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18/02/2016 | TOGO | N°013

Togo | Togo, Cour suprême, 18 février 2016, 013


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°013/16 du 18 FEVRIER 2016









Audience publique ordinaire du jeudi 18 février 2016



Pourvoi : n°153/RS/13 du 11 octobre 2013



Affaire : Collectivité Y

représentée par AG Ab

contre

Collectivité B

représentée par A Ag





Les circonstances de faits souverainement appréciées par les juges d’appel échappent au contrôle de la Cour suprême



Le demandeur au pourvoi qui ne rapporte pas la preuve de

son droit de propriété et ne justifie pas de son acquisition des lieux par voie de première occupation, ne peut se prévaloir du principe de l’imprescriptibilité du droit de propriété e...

COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°013/16 du 18 FEVRIER 2016

Audience publique ordinaire du jeudi 18 février 2016

Pourvoi : n°153/RS/13 du 11 octobre 2013

Affaire : Collectivité Y

représentée par AG Ab

contre

Collectivité B

représentée par A Ag

Les circonstances de faits souverainement appréciées par les juges d’appel échappent au contrôle de la Cour suprême

Le demandeur au pourvoi qui ne rapporte pas la preuve de son droit de propriété et ne justifie pas de son acquisition des lieux par voie de première occupation, ne peut se prévaloir du principe de l’imprescriptibilité du droit de propriété en droit coutumier.

A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-huit février deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :

Etaient présents :

Messieurs

BASSAH

PRESIDENT

ADI-KPAKPABIA

SAMTA

MEMBRES

AH

AI

C

M. P.

Et Maître

AGBEMADON

GREFFIER

LA COUR

Sur le rapport de monsieur Kuma LOXOGA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;

Vu l'arrêt n° 82/13 en date du 11 juin 2013 rendu par la chambre civile de la Cour d'appel de Ac ;

Vu la requête à fin de pourvoi de maître Damitart LARE, conseil de la demanderesse au pourvoi ;

Vu le mémoire en réponse de maître KOMBATE, conseil de la défenderesse au pourvoi ;

Vu les conclusions écrites de monsieur le deuxième avocat général près la Cour suprême ;

Vu les autres pièces de la procédure ;

Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;

Ouï le conseiller LOXOGA Kuma en son rapport;

Nul pour les conseils des parties, absents et non représentés ;

Le Ministère public entendu ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 11 octobre 2013 par maître Paul Damitart LARE, avocat à la Cour à Lomé, agissant au nom et pour le compte de la collectivité Y, représentée par le sieur AG Ab, contre l'arrêt n° 82/13 rendu le 11 juin 2013 par la Cour d'appel de Ac qui a infirmé en toutes ses dispositions, le jugement n° 231/10 du 16 décembre 2010 rendu par le tribunal de première instance de Ae, lequel avait dit et jugé que la parcelle de terrain querellée, limitée à l’Est par la collectivité Y, au Sud par la propriété KOKI Lamboni, est la propriété pleine et entière de la collectivité Y représentée par AG Ab ;

EN LA FORME

Attendu que tous les actes de procédure ont été faits dans les forme et délai de la loi ; qu'il suit que le pourvoi est recevable ;

AU FOND

Attendu que des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué et d’autres pièces du dossier, il ressort que par requête en date du 16 décembre 2009, la collectivité SINAME représentée par A Ag, cultivateur, demeurant et domicilié à Ah (P/Tône), a attrait par-devant le tribunal de première instance de Ae, la collectivité Y représentée par Ab Ad, cultivateur, demeurant et domicilié à Kounkagou (P/Tône), pour s’entendre confirmer son droit de propriété sur le terrain litigieux ; qu’à l’appui de son action, elle soutient que ledit immeuble est sa propriété pour l’avoir acquis par voie de première occupation ; que ses ancêtres ont été rejoints dans le milieu, successivement, par les membres du clan GBANYOBA et ceux du clan Y et se sont installés sur des terres voisines ; que courant mois de décembre 2009, son représentant a surpris celui de sa contradictrice ensemble avec des géomètres en train d’effectuer des travaux sur les lieux querellés, une attitude qui contrarie la parfaite harmonie qui a toujours régné entre tous les clans du milieu ;

Que contestant les prétentions de la collectivité SINAME, la collectivité Y allègue qu’elle est la véritable propriétaire du terrain litigieux pour l’avoir acquis par voie successorale de ses ancêtres qui sont les premiers occupants, lesquels ont accueilli et installé par la suite les nommés X, TCHILGUETEMA et DOUTI du clan GBANYOBA ;

Que par jugement n°231/10 du 16 décembre 2010, le tribunal de première instance de Ae a attribué la propriété du terrain litigieux à la collectivité Y ;

Que suivant arrêt n° 82/13 du 11 juin 2013, la Cour d’appel de Ac, statuant sur le recours en appel de la collectivité SINAME, a infirmé en toutes ses dispositions la décision du premier juge ;

Attendu que c’est contre cet arrêt qu’est formé le présent pourvoi qui s’articule autour de deux moyens de cassation ;

