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18/02/2016 | TOGO | N°015

Togo | Togo, Cour suprême, 18 février 2016, 015


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°015/16 du 18 FEVRIER 2016





Audience publique ordinaire du jeudi 18 février 2016



Pourvoi :n°14/RS/12 du23 janvier 2012



Affaire : Collectivité Y

représentée par Y Ac

contre

Collectivité B

représentée par Ad Ab B





Il est de principe en droit coutumier qu’un immeuble litigieux sur lequel des individus ou collectivités n’établissent pas, isolément, leur droit de propriété ou ne font pas la preuve de leur premièr

e occupation alors qu’il est avéré, que chacun d’eux ou chacune d’elles a, à un moment donné, occupé et mis en valeur ledit immeuble, soit partagé en parts égales p...

COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°015/16 du 18 FEVRIER 2016

Audience publique ordinaire du jeudi 18 février 2016

Pourvoi :n°14/RS/12 du23 janvier 2012

Affaire : Collectivité Y

représentée par Y Ac

contre

Collectivité B

représentée par Ad Ab B

Il est de principe en droit coutumier qu’un immeuble litigieux sur lequel des individus ou collectivités n’établissent pas, isolément, leur droit de propriété ou ne font pas la preuve de leur première occupation alors qu’il est avéré, que chacun d’eux ou chacune d’elles a, à un moment donné, occupé et mis en valeur ledit immeuble, soit partagé en parts égales pour cause de droits imbriqués.

A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour à Lomé, le jeudi dix-huit février deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :

Etaient présents :

Messieurs

ABDOULAYE

PRESIDENT

KODA

ADI-KPAKPABIA

MEMBRES

Z

C

A

M. P.

Et Maître

AGBEMADON

GREFFIER

LA COUR

Sur le rapport de monsieur Kuma LOXOGA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;

Vu l’arrêt n°257/2003 en date du 18 décembre 2003 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;

Vu la requête à fin de pourvoi de la SCP Martial AKAKPO, conseil de la demanderesse au pourvoi ;

Vu le mémoire en réponse de maître Mawuvi MOUKE, conseil de la défenderesse au pourvoi ;

Vu les conclusions écrites de monsieur le deuxième avocat général près la Cour suprême ;

Vu les autres pièces de la procédure ;

Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;

Ouï le conseiller LOXOGA en son rapport ;

Nul pour les conseils des parties, absents et non représentés ;

Le Ministère public entendu ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 23 janvier 2012 par la SCP Martial AKAKPO, société d’avocats à Lomé, agissant au nom et pour le compte de la collectivité Y représentée par Y Ac, contre l’arrêt n°257/03 rendu le 18 décembre 2003 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement n°70/01 rendu le 19 avril 2001 par le tribunal de première instance de deuxième classe d’Af, lequel avait ordonné le partage en deux parts égales du terrain litigieux entre la collectivité Y et la collectivité B représentée par Ad Ab B ayant pour conseil maître Mawuvi MOUKE, avocat à la Cour à Lomé ;

EN LA FORME

Attendu que tous les actes de procédure ont été faits et produits dans les forme et délai ; qu’il suit que le pourvoi est recevable ;

AU FOND

Attendu que des énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué et d’autres éléments du dossier, il ressort que par requête en date du 8 novembre 1999, le sieur Y Ac, représentant la collectivité Y, a attrait par-devant le tribunal de première instance de deuxième classe d’Af, dame Ad Ab B, représentant la collectivité B pour s’entendre déclarer la collectivité Y propriétaire d’un terrain rural sis à Ai et interdire à la requise tout trouble de jouissance ; qu’il allègue au soutien de son action que sa collectivité est propriétaire dudit domaine par voie d’héritage de son ancêtre EGLO qui en est le premier occupant ; qu’après le décès de ce dernier, sa descendance lui a succédé sur les lieux dont Y Ah et lui-même ; que depuis un certain temps, dame Ad Ab B ne cesse de le troubler dans la jouissance de son bien, lequel est complanté de cocotiers ; que, contestant les prétentions du sieur Y Ac, dame Ad Ab B soutient que le terrain litigieux était acquis par son grand-père B Ag par voie de première occupation et qui l’a prêté à Y pour la culture vivrière, alors qu’une partie dudit immeuble a été toujours exploitée par les membres de la collectivité B ; que l’occupation de l’immeuble par les membres de la collectivité Y est une occupation à titre précaire et que c’est en qualité de premier occupant des lieux que son ancêtre B est fondateur du village d’Ai ; que par jugement n°70/01 en date du 19 avril 2001, le tribunal de céans a déclaré le terrain litigieux d’une contenance de trois (03) hectares quarante-neuf (49) ares quarante-six (46) centiares selon le plan dressé par le géomètre X Aa le 20 juin 1994 … copropriété des collectivités litigantes et a ordonné un partage en deux parts égales entre les deux collectivités ; que sur appel interjeté dudit jugement par la collectivité Y, la Cour d’appel de Lomé a, suivant l’arrêt dont pourvoi, confirmé, en toutes ses dispositions, la décision du premier juge ;

