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26/01/2017 | ROUMANIE | N°115/2CC/2017

Roumanie | Roumanie, Haute cour de cassation et de justice, Chambre civile 2, 26 janvier 2017, 115/2CC/2017


Est examiné le pourvoi déclaré par les réclamants PM, PHI et PAC contre la décision civile n° 1861A/2015 du 18 novembre 2015, rendue par la Cour d’Appel de Bucarest – VIe Section Civile.

A l’appel nominal sont présents les requérants - réclamants PM, PHI et PAC, par maître AC et l’intimée-accusée CE BANK (ROMANIA) S.A., par maître IB. La procédure de citation est légalement accomplie.

Le compte-rendu de la cause a été présenté par le magistrat assistant qui a souligné que le pourvoi était légalement exempt du paiement de la taxe de timbre judiciaire,

déclaré dans les délais et que les raisons du recours avaient été communiqués.

Il a en ...

Est examiné le pourvoi déclaré par les réclamants PM, PHI et PAC contre la décision civile n° 1861A/2015 du 18 novembre 2015, rendue par la Cour d’Appel de Bucarest – VIe Section Civile.

A l’appel nominal sont présents les requérants - réclamants PM, PHI et PAC, par maître AC et l’intimée-accusée CE BANK (ROMANIA) S.A., par maître IB. La procédure de citation est légalement accomplie.

Le compte-rendu de la cause a été présenté par le magistrat assistant qui a souligné que le pourvoi était légalement exempt du paiement de la taxe de timbre judiciaire, déclaré dans les délais et que les raisons du recours avaient été communiqués.

Il a en même temps été fait référence au fait que le 6 juin 2016, l’intimée avait déposé au dossier de la cause un mémoire, demandant principalement l’annulation du recours, parce que les raisons de la cassation invoquée n’entraient pas dans les limites de l’art. 488 du Nouveau Code de procédure civile, conformément aux prévisions de l’art. 489 du Nouveau Code de procédure civile corroborées à l’art.493 al. (5) du même code et il a mis en subsidiaire des conclusions de rejet du recours comme infondé.

Il met en vue également que le rapport concernant l’admissibilité en principe du recours avait été communiqué aux parties et que le 10 octobre 2016, les parties avaient déposé au dossier leurs points de vue concernant le rapport, demandant de juger le pourvoi en séance publique; le 20 octobre 2016, le pourvoi ayant été admis en principe, ce 26 janvier 2017, en séance publique, pour sa solution. Il se rapporte aussi au fait que l’intimée-accusée CE BANK (ROUMANIE) S.A. avait déposé sous forme de copie la preuve des frais de justice d’un montant de 2.691,48 lei, qui représentaient les honoraires de l’avocat et que par la conclusion de la Chambre du Conseil du 25 janvier 2017, rendue par la Haute Cour de Cassation et Justice – IIe Section Civile, au dossier n° 18197/3/2014 a 1, était admise la demande de s’abstenir de juger la présente cause, formulée par le juge MB.

La Haute Cour accorde la parole aux parties sur l’exception invoquée par le mémoire. L’intimée-accusée CE BANK (ROMANIA) S.A., par son avocat, demande que soit admise l’exception de nullité du recours, indiquant que les raisons de recours présentées par les requérants ne remplissaient pas, du point de vue des critiques contre la décision attaquée, les conditions formelles d’une voie extraordinaire d’attaque, les arguments présentés dans leur argumentation, ne pouvant, d’une part, réellement, être classés dans aucune des raisons d’illégalité prévues à l’art. 488 pts. 1 – 8 du Nouveau Code de procédure civile et, d’autre part, se rapportant à des aspects concernant le peu de solidité de la décision de la décision de l’instance d’appel, respectivement la modalité dont les instances du fond ont interprété les preuves administré les preuves dans la solution de la cause. Elle indique aussi qu’elle avait développé par le mémoire tous les arguments pour lesquels il fallait annuler le pourvoi, les raisons réelles de cassation de la décision attaquée n’étant pas invoquées.

