Il est examiné le pourvoi du demandeur SC B.C.R. AVIG SA BUCUREȘTI contre la décision civile n° 105/2010 du 14 septembre 2010, rendue par la Cour d’appel de Cluj – Section commerciale, de contentieux administratif et fiscal.
A l’appel nominal est présente la requérante-accusée SC B.C.R. AVIG SA BUCUREȘTI, par son avocat substituant B.M. et l’intimée réclamante SC AA SRL ORHEIUL BISTRIȚEI, par son avocat P.V.
Procédure de citation légalement remplie.
Le compte-rendu de l’affaire est présenté par le magistrat assistant, qui souligne que le recours n’était pas timbré des 9059, 98 de la taxe judiciaire de timbre et des 5 lei du timbre judiciaire, qu’il était déclaré et motivé dans les délais procéduraux, selon les dispositions de l’art. 301 du Code de procédure civile. Il a aussi été fait référence au fait que le 21 février 2011, l’intimée réclamante avait déposé au dossier de l’affaire un mémoire, communiqué à la requérante-accusée.
Ayant la parole sur l’aspect mentionné, le représentant de la requérante-accusée dépose au dossier la taxe judiciaire de timbre et le timbre judiciaire du montant dû, après quoi, en constatant qu’il n’y a pas d’autres exigences ni questions préalables à discuter, la Haute Cour accorde la parole aux parties sur le fond du recours.
Ayant la parole, le représentant de la requérante-accusée SC B.C.R. AVIG SA BUCURESTI soutient oralement les raisons de recours développées par écrit et, en vertu des dispositions de l’art. 304, pt. 9 du Code de procédure civile, pose des conclusions d’admission de ce recours et de modification totale de la décision attaquée. Pour ce qui est du fond de la cause, il demande le rejet de la demande de l’intimée réclamante, comme infondée. Il précise en même temps que les dispositions de l’art. 28 de la Loi n° 136/1995 concernant les assurances et réassurances de Roumanie doivent être interprétées dans le sens que, tant la somme assurée que la valeur du bien (inférieure, dans ce cas, à celle assurée) doivent être celles du bien assuré et totalement ou partiellement détruit par l’événement. Cette interprétation doit être prise en considération même si, par contrat, plusieurs biens distinctement individualisés et aux valeurs différentes ont été assurés, ainsi que des sommes différemment assurées et même si certains de ces biens distinctement individualisés n’étaient pas détruits par l’événement assuré. Il attire l’attention de l’instance sur le fait que la somme assurée des sept corps du bâtiment, individualisés dans la demande-questionnaire, était de 6.500.000 lei, somme inscrite d’ailleurs dans la police d’assurance. Il indique également que l’instance première ne s’était pas prononcée sur l’exception de timbrage insuffisant de l’action, n’y faisant aucunement référence, comme elle ne s’est pas prononcée sur le timbrage des sommes réclamées par l’intimée-réclamante au titre d’intérêts légaux pour la période comprise entre le 1 mai 2009 et la date où l’action judiciaire fut introduite. Il invoque aussi la mauvaise interprétation des dispositions légales concernant l’institution de la cession de créance, en précisant qu’il ne saurait s’agir, en l’espèce , d’une cession de créance à titre gracieux, prenant la forme d’une donation, mais de l’institution de stipulation pour autrui, ayant pour conséquence le rejet de l’exception de défaut de qualité processuelle active de la réclamante.
Interpellé par l’instance, le représentant de la requérante-accusée précise que le tiers bénéficiaire avait la possibilité d’accepter ou de ne pas accepter ce que lui offrait le stipulant et que, dans l’éventualité d’un renoncement, ceci profitait à l’auteur de la promesse, qui se voyait épargner l’obligation. Il dépose au dossier de l’affaire, la doctrine judiciaire allant dans le sens de ce qui a été soutenu oralement et indique qu’il demande d’obliger l’intimée-réclamante à payer les frais de justice, représentant l’honoraire d’avocat et la taxe judiciaire de timbre.