Attendu que la demanderesse au pourvoi propose deux moyens de cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le moyen reproche à l’arrêt confirmatif déféré d’avoir procédé au partage du terrain litigieux, en dépit de la présence des vestiges de la collectivité Y sur les lieux querellés, en l’occurrence la plantation des cocotiers dont résulte la preuve de l’occupation de ladite collectivité dudit immeuble et alors que la collectivité B n’a posé aucun acte d’occupation sur le domaine querellé et n’a rapporté la moindre preuve de cette occupation, et ce, en méconnaissance totale des dispositions de l’article 43 du code de procédure civile qui prescrit que dans un procès équitable, chaque partie doit pouvoir rapporter la preuve de ses allégations ;

Mais attendu que pour statuer comme ils l’ont fait, ainsi qu’il ressort des énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué, les juges d’appel de Lomé se sont essentiellement fondés sur les déclarations des parties et de leurs témoins respectifs et ont estimé qu’aucune des parties ne rapporte la preuve tangible de la première occupation dont elle se prévaut pour revendiquer les lieux querellés alors que les déclarations des témoins limitrophes sont contradictoires de telle sorte que beaucoup de flou entoure l’identité du premier occupant ; qu’ils ont relevé que cependant, il est constant que chacune des deux collectivités a, à un moment donné, occupé et mis en valeur l’immeuble litigieux, sachant que l’ancêtre de la collectivité B est le fondateur du village d’Ai où se trouve ledit immeuble ; qu’il s’agit ici d’un moyen de pur fait qui relève du pouvoir d’appréciation souveraine des juges du fond et échappe au contrôle de la juridiction de cassation ; qu’il suit que le premier moyen n’est pas fondé et qu’il y a lieu de le rejeter ;

Sur le second moyen

Attendu que la demanderesse au pourvoi critique l’arrêt entrepris en ce que les juges d’appel, pour statuer comme ils l’ont fait, se sont bornés à rechercher le fondateur du village d’Ai et non, la première des deux collectivités à occuper et à exploiter la parcelle de terrain en cause alors que la première occupation, selon les coutumes mina ou ouatchi, applicables aux parties, s’entend pour l’occupant d’être le premier à s’installer sur le terrain et à le mettre en valeur et que deux individus ne peuvent pas être premiers occupants simultanément d’une seule et même parcelle de terrain ;

Mais attendu que la décision entreprise est conforme au principe de droit coutumier foncier sus-indiqué en ce que les juges d’appel, pour procéder au partage du terrain litigieux en deux parts égales entre les parties, ont souverainement apprécié les faits de la cause et les déclarations contradictoires des témoins limitrophes et ont constaté que chacune des parties, à un moment donné, a occupé et mis en valeur l’immeuble querellé et que beaucoup de flou entoure l’identité du premier occupant ; qu’au regard de ce constat, il est permis de conclure que les parties, n’étant pas arrivées ni à établir de façon tangible leurs droits sur les lieux querellés ni à rapporter la preuve indiscutable de leur première occupation desdits lieux, ont des droits imbriqués sur le domaine revendiqué ; que dès lors, les juges d’appel ont fait une saine application des coutumes invoquées ; qu’ainsi le second moyen n’est pas non plus fondé et doit être rejeté ;

Attendu qu’en tout état de cause le pourvoi n’est fondé en aucun de ses deux moyens ; qu’il convient de le rejeter ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ;

En la forme

Reçoit le pourvoi ;

Au fond

Le rejette ;

Prononce en conséquence la confiscation de la taxe de pourvoi ;

Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge ou au pied de l’arrêt attaqué ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-huit février deux mille seize et à laquelle siégeaient :

Monsieur Yaya Bawa ABDOULAYE, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;

Messieurs Koffi KODA, Essozinam ADI-KPAKPABIA, Kuma LOXOGA et Koffi BLAMCK, tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ;

En présence de monsieur Ae A, troisième avocat général près la Cour suprême ;

Et avec l’assistance de maître Sassougan AGBEMADON-SEKPLA, greffier à la Cour suprême, greffier ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 015
Date de la décision : 18/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2016-02-18;015 ?
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