Le 1er mars 2011 on a examiné le pourvoi formé par la requérante l'Agence des domaines de l'Etat Bucarest contre la décision no. 119 du 4 octobre 2010 de la Cour d'Appel Bucarest - VIème Chambre commerciale.
Les débats ont été conclus avec le jugement avant dire droit du 1er mars 2011, le prononcé de l'arrêt étant ajourné pour le 8 mars 2011 et ensuite pour le 15 mars 2011.
LA HAUTE COUR
Vu le présent recours ;
Ayant examiné les travaux du dossier, constate ce qui suit :
I- L'objet de l'affaire et la décision de la Cour d'appel de Bucarest - VI Chambre commerciale - en tant que jugement de fond.
1. Par la demande enregistrée le 4 février 2009 au rôle du Tribunal de Cornetu, SC ,,A. P. L." SA a formulé, en contradiction avec l'intimée l'Agence des domaines de l'Etat, une contestation à l'exécution contre la sommation no.110377 du 22 janvier 2009 transmise à l'intimée sur la base du titre exécutoire - le contrat de concession no. 76 du 21 avril 2000, en motivant que l'exécution ainsi commencée était prescrite par rapport aux dispositions légales incidentes.
Le Tribunal de Cornetu, par la décision civile no.991 du 25 mars 2009 a décliné sa compétence de solution de la contestation en faveur de la Cour d'appel Bucarest, compétente du point de vue matériel et territorial conformément à l'article 1 alinéa 2 de l'Ordonnance d'Urgence du Gouvernement no.51/1998, l'affaire étant ainsi transférée à la Cour ainsi investie.
2. Le 9 avril 2009, par la demande enregistrée au rôle de la Cour d'appel Bucarest, la plaignante SC ,,A. P. L." SA a formulé une nouvelle contestation à l'exécution, en contradiction avec l'intimée l'Agence des domaines de l'Etat, contre le titre exécutoire, le contrat no.76/2000, la sommation du 22 janvier 2009 et l'Ordre no. 114695 du 23 mars 2009, émis par l'Agence des domaines de l'Etat, par lequel on avait demandé la saisie des sommes existantes dans les comptes bancaires de la contestatrice, en vue de l'exécution de la créance de 492.290,37 lei, représentant des pénalités de retard.
Les deux contestations à l'exécution déposées par la plaignante SC ,,A. P. L." SA ont été rejoints le 16 Juin 2009 par Cour d'appel - VIème Chambre commerciale sous le no.7846/2/2009.
Le juge du fond a accepté et administré, à la demande des parties, les preuves documentaires, l'interrogatoire du témoin et une expertise comptable ayant comme but de vérifier le calcul des pénalités qui faisaient l'objet de l'exécution forcée commencée par L'Agence des Domaines de l'Etat.
3. Par la décision commerciale no. 119 du 4 Octobre 2010 la Cour d'appel Bucarest - VIème Chambre commerciale - a partiellement admis les contestations à l'exécution faites par la plaignante SC ,,A. P. L." SA et a donc annulé en partie l'ordonnance rendue par l'intimée l'Agence des Domaines de l'Etat avec le no.114695 du 23 Mars 2009 et les formes d'exécution forcée pour le montant de 475,690.03 lei représentant des pénalités de retard.
Afin de se prononcer ainsi la Cour a retenu les faits suivants:
Le titre exécutoire en vertu duquel l'intimée a commencé l'exécution forcée par la sommation notifiée le 22 Janvier 2009, est représenté par le contrat de concession no. 76 signé par les parties le 21 avril 2000 et ayant comme objet l'exploitation par le concessionnaire d'un terrain agricole de 1338,9 ha, situé dans le périmètre du village Popesti Leordeni - Ilfov, contre le paiement d'une redevance équivalant à 520 kg blé Stas/ ha par an, les parties ayant introduit, à l'article 5 paragraphe 2 du contrat, une clause pénale pour l'exécution tardive du paiement de la redevance, respectivement le paiement de pénalités conformément aux dispositions légales sur l'exécution des créances budgétaires.
La créance qui fait l'objet de l'exécution forcée commencée par l'Agence des Domaines de l'Etat - respectivement la somme de 492.290 lei qui représente des pénalités de retard de la redevance calculée pour les années 2001, 2002 et 2003 - le 8 Octobre 2003 les effets du contrat de concession ayant cessé, la société concessionnaire étant privatisée.
Selon le rapport d'expert fait par rapport aux redevances annuelles, il n'y a pas de désaccord entre les parties, la redevance pour les années 2001-2003 étant payée, mais avec retard.
En ce qui concerne les pénalités en raison du paiement tardif de la redevance pour les années 2001-2002, la première Cour constate que le délai de prescription de trois ans concernant l'exécution forcée prévu par l'art. 98 de l'Ordonnance du Gouvernement no. 11/1996 a été atteint à la fin de 2004, respectivement 2005, pour ces pénalités étant applicable la prescription extinctive du droit d'exiger l'exécution forcée par l'Agence des Domaines de l'Etat.