Ayant la parole, le représentant de l’intimée-réclamante SC AA SRL ORHEIUL BISTRIȚEI pose des conclusions de rejet du recours, comme infondé, avec pour conséquence le maintien de la décision de l’instance d’appel, comme bien-fondée et légale, il développe oralement les arguments invoqués dans le mémoire déposé au dossier de l’affaire (feuillets 13-18). Il précise en même temps que, pour ce qui est du timbrage, la réclamante avait dûment timbré, selon les valeurs précisées et que les prétentions de la partie qu’il représentait avaient été modifiées, ce qui faisait que les intérêts légaux réclamés ne pouvaient être quantifiés, puisqu’on ne pouvait pas préciser une taxe judiciaire de timbre, la valeur de ces dédommagements devant être fixée lors de l’exécution forcée. Il attire l’attention sur le fait que l’on ne saurait retenir l’affirmation de la requérante-accusée concernant l’exception de défaut d’une qualité processuelle active, selon laquelle il s’agirait dans l’affaire d’une stipulation pour autrui et non d’une cession de créance, vu que cette cession de créance revêtait la forme authentique. Et de préciser que, puisque dans la police d’assurance il s’agissait d’une somme globale de 6.500.000 lei, représentant la valeur des biens assurés, biens compris dans un seul extrait du registre foncier et pour lesquels il n’existait nul document justifiant des valeurs distinctes, compte tenu aussi de la valeur réelle de ces biens, fixée par le rapport d’expertise commandé par l’accusée, il posait des conclusions de rejet de ce grief, comme infondé. Il demande d’obliger la requérante-accusée au paiement de frais de justice, d’un montant de 1.500 lei, représentant l’honoraire d’avocat.
LA HAUTE COUR,
Vu le présent pourvoi:
Suite à l’examen des travaux du dossier, constate ce qui suit:
Par la sentence commerciale n° 710 du 30 juin 2010, rendue au dossier n°817/112/2010, le tribunal de Bistrița-Năsăud, section commerciale de contentieux administratif et fiscal, a rejeté l’exception de défaut de qualité processuelle de la réclamante, invoquée par l’accusée comme infondée et a admis l’action formulée par la SC AA SRL contre l’accusée SC B.C.R. AVIG SA telle qu’elle a été précisée, et a obligé l’accusée de payer à la réclamante la somme de 1.400.896,50 lei au titre de différence de dédommagements dus en vertu de la police d’assurance IBN n° 0088941 du 20 février 2009 et des intérêts légaux d’un montant de 4.903.850 lei pour la période du 01 mai 2009 au 25 juin 2009 et, ensuite, pour la somme fixée par la présente décision jusqu’au paiement effectif.
L’accusée a été obligée à 24.075 lei de frais de justice.
Pour rendre cette sentence, la première instance a retenu que, suite à l’engagement de crédits auprès de la B.C.R. - Succursale de Bistrița-Năsăud, les biens assurés par la police d’assurance IBN n° 0088941, propriété inscrite de la réclamante, avaient été présentés en garantie pour l’octroi du crédit et que, sur la police d’assurance, à la rubrique „mentions spéciales”, il avait été inscrit que ces biens „sont cédés en faveur de l’institution créditrice B.C.R. - Succursale de Bistrița-Năsăud”.
Par cette mention, la réclamante était d’accord pour céder à la banque créditrice le droit d’encaisser les dédommagements qui lui seraient dûs par la mise en valeur de cette police, ce qui s’est d’ailleurs produit dans la présente affaire.
Suite à l’incendie qui s’est produit dans la matinée du 24 mars 2009 au siège de la société réclamante, le directeur de la Succursale de la B.C.R. AVIG de Bistrița- Năsăud et de la société d’évaluation des dégâts SC PRC SRL de Vaslui se sont déplacés sur les lieux du sinistre et à cette occasion un procès-verbal d’évaluation a été dressé, constatant la destruction des biens assurés en proportion de 90%. Le dossier concernant les dommages ayant été constitué, l’accusée a versé à la réclamante la somme de 3.502.953,37 lei, mais l’on a constaté l’incidence des dispositions de l’art. 28 de la Loi n° 136/1995, dans le sens que, par un rapport de sous-évaluation de 64,82% entre la valeur des biens à la date de signature du contrat d’assurance de 5.530.086 lei, la somme assurée des biens du contrat d’assurance était de 3.800.000 lei. L’instance a retenu que le mode de calcul du rapport d’évaluation était erroné vu que, suite à l’expertise, la valeur réelle des biens assurés était de 7.215.826 lei et que la police d’assurance n’assurait ces mêmes biens que pour 6.500.000 lei. Suite aux calculs qui ont été faits, résulte un pourcentage de sous-évaluation de 9,921%, en tenant compte de la totalité des biens assurés, ce qui fait que la réclamante avait droit à des dédommagements d’un montant de 4.903.850 lei dont, par rapport à la somme payée de 3.502.953,50 lei, l’accusée devait payer à la réclamante , en vertu de l’art. 969 et des suivants du Code civil et de l’art. 3 pt.11 et art. 43 du Code commercial, 1.400.896,50 lei, ainsi que les intérêts afférents.