Les requérants - réclamants PM, PHI et PAC, par leur avocat, formulent des conclusions de rejet de l’exception de nullité du recours, indiquant l’incidence de la raison d’illégalité prévue par l’art; 488 al. (1) pt. 8 du Nouveau Code de procédure civile, vu que la décision est dépourvue de base légale par l’application erronée de la norme de droit matériel, respectivement des prévisions de l’art. 2 al. (1) de la Loi n° 193/2000. Suite au délibéré, la Haute Cour rejette l’exception de nullité du recours, invoquée par l’intimée – accusée dans le mémoire, car le développement des critiques formulées dans le soutien de la voie d’attaque permet de les encadrer dans la raison de recours de l’art. 488 al. (1) pt. 8 du Nouveau Code de procédure civile, après quoi, constatant qu’il n’y a plus de questions ou demandes préalables à discuter, elle accorde la parole aux parties sur la demande de recours.

L’avocat des requérants-réclamants PM, PHI et PAC demande l’admission du recours, tel qu’il a été formulé, la cassation de la décision attaquée et de la sentence civile n° 5781/21.11/ 2O14, dans le sens d’un rejet de l’exception d’absence de qualité processuelle active des réclamants, comme infondée, avec pour conséquence le renvoi de la cause à l’instance de fond pour continuer le jugement, la cassation de la décision attaquée et de la sentence civile n°5781/21.11.2014, dans le sens du rejet de l’exception d’absence de qualité processuelle active des réclamants, comme infondée, avec pour conséquence le renvoi de la cause à l’instance du fond pour continuer le jugement. Essentiellement, la décision attaquée est critiquée pour mauvaise application des dispositions de l’art. 2 al. (1) de la Loi n° 193/2000, dans le sens d’exclure les réclamants de la catégorie des consommateurs et les inclure dans la catégorie des professionnels, en indiquant que l’instance d’appel n’avait pas pris en considération les prévisions expresses des contrats de crédit soumis à l’analyse, qui précisent clairement que les crédits en question avaient été contractés pour besoins personnels non précisés. Il soutient encore qu’il résulte des réponses à l’interrogatoire effectué pour la cause que ces besoins étaient la suite de de la nécessité de rembourser des emprunts auprès de personnes physiques. Il mentionne en même temps que l’instance d’appel avait illégalement estimé que l’importance des crédits contractés jugeant qu’elle dépassait le niveau des besoins privés courants, même si à l’art. 2 de la Loi n° 193/2000, il n’existait nulle précision concernant l’analyse de la qualité de consommateur par rapport au niveau des dettes. En soutenant le pourvoi formulé, le défenseur des requérants se rapporte à la Cause C-110/14 de la CJUE (Costea vs. Volksbank), indiquant que selon le point 20 de cette décision „ une seule et même personne peut agir en qualité de consommateur et au sein de certaines opérations, comme vendeur ou dans d’autres comme fournisseur « comme c’est le cas pour la présente espèce ». Le représentant des requérants précise donc qu’il ne résulte pas, des preuves administrées dans la cause, qu’il existerait un lien direct ou indirect entre ces crédits contractés pour des besoins personnels non précisés et l’activité commerciale du réclamant PHI, ce qui fait que les retenues de l’instance d’appel ne sont pas liées à l’objet du contrat et au but dans lequel l’argent a été utilisé. Il soutient aussi qu’il n’est pas important pour la solution de la présente cause de retenir que les réclamants possédaient certaines superficies de terrain ayant servi de garantie aux crédits, ces terrains étant achetés avant la signature du contrat de crédit, ce qui fait qu’il ne saurait y avoir de lien juridique entre leur possession et l’éventuelle qualité de consommateurs des réclamants. Il est également mentionné que rien ne prouve un éventuel financement par cet argent d’une activité commerciale. On demande le rejet de l’exigence formulée par l’intimée- accusée d’obliger les requérants-réclamants à payer les frais de justice pour le jugement du fond et pour l’appel. L’intimée-accusée CE BANK (ROMANIA) S.A., par son avocat, dépose des conclusions de rejet du recours, comme infondé, avec la conclusion d’un maintien de la décision attaquée comme solide et légale, indiquant le fait que la Cour d’Appel de Bucarest avait correctement interprété les prévisions de l’art. 2 al. (1) et (2) de la Loi n° 193/2000, ainsi que celles de l’art. 2 de la Directive 93/13/CEE, transposée dans la législation nationale par la Loi n° 193/2000.On souligne donc que la question de droit qu’il convient d’éclaircir dans cette cause est d’établir la mesure dans laquelle les requérants-réclamants peuvent ou ne peuvent pas être situés dans la catégorie des consommateurs, c’est à dire des personnes protégées par les prévisions de la Directive 93/13/CEE et par le droit intérieur, si ils sont ou non en position d’infériorité par rapport au commerçant et s’il fallait tenir compte de ce déséquilibre découlant de la situation d’infériorité.

