LA HAUTE COUR DE CASSATION ET JUSTICE
SECTION DE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF ET FISCAL
Est examiné le recours déclaré par G.J. contre la conclusion du 6 février 2013 de la Cour d’Appel de Pitești – IIe section civile, de contentieux administratif et fiscal.
A l’appel nominal, en séance publique, sont absents la requérante-réclamante G.J. et les intimés-accusés Autorité Nationale pour la Restitution des Propriétés, l’Etat roumain par la Commission Centrale de Fixation des Dédommagements et B.G., président de l’Autorité Nationale de Restitution des Propriétés.
Procédure complète.
Le compte rendu de la cause est présenté, le magistrat assistant indiquant que le présent recours est déclaré et motivé dans le respect du délai prévu par la loi. Il est précisé que, tant la Commission Centrale de Fixation des Dédommagements, que B.G., président de l’Autorité Nationale pour la restitution des propriétés, avaient déposé des mémoires au service d’enregistrement. D’autre part, la requérante-réclamante G.J. a demandé de juger la cause en l’absence, conformément aux prévisions de l’art; 242 al. 2 du Code de procédure civile.
N’ayant d’autres demandes, la Haute Cour constate que la cause est en état d’être jugée et la retient pour solution.
LA COUR
Vu le présent recours;
Après examen des travaux du dossier, constate ce qui suit:
1. Saisissement de l’instance première
Par sa demande adressée à la Cour d’appel de Pitești – section de contentieux administratif et fiscal, a réclamante G.J. a assigné en justice l’Autorité Nationale de Restitution des propriétés, l’Etat Roumain par la Commission centrale de fixation des dédommagements et B.G. – le l’A.N.R.P. pour qu’il soit disposé, en vertu de l’art. 25 al. 1 de la Loi n° 554/2004: - d’appliquer à l’accusé B.G., président de l’Autorité Nationale de Restitution des Propriétés, une amende de 20% du SMIG, par jour de retard, à partir de la date du 23.03.2012 et jusqu’à la date d’émission de la décision comptant pour titre de dédommagements au dossier n°46090/CC.
Dans le cadre de ce litige, la réclamante a invoqué l’exception de non constitutionnalité de l’article unique de l’O.U.G. n° 62/2010 et l’art. 1 et 2 de la Loi n° 117/2012, demandant que soit saisie la Cour Constitutionnelle pour constater la non constitutionnalité des textes de loi mentionnés. Elle demande aussi de constater la non constitutionnalité des textes de loi mentionnés, pour la solution de l’exception invoquée, en vertu de l’art. 29 al. rapporté aux dispositions de l’art. 31 al. 1 de la Loi n°47/1992.
En motivant l’exception de non constitutionnalité, la réclamante a indiqué que malgré la décision judiciaire irrévocable qu’elle possède et qui oblige l’Etat à émettre une décision ayant valeur de titre de dédommagement pour certains documents émis en 2012, toutes les procédures de fixation et octroi des dédommagements sont suspendues jusqu’en mai 2013, ce qui la met dans l’impossibilité de mener à bien les démarches prévues par la Loi n°247/2005.
Est invoquée la non constitutionnalité des dispositions par rapport aux art. 15 al. 2, art. 16, art.21 et art. 44 de la Constitution de la Roumanie.
Solution de l’instance première
Par l’arrêt du 6.02.2013 de la Cour d’Appel de Pitești – Section de contentieux administratif et fiscal, elle rejette la demande de saisir la Cour Constitutionnelle.
Pour motiver cette solution, la première instance a retenu que, par rapport aux dispositions de l’art.29 al. 1,2 et 3 de la Loi n° 47/1992, l’exception est admissible parce qu’elle est invoquée par l’une des parties, parce qu’elle se rapporte à des dispositions des ordonnances d’urgence du gouvernement et que celles-ci n’avaient pas été déclarées non constitutionnelles par une quelconque décision de la Cour Constitutionnelle.