Pour les pénalités concernant le paiement tardif de la redevance pour l'année 2003, le délai de prescription est celui prévu par l'article 138, alinéa 1, de l'Ordonnance du gouvernement no. 61/2002 concernant la collection des créances budgétaires, de 5 ans après la fin de l'année financière dans laquelle est né le droit en question ; ce délai n'a pas été atteint, vu qu'on a fait des paiements au compte de cette redevance en 2007 et en 2008, une conduite qui équivaut à une reconnaissance du débit avec la conséquence de l'interruption du cours de la prescription.
Mais en ce qui concerne les pénalités pour la redevance de l'année 2003, le juge de fond retient que la société agricole bénéficie des dispositions de la loi no. 190/2006 sur la stimulation de la privatisation et le développement des entreprises agricoles, respectivement de l'exemption au payement des pénalités et des intérêts dus à l'Agence des domaines de l'Etat, ce que l'entreprise avait d'ailleurs expressément indiqué dans son adresse no. 49091 du 16 Septembre 2004.
Dans ce contexte juridique, le juge de fond a constaté que les pénalités pour l'année 2003 ne sont dues qu'à partir du 30 mai 2004, le montant total étant donc de 16,600.32 lei, avec la conséquence de l'admission partielle des contestations à l'exécution et l'annulation des formes d'exécution forcée faites par l'Agence des Domaines de l'Etat pour la somme de 475,690.03 lei représentant des pénalités de retard.
II- Le recours. Les griefs de recours.
4. Par la demande enregistrée le 14 décembre 2010, l'intimée l'Agence des domaines de l'Etat a formulé appel contre la décision du juge de fond et a demandé en principal la cassation de la décision et le rejugement de l'affaire par le juge du fond, et en subsidiaire la modification de la décision dans le sens du rejet des contestations à l'exécution comme étant non fondées.
L'appelante a fondé son appel sur l'hypothèse réglementée par art.304 point 9 du Code de procédure civile et l'art. 3041 du Code de procédure civile relatives à la violation et la mauvaise application de la loi, en soutenant dans l'argumentation des critiques subsumées à cette raison les faits suivants: Sous un premier aspect l'appelante a montré que l'audit sollicité dans l'affaire n'a pas répondu de façon convaincante aux objectifs prévus initialement ou convenus après le dépôt du rapport, et qu'il a eu a la base une méthode de calcul chaotique qui ne pouvait pas être prise en compte.
L'appelante soutient que le rapport d'expert ne contient pas une variante de calcul qui tienne compte de la période de prescription de 7 ans prévue par l'art.13 alinéa 5 de l'Ordonnance d'urgence du gouvernement no. 51/1998. Sous un second aspect l'appelante critique l'application des dispositions de la loi no.190/2004 par le juge de fond, tenant compte du fait que la plaignante, bien qu'elle ait été notifiée de comparaître au siège de l'institution publique en vue de conclure la convention prévue à l'article 6 alinéa 2 de la Loi no.190/2004 portant sur les subventions, elle a systématiquement refusé de signer la convention, et dans ce cas elle n'a pas pu bénéficier des aides prévus par la loi no. 190/2004.
Sur le pourvoi
5. La Haute Cour, en vérifiant la décision attaquée du point de vue des aspects d'illégalité et manque de fondement invoqués aux termes de l'art. 3041 et 304 du Code de procédure civile, constate que le présent pourvoi est sans fondement.
La critique de l'appelante conformément à laquelle il est nécessaire de casser le jugement en vue d'administrer une nouvelle preuve et un nouvel audit, semble, dans la façon dont elle a été argumentée, plutôt formelle et sans contenu concret.
Le rapport d'expertise fait par l'expert Macaire Elena est un rapport d'audit ample, bien systématisé, clair, et qui répond de façon ponctuelle aux objectifs fixés par le tribunal concernant la vérification du calcul des pénalités réclamées par l'Agence des Domaines de l'Etat sur la base du contrat de concession, par rapport à la date du paiement des redevances annuelles dues, et aussi la vérification de l'existence de dettes par rapport aux dispositions de la loi no.190/2004.
En d'autres termes, le rapport livre tous les éléments comptables et les explications sur le payement de la redevance, la date de la redevance due, le nombre de jours de retard et la façon de calcul, en clarifiant les aspects relevant de la compétence de l'expert. La question du terme de prescription du droit de demander l'exécution forcée est une question de jugement, qui tient à la compétence du tribunal saisi de l'affaire. Cependant, de l'exposé du jugement résultent de façon claire et explicite les arguments juridiques qui ont été à la base de l'opinion du juge de fond concernant la prescription du droit de demander l'exécution forcée pour les pénalités afférentes aux années 2001-2002.
L'appelante ne fait aucune critique au raisonnement juridique exposé par le tribunal, en indiquant seulement qu'il est applicable dans l'affaire le délai de prescription de 7 ans prévu par l'article 13 alinéa 5 de l'Ordonnance d'urgence du gouvernement no. 51/1998.
A cet égard il faut rappeler que le recours aux termes de l'article 3041 du Code de procédure civile, même s'il permet l'examen de l'affaire sous tous les aspects, ne pas se limitant uniquement aux motifs d'illégalité prévus dans l'article 304 du Code de procédure civile, ne peut pas exonérer la partie de l'obligation d'argumenter les critiques formulées.