En même temps, le défenseur de l’intimée soutient que l’instance nationale saisie d’un litige, dont l’objet est un contrat pouvant faire l’objet d’application de la Directive mentionnée, a le devoir de contrôler en tenant compte de l’ensemble des preuves administrées et surtout des termes du contrat, si l’emprunteur peut être tenu pour un ”consommateur” de ce genre de biens, comme il est défini à l’art.2 lettre b de la directive, de la nature du bon goût ou du service, qui fait l’objet du contrat visé, biens susceptibles de prouver dans quel but ce bien ou service est acquis.

Il est mentionné qu’en appliquant ces critères à la situation en litige jugée, les instances du fond ont constaté que les requérants de la présente cause se situent hors de la sphère de protection désignée par la Directive 93/13/CEE, car le but précis des contrats de crédit qu’ils contestent était tant l’extinction d’autres dettes, que l’acquisition d’immeubles en propriété ou la construction de tels immeubles. Il est également indiqué que la situation des faits avait été correctement retenue par les instances antérieures, les preuves administrées ayant mis en évidence que le requérant avait contracté le crédit dans le cadre d’une ample activité commerciale et que la persévérance de ces activités immobilières ou connexes avait aussi résulté de la constitution de la société immobilière (HCM INVESTMENT S.R.L.), dans laquelle PAC avait la qualité d’associé et administrateur, sans que soit important qu’il ait ou non déployé ces activités directement ou par d’autres membres de sa famille.

L’avocat de l’intimée souligne que les contrats de crédit respectifs ont été conclus pour une période de 24 mois, mais ont été ultérieurement négociés et reconduits successivement et la raison de leur prolongation, reconnue par des demandes était l’incapacité de restituer les emprunts lors de leur échéance.

Le représentant de l’intimée-accusée CE BANK (ROMANIA) S.A. que de ce point de vue, il s’agit là d’un critère objectif, dont CJUE a tenu compte dans l’analyse de l’art. 2 de la Directive 93/13/CEE, car il résulte clairement dans l’espèce, des aveux des requérants que la destination du crédit était professionnelle. Le deuxième critère subjectif, pris en compte par la Cour d’Appel de Bucarest se rapporte au niveau de formation du prétendu consommateur, or les requérants avaient la capacité de représenter leurs propres droits et intérêts devant la banque en position d’égalité. On demande des frais de justice d’un montant de 2.691,48 lei, conformément aux écritures probantes déposées au dossier de la cause.

LA HAUTE COUR,

Sur le présent pourvoi; Constate ce qui suit de l’examen des documents et travaux du dossier:

Dans la demande enregistrée au rôle du Tribunal de Bucarest – VIe Section Civile, les réclamants PM, PHI et PAC ont demandé en contradicteurs de l’accusée CE BANK (ROMANIA) S.A. de constater la nullité absolue des clauses 5.lettre a) du Contrat de crédit et garantie n°191/2007 et de l’art. 3 du document additionnel n° 1/2009 de ce contrat; 5.1 lettre a) du Contrat de crédit et garantie n°49/2008 et art.2 du document additionnel n°2/2010 à ce contrat et d’obliger l’accusée à restituer toutes les sommes payées au titre de commission pour l’octroi et le paiement des intérêts légaux, calculés, conformément à l’art. 3 al.1 de l’O.G. n° 9/2000.

