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21/01/2016 | TOGO | N°001

Togo | Togo, Cour suprême, 21 janvier 2016, 001


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°001/16 du 21 JANVIER 2016

Audience publique ordinaire du jeudi 21 janvier 2016



Pourvoi :n°52/RS/13 du 14 mars 2013



Affaire : Collectivité Y

Rep. par Y Ak

[Me Afoh KATAKITI]

contre

Collectivité AMETANA-DETY

Rep. par A Ae Ah

[Mes HOUNAKE-AKAKPO, AFANGBEDJI et WOANA-TCHALIM]





Dans un litige qui oppose deux collectivités sur un immeuble ayant déjà fait l’objet d’un jugement entre deux individus en 1967, le premier ju

gement n’emporte autorité de la chose jugée que s’il est rapporté que les parties au premier procès entretiennent une relation avec celles au procès de 200...

COUR SUPREME DU TOGO

CHAMBRE JUDICIAIRE

ARRET N°001/16 du 21 JANVIER 2016

Audience publique ordinaire du jeudi 21 janvier 2016

Pourvoi :n°52/RS/13 du 14 mars 2013

Affaire : Collectivité Y

Rep. par Y Ak

[Me Afoh KATAKITI]

contre

Collectivité AMETANA-DETY

Rep. par A Ae Ah

[Mes HOUNAKE-AKAKPO, AFANGBEDJI et WOANA-TCHALIM]

Dans un litige qui oppose deux collectivités sur un immeuble ayant déjà fait l’objet d’un jugement entre deux individus en 1967, le premier jugement n’emporte autorité de la chose jugée que s’il est rapporté que les parties au premier procès entretiennent une relation avec celles au procès de 2006. En l’absence de la relation qui montre le passage de l’action appartenant à des individus à celle appartenant aux collectivités, il n’y a pas identité des parties au procès qui est l’une des conditions essentielles de la reconnaissance de l’autorité de la chose jugée au jugement qui en est résulté. 

A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de la Cour à Lomé, le vingt et un janvier deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :

Etaient présents :

Messieurs

ABDOULAYE

PRESIDENT

KODA

ADI-KPAKPABIA

SAMTA

MEMBRES

EDORH

KANTCHIL-LARRE

M. P.

Et Maître

ADDI

GREFFIER

LA COUR,

Sur le rapport de monsieur Emmanuel Gbèboumey EDORH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;

Vu l’arrêt n°166/2012 rendu en matière civile le 26 juillet 2012 par la Cour d’appel de Lomé ;

Vu la requête à fin de pourvoi de maître Afoh KATAKITI, conseil de la collectivité Y représentée par Y Ak, demanderesse au pourvoi ;

Vu le mémoire en réponse de maître AFANGBEDJI, conseil de la collectivité AMETANA-DETY représentée par A Ae Ah, défenderesse au pourvoi ;

Nul pour maîtres HOUNAKEY-AKAKPO et WOANA-TCHALIM, faute pour eux de n’avoir pas produit leurs mémoires en réponse, conseils de la collectivité AMETANA-DETY représentée par A Ae Ah, défenderesse au pourvoi ;

Vu le mémoire en réplique de maître Afoh KATAKITI, conseil de la collectivité Y, demanderesse au pourvoi ;

Vu les conclusions écrites de madame le premier avocat général près la Cour suprême ;

Vu les autres pièces de la procédure ;

Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;

Ouï le conseiller Emmanuel Gbèboumey EDORH en son rapport ;

Ouï maître TCHAKOROM représentant maître KATAKITI, conseil de la collectivité Y représentée par Y Ak, demanderesse au pourvoi ;

Ouï maître WOANA-TCHALIM, conseil de la collectivité AMETANA-DETY représentée par A Ae Ah, défenderesse au pourvoi ;

Nul pour maîtres HOUNAKE-AKAKPO et AFANGBEDJI Jil-Benoit absents et non représentés, conseils de la collectivité AMETANA-DETY représentée par A Ae Ah, défenderesse au pourvoi ;

