On examine le pourvoi de la réclamante SC S.D. SRL PIATRA NEAM? contre la décision commerciale n° 517 du 2 novembre 2010, de la Cour d'appel de Bucarest - Ve section commerciale.
A l'appel nominal sont présents la requérante-réclamante SC S.D. SRL PIATRA NEAM?, par son avocat, conformément au mandat collectif d'avocat se trouvant au feuillet 12 du dossier et l'intimée-accusée SC H.R. SA BUCURESTI (ancienne B.U.R. SA), par son avocat T.M.C.
Procédure de citation légalement remplie.
Le compte-rendu de l'affaire est présenté par le magistrat assistant, qui attire l'attention sur le fait que le recours n'est pas timbré des 1.613,12 de la taxe de timbre et des 5 lei du timbre judiciaire, qu'il l'estime déclaré et motivé dans le cadre des délais procéduraux prévus dans les dispositions de l'art. 301 du Code de procédure civile.
Ayant la parole sur l'aspect auquel il a été fait référence, le représentant de la requérante-réclamante dépose au dossier de l'affaire la preuve du paiement de la taxe judiciaire de timbre et le timbre judiciaire du montant dû.
Constatant qu'il n'y avait pas d'autres demandes ni questions préalables à discuter, la Haute Cour accorde la parole aux parties sur le fond du recours.
Le représentant de la requérante-réclamante SC S.D. SRL PIATRA NEAM?, ayant la parole, soutient oralement les raisons de recours développées par écrit et, sur la base des dispositions de l'art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile, conclut à l'admission de celui-ci et à la cassation de la décision attaquée, avec renvoi de la cause en instance d'appel pour un nouveau jugement. Il précise en même temps que l'instance de fond et l'instance d'appel n'avaient pas donné leur efficacité à certaines preuves administrées par la partie qu'il représente, sans pour autant les écarter de façon explicite. Il attire l'attention de l'instance sur le fait que la requérante-réclamante avait prouvé par des écrits, respectivement par un fax, que l'intimée-accusée avait établi et accordé de façon unilatérale l'algorithme de calcul établi lors du déroulement du contrat de distribution de bière et que, selon les clauses contractuelles, les discounts et les bonus étaient établis unilatéralement par le vendeur et transmis par fax. Or, les bonus ainsi accordés n'avaient jamais été retirés. Il indique qu'aussi bien l'instance de fond que celle d'appel avaient traité à tort l'obligation corrélative de l'intimée-accusée, comme une obligation éventuelle. Il indique que l'instance d'appel devait nécessairement motiver pourquoi elle avait écarté un écrit, vu que celui-ci était la principale raison d'appel. Il demande que soit obligée l'intimée-accusée au paiement des frais de justice, c'est à dire de la taxe judiciaire de timbre.
Le représentant de l'intimée-accusée SC H.R. SA BUCURESTI (ancienne B.U.R. SA) ayant la parole, propose en conclusion le rejet du recours, comme infondé, et le maintien de la décision attaquée, comme fondée et légale. Il précise en même temps que l'instance d'appel avait eu raison de ne pas apprécier l'adresse transmise par fax à la date du 26 janvier 2005, comme une preuve concluante, vu que rien n'indiquait que cette adresse fut communiquée par l'intimée-accusée à la requérante-réclamante. L'on n'avait pas déposé au dossier un rapport de transmission par fax, pour rendre crédible cette affirmation. Il attire l'attention de l'instance sur le fait que, dans l'éventualité où il serait prouvé que cette adresse a été expédiée par la SC H.R. SA, son contenu n'implique pas automatiquement l'obligation assumée de payer certaines sommes d'argent au titre de bonus. Bien au contraire, l'écrit se rapporte à l'application d'une procédure de monitoring de l'efficacité du retour des conditionnements. Ce n'est donc que lorsque les parties auraient compté les conditionnements et constaté avoir atteint les paramètres proposés, que le bonus en question pouvait être accordé. L'absence de preuves en ce sens conduit à la conclusion qu'il n'y avait pas eu d'accord sur l'octroi de bonus. Le représentant dépose au dossier de l'affaire, des conclusions écrites dans le sens de ce qui a oralement été soutenu, en précisant qu'il ne demandait pas d'obliger la requérante-réclamante au paiement de frais de justice.
Après la levée de la séance de jugement, mais avant la fin du délibéré, la requérante-réclamante a transmis par fax des conclusions écrites.