L’appel déclaré par l’accusée SC B.C.R. AVIG SA BUCURESTI a été rejeté par la décision civile n° 105 du 14 septembre 2010 de la Cour d’appel de Cluj – section commerciale et de contentieux administratif.
L’instance d’appel a retenu que, par la police d’assurance, la réclamante avait assuré tous ses biens immeubles formant l’ensemble industriel où l’incendie avait eu lieu, la valeur de ces biens étant établie à un montant de 6.500.000 lei. Le rapport d’expertise a établi la valeur réelle des biens faisant l’objet de la police d’assurance à un montant de 7.215.826 lei. Vu la sous-évaluation constatée, l’on a constaté l’incidence des dispositions de l’art. 28 de la Loi n° 136/1998, dispositions par rapport auxquelles l’on ne saurait prendre en compte la valeur de chaque immeuble pris à part, comme le prétend l’appelante-accusée, mais il convient de prendre en compte la valeur de tous les biens inscrits au contrat d’assurance, en se rapportant à la valeur totale de remplacement de ceux-ci, représentée par la somme assurée et inscrite dans le contrat.
Contre cette décision, l’accusée s’est pourvue en recours, invoquant les critiques suivantes, subsumées au motif d’illégalité prévu à l’art. 304 pt. 9 Code de procédure civile:
La violation des dispositions de l’art. 28 de la Loi n°136/1995, par l’interprétation erronée du fait que pour déterminer le pourcentage de sous-assurance l’on prend en compte la somme totalement assurée, conformément à la police d’assurance de 6.500.000 lei, qui correspond à la somme de tous les immeubles constituant l’ensemble et à la valeur de remplacement de tous ces immeubles, de 7.215.826.
L’interprétation correcte des dispositions susmentionnées est de prendre en ligne de compte uniquement la valeur de remplacement/ la somme assurée des biens détruits dans l’événement dommageable, même si ces biens étaient assurés sur la même police que d’autre biens, non-touchés par l’événement.
La violation des dispositions de l’art. 20 al. 2 thèse II de la Loi n° 146/1997, vu que le timbrage avait été fait d’après la somme exigée, suite à la diminution des prétentions, au deuxième terme du procès.
Une autre critique vise la violation des dispositions de l’art. 2 (1) de la Loi n° 146/1997 concernant le timbrage insuffisant de l’action, du fait que les sommes réclamées au titre d’intérêts légaux, pour la période du 1 mai 2009 jusqu’à la date d’introduction de l’action en justice, n’étaient pas précisées.
L’interprétation erronée des dispositions légales concernant l’institution de cession de créance, qui a eu pour conséquence le rejet de l’exception de défaut de qualité processuelle active de l’intimée réclamante.
Le recours est infondé.
Par sa police l’assurance IBN n° 0088941 du 20 février 2009 afférente aux biens inscrits au registre foncier au n° 379 Orheiul Bistrita, la réclamante avait assuré tous les biens immeubles se trouvant en sa propriété dans cette commune et formant un ensemble industriel unitaire, la valeur de remplacement de tous ces immeubles étant fixée à la somme de 6.500.000 lei, soit la somme assurée contre le risque visé par la police. A la date où la police avait été signée, on n’avait pas fait d’évaluation des biens assurés, ce qui fait que la valeur de ces biens à cette date là était celle fixée par la SC PRC SRL de Vaslui dans son rapport d’expertise assumé tant par la réclamante que par l’accusée et se rapportant à la totalité des biens figurant sur la police d’assurance, dont la valeur réelle est estimée comme étant de 7.215.826 lei.