Il a cependant été constaté que n’est pas remplie la condition d’un lien entre les prévisions des ordonnances d’urgence et lois que la réclamante juge non constitutionnelles et la cause, et l’on estime que le fait de déclarer non constitutionnelles les dispositions légales mentionnées n’aurait nulle influence sur l’affaire par rapport à son objet.
3. La voie d’attaque exercée.
Contre cette conclusion s’est pourvue en recours la réclamante G.J. demandant l’admission du pourvoi et, suite à un nouveau jugement de la cause, l’admission de la demande de saisir la Cour Constitutionnelle avec l’exception invoquée.
Dans la motivation du recours, on indique que ces dispositions, dont l’exception de non constitutionnalité est invoquée, sont liées à la cause soumise au jugement, puisqu’il s’agit d’un litige où l’on demande l’application de l’amende pour non respect d’une sentence obligeant à remplir des conditions légales, dans le cadre de la procédure prévue par la Loi n°247/2005, texte modifié par les documents mêmes dont on invoque le caractère non constitutionnel.
Le fait que la Cour Constitutionnelle se soit déjà prononcée sur le caractère constitutionnel de certains articles, en rejetant l’exception de non constitutionnalité, n’empiète pas sur l’admissibilité de la demande de saisir la Cour Constitutionnelle.
Les intimés Commission Centrale de fixation des dédommagements et B.G. ont formulé un mémoire et ont demandé de rejeter le recours comme infondé.
4. Solution de l’instance de recours
Après examen des motifs de recours, des dispositions légales incidentes dans l’affaire, la Haute Cour admettra le recours déclaré pour les considérations suivantes:
L’instance première a rejeté la demande de saisir la Cour Constitutionnelle pour l’exception d’illégalité invoquée, indiquant que ne sont pas remplies les conditions requises par la loi, respectivement, que l’on n’avait pas prouvé de lien entre la cause et l’exception de non constitutionnalité invoquée.
Conformément aux dispositions de l’art. 29 al.1-3 de la Loi n° 47/1992 portant sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, republiée « (1) la Cour Constitutionnelle décide des exceptions soulevées devant les instances judiciaires ou d’arbitrage commercial en ce qui concerne la non constitutionnalité d’une loi ou ordonnance ou disposition d’une loi ou ordonnance en vigueur, liée à la solution de la cause, en toute phase du litige et quel que soit son objet. (2) L’exception peut être invoquée à la demande de l’une des parties ou bien d’office, par l’instance, dans les causes auxquelles elle participe. (3) Ne sauraient faire l’objet d’une exception les prévisions constatées comme inconstitutionnelles par une décision antérieure de la Cour Constitutionnelle ».
Il résulte de l’interprétation logique et juridique des prévisions de l’art. 29 al. (1), (2) et (3) de la Loi n° 47/1992 que pour saisir la Cour constitutionnelle d’une exception de non constitutionnalité, les conditions suivantes doivent être remplies et cumulées:
- l’exception doit être invoquée dans le cadre d’un litige figurant au rôle d’une instance judiciaire ou d’arbitrage commercial ;
- l’exception doit avoir pour objet le caractère non constitutionnel d’une loi ou ordonnance ou disposition d’une loi ou ordonnance en vigueur;
- la norme visée par l’exception doit avoir un lien avec la solution de la cause et ne pas avoir été constatée comme non constitutionnelle par une décision antérieure de la Cour Constitutionnelle;
Comme il a été indiqué, l’instance première avait, elle-même, reconnu comme admissible la demande de saisir la Cour Constitutionnelle, mais n’avait pas jugé que ceci était important pour la cause, compte tenu de l’objet de cette cause.
La condition concernant l’importance de l’exception, imposant que les normes critiquées aient une incidence dans la solution de la cause jugée, ne doit pas être analysée in abstracto et appliquée à toute sorte de lien des prévisions légales respectives avec le litige se trouvant au rôle de l’instance.