LA HAUTE COUR
Vu le présent pourvoi;
Suite à l'examen des travaux du dossier, constate ce qui suit:
I - Circonstances de l'affaire:
Par l'action introductive enregistrée au n°46315/3/2007 au rôle du Tribunal de Bucarest - VIe section commerciale, la réclamante SC S.D. SRL Piatra Neam? a demandé en contradicteur de l'accusée SC H.R. SA, ce qui suit:
1.- de constater la nullité absolue de la clause de dénonciation unilatérale comprise à l'art. 6.2 du contrat cadre de distribution de la bière n° 68805525 du 30 mars 2006, conclu avec l'accusée; 2.- en subsidiaire du grief 1, de constater qu'elle n'avait pas rompu par dénonciation unilatérale son contrat de distribution ; 3. - d'obliger l'accusée à respecter l'obligation corrélative de livrer la bière conformément au contrat conclu, jusqu'à la date du 1 mars 2001; 4. - dans l'hypothèse où ne seraient admis aucun des griefs 1, 2,3, d'obliger l'accusée au paiement de dommages-intérêts contractuels d'une valeur de 80.761,99 lei et de publier la sentence dans un quotidien central et au « Ziarul Financiar ».
Par la conclusion du 5 novembre 2008, le Tribunal de Bucarest, en tant que première instance investie, a dissocié le grief 4 de la demande introductive, et l'a enregistré de façon indépendante au n° 42304/3/2008, disposant de la suspension du jugement de ce dossier jusqu'à la solution définitive du dossier n° 46315/3/2007.
Le dossier 46315/3/2OO7 a abouti à la sentence commerciale n° 13965 du 17 décembre 2008, dans le sens d'un rejet de l'action de la réclamante visant les trois premiers griefs susmentionnés, la sentence demeurant définitive et irrévocable suite à la décision commerciale n° 267 du 27 mai 2009 de la Cour d'appel de Bucarest.
II - Dans la présente affaire, dont l'objet est la demande disjointe, la réclamante a soutenu qu'étaient remplies les conditions de responsabilité contractuelle de l'accusée, qui a dénoncé de façon intempestive le contrat de distribution, sans que lui soit porté un préjudice quelconque.
En ce qui concerne les dommages-intérêts demandés, la réclamante a indiqué que l'accusée s'était engagée, conformément au pt. B2.3., B3.1 t B3.2 de l'annexe au contrat de lui accorder certains bonus selon les performances obtenues, obligation que l'accusée n'avait pas respectée, bien que les buts fixés par l'accusée fussent atteints, ce qui l'oblige à demander des dommages-intérêts compensatoires.
III. - Par la sentence commerciale n° 5686 du 5 mai 2010, la première instance - le Tribunal de Bucarest - VIe section commerciale a rejeté comme infondée l'exception de défaut de qualité processuelle active, invoquée par l'accusée et, sur le fond, a rejeté come infondée la demande de la réclamante d'obliger l'accusée à des dommages intérêts représentant les bonus et discounts exigés conformément au contrat.
Analysant les clauses claires du contrat concernant les bonus et discounts (art.2, art. 8.1. et 8.2), le tribunal a jugé que l'octroi de ceux-ci avait comme condition l'accomplissement par l'acheteur des conditions prévues à l'Annexe 1, unilatéralement fixées par le vendeur, qui pouvait les modifier à tout moment pendant la période de valabilité du contrat.
Le tribunal retient dans le même sens que le mode de rédaction des clauses du contrat accordait un très grand pouvoir de décision au vendeur pour juger de l'octroi des bonus et que , d'autre part, la réclamante n'avait pas prouvé, conformément à l'art. 1169 du Code civil, quelle était sa cible (target) contractuelle et si elle avait été atteinte, selon les conditions de l'Annexe 1 du contrat.
II - L'Appel. La décision de l'instance de contrôle judiciaire.
La réclamante se pourvoit en appel contre la sentence prononcée par le tribunal, soutenant essentiellement que la première instance avait écarté sans raison des écrits prouvant les cibles communiquées par l'accusée et le fait qu'elles avaient été atteintes et a rejeté à tort la preuve d'expertise comptable demandée.
La Cour d'appel de Bucarest - Ve section commerciale, par sa décision commerciale n°517, rendue le 2 novembre 2010, a rejeté comme infondé l'appel déclaré par la réclamante.
Répondant aux raisons d'appel, l'instance de contrôle judiciaire a estimé que la preuve d'expertise comptable avait été rejetée à juste titre par la première instance, comme étant sans importance pour la solution de l'affaire. Pour ce qui est de l'obligation du vendeur d'accorder à l'acheteur des bonus et discounts, l'instance retient que les termes utilisés pour la rédaction de la clause inscrite à l'art. 8 du contrat, comme quoi ,, le vendeur peut accorder à l'acheteur différents bonus et discounts" ne sont pas susceptibles d'une autre interprétation que celle précisée par la première instance.
- Le recours. Raisons de recours.