Le Ministère public entendu ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 14 mars 2013 par maître Afoh KATAKITI, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la collectivité Y, représentée par le sieur Y Ak contre l’arrêt n°166/2012 rendu le 26 juillet 2012 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé qui a infirmé pour l’essentiel, le jugement n°56/2006 du 07 septembre 2006 du tribunal de première instance de Ai qui a déclaré irrecevable la demande en revendication de droit de propriété de la collectivité AMETANA-DETY, représentée par le sieur A Ae Ah assisté des maîtres HOUNAKEY-AKAKPO, AFANGBEDJI et WOANA-TCHALIM, avocats à la Cour, sur le domaine de terrain sis à Af CP/Haho) et dit que le jugement n°04/67 du 17 octobre 1967 du tribunal coutumier d’Atakpamé y afférent, a acquis autorité de chose jugée.

EN LA FORME

Attendu que tous les actes du pourvoi ont été faits et produits dans les forme et délai légaux ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND

Attendu qu’il ressort de l’arrêt infirmatif attaqué que le 19 décembre 2001, la collectivité AMETANA représentée par le sieur A Ac Ah, a attrait devant le tribunal de Ai, la collectivité Y représentée par le sieur Y Ak pour voir confirmer son droit de propriété sur le domaine de terrain rural sis à Af CP/Haho) ; qu’elle expose avoir hérité ce domaine de terrain de son aïeul AMETANA, premier occupant des lieux ; que la collectivité Y aussi soutient que le terrain litigieux est sa propriété pour l’avoir hérité de son ancêtre B Ad premier occupant des lieux dont les enfants y ont accueilli les grands parents de la demanderesse et que son droit de propriété a été déjà confirmé sur le domaine par un jugement en date du 17 octobre 1967, que le tribunal a débouté la demanderesse au motif que le jugement du 17 octobre 1967 a acquis autorité de chose jugée mais que sur le recours, la Cour d’appel de Lomé a déclaré que le terrain litigieux est la propriété de la collectivité AMETANA-DETY ; que le présent pourvoi structuré en trois moyens est dirigé contre cet arrêt.

Sur le premier moyen pris de la mauvaise application de l’article 1351 du code civil et de la violation de l’article 128 du code de procédure civile ;

Attendu que ce premier moyen comporte deux branches qu’il convient d’analyser successivement ;

Sur la première branche du premier moyen relative à la violation de l’article 1351 du code civil ;

Attendu que la demanderesse au pourvoi critique l’arrêt d’avoir déclaré « qu’aucune autorité de chose jugée ne saurait être attachée à la décision de 1967 rendue par le tribunal coutumier d’Atakpamé », alors selon le moyen : premièrement en ce qui concerne les parties, les protagonistes au jugement de 1967 étaient AH Aa d’une part et X Ag et AG Aj d’autre part, auteurs respectifs de la demanderesse et de la défenderesse qui étaient parties au jugement de 2006 comme au présent pourvoi ; deuxièmement en ce qui concerne l’objet, le litige aussi bien en 1967 qu’en 2006, portait sur le même immeuble, et troisièmement en ce qui concerne la cause, les parties revendiquaient le même droit de propriété fondé sur la première occupation des lieux ; qu’ainsi la Cour d’appel a violé l’article 1351 du code civil qui requiert l’application de la règle de l’autorité de la chose jugée dès lors que se réalise « la réunion de trois conditions cumulatives à savoir l’identité des parties, de l’objet et de la cause » ;

Mais attendu que la demanderesse ne rapporte pas la preuve qu’en 1967, la défenderesse était partie au procès qui a opposé des individus AH Aa d’une part et X Ag et AG Aj d’autre part alors que la présente instance oppose des collectivités à savoir la collectivité AMETANA-DETY d’une part et la collectivité Y d’autre part ; qu’en l’absence de la relation qui montre le passage de l’action appartenant à des individus à celle appartenant aux collectivités, il n’y a pas identité des parties au procès de 1967 et celui de 2006 ; qu’ainsi l’arrêt critiqué n’a pas violé l’article 1351 du code civil qui fait de l’identité des parties au procès l’une des conditions essentielles de la reconnaissance de l’autorité de la chose jugée au jugement qui en est résulté ; d’où il suit que la première branche du premier moyen n’est pas fondée ;

Sur la deuxième branche du premier moyen relative à la violation de l’article 128 du code de procédure civile ;

