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17/12/2004 | TCHAD | N°040/CS/CJ/SC/2004

Tchad | Tchad, Cour supreme, Civile, 17 décembre 2004, 040/CS/CJ/SC/2004


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU TCHAD
AU NOM DU PEUPLE TCHADIEN
COUR SUPREME, SECTION CIVILE
Après lecture du rapport du Conseiller rapporteur, des conclusions du Procureur Général et les observations des conseils des parties ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que par jugement N° 188/97 du 20 juin 1997 le tribunal de première instance de A a déclaré nulle la vente intervenue entre dame Aj Ah et Af Ab ainsi que celle conclue entre les ayants droit d'Abdallah Ag et An Ao Ai ;
Qu'il a en outre condamné les ayants droit d'Abdallah Ag à verser 50.000.000 FCF

A à Af Ab à titre de remboursement des impenses ;
Qu'il les a déboutés également...

REPUBLIQUE DU TCHAD
AU NOM DU PEUPLE TCHADIEN
COUR SUPREME, SECTION CIVILE
Après lecture du rapport du Conseiller rapporteur, des conclusions du Procureur Général et les observations des conseils des parties ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que par jugement N° 188/97 du 20 juin 1997 le tribunal de première instance de A a déclaré nulle la vente intervenue entre dame Aj Ah et Af Ab ainsi que celle conclue entre les ayants droit d'Abdallah Ag et An Ao Ai ;
Qu'il a en outre condamné les ayants droit d'Abdallah Ag à verser 50.000.000 FCFA à Af Ab à titre de remboursement des impenses ;
Qu'il les a déboutés également de leurs autres chefs de demande ainsi que Af Ab des siens ;
Qu'il a rejeté la demande en intervention volontaire d'Abdelmadjid Ao Ai comme mal fondée ;
Que toutes les parties ont relevé appel de cette décision devant la Cour d'appel de A ;
Attendu que Maîtres ]ean-Bernard Padaré et Am Ac Ae pour le compte de Aj Ah et Af Ab ont sollicité l'infirmation de ce jugement au motif que Aj Ah était légitime propriétaire de la concession dont la vente est contestée du fait qu'elle était déclarée seule héritière de son époux par la même juridiction ; que cette décision ayant acquis l'autorité de la chose jugée ne peut être remise en cause ; que la propriété de l'immeuble est transférée à Af Ab parce que celui-ci est de bonne foi ;
Que la vente entre les ayants droit d'Abdallah Ag et An Ao Ai doit être nulle parce qu'elle est intervenue avant même que le tribunal de première instance saisi ne se prononce sur la demande d'ouverture et en partage de la succession ;
Que Maître Bahdjé Magloire conseil des ayants droit d'Abdallah Ag a demandé la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la vente intervenue entre Aj; Ah et Af Ab parce qu'il s'agit d'un bien indivis de ce fait violait les artidle 815- 14 et 814-15 du code civil et l'infirmation quant au quantum des impenses à r^mbgtirier à Af Ab car l'expert s'est basé pour ses conclusions sur les déclarations Hissein ;
Que Maître Magloire a en outre demandé que les loyers perçus par Af Ab soient versés à ses clients.
Que Maître Amady Nathé agissant pour le compte de son client An Ao Ai a pour sa part sollicité que le jugement attaqué soit confirmé en ce qu'il a déclaré nulle la vente conclue entre Aj Ah et Af Ab, infirmé en ce qu'il a déclaré nulle la vente entre son client et les ayants droit d'Abdallah Ag et reformé quant au montant des impenses et condamner ceux-ci à verser 99.458.186 FCFA à Af Ab.b.
Attendu que par arrêt n° 44/99 du 01/02/1999 la Cour d'appel de A a confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré nulle la vente entre Aj Ah et Af Ab mais l'a infirmé en sa partie annulant la vente entre les ayants droit d'Abdallah Ag et An Ao Ai et l'a reformé quant au montant des impenses ; qu'elle a condamné les ayants droit d'Abdallah Ag et les a condamnés à verser 99.458.186 FCFA à Af Ab à titre des impenses et aux dépens.
Attendu que la Cour d'appel a estimé que l'autorité de la chose jugée du jugement du 15 octobre 1983 déclarant Aj Ah héritière ne peut pas être invoquée par rapport au jugement du 10/02/1990 pour la simple raison que ni les parties aux procès, ni son objet, ni la cause sont les mêmes ;
Qu'en ce qui concerne la vente entre Aj Ah et Af Ab, elle était intervenue avant le partage de la succession d'Abdoulaye Ad Al alors que les trois concessions composant la masse successorale avaient une valeur de 18.000.000 FCFA auxquels il faudrait ajouter 4.884.097 FCFA en numéraire laissés en banque ; et cela fera 22.884.097 FCFA ; que le 1/4 de cette somme serait 5.721.024 FCFA desquels il faudrait déduire 1.300.000 FCFA préalablement retirés de la banque sur le compte de son mari ;