Par sa demande enregistrée le 8 décembre 2010, la réclamante a demandé recours contre la décision n° 517/2010 rendue en appel, demandant, principalement, la cassation de la décision avec renvoi de l'affaire à la même instance pour être rejugée et, subsidiairement, la modification intégrale de la décision et de la sentence sur le fond, avec pour conséquence l'admission de la demande d'obliger l'accusée à des dommages intérêts contractuels d'un montant de 80.761, 99 lei.
La requérante a fondé ses critiques sur la raison d'illégalité prévue à l'art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile, tenant pour faux le raisonnement de l'instance de fond, maintenu dans l'appel, au sens que le contrat n'avait prévu que la possibilité/éventualité d'octroyer des bonus.
Selon la requérante, l'intimée a fixé et accordé de façon unilatérale l'algorithme de calcul des bonus, comme il résulte du fax daté du 26 janvier 2005, lorsque les parties étaient en déroulement du contrat n° 779/2002, dont les clauses étaient identiques à celles du contrat conclu le 30 juin 2006, en vertu duquel l'on demandait d'accorder les bonus.
En ce qui concerne le montant des dommages intérêts, la requérante indique que la formule de calcul des sommes dues avait été déposée en première instance, sans avoir été contestée par l'accusée intimée, les deux instances ayant refusé de mettre en valeur cette reconnaissance.
Dans cette phase du procès l'intimée accusée n'a pas formulé de mémoire, ses défenses pour le rejet du recours étant consignées dans la conclusion des débats et dans le cadre des conclusions déposées à la date de jugement du recours.
VI - Du recours.
La Haute Cour ayant vérifié la légalité de la décision attaquée, par rapport aux critiques formulées, constate que le recours est infondé.
La question de droit dont dépend la solution de la présente cause consiste à établir si le droit de l'acheteuse, la réclamante de l'affaire, de bénéficier de bonus et discounts, droit prévu dans le contrat cadre de distribution de bière conclu le 30 mars 2006, à l'art. 8 et à l'Annexe n° 1, était un droit parfait dans sa constitution, mais affecté d'une modalité concernant l'accomplissement des conditions d'octroi, telles qu'elles sont établies dans l'Annexe 1 ou si le droit conféré à la réclamante était un droit éventuel, incomplet ou imparfait, pour lequel, même si certains des éléments nécessaires à sa constitution étaient remplis, le droit n'est pas complet et dépend d'un événement extérieur.
La clause inscrite à l'art. 8 du contrat a le contenu suivant:
« Le vendeur peut accorder à l'acheteur différents bonus et discounts conformément aux conditions et échéances fixées par l'Annexe 1 du contrat », la valeur des bonus et discounts et les conditions de leur octroi étant fixées unilatéralement par le vendeur et pouvant être modifiées à tout moment par le vendeur, pendant la durée du contrat.
Comme on peut le remarquer, à travers les termes utilisés, termes extrêmement clairs et précis, ne laissant subsister aucun doute, le droit de l'acheteur à ces bonus est sujet à l'éventualité d'un consentement du vendeur.
L'obligation ainsi assumée par le vendeur n'est pas une obligation sous condition purement protestative, réglementée dans notre code civil à l'art. 1174, et nulle en droit; elle dépend en même temps de la volonté du débiteur et d'un facteur extérieur, par l'accomplissement dans l'affaire de certaines exigences du créditeur-acheteur.
Or, dans les contrats synallagmatiques, une obligation sous condition protestative est parfaitement légale, ce qui impose dans l'affaire la conclusion que le droit du créditeur de bénéficier de bonus est sujet à l'éventualité du consentement du vendeur.
Enfin, même si on tenait l'éventualité des droits de la requérante-réclamante de bénéficier de la gratification des bonus, pour une modalité voisine de la condition, avec pour conséquence l'assimilation de ses droits éventuels aux droits sous condition, la réclamante ne saurait obtenir des droits dépassant ceux d'un créditeur sous condition, car, dans cette hypothèse nous serions en présence d'un droit complet, auquel ne manque aucun des éléments essentiels, mais dont la réalisation dépend d'un événement futur.
Pourtant, il n'existe pas dans l'affaire de consentement de la débitrice-accusée pour accorder les bonus, en d'autres termes, ne sont pas réunis les éléments essentiels qui le transforment en un droit pur et simple.
Pour les raisons susmentionnées, la Haute Cour, en vertu de l'art. 312 (1) du Code de procédure civile rejettera le présent recours comme infondé.
POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:
Rejette comme infondé le pourvoi de la réclamante SC S.D. SRL PIATRA NEAM? contre la décision commerciale n°517 du 2 novembre 2010 rendue par la Cour d'appel de Bucarest - Ve section commerciale.
Définitive.
Rendue en séance publique, aujourd'hui, le 29 mars 2011.