confirmé le jugement n°34/85 en date du 20 juin 1985 en ce qu’il a déclaré que la parcelle litigieuse entre les collectivités ADU-KPEDO et AG est la propriété de l’ancêtre Ac C, a ordonné le partage de ladite parcelle entre les deux collectivités, a attribué à la collectivité ADU-KPEDO la parcelle A d’une contenance de 12ha 87a 95ca, située au Nord de la route Assoukopé-Zalivé, et à la collectivité AG la parcelle B, située au Sud de la route Assoukopé-Zalivé, d’une contenance de 8ha 64a 15ca, a donné acte aux collectivités ADU-KPEDO, AMEGBO et B de ce qu’elles ont réglé à l’amiable le litige qui les oppose relativement à la parcelle de 2ha 08a 98ca et a mis les dépens par moitié à la charge des collectivités ADU-KPEDO et AG ;

EN LA FORME

Attendu qu’il ressort des éléments du dossier que le pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les éléments du dossier, qu’un litige foncier oppose la collectivité ADU-KPEDO, les familles AKOLLOR/GOUDEAGBE et B portant sur un terrain sis à Assoukopé (P/Lacs) ; que saisi du litige, le tribunal de première instance d’Aného a rendu le jugement n°34/85 du 20 juin 1985 par lequel il a déclaré entre autres que le terrain litigieux entre la collectivité ADU-KPEDO et la famille AG appartient à leur ancêtre commun Ac C et que la parcelle litigieuse entre la collectivité ADU-KPEDO, les familles B et A appartient à la famille A qui l’a donnée à la famille B ; que la collectivité ADU-KPEDO ayant relevé appel dudit jugement, la Cour d’appel de Lomé l’a confirmé par arrêt n°080/00 du 23 mars 2000, après avoir homologué le rapport d’expertise en date du 21 octobre 1994, et a ordonné le partage du terrain litigieux entre les deux parties, dans la proportion de 12ha 87a 95ca pour la collectivité ADU-KPEDO et de 08ha 64a 15ca pour la famille AG ; que la collectivité ADU-KPEDO a formé pourvoi contre ledit arrêt devant la Cour suprême qui l’a cassé et annulé pour contradiction de motifs et renvoyé cause et parties devant la Cour d’appel de Lomé autrement composée, qui a rendu l’arrêt attaqué, confirmant le jugement n°34/85 du tribunal d’Aného en date du 20 juin 1985 ;

Sur le premier moyen tiré de la dénaturation de la mission confiée à l’expert-topographe ;

Attendu que la demanderesse fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir énoncé d’une part que « l’expert s’est limité à ce qui lui a été demandé, à savoir relever les limites du terrain litigieux, d’autre part qu’il ne peut en être autrement dans la mesure où il n’a pas reçu pour mission de dire laquelle des deux collectivités est propriétaire du terrain litigieux et d’avoir enfin homologué le rapport d’expertise en date du 27 octobre 1994 alors, selon le moyen, qu’en réalité la mission confiée à l’expert par l’arrêt avant-dire-droit n°97/88 du 28 juillet 1988 consistait à faire un lever du plan du terrain indiquant les parcelles litigieuses entre toutes les collectivités en cause » ; qu’elle estime qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Lomé a dénaturé la mission confiée à l’expert et doit voir son arrêt cassé de ce chef ;

Mais attendu que les deux affirmations faites par la Cour d’appel de Lomé ne sont pas contraires à la mission confiée à l’expert mais en constituent une fidèle interprétation ; qu’en effet, pour remplir sa mission consistant à faire le lever topographique indiquant les parcelles litigieuses entre toutes les collectivités en cause, ledit expert doit, comme il l’a fait, déterminer les limites de chaque parcelle sans manquer de mentionner à toutes fins utiles et selon les usages en la matière, les difficultés auxquelles il a été confronté dans l’exécution de sa mission, notamment en l’espèce, le refus du représentant de la famille AKOLLOR/GOUDEAGBE de lui montrer les limites, ce qui constitue une simple remarque qui ne lie pas le juge ; qu’en affirmant que l’expert s’est limité à ce qui lui a été demandé à savoir relever les limites du terrain litigieux et qu’il n’a pas reçu pour mission de dire laquelle des deux collectivités est propriétaire du terrain litigieux et en homologuant ce rapport d’expertise régulièrement établi, la Cour d’appel de Lomé n’a ni dénaturé le contenu de l’écrit que constitue le jugement avant-dire-droit confiant la mission à l’expert ni entretenu une contradiction ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