Que la Cour d'appel a conclu que la part de Aj Ah serait 4.422.024 FCFA et non 10.000.000 FCFA la valeur de la concession vendue à Af Ab, de ce fait, celle-ci tombe dans la part des ayants droit d'Abdallah Ag ;
Que pour ce qui est de la vente conclue entre les ayants droit d'Abdallah Ag et An Ao Ai, la Cour a estimé que la concession litigieuse a une valeur de 10.000.000 FCFA, elle doit se trouver dans les 3/4 de la masse successorale ; qu'en déclarant nulle la deuxième vente, le juge n'a pas fait une saine appréciation des faits et de la cause et une juste appréciation de la loi ;
Qu'en ce qui concerne le remboursement des impenses, Af Ab étant acquéreur de bonne foi, elles doivent lui être remboursées.
Attendu que s'agissant d'Abdelmadjid Ao Ai, la Cour d'appel a jugé son intervention fondée conformément à l'article 137 du code civil ;
Attendu que le principe de la prescription acquisitive prévue à l'article 2265 du code civil soulevé par le conseil de Af Ab a été écarté par la Cour d'appel au motif que les ayants droit d'Abdallah Ag sont domiciliés hors du ressort de l'immeuble litigieux.
Attendu que par requête civile du 3/02/1999 les conseils de Af Ab ont demandé la rétractation de l'arrêt n° 44/99 du 01/02/1999 en se fondant sur l'article 183 alinéas 1 et 7 du code de procédure civile relatif à la fraude utilisée par les ayants droit et la contrariété entre motif et dispositif de l'arrêt querellé ;
Qu'ils ont soutenu d'une part que les juges d'appel se sont basés sur l'article 1599 du code civil c'est-à-dire sur la théorie de la vente de la chose d'autrui développée par les ayants droit d'Abdallah Ag alors que cet article ne peut être invoqué que par l'acquéreur soit par voie d'exception, soit par voie d'action mais jamais par le vendeur ou par le véritable propriétaire et d'autre part que c'est en se fondant sur le même article qu'ils ont affirmé dans le motif de l'arrêt querellé que Af Ab est acquéreur de bonne foi tout en disant dans le dispositif que la vente qu'il a conclue avec Aj Ah est nulle ;
Qu'en raisonnant ainsi, ils n'ont pas tiré logiquement les conséquences de leur analyse.
Attendu qu'en réplique aux conclusions des conseils du demandeur les conseils des défendeurs ont réaffirmé que la fraude prévue à l'article 183 alinéa 1 du code de procédure civile consiste en des manoeuvres pratiquées par l'une des parties, lesquelles ont contribué à altérer la conviction de la cour ; qu'or, en l'espèce, la cour est saisie d'un problème, celui de déterminer la propriété de l'immeuble litigieux ; que c'est à l'examen des deux ventes passées qu'elle a conclu que Aj Ah a vendu le bien dont elle n'est pas la propriétaire du fait du partage de la succession et qu'elle a conclu qu'il n'y a pas fraude au sens de l'article 183 alinéa 1 du code de procédure civile ;
Que pour ce qui est de la contrariété entre le motif et le dispositif de l'arrêt n° 44/99 , en vendant l'immeuble à Af Ab Aj Ah savait qu'elle vendait un bien qui ne lui appartient pas ; qu'en déclarant cette vente nulle tout en affirmant que Af Ab est acquéreur de bonne foi, la Cour d'appel n'a créé aucune contradiction entre les motifs et le dispositif de son arrêt ; qu'il convient de rejeter purement et simplement la demande en rétractation formulée par Af Ab ;
Que la cour d'appel par arrêt n° 211/99 du 23/07/1999 a donc rejeté la requête en rétractation au motif qu'elle est mal fondée ;
Attendu que Maître Jean- Bernard Padaré s'est pourvu en cassation au nom et pour le compte de son client Af Ab contre cet arrêt parce que d'une part qu'il comporte de contradiction et que d'autre part la cour d'appel a violé l'article 1599 du code civil.
Attjendu qu'elle affirme que la fraude alléguée par Af Ab ne constitue pas un élément nouveau découvert postérieurement à l'arrêt attaqué puisque ce moyen a été discuté et que les jugements des 20 octobre 1990 et 20 juin 1997 et l'arrêt du 3 Janvier 1991 en ont tenu compte pour faire tomber la concession litigieuse dans les 3/4 du patrimoine d'Abdoulaye Idriss, part revenant aux ayants droit d'Abdallah Ag conformément à l'article 70 alinéa 4 de l'ordonnance N° 6/PR/MJ/67 du 21 mars1967 et au droit islamique applicables aux héritiers ; que Af Ab n'ayant pas rapporté la preuve des faits ou acte constitutif de la fraude, le moyen soulevé pour rétracter l'arrêt n° 211/99 du 23/07/1999 tiré de l'article 183 alinéa 1 du code de procédure civile doit être rejeté ; que la contrariété de l'arrêt attaqué tirée de l'article 183- 7° du code de procédure civile, il n'y a de contrariété que " si dans un jugement ou arrêt il y a des dispositions contraires ", cela suppose donc que dans un même jugement ou arrêt il existe des dispositions qui traduisent une certaine contradiction reflétant deux idées contradictoires ; qu'or, il n'y a pas de contradictions entre la deuxième et la quatrième branches de l'arrêt attaqué ;
