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23/03/2011 | ROUMANIE | N°1142/CP/2011

Roumanie | Roumanie, Haute cour de cassation et de justice, Chambre pénale, 23 mars 2011, 1142/CP/2011


Le 11 mars 2011 était examiné le recours déclaré par l'intimée CPV contre la sentence pénale n° 131 du 16 novembre 2010, rendue par la Cour d'appel d'Aba Iulia - section pénale, dans le dossier n° 1172/57/2010.
Le Ministère Public - Parquet près la Haute Cour de Cassation et Justice était représenté par le procureur CG.
Les débats ont été consignés dans la conclusion de séance de la date du 11 mars 2011 et le prononcé de la décision a été remis au 23 mars 2011.

LA COUR,

Vu le présent pourvoi;
En vertu des documents et travaux du dossier, const

ate ce qui suit:
Par sa sentence pénale n° 131/2010 rendue le 16 novembre 2010 au dossier n...

Le 11 mars 2011 était examiné le recours déclaré par l'intimée CPV contre la sentence pénale n° 131 du 16 novembre 2010, rendue par la Cour d'appel d'Aba Iulia - section pénale, dans le dossier n° 1172/57/2010.
Le Ministère Public - Parquet près la Haute Cour de Cassation et Justice était représenté par le procureur CG.
Les débats ont été consignés dans la conclusion de séance de la date du 11 mars 2011 et le prononcé de la décision a été remis au 23 mars 2011.