Ainsi, une analyse rigoureuse s’impose-t-elle, prenant en compte l’intérêt processuel de la solution de l’exception de non constitutionnalité, par le prisme des éléments du cadre processuel et du stade concret atteint par le litige.
Pour ce qui est de l’importance de l’exception de non constitutionnalité invoquée dans l’affaire présente, l’on constate de l’analyse des textes accusés et vu l’objet de l’affaire, que les critiques de la requérante sont fondées et qu’un lien existe entre la solution du litige et celle donnée par la Cour Constitutionnelle.
Les texte de loi dont l’exception d’illégalité est invoquée (article unique de l’O.U.G. n° 4/2012, art.III de l’O.U.G. n° 62/2010 et art. 1 et 2 de la Loi n° 117/2012), prévoient essentiellement que les procédures administratives mentionnées au Titre VII de la Loi n° 247/2005 soient suspendues jusqu’au 15 mai 2013.
Vu que l’objet de la cause figurant au rôle de l’instance première est de censurer l’attitude des autorités publiques impliquées dans les procédures d’octroi de dédommagements en vertu de la loi n° 247/2005, parce que n’a pas été appliquée une décision irrévocable qui les obligeait à émettre une décision représentant titre de dédommagements, l’on constate que la dite solution dépend de la solution concernant le cas d’exception de non constitutionnalité, invoquée par la réclamante.
C’est pourquoi, en vertu de l’art. 312 du Code de procédure civile, rapporté à l’art. 20 de la Loi n° 554/2004, le recours sera admis, la décision attaquée sera cassée et sera admise la demande 5 de saisir la Cour Constitutionnelle de l’exception de non constitutionnalité de l’article unique de l’O.U.G. n° 4/2012, art.III de l’O.U.G. n°62/2010 et des art. 1 et 2 de la Loi n°117/2012.
L’opinion de l’instance sur l’exception d’inconstitutionnalité invoquée.
En vertu de l’art. 29 al. 4 de la Loi n° 47/1992 sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, la Haute Cour estime que les textes ne sont pas non constitutionnels, comme le soutient la requérante-réclamante et que l’exception est donc infondée. Les textes attaqués par voie d’exception de non constitutionnalité n’enfreignent pas le principe de non constitutionnalité de la loi, consacré par l’art. 15 al. 2 de la Constitution, ni le principe de l’égalité en droits, comme le prévoit l’art. 16 de la Constitution, ni le libre accès à la justice, tel qu’il est réglementé par l’art. 21 de la loi fondamentale, ni le droit à la propriété privée prévu par l’art. 44 de la Constitution.
Par les documents normatifs dont l’exception de non constitutionnalité est invoquée, le législateur a souhaité suspendre les procédures administratives pour octroi des dédommagements, selon la Loi n°247/2005, pour donner, d’une part, la possibilité d’appliquer les mesures disposées par la décision pilote (la cause Maria Atanasiu et autres contre la Roumanie) rendue par la CEDH et, d’autre part, pour identifier les possibilités d’octroi des dédommagements.
Ces prévisions ne nient pas le droit de ceux à qui la loi a reconnu la possibilité de recevoir des dédommagements. Ce n’est là qu’une mesure temporaire.
POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI
DECIDE:
Admet le recours déclaré par la réclamante G.J. contre la décision du 6 février 2013 de la Cour d’Appel de Pitești – IIe section civile, de contentieux administratif et fiscal.
Modifie la décision attaquée dans le sens qu’elle admet la demande de saisir la Cour Constitutionnelle de l’exception de non constitutionnalité des prévisions de l’article unique de l’O.U.G. n° 4/2012, art. III de l’O.U.G. n° 62/2010 et art. 1 et 2 de la Loi n° 117/2012.
Saisit la Cour Constitutionnelle pour donner une solution à cette exception.
Définitive.
Rendue en séance publique, ce 8 mars 2013.
Décision attaquée 1
Juridiction :
Cour d’Appel de Pitești
Date de la décision (au format jj/mm/aaaa) : 06.02.2013