Qu'en aucun moment la Cour d'appel a reconnu à la fois à Af Ab les qualités d'acquéreur de bonne foi et de mauvaise foi pour annuler la vente conclue entre celui-ci et Aj Ah et lui a accordé 99.458.186 F CFA de dommages pour ses impenses ; que les conseils de Af Ab ont dénaturé la pensée des juges en faisant croire que ceux-ci ont reconnu à leur client la qualité d'acquéreur de bonne foi et ont ainsi donné une fausse interprétation de l'article 183- 7° du code de procédure civile; que la preuve de la contrariété n'étant pas rapportée, le moyen tiré de cette disposition doit être rejeté ; qu'en allouant à Af Ab 99.458.186 F CFA pour ses impenses parce qu'il a ajouté une valeur supplémentaire à l'immeuble litigieux, la cour n'a fait que lui rendre justice, victime de l'annulation ; que c'est à bon droit que les ayants droit d'Abdallah Ag ont été condamnés à cet effet ; qu'elle a rejeté le moyen de Af Ab tendant à condamner plutôt An Ao Ai au paiement des impenses ;
Attendu que le 27/08/2001 la Cour d'appel par arrêt n° 468/01 a maintenu sa position en rejetant la requête civile sans égards à l'arrêt du 27 octobre 2000 de la Cour Suprême ; qu'elle a statué sur la requête civile alors qu'elle a été saisie après cassation ; qu'elle n'a jamais été saisie d'une requête civile conformément à l'article 183 du code de procédure civile.
Attendu que par lettre n° 468/CP/2001 du 28/08/2001 reçue au greffe de la Cour Suprême le 29/08/2001 au nom de son client Af Ab, Maître Jean-Bernard s'est pourvu une seconde fois en cassation devant la Cour Suprême contre ce dernier arrêt en maintenant les mêmes arguments qu'en appel.
Attendu que Aa Ae et Ak ont soutenu les mêmes arguments et ont sollicité la cassation et l'annulation de cet arrêt; que la Cour Suprême évoque et statue à nouveau.
Sur l'unique moyen de cassation pris de la violation de l'article 1599 du code civil
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la vente conclue entre Aj Ah et Af Ab au motif que l'immeuble vendu fait partie de la part devant revenir aux ayants droit d'Abdallah Ag c'est-à-dire les 3/4 de la masse successorale alors qu'au moment de la vente Aj Ah avait un droit de propriété sur cet immeuble en tant que seule héritière judiciairement reconnue au moment de la vente ; Qu'aussi bien en première instance qu'en appel, la qualité d'héritière de Dame Aj Ah n'est pas contestée ;
Attendu que d'une part Aj Ah étant déclarée seule héritière, Af Ab qui a acquis d'elle l'immeuble après cette décision judiciaire ne pourrait pas se douter de sa qualité de propriétaire, d'autre part que la Cour reconnaît à Aj Ah la qualité d'héritière partant copropriétaire, celle-ci ne peut pas être considérée comme autrui au sens de l'article 1599 du code civil qui dispose que : " La vente de la chose d'autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui " ;
Qu'en annulant la vente entre Aj Ah et Af Ab, la Cour d'appel a violé l'article susvisé ; d'où il suit que l'arrêt n° 468/2001 du 27/08/2001 doit être
cassé et annulé ;
Attendu que les conditions d'évocation telles que prévues à l'article 61 alinéa 2 de la loi N° 006/PR/98 du 7/08/1998 sont remplies ; que l'affaire est en état au fond, qu'il convient de l'évoquer et de statuer à nouveau, de déclarer parfaite la vente d'immeuble intervenue le 29 novembre 1983 entre Aj Ah et Af Ab et nulle la vente du même immeuble intervenue le 23 novembre 1995 entre les ayants droit d'Abdallah
Ag et An Ao Ai ; de condamner les ayants droit d'Abdallah Ag à rembourser à An Ao Ai 15.000.000 FCFA représentant le prix de l'immeuble et aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l'arrêt n° 468/01 du 27/08/2001
Cour d'appel de A ; Evoque et statue à nouveau ;
Déclare parfaite et valable la vente d'immeuble intervenue le 29 novembre 1983 entre dame Aj Ah et Af Ab ;
Déclare nulle la vente d'immeuble intervenue le 29 novembre 1995 entre les ayants droit d'Abdallah Ag et An Ao Ai ;
Condanme les ayants droit d'Abdallah Ag à rembourser à An Ao Ai 15.000.000 FCFA représentant le prix de vente de l'immeuble ;
Condamne les ayants droit d'Abdallah Ag aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le Conseiller Rapporteur et le Greffier en Chef.
Le Greffier en Chef Le Conseiller rapporteur


Synthèse
Formation : Civile
Numéro d'arrêt : 040/CS/CJ/SC/2004
Date de la décision : 17/12/2004
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'Appel de N'DJAMENA, 27/08/2001


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;td;cour.supreme;arret;2004-12-17;040.cs.cj.sc.2004 ?
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