LA COUR,

Vu le présent pourvoi;
En vertu des documents et travaux du dossier, constate ce qui suit:
Par sa sentence pénale n° 131/2010 rendue le 16 novembre 2010 au dossier n° 1172/57/2010, la Cour d'appel d'Alba Iulia - section pénale, a admis la plainte formulée par le pétitionnaire FV contre la résolution du 28 juin 2010, sur le dossier n° 87/P/2010 du Parquet près la Cour d'appel d'Alba Iulia ; a supprimé la résolution attaquée et a renvoyé l'affaire au procureur en vue du lancement de l'enquête pénale.
Il a été disposé que les frais de justice avancés par l'Etat demeurent à la charge de celui-ci.
Dans la motivation de sa sentence, l'instance de fond a retenu que le pétitionnaire FV avait formulé, en vertu de l'art. 2781 du Code de procédure pénale, une plainte contre la résolution du procureur du 28 juin 2010, rendue au dossier pénal n° 871/P/2010 du parquet près la Cour d'appel d'Alba Iulia et disposant du non-lieu pour l'infraction de faux en écritures sous seing privé, prévue à l'art. 290 du Code pénal, commise par l'avocat CPV, demandant que soit admise la résolution attaquée et renvoyée l'affaire au procureur pour le lancement de l'enquête pénale.
Pour disposer du non-lieu, le procureur a retenu parmi les preuves administrées dans cette affaire, que le 5.02.2010 la contrevenante CPV avait enregistré au n° 1490/306/2010, au Tribunal de Sibiu, une demande d'appel en justice du pétitionnaire, demandant par voie d'une ordonnance présidentielle, la réintégration dans son ancien logement, situé à Sibiu, rue Justitiei n° 2. Pour soutenir son action (à caractère urgent et temporaire) la contrevenante a invoqué, entre autres, que son logement actuel, obtenu suite au partage, avait une installation de chauffage détériorée et que sa réparation couterait 5.000 euros, somme qu'elle ne possédait pas.
La contrevenante a annexé à sa demande d'appel en justice plusieurs écrits, dont celui intitulé « Devis estimatif - Selimbar, str. M.Viteazu, n° 68 », composé de deux feuillets; à la rubrique « rédigé » il est marqué S.C. « P » SRL et un cachet y est appliqué, avec une signature (cet écrit a été déposé en photocopie de type Xerox).
Lors du premier délai du procès, le 8.02.2010, l'instance a remis l'affaire à une date ultérieure, vu que la réclamante n'était pas présente, n'avait pas été citée et que la taxe de timbre n'avait pas été payée.
Au deuxième délai, le 1er.03.2010, s'est présenté l'avocat choisi par la réclamante, le nommé AR, qui a déposé la taxe judiciaire de timbre, l'accréditation d'avocat et a demandé la preuve des écrits, demande admise par l'instance, qui a accordé un nouveau terme pour le 15 mars 2010. A ce délai étaient absents aussi bien la réclamante que son avocat choisi; la réclamante a déposé au dossier un écrit authentique, renonçant au jugement, circonstance que l'instance a pris en considération, en vertu de l'art. 246 du Code de procédure civile, comme étant une manifestation expresse de la volonté de la réclamante.
Dans le cadre des actions préalables effectuées pour la cause, l'on a tenté d'interroger la contrevenante CPV, mais celle-ci a communiqué aux organes d'enquête qu'elle était enceinte, qu'elle avait des problèmes de santé et ne pouvait se déplacer, devant se rendre à l'étranger où elle restera jusqu'au 19.07., pour bénéficier d'une assistance spécialisée.
A l'occasion de l'interrogation par le procureur du représentant légal de la S.C. « P » SRL de Selimbar, le nommé EA, ce dernier a déclaré que l'écrit photocopié, déposé au dossier n° 1490/306/2010 n'avait pas été rédigé par sa société et que ni la signature, ni le cachet ne correspondaient à ceux utilisés par cette société.
Il a donc été conclu que l'écrit intitulé ,,devis estimatif", déposé au dossier civil n° 1490/306/2010 par CPV, en même temps que sa demande d'appel en justice de FV, n'était conforme à la réalité, ni du point de vue du contenu, ni du point de vue de la signature de son émetteur.
Invoquant la doctrine et la pratique judiciaire, le procureur a déclaré que l'écrit sous seing privé intitulé ,,devis estimatif", déposé en photocopie par la contrevenante dans une action civile sans débat juridique, puisque lors du deuxième terme, elle avait renoncé au jugement, n'avait pas force de preuve au procès civil et n'était pas apte en soi de produire des effets juridiques, vu que le côté objectif de l'infraction, prévu et puni par l'art. 290 du Code pénal faisait défaut.
Pour que le fait de falsifier un écrit sous seing privé et son utilisation puissent tomber sous l'incidence de la loi pénale, il faut que cet écrit soit apte de produire des effets juridiques, qu'il ait d'une part l'apparence d'un document véritable, c'est à dire qu'il semble véridique et que, d'autre part, il présente certains caractères.
D'abord, l'écrit doit avoir force probatoire, c'est à dire pouvoir prouver les faits pour lesquels il est invoqué et deuxièmement il doit avoir un sens juridique; il est donc essentiel d'établir si l'utilisation de l'écrit falsifié était susceptible de produire des effets juridiques.
En ce qui concerne l'écrit accusé d'être faux et utilisé par la contrevenante, l'on a pu constater que c'était là une offre commerciale qui, bien que déposée en photocopie, avec la demande d'appel en justice et contrairement aux dispositions de l'art. 112 pt. 5 et art. 112 alinéa 2 du Code de procédure civile, n'avait pas été certifiée comme étant conforme à l'original. Il a aussi été retenu que, en vertu des normes processuelles civiles, la partie qui dépose la copie d'un écrit doit, en tout cas, avoir sur soi, à tous les termes du procès, l'original ou le déposer dès le début au greffe pour y être conservé, car l'instance peut exiger à tout instant qu'il lui soit présenté.
Le Code de procédure civile réglemente aussi par ses art. 172-176 la situation où l'écrit invoqué comme moyen de preuve par l'une des parties, ne se trouve pas en sa possession, ou se trouve en possession de la partie adverse, ou d'une autorité, ou d'un tiers, au moment où l'instance dispose de produire l'écrit.
En même temps, sous le rapport de la véridicité des écrits sous seing privé, il est essentiel d'établir si les parties reconnaissaient leur signature et, dans la mesure où cette signature est reniée, l'instance est obligée d'établir la vérité. Or, tel qu'il a été déposé au dossier civil, par la contrevenante, l'écrit falsifié n'a pas la force d'une preuve. Même si CPV n'avait pas renoncé au jugement, les dispositions du Code de procédure civile l'obligeaient à déposer l'original de l'écrit en question ou de demander l'original à l'émetteur S.C. « P" S.R.L. », situation où l'instance civile ne pouvait pas être « trompée » par un écrit photocopié, trafiqué. Par sa résolution n° 629/II/2/2010 du 6 août 2010, le procureur général du Parquet près la Cour d'appel d'Alba Iulia a rejeté comme infondée la plainte formulée par le pétitionnaire FV, conformément aux dispositions de l'art. 278 du Code de procédure pénale, contre la solution de non-lieu adoptée par le procureur.