La demande était fondée en droit sur les dispositions de la Loi n° 193/2000, art. 1341 (art. 992 de l’ancien Code civil) et suivants, de l’art. 1635 et suivants du nouveau Code civil, art. 453 du nouveau Code de procédure civile (art.274 de l’ancien Code de procédure civile). Par la sentence civile n° 5781/21.11.2014 du Tribunal de Bucarest – VIe Section civile, l’action des réclamants PM, PHI et PAC en contradictoire avec l’accusée CE BANK (ROMANIA) S.A., a été rejetée, les réclamants étant tenus au paiement de frais de justice d’un montant de 6610,14 lei.

Contre cette sentence se sont pourvus en appel les réclamants PM, PHI et PAC.

Par la décision civile n° 1861A/2015 du 18 novembre 2015, la Cour d’Appel de Bucarest – VIe Section Civile a rejeté l’appel, comme infondé, obligeant les appelants à payer des frais de justice d’un montant de 6610,14 lei à l’intimée.

Contre cette décision ont formulé un recours les réclamants PM, PHI et PAC, invoquant les dispositions de art. 486 et art. 488 al. 1 pt. 8 du Code de procédure civile.

Dans la motivation de leur demande de recours, les auteurs de la voie extraordinaire d’attaque ont indiqué que l’instance d’appel avait prononcé une décision sans base légale, la décision attaquée appliquant à tort les prévisions de l’art. 2 al. (1) de la Loi n° 193/2000, par le maintien de la décision de l’instance du fond dans le sens de l’exclusion des réclamants de la catégorie des consommateurs et leur inclusion dans la catégorie des professionnels.

Les requérants-réclamants ont essentiellement soutenu que l’instance d’appel avait illégalement rejeté la raison d’appel selon laquelle la catégorie du produit bancaire, dont l’appelant avait bénéficié, estimant que la catégorie de personne physique n’excluait pas la possibilité de signer des contrats en vue d’une activité commerciale et qu’ils ne sauraient se prévaloir du fait que la banque n’avait pas sévi contre.

Dans ce contexte, indiquaient les réclamants, les clauses des contrats conclus par les requérants Mentionnent expressément que ce sont là des facilités de crédit pour besoins personnels non nominalisées (conformément à l’art. III des conditions spéciales des contrats), les crédits étant utilisés pour besoins personnels non nominalisées (conformément à l’art. 6.1 des conditions spéciales des contrats). Après avoir reproduit le contenu de ces articles, les requérants ont conclu que les crédits n’avaient pas été accordés à des fins commerciales, mais pour couvrir des besoins personnels non nominalisées.

L’obligation contractuelle expresse prévue à l’art. 13,4 des conditions spéciales des deux contrats imposait à l’accusée de déclarer l’exigibilité anticipée des crédits s’il était constaté que les réclamants avaient fourni des données irréelles concernant le but du crédit et le fait que ” la banque n’ait pas agi” ne saurait être tenu comme étant sans importance; c’est là une preuve claire du fait que les réclamants ont utilisé ces sommes pour couvrir ces besoins – ont encore affirmé les requérants.

Les requérants-réclamants ont ensuite souligné que l’instance d’appel (tout comme l’instance du fond) a accordé son importance à la valeur des crédits, décidant que celle-ci dépassait le niveau des besoins privés courants, bien qu’il n’y ait pas de prévision légale en ce sens. On a encore dit que l’instance d’appel aurait statué (tout comme l’instance du fond), que le réclamant PHI avait emprunté l’argent, dans le large cadre d’une activité immobilière au caractère commercial ce qui lui faisait perdre sa qualité de consommateur, même si les prévisions de l’art; 2 al. (1) de la Loi n° 193/2000 définissent expressément le consommateur et que l’on rappelle expressément dans ce contexte la cause C-110/14 a CJUE (Costea vs. Volksbank) établissant les conditions dans lesquelles ont peut faire le lien entre les activités commerciales et la qualité de consommateur au sein d’un contrat de crédit.