Attendu que la demanderesse allègue que pour qu’il y ait autorité de chose jugée, il n’est pas nécessaire que le litige soit tranché en faveur de l’une ou l’autre partie mais plutôt que la question soulevée pour la seconde fois ait été tranchée par un jugement antérieur ; qu’en tout état de cause, en ne visant pas expressément laquelle des trois conditions n’a pas été remplie par le jugement sus-évoqué, la Cour d’appel n’a pas motivé sa décision et a, par ce moyen, violé l’article 128 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’il ressort des termes de l’arrêt et de l’attendu principal que la Cour d’appel a retenu un premier motif selon lequel, la question du droit de propriété et donc de la cause du litige n’a pas été tranchée ; qu’elle a fait état d’un second motif fondé sur la jurisprudence d’après laquelle « l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux décisions judiciaires rendues en matière contentieuse sur des contestations débattues entre les parties et tranchées dans leurs dispositifs » ; que sans préjuger de la justesse de ces argumentations et évocation, il y a lieu d’établir que la Cour d’appel critique un défaut d’identité de motifs dans le procès de 1967 et celui de 2006 ; qu’il s’ensuit qu’on ne saurait retenir techniquement l’argument de défaut de motivation à ce niveau ; l’article 128 du code de procédure civile n’ayant pas été violé, la seconde branche du premier moyen n’est pas fondée ;

Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 5 du code civil

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’avoir fondé sa décision sur une jurisprudence selon laquelle « l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux décisions judiciaires rendues en matière contentieuse sur des contestations débattues entre les parties et tranchées dans leurs dispositifs » et d’avoir ainsi violé l’article 5 du code civil duquel « il résulte que le juge ne peut en aucun cas motiver sa décision sur des décisions rendues dans un autre litige » ;

Mais attendu que l’article 5 du code civil dispose qu’ « il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises » ; que dans le cas précis de cet arrêt, la Cour pour juger, a visé les dispositions de l’article 1351 du code civil et évoqué de façon complémentaire la jurisprudence dont elle n’a peut être pas respecté l’esprit ; qu’il n’apparaît nulle part dans l’arrêt critiqué que la Cour d’appel a statué par voie de disposition générale et réglementaire ; que l’évocation d’une jurisprudence au soutien d’une argumentation juridique dans la résolution d’un cas ne constitue pas une solution par voie de disposition générale et réglementaire ; qu’ainsi l’article 5 du code civil n’a pas été violé ; le deuxième moyen du pourvoi n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen tiré de la violation des articles 38 et 39 du code de procédure civile

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir confirmé le droit de propriété de la collectivité TETE, partie intervenante au jugement de 2006, mais qui n’est plus partie au procès en appel ; d’avoir par ce moyen violé les dispositions de l’article 38 du code de procédure civile qui limite l’objet du litige aux prétentions des parties et également statué ultra petita en violation des dispositions de l’article 39 du même code de procédure qui fait obligation au juge de ne se prononcer que sur ce qui est demandé ;

Mais attendu que la demanderesse au pourvoi dans ses conclusions responsives devant la Cour d’appel avait demandé la confirmation du jugement entrepris sans exclusive ; qu’elle n’est pas recevable à se prévaloir de sa propre turpitude pour demander à la haute Cour, la cassation de ce qu’elle a sollicité et obtenu ; qu’ainsi les dispositions sus-évoquées n’ont pas été violées et le troisième moyen n’est pas fondé ; qu’il ressort de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, publiquement, en matière foncière et en état de cassation ;

En la forme

Reçoit le pourvoi ;

Au fond

Le rejette ;

Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;

Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;

Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision attaquée ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt et un janvier deux mille seize (21/01/2016), à laquelle siégeaient :

Monsieur Yaya Bawa ABDOULAYE, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;

Messieurs Koffi KODA, ADI-KPAKPABIA Essozinam, Badjona SAMTA et Emmanuel Gbéboumey EDORH, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;

En présence de monsieur Ab Z, deuxième avocat général près la Cour suprême ;

Et avec l’assistance de maître ADDI Kokou Lakpaye, greffier à ladite chambre, greffier ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier. /.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 001
Date de la décision : 21/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2016-01-21;001 ?
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