Sur le premier moyen

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir déclaré qu’elle n’a pas rapporté la preuve de son droit de propriété alors qu’elle a produit un titre de propriété qui est le jugement n°980/99 du 03 juin 1999, lequel est une preuve suffisante de son droit de propriété, et que par contre, la défenderesse au pourvoi n’a rapporté la moindre preuve de ses prétentions ;

Mais attendu que pour écarter le jugement n°980/99 des débats, la Cour d’appel de Ac a retenu que quand bien même le demandeur au pourvoi aura établi que ce jugement porte sur le terrain actuellement querellé, il ne constitue pas un titre opposable à l’appelant (défendeur au pourvoi), avec le caractère de la chose jugée en vertu des dispositions de l’article 1351 du code civil dès lors que ce dernier n’était pas partie au procès ayant abouti audit jugement qui, par ailleurs, n’est pas un titre inattaquable ;

Attendu en effet que l’article 1351 du code civil dispose que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en les mêmes qualités » ;

Attendu qu’à la lecture du jugement n°980/99 du 03 juin 1999, il n’apparaît nulle part le nom de la collectivité Y ; que les parties à ce jugement étaient les sieurs Z Aa comme demandeur et AG Ab en tant que défendeur ;

Or, attendu qu’en vertu de la relativité de la chose jugée, la portée de l’autorité de la chose jugée s’exerce en principe entre les mêmes parties mais n’a pas d’effet à l’égard des tiers ;

Attendu en outre que pour se déterminer, la Cour d’appel de Ac s’est essentiellement fondée sur les constatations matérielles relevées sur les lieux querellés et des déclarations concordantes des parties et de leurs témoins ainsi que tous sachants et a conclu que le jugement n°980/99 du 03 juin 1999 est combattu par l’emprise de la collectivité SINAME sur les lieux tenus par les membres de cette collectivité ou de leur chef, par des occupants qui, à la suite de leurs ascendants installés par ladite collectivité, poursuivent leur exploitation du domaine en cultures vivrières… et y ont implanté un fétiche auquel ils continuent d’offrir des sacrifices, en dehors du fétiche de la collectivité SINAME, alors que la collectivité Y ne dispose d’aucune emprise réelle constatée sur les lieux ;

Attendu que ces circonstances de faits souverainement appréciées par les juges d’appel échappent au contrôle de la Cour suprême, l’arrêt attaqué étant conforme à la règle coutumière foncière selon laquelle, en l’absence d’un titre écrit et dans l’impossibilité d’établir l’acquisition par voie de première occupation, la preuve du droit de propriété peut être rapportée par des déclarations concordantes des parties, de leurs témoins respectifs et de tous sachants, corroborées par des constatations matérielles relevées sur les lieux, le tout appuyé par un droit de tenure constante et publique se traduisant par une emprise effective sur les lieux ;

Qu’ainsi la Cour d’appel de Ac qui déduit des circonstances de faits qu’elle a souverainement appréciées, la preuve du droit de propriété de la collectivité SINAME sur le terrain, n’a nullement violé les dispositions de l’article 43 du code de procédure civile ;

Sur le second moyen

Attendu que le caractère imprescriptible du droit de propriété en droit coutumier foncier résulte de l’importance que la coutume accorde au droit du premier occupant qui acquiert sur la terre un droit qui, en principe ne se perd pas par le non usage ;

Attendu que la demanderesse au pourvoi reproche à l’arrêt critiqué d’avoir déclaré que le jugement n°980/99 du 03 juin 1999 est combattu par l’emprise de la défenderesse au pourvoi sur le terrain litigieux alors que le droit coutumier n’est pas prescriptible ;

Mais attendu que s’il est vrai qu’en droit coutumier foncier il est de principe que le droit de propriété n’est pas prescriptible, encore faut-il que celui qui se prévaut de ce principe rapporte la preuve de ce droit ;

Attendu qu’il est constant ainsi qu’il est démontré dans les discussions relatives au premier moyen que c’est à juste titre que les juges d’appel ont déclaré que la collectivité Y ne rapporte pas la preuve de son droit de propriété en ce qu’elle ne dispose d’aucune emprise sur les lieux contrairement à la collectivité SINAME ; qu’elle n’a pas non plus prouvé son acquisition des lieux par voie de première occupation, antérieurement à l’occupation de la défenderesse au pourvoi ; que dans ces conditions, la demanderesse au pourvoi est mal fondée à se prévaloir du principe de l’imprescriptibilité du droit de propriété en droit coutumier ; qu’ainsi, le second moyen n’est pas non plus fondé et doit être rejeté ;

Attendu qu’en tout état de cause, le pourvoi n’est fondé en aucun de ses deux moyens ; qu’il y a lieu de le rejeter ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation;

EN LA FORME

Reçoit le pourvoi ;

AU FOND

Le rejette comme non fondé ;

Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;

Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;

Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-huit février deux mille seize et à laquelle siégeaient:

Monsieur Koffi Agbényo BASSAH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;

Messieurs Essozimna ADI-KPAKPABIA, Badjona SAMTA, Gbèboumey EDORH, Kuma LOXOGA, tous quatre conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ;

En présence de monsieur Af C, troisième avocat général près la Cour suprême;

Et avec l’assistance de maître Sassougan AGBEMADON-SEKPLA, greffier à la Cour suprême, greffier;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 013
Date de la décision : 18/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2016-02-18;013 ?
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