Les requérants-réclamants ont opiné que l’instance d’appel avait maintenu les considérations de l’instance du fond concernant l’activité commerciale du réclamant liée aux crédits faisant l’objet faisant l’objet de l’action actuelle, même si cela ne résulte pas du probatoire administré dans la cause. Ils ont aussi soutenu que l’octroi des prêts n’était pas liée à l’activité commerciale des requérants-réclamants, rien ne prouvant que les prêts seraient destinés à financer ces activités et que sont appliqués au présent litige les conclusions de la cause C- 110/14 de la CJUE (Costea vs. Volksbank), lorsqu’ils demandent de les prendre en considération dans l’espèce.

Pour ce qui est de la solution de l’instance d’appel liée à la qualité de garants des requérantsréclamants, PM et PAC, dans le sens qu’ils n’auraient pas la qualité de consommateurs, il a été dit que si du fait des commissions importantes imposées le requérant-réclamant PHI serait dans l’impossibilité d’acquitter les traites, l’exécution forcée aurait des répercussions sur eux aussi, ce qui fait qu’ils avaient une qualité processuelle, justifiant un intérêt légitime, actuel, personnel et direct.

En conclusion, les requérants-réclamants ont soutenu qu’ils étaient des personnes physiques, agissant en dehors de leurs activités commerciales, industrielles ou de production, artisanales ou libérales, indépendamment du montant de la somme prêtée, nulle activité commerciale prouvée n’étant liée à l’accès aux crédits en question, l’instance d’appel ayant enfreint et mal appliqué les normes de droit matériel (art. 2 al. (1) de la Loi 193/2000). Pour ces raisons, les requérants-réclamants ont demandé l’admission du recours, la cassation de la décision attaquée et de la sentence civile n° 5781/21.11.2014, dans le sens du rejet de l’exception d’absence de qualité processuelle active des réclamants, comme infondée, avec pour conséquence le renvoi de la cause pour poursuite du jugement vers l’instance du fond et rejet de la demande de frais de justice formulée par l’accusée devant les instance du fond et de l’appel.

Par le mémoire déposé au dossier, l’intimée-accusée CE BANK(ROMANIA) S.A., a principalement sollicité l’annulation du recours parce que les raisons de cassation ne s’inscrivent pas dans les limites de l’art; 488 du Code de procédure civile, conformément aux prévisions de l’art.489 C.p.c. corroborées à l’art. 493 al. 5.; elle a posé subsidiairement des conclusions de rejet du recours comme infondé, avec pour conséquence le maintien de la décision attaquée.

La Haute Cour a procédé à la rédaction du rapport sur l’admissibilité en principe du recours, rédigé en vertu de l’art. 493 al.2 du Code de procédure civile, constatant par le rapport que le pourvoi était en principe admissible.

Par la conclusion du 22 septembre 2016 il a été disposé de communiquer le rapport sur l’admissibilité de principe du recours aux parties, conformément aux dispositions de l’art. 493 al. 4 du Code de procédure civile et le 10 octobre 2016, les parties ont déposé un point de vue sur le rapport, demandant de juger le pourvoi en séance publique. Par sa conclusion du 20 octobre 2016, la Haute Cour de Cassation et Justice, IIe section civile, a admis en principe le pourvoi et a accordé le terme du 26 janvier 2017, pour juger le pourvoi.

La Haute Cour a préalablement retenu que l’exception de nullité du recours, rapportée au fait que les raisons de recours n’entrent pas dans les limites de l’art. 488 du code de procédure civile, invoquées par l’intimée-accusée CE BANK(ROMANIA) S.A., dans son mémoire a été rejetée dans la séance publique du 26 janvier 2017, conformément aux raisons exposées concrètement.