L'instance de fond investie de la plainte du pétitionnaire FV dans la procédure réglementée par l'art. 2781 du Code de procédure pénale, a retenu qu'en corroborant la déclaration du témoin EA qui soutient que l'écrit ,,devis estimatif" ne correspondait pas aux modèles utilisés par la S.C. « P » S.R.L., et qu'il n'avait pas été signé par lui, ni par une autre personne, que le cachet appliqué ne correspondait pas au modèle utilisé par la société; qu'en corroborant donc tout ceci avec l'écrit déposé au dossier n° 87/P/2010 du parquet, de sérieux indices conduisaient à la supposition raisonnable qu'il y avait eu contrefaçon de l'écrit par falsification de la signature et du cachet. La déposition en instance de cet écrit et son invocation dans la demande d'ordonnance présidentielle, sont, dans l'opinion du juge du fond, circonscrits à la notion de données conduisant à la supposition raisonnable que la contrevenante CPV avait commis l'infraction prévue à l'art. 290 du Code pénal.
L'instance de fond a donc admis la plainte du pétitionnaire en vertu de l'art. 2781 alinéa 8 lettre b) du Code de procédure pénale, a supprimé la résolution attaquée et a envoyé la cause au procureur en vue du lancement de l'enquête pénale, qui doit procéder à la constatation des actes et circonstances suivants:
- l'existence de l'écrit d'origine; l'identification des personnes ayant signé l'écrit; l'établissement de la circonstance de savoir si le cachet appliqué sur l'écrit correspondait au cachet utilisé par la S.C. « P » S.R.L.; l'identification de la personne qui a déposé l'écrit en instance et l'analyse de l'exigence de savoir si l'écrit est susceptible de produire des effets juridiques, constatation devant être réalisée par les moyens de preuve suivants: interrogatoire de la contrevenante; présentation du modèle de devis de la S.C. « P » S.R.L. et comparaison des empreintes des cachets de la société, avec celle appliquée sur le devis.
- contre la sentence s'est pourvue CPV, demandant de la casser et de maintenir la résolution de non-lieu adoptée par le procureur , vu que l'écrit intitulé ,,devis estimatif", déposé au dossier civil n° 1430/306/2010 de la Tribunal de première instance de Sibiu, était dépourvu de valeur probatoire, n'avait pas l'aptitude de produire des effets juridiques et, de ce fait, ne pouvait constituer un objet matériel de l'infraction de faut en écritures sous seing privé.
Examinant la décision attaquée, tant du point de vue des raisons invoquées, que d'office, conformément aux dispositions de l'art. 3856 du Code de procédure pénale, la Haute Cour constate que le pourvoi est fondé.
Selon les dispositions de l'art. 290 alinéa I du Code pénal, l'infraction de faux en écritures sous seing privé est la falsification d'un écrit sous signature privée de l'une des manières indiquées à l'art. 288 - par contrefaçon de l'écriture ou de la signature ou par son altération de quelle manière que ce soit), si le contrevenant utilise l'écrit ainsi falsifié ou le confie à une autre personne pour être utilisé, afin de produire des effets juridiques.
L'objet matériel de l'infraction susmentionnée est l'écrit sous seing privé falsifié, c'est à dire tout écrit signé, émanant d'une personne privée et susceptible de produite des effets juridiques.
Pour que la falsification d'un écrit sous-seing privé, suivie de son utilisation, entraine l'incidence des prévisions de l'art. 290 du Code pénal, il faut nécessairement que l'écrit soit apte de produire des effets juridiques, qu'il ait, d'une part, l'apparence d'un document véritable, un air véridique donc et d'autre part, qu'il possède certains caractères.
Premièrement, l'écrit doit avoir force probatoire, c'est à dire être susceptible de prouver ce pourquoi il est invoqué et deuxièmement, cet écrit doit avoir un sens juridique. Il est donc essentiel d'établir si l'utilisation de l'écrit falsifié est susceptible de donner naissance à des suites juridiques.
Rapportant les dispositions de l'art. 290 du Code pénal à l'espèce déduite au jugement, la Haute Cour constate que la solution de non-lieu disposée à l'égard de la requérante, avec la motivation que dans la cause sont incidentes les dispositions de l'art. 10 lettre d) du Code de procédure pénale, cette solution donc est légale et bien- fondée, dans les conditions où il a résulté des actions préalables effectuées dans l'affaire, que la susmentionnée n'avait pas certifié sous sa propre signature la copie du document falsifié, pour lui conférer une sens juridique, respectivement, pour que l'écrit puisse produire des effets juridiques.
L'écrit sous seing privé intitulé « devis estimatif » déposé en photocopie par la requérante dans une action civile où n'avait pas eu lieu de débat judiciaire, l'accusée ayant renoncé à l'action, au deuxième délai du procès, cet écrit là n'a pas force de preuve dans un procès civil. Même si la requérante n'avait pas renoncé au jugement, la déposition de la photocopie de l'écrit falsifié n'aurait pas entraîné automatiquement la responsabilité pénale de celle-ci pour l'infraction prévue et punie par l'art.290 du Code pénal, vu que selon les dispositions du Code de procédure civile, la requérante avait l'obligation de déposer l'original, l'instance ne pouvant prendre en considération pour rendre sa sentence un écrit en photocopie.
De ce fait, la solution que l'instance de fond devait impérativement prononcer était le rejet, comme infondée, de la plainte formée par l'intimé pétitionnaire FV et le maintien de la résolution de non-lieu adoptée par le procureur.
Ce qui vient d'être dit est aussi soutenu par les dispositions de l'art. 228 alinéa I du Code de procédure pénale, selon lesquelles pour que l'enquête pénale soit lancée il faut que ni du contenu du document de saisine, ni de celui des préalables effectués ne résulte aucun des cas empêchant le démarrage de l'action pénale, à l'exception du cas prévu à la lettre b)1.
Comme des préalables effectués, le procureur avait correctement retenu l'incidence d'une cause d'empêchement de la mise en mouvement de l'action pénale, soit l'absence des éléments constitutifs de l'infraction réclamée, à savoir celle prévue à l'art. 10 lettre d) du Code de procédure pénale, la Haute Cour estime erronée la solution de l'affaire par l'instance de fond, conformément aux dispositions de l'art. 2781 alinéa 8 lettre b) du Code de procédure pénale, avec pour conséquence le renvoi de la cause au procureur pour le lancement de l'enquête pénale concernant la requérante, pour l'infraction de faux en écritures sous seing privé, infraction prévue et punie par l'art. 290 du Code pénal.
Vu ce qui a été précédemment mentionné et en vertu de l'art. 38515 pt. 2 lettre d) du Code de procédure pénale sera admis le pourvoi de CPV, sera cassée la sentence rendue par l'instance de fond et lors du nouveau jugement, sera rejetée comme infondée la plainte formulée par le pétitionnaire FV, contre la résolution du 28 juin 2010, rendue par le procureur dans le dossier pénal n° 87/P/2010 du Parquet près la Cour d'appel d'Alba Iulia, résolution qui sera maintenue comme légale et fondée.
En vertu de l'art. 192 alinéa 3 du Code de procédure pénale, les frais de justice demeurent à la charge de l'Etat.

POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:

Admet le recours déclaré par l'intimée CPV contre la sentence pénale n°131 du 16 novembre 2010, de la Cour d'appel d'Alba Iulia - Section pénale au dossier n° 1172/57/2010.

Casse la sentence attaquée et, suite à un nouveau jugement, rejette la plainte formulée par le pétitionnaire FV, contre la solution du 28 juin 2010 rendue par le procureur sur le dossier n° 87/P/2010 du Parquet près la Cour d'appel d'Alba Iulia, qu'il maintient.
Définitive.
Rendue en séance publique, aujourd'hui, le 23 mars 2011.


Synthèse
Formation : Chambre pénale
Numéro d'arrêt : 1142/CP/2011
Date de la décision : 23/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

Falsification d'un écrit sous seing privé

L'écrit sous seing privé intitulé « devis estimatif » déposé en photocopie par la requérante dans une action civile où n'avait pas eu lieu de débat judiciaire, l'accusée ayant renoncé à l'action, au deuxième délai du procès, cet écrit là n'a pas force de preuve dans un procès civil. Même si la requérante n'avait pas renoncé au jugement, la déposition de la photocopie de l'écrit falsifié n'aurait pas entraîné automatiquement la responsabilité pénale de celle-ci pour l'infraction prévue et punie par l'art.290 du Code pénal, vu que selon les dispositions du Code de procédure civile, la requérante avait l'obligation de déposer l'original, l'instance ne pouvant prendre en considération pour rendre sa sentence un écrit en photocopie.


Parties
Demandeurs : CPV
Défendeurs : FV

Références :

Décision attaquée : Cour d'Appel d'Aba Iulia, 16/11/2010


Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ro;haute.cour.cassation.justice;arret;2011-03-23;1142.cp.2011 ?
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