Enfin, même si on ne prend pas en compte cette façon inadéquate de rédiger les critiques formulées, ayant en vue le caractère impératif des règles régissant la prescription du droit de demander l'exécution forcée, qui permettent au tribunal d'examiner d'office si le droit d'exiger l'exécution forcée est prescrit, nous allons examiner dans ce qui suit l'application du terme de prescription de sept ans du droit de demander l'exécution forcée, prévu à l'article 13 alinéa 5 de l'ordonnance no.51/1998 sur l'exploitation des actifs de l'Etat.
Par l'Ordonnance d'urgence du gouvernement no. 64/2005 publiée au Journal officiel, Ière partie, no. 574 du 4 Juillet 2005, afin d'accélérer la récupération des créances dues à l'Agence des Domaines de l'Etat par les partenaires du contrat, on a prévu à l'art. 1, alinéa 2 et article 3 que les dispositions des chapitres VIII, IX et X de l'Ordonnance d'Urgence du Gouvernement no. 51/1998 avec les modifications ultérieures s'appliquent également aux contrats conclus avec des partenaires couvrant toutes les formes d'exploitation efficace de la terre. Vu que les dispositions de l'article 13 alinéas 5 de l'Ordonnance d'urgence du gouvernement n° 51 sont contenues dans le chapitre II de l'acte normatif, la référence expresse aux chapitres VIII, IX et X impose la conclusion que dans l'Ordonnance d'urgence du gouvernement no. 64/2005 de la date d'adoption, le délai spécial de prescription de 7 ans ne s'appliquait pas aux relations contractuelles établies par L'Agence des Domaines de l'Etat.
L'Ordonnance d'urgence du gouvernement no. 64/2005 a été modifiée par l'article unique de la Loi no.94/2010 publiée dans le Journal officiel, Ière partie, no. 350 du 27 mai 2010, alinéa 2 de l'article 1, qui se lit comme suit: «Les dispositions de l'Ordonnance d'urgence du gouvernement no. 51/1998 sur la valorisation des actifs de l'Etat s'applique également à l'Agence des Domaines de l'Etat, en tant qu'institution impliquée dans le processus de privatisation », ainsi que dans le cas des contrats conclus avec des partenaires contractuels (art. 3).
Donc, par la Loi no.94/ 2010, toutes les dispositions de l'Ordonnance d'urgence du gouvernement no.51/1998 sont applicables à l'Agence des Domaines de l'Etat dans ses relations avec les partenaires contractuels concernant la valorisation de ses créances, y compris le délai spécial de prescription du droit de demander l'exécution forcée, ce qui signifie une extension du délai général de trois ans applicable sous l'ancienne loi. Dans ce contexte juridique, en revenant à l'affaire qui fait l'objet de l'analyse, la Cour conclut qu'il y a les prémisses d'un conflit législatif à l'avenir, car le droit subjectif est né avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et, d'un autre côté, il y a deux dispositions légales successives qui régissent de façon différente la même situation juridique.
Pour résoudre ce conflit de lois dans le temps, régi par deux principes complémentaires, le principe de non-rétroactivité de la nouvelle loi et le principe de la mise en oeuvre immédiate de la nouvelle loi, et tenant compte des circonstances particulières liées au moment du début de la prescription, et l'intervention des causes de limitation du cours de la prescription, la Cour constate que pour les débits correspondant aux redevances des années 2001 et 2002, le délai de prescription de trois ans selon les règles en vigueur au moment où la prescription a commencé à couler, a été atteint avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, le 29 mai 2010. Vu que la nouvelle loi n'a pas d'effet rétroactif, on ne peut plus remettre en cause ce qui a été éteint par l'effet de la prescription (article 1er du Code civil).
En ce qui concerne les débits correspondant à la redevance de l'année 2003, concernant laquelle on avait opéré une cessation du cours de la prescription par les payements successifs effectués par le plaignant, la prescription qui avait commencé à couler sous l'ancienne loi n'avait pas été consommée à la date de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, celle-ci est soumise au délai prévu dans la nouvelle loi, respectivement le délai de 7 ans qui, à la date de l'exécution forcée commencée par l'Agence des domaines de l'Etat par la somation no. 110377/2009, n'était pas accompli.
Toutefois, l'absolution donnée par le tribunal de fond par rapport aux pénalités liées à la redevance pour l'année 2003 n'était pas fondée sur l'application de la prescription du droit de demander l'exécution forcée, même si le juge retient à tort le délai applicable de cinq ans, mais sur l'application de la loi no. 190/2004 sur la stimulation de la privatisation et du développement des entreprises agricoles, la plaignante, en tant que concessionnaire, et remplissant les conditions d'exemption du payement des pénalités afférentes à la redevance due à l'Agence des domaines de l'Etat, au sens où elle n'avait pas enregistré des débits représentant la redevance due à l'Agence après la conclusion du contrat de privatisation.
Or, l'appelante ne conteste pas le fait que l'intimée ait rempli les conditions prévues par la loi no.190/2004 pour bénéficier des facilités