Analysant le pourvoi déclaré par les réclamants PM, PHI et PAC, par rapport aux bases juridiques évoquées et aux raisons de recours exposées, la Haute Cour le rejettera comme infondé, pour les considérations suivantes:

Conformément aux dispositions de l’art; 488 al. 1 pt.8 du Code de procédure civile, une décision peut être cassée lorsqu’elle a été donnée en violation ou mauvaise application des normes du droit matériel.

La qualité processuelle active est une condition essentielle pour exercer l’action civile en justice, celle-ci supposant l’existence d’une identité entre le titulaire du droit soumis au jugement et la personne qui a la qualité de titulaire de la demande de citation en justice.

Pour formuler la demande de citation en justice, les réclamants se sont prévalus des dispositions de la Loi n° 193/2000 concernant les clauses abusives des contrats conclus entre commerçants et consommateurs.

Selon les dispositions de l’art. 14 de la Loi n° 193/2000, seuls peuvent se prévaloir des dispositions de la Loi n° 193/2000 les sujets de droit qui ont la qualité de consommateurs, dans le sens de la Loi n° 193/2000.

Selon l’art. 2 al. 1 de la Loi n° 193/2000 „ on entend par consommateur toute personne physique ou groupe de personnes physiques formant une association, qui, en vertu d’un contrat qui entre sous l’incidence de la présente loi et agit en dehors de ses activités commerciales, industrielles ou de production, artisanale ou libérale”.

Vu que la Loi n° 193/2000 transpose en droit intérieur les prévisions de la Directive du Conseil de l’Union Européenne 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives des contrats passés avec les consommateurs, pour l’interprétation de la notion de consommateur, il convient de prendre aussi en ligne de compte, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne créée pour interpréter cette directive.

Conformément aux prévisions de l’art. 2 lettre b) de la Directive du Conseil de l’Union Européenne 93/13/CEE du 5 avril 1993 est un consommateur toute personne physique agissant à des fins extérieures à son activité professionnelle, dans le cadre de contrats réglés par la directive.

La Haute Cour retient que la CJUE avait déjà décidé sur la cause C-110/14 (Horațiu Ovidiu Costea contre SC Volksbank România SA) (Horațiu Ovidiu Costea contre SC Volksbank România SA) « qu’une seule et même personne pouvait agir en qualité de consommateur dans certaines opérations et en qualité de vendeur et fournisseur dans d’autres ». Elle a en même temps souligné que « la notion de consommateur », dans le sens de l’art. 2 lettre (b) de la Directive 93/13 avait « (...) un caractère objectif et était indépendante des connaissances concrètes de la personne ou des informations dont elle disposait réellement ».

L’instance du fond et l’instance d’appel ont agi dans les limites des compétences connues par la CJUE, qui a établi que pour vérifier si l’emprunteur est un consommateur dans le contexte de la Directive et de la loi nationale d’application, l’instance nationale doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause, surtout de la nature du bien ou du service qui fait l’objet du contrat visé, qui peuvent démontrer dans quel but le bien ou service en question est acquis. La Haute Cour constate que la décision de la Cour d’appel avait été rendue en vertu des dispositions légales applicables à l’espèce. L’instance judiciaire avait ainsi appliqué et interprété correctement les normes légales incidentes de la cause et en analysant rigoureusement les dispositions de l’art. 2 al. 1 de la Loi n° 193/2000, elle avait correctement statué que le réclamant PHI avait contracté son crédit dans le cadre d’une simple activité immobilière à caractère commercial par sa persévérance et la répétition des actes, ce qui lui a évité la protection spécifique au consommateur.

Il a été retenu que l’essentiel est l’élément subjectif qui prouve l’intention de déployer de façon répétée des actes de commerce objectifs et donc professionnels et que le lien étroit entre les activités immobilières et les emprunts accordés développe le but commercial qui s’étend aux crédits contestés dans la cause.

L’instance de l’appel a correctement retenu que sous l’empire de l’ancien Code civil et du Code Commercial (art. 7 corroboré à l’art. 3 du C. com.) incidents dans la cause, la personne physique avait aussi la qualité de commerçant, et déployait de ce fait des activités commerciales, si elle faisait des activités commerciales objectives comme profession pour en obtenir un profit.