Dans les conditions où la somme assurée par la police d’assurance, sans une évaluation des biens assurés, est moindre que la valeur réelle de ceux-ci au moment où se produit le risque dommageable assuré, l’existence d’un cas de sous-évaluation a été correctement retenu, ce fait étant soutenu par l’accusée et prouvé par l’expertise effectuée, partiellement reconnue par la réclamante, ce qui entraine l’incidence des dispositions de l’art. 28 de la Loi n°136/1995, concernant les assurances et réassurances de Roumanie.
Conformément à ce texte, au cas où le contrat d’assurance a été conclu pour une somme assurée, inférieure à la valeur du bien, le dédommagement dû est diminué en fonction du rapport entre la somme prévue dans le contrat et la valeur du bien, s’il n’a pas été convenu différemment par contrat.
Dans l’application de ce texte de loi, l’on ne saurait prendre en compte pour le calcul du rapport de sous-évaluation les valeurs de chaque immeuble séparément, en se rapportant à une partie de la somme assurée fixée dans l’annexe de la police d’assurance, comme le soutient la requérante accusée, mais il faut prendre en compte la valeur de tous les biens inscrits au contrat d’assurance en se rapportant à la valeur de remplacement totale de ceux-ci, que représente la somme assurée par contrat.
Les critiques concernant la violation des dispositions de l’art. 20 al. 2 thèse II de la Loi n° 146/1997 et de l’art. 2(1) du même document normatif sont infondées, vu que par l’action introductive, la réclamante avait demandé à l’accusée de payer la somme de 2.022.046,43 lei, soit la différence entre la somme obtenue et celle due par l’accusée, ainsi que les intérêts afférents. Par son action introductive, la réclamante précise qu’elle ne possède pas l’expertise technique faite suite à l’incendie du 24 mars 2009 et que lorsqu’elle aura reçu ce document, elle recalculera ses prétentions, y compris les intérêts afférents à la somme. Suite donc à la réception du rapport d’expertise, conformément aux précisions intervenues au cours de l’action en justice, la réclamante a précisé la partie de ses prétentions que représentent les dommages et intérêts.
L’on ne saurait donc affirmer que la réclamante eut procédé à un rabais du montant de ses prétentions dans le sens demandé par l’art. 20 de la Loi n° 146/1997, mais que par cette précision de l’action initiale elle a pour la première fois formulé ses prétentions à l’égard de l’accusée.
Tout aussi infondée est la critique concernant le défaut de qualité processuelle active de la réclamante, car suite à l’engagement de crédits à la B.C.R. – succursale de Bistrița Năsăud, les biens assurés par la réclamante sur sa police d’assurance, biens inscrits au registre foncier comme étant sa propriété, ont été apportés en garantie pour l’octroi du crédit et la police d’assurance précisait à la rubrique „mentions spéciales” que ceux-ci „ sont cédés en faveur de l’établissement créditeur B.C.R. - Succursale de Bistrița-Năsăud.
Par cette mention, la réclamante était d’accord, au cas où se produirait le risque dommageable, de céder à la banque créditrice le droit d’encaisser les dédommagements qui lui seraient dus, ce qui est arrivé. Peu importe donc pour la qualité processuelle active, que l’on se trouve dans la construction juridique de la cession de créance ou dans celle de la stipulation pour autrui.
Tant que l’établissement de crédit est satisfait d’avoir encaissé le montant des dédommagements accordés par l’accusée, la qualité processuelle active de la réclamante pour la différence des dédommagements est justifiée et repose sur le libre accès à la justice, ce qui est à la fois, un principe constitutionnel et un principe de la Convention, si souvent présent dans la jurisprudence de la C.E.D.H.
Les affirmations de la requérante-accusée étant donc infondées, en vertu de l’art. 312 al. 1 Code de procédure civile, l’instance suprême doit rejeter le recours comme infondé, avec l’obligation à des frais de justice de 1.500 lei.
POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:
Rejette comme infondé le pourvoi de l’accusée SC B.C.R. AVIG SA BUCUREȘTI contre la décision civile n° 105/2010 du 14 septembre 2010, rendue par la Cour d’appel de Cluj – section commerciale, de contentieux administratif et fiscal.
Oblige la requérante à 1.500 lei de frais de justice à l’intimée-réclamante SC AA SRL ORHEIUL BISTRIȚEI.
Définitive.
Rendue en audience publique, aujourd’hui, le 29 mars 2011.