Sur le deuxième moyen tiré du droit de propriété ;

Attendu que le moyen est fait d’un mélange de récits factuels retraçant l’historique du litige et de théories juridiques et coutumières sur la propriété ;

Mais attendu qu’un tel moyen ne saurait prospérer en cassation ; qu’il ne précise ni le grief formulé contre l’arrêt attaqué ni le texte de loi, la règle coutumière ou le principe de droit prétendument violés par ledit arrêt ;

Attendu qu’aux termes de l’article 219 alinéa 1er du code de procédure civile, le pourvoi en cassation est une voie de recours tendant à mettre à néant un jugement rendu en dernier ressort qui lèse le requérant par suite d’une méconnaissance ou d’une interprétation erronée de la loi ou par suite d’une violation des règles de procédures prescrites à peine de nullité ; qu’il est évident que ce moyen n’est pas conforme aux prescriptions du texte susvisé ; qu’il y a lieu de le déclarer non fondé et de le rejeter ;

Sur le troisième moyen tiré de la prescription ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir d’une part, en violation des principes posés par les articles 711, 712, 2229 et 2262 du code civil, estimé que le droit de propriété coutumière ne se perd pas par l’occupation prolongée par un tiers et d’autre part, déclaré qu’en droit moderne comme en droit coutumier, la propriété ne se perd pas par le non usage ;

Attendu que la demanderesse estime que les juges d’appel ignorent le droit coutumier et auraient dû s’adjoindre un assesseur de la coutume applicable au litige tel qu’il est prévu aux articles 27 et 44 de l’ordonnance n°78-35 du 07 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo ; qu’elle soutient qu’en matière coutumière la prescription est de dix (10) ans et qu’en droit moderne, elle est de trente (30) ans ; qu’en affirmant qu’en matière coutumière le non usage prolongé ne fait pas perdre le droit de propriété, l’arrêt attaqué encourt cassation ;

Mais attendu, sur la première branche du moyen tirée de l’irrégularité de la composition de la Cour d’appel de Lomé, que c’est la première fois, en cause de cassation, que la demanderesse conteste la régularité de la composition de la juridiction d’appel ; que si elle trouvait pertinente cette exception, elle aurait dû la soulever au cours de l’instance d’appel conformément à l’article 9 du code de procédure civile qui dispose que : « s’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaitre dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée » ; qu’en omettant de soulever l’exception devant la Cour d’appel de Lomé, la demanderesse est forclose et ne peut plus la soulever en cause de cassation ; que cette branche du moyen n’est pas fondée et doit être rejetée ;

Attendu, sur la seconde branche du moyen tirée de la violation de la règle de la prescription, que pour ce qui est de la règle énoncée par l’arrêt attaqué selon laquelle en droit coutumier, la propriété ne se perd pas par le non usage, cette règle est bien connue en coutumes éwé et guin, dont relèvent les parties en cause et est d’application constante en droit positif togolais ;

qu'en outre cette règle exclut 1' application des règles relatives à la prescription, lesquelles sont inconnues dans les coutumes appliquées en la cause ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la Cour d’appel de Lomé a fait une bonne application des principes de droit ainsi que des règles juridiques et coutumières visés au moyen ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

Attendu que le pourvoi n’est fondé en aucun de ses moyens ; qu’il échet de le rejeter, de prononcer la confiscation de la taxe de pourvoi et de mettre les dépens à la charge de la demanderesse ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, publiquement en matière civile et en état de cassation ;

EN LA FORME

Reçoit le pourvoi ;

AU FOND

Le rejette ;

Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;

Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;

Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-sept mars deux mille seize (17-03-2016) et à laquelle siégeaient :

Monsieur Essozinam ADI-KPAKPABIA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;

Messieurs Badjona SAMTA, Koffi DEGBOVI, Kuma LOXOGA et Léeyé Koffi BLAMCK, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;

En présence de madame AH Aa Ae, premier avocat général près la Cour suprême ;

Et avec l’assistance de maître Awié ATCHOLADI, attaché d’administration, greffier à ladite Cour, GREFFIER ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 034
Date de la décision : 17/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2016-03-17;034 ?
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