Conformément. aux dispositions de l’art. 3, pt. 1 C.com représentent des actes objectifs de commerce les achats destinés non seulement à la revente, mais aussi à la location, sous la même forme ou sous une forme améliorée, l’essentiel étant dans ce cas l’intention de revendre manifeste dès l’instant de l’achat, la réalisation effective ultérieure de cette finalité n’étant pas essentielle.

Pour qu’une personne physique acquièrent la qualité de commerçant, il est suffisant (sauf protection de la loi incidente) de prouver la situation spécifique, le caractère professionnel et non pas accidentel, isolé des actes de commerce. Pour prouver la position de consommateur il faut analyser la position de la personne, vue la nature d’un certain contrat, car cette personne peut être vue comme un consommateur par rapport à certaines transactions et professionnelle par rapport à d’autres.

Il est essentiel en l’espèce de tirer au clair le but visé dans la conclusion des contrats de crédit et la valeur importante de l’emprunt, le fait que le réclamant PHI eut emprunté de l’argent pour restituer des dettes antérieures auprès de personnes physiques, afin d’acheter des terrains qu’il avait l’intention de revendre et de construire un immeuble.

L’instance d’appel a donc correctement retenu que la catégorie de produit bancaire dont l’appelant avait bénéficié était sans importance, sa simple qualité de personne physique n’excluant pas la possibilité de conclure un contrat en vue d’une activité commerciale et la partie ne pouvant pas se prévaloir du fait que la banque n’eut pas voulu agir contre lui pour cette raison.

On a d’autre part retenu de façon judicieuse, par l’expression claire du raisonnement juridique, fondé sur des arguments juridiques et par la mise en évidence de la logique intérieure qui a permis d’adopter la solution, que la valeur des crédits accordé n’était pas essentielle en soi, mais comparée aux réponses à l’interrogatoire, elle prouve que cette valeur dépassait le niveau de besoins privés exceptionnels.

On peut constater que, selon les dispositions de la Loi n° 193/2000, les sujets de la relation juridique qui entrent sous l’incidence de la loi de protection des consommateurs sont le professionnel (commerçant) qui fabrique un produit, qui le distribue, en fait commerce, respectivement fournit un service et, d’autre part, et, d’autre part, le consommateur qui achète un produit ou bénéficie d’un service offert par un professionnel.

Il en résulte que les réclamants PM et PAC, en leur qualité de garants ne sont pas des consommateurs dans le sens de la Loi n° 193/2000 et ne peuvent donc pas invoquer les dispositions légales concernant la protection des consommateurs, car la relation juridique entre eux et l’accusée diffère de la relation juridique principale, née en vertu du contrat de crédit.

Dans ces conditions, il a correctement été expliqué que la première instance se rapportait dans son analyse à la qualité de partie contractante du réclamant PHI puisque les deux autres réclamants ne sont pas les bénéficiaires directs du prêt et ne possèdent que la qualité de garants, l’action présente ayant pour objet exclusif la nullité de certains clauses des contrats de crédit à la négociation et à la signature desquels ils ne pouvaient être formellement impliqués, ne pouvant négocier la nullité des clauses des contrats accessoires de garantie.

Ce n’est pas en dernier lieu qu’il convient de souligner, que le pourvoi est un moyen procédural permettant d’examiner la décision attaquée sous l’aspect de sa légalité, l’instance du recours vérifiant si la décision attaquée a été ou non prononcée dans le respect des dispositions légales. De ce point de vue, les critiques concernant l’estimation des preuves dans le sens que les crédits respectifs n’ont pas été accordés dans l’exercice de l’activité professionnelle et le fait de retenir à tort la situation des faits n’ont pas à être analysés car ils visent l’infondé et non l’illégalité de la solution rendue en appel.

Ainsi donc, la Haute Cour constate que dans la perspective des exigences de l’art. 488 al. 1 pt. 8 C. proc. civ., qui vise à détecter les violations des normes de droit substantiel, la décision attaquée est à l’abri de toute critique.

Pour les considérations précédentes, en vertu de l’art; 496 al.1 du Code de procédure civile, la Haute Cour constate que l’on a fait, dans la cause, une application correcte des dispositions légales incidentes, ce qui fait que le pourvoi sera rejeté, comme infondé.

Conformément à l’art 453 al.1 du Code de procédure civile, la partie qui perd le procès sera obligée, à la demande de la partie gagnante, de payer à celle-ci des frais de justice, raison pour laquelle, par rapport à la demande formulée par l’intimée-accusée les dispositions évoquées seront appliquées et les requérants –réclamants PM, PHI et PAC, obligés en solidaire au paiement de la somme de 2.691,48 lei de frais de justice à l’intimée-accusée CE BANK (ROMANIA) S.A.

POUR CES RAISONS

AU NOM DE LA LOI

LA COUR DECIDE : Elle rejette comme infondé le pourvoi déclaré par les réclamants PM, PHI et PAC contre la décision civile n° 1861A/2015 du 18 novembre 2015, rendue par la Cour d’Appel de Bucarest – VIe Section Civile.

Elle oblige les requérants-réclamants PM, PHI et PAC, en solidaire, au paiement de la somme de 2.691, 48 lei, au titre de frais de justice à l’intimée- accusée CE BANK (ROMANIA) S.A. Définitive.

Rendu en séance publique ce 26 janvier 2017

Sens de la décision : rejet

Décision attaquée 1 Juridiction : Cour d’Appel de Bucarest Date de la décision (au format jj/mm/aaaa) : 18.11.2015


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 115/2CC/2017
Date de la décision : 26/01/2017

Analyses

Contrat de crédit et garantie ; Qualité de consommateur ; Actes de commerce ; Interprétation de la notion de commerçant ; Caractère professionnel

Conformément aux dispositions de l’art. 14 de la Loi n° 193/ 2000, ne peuvent se prévaloir des dispositions de la Loi n° 193/2000 que les sujets de droit ayant la qualité de consommateur au sens de la loi. Selon l’art.2 al. 1 de la Loi n° 193/2000, on entend par le mot consommateur toute personne physique ou groupe de personnes physiques constituées en associations qui, en vertu d’un contrat, entrent sous l’incidence de la présente loi, agissent en dehors de son activité commerciale, industrielle ou de production, artisanale ou libérale”. Conformément aux prévisions de l’art. 2 lettre b) de la Directive du Conseil de l’Union Européenne 93/13/CEE du 5 avril 1993, le consommateur est une personne physique agissant à des fins extérieures à son activité professionnelle, dans le cadre de contrats réglés par la directive. Conformément aux dispositions de l’art. 3 pt. 1 du C. com. sont objectivement des actes de commerce les achats ayant pour but non seulement la revente, mais aussi la location, sous la même forme ou sous une forme améliorée, l’essentiel étant dans ce cas l’intention de revendre, manifestée au moment de l’achat, la réalisation ultérieure effective de cette fin n’étant pas obligatoire. Pour acquérir la qualité de commerçant (exceptée de la protection de la loi spéciale incidente), il suffit à la personne physique de prouver la situation spécifique des faits, le caractère professionnel et non pas accidentel, isolé, des actes de commerce. Pour préciser la qualité de consommateur d’une personne, il convient d’analyser sa position par rapport à un certain contrat, vue la nature et le but de ce contrat, car la même personne peut être un consommateur au regard de certaines transactions et un professionnel par rapport à d’autres. Conformément aux dispositions de la Loi n° 193/2000, les sujets de la relation juridique qui entrent sous l’incidence de la législation protégeant des consommateurs sont le professionnel (commerçant) qui fabrique, distribue, fait commerce de tel produit, respectivement fournit un service et d’autre part, le consommateur qui fait l’achat d’un produit ou bénéficie d’un service offert par un professionnel.


Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ro;haute.cour.cassation.justice;arret;2017-01-26;115.2cc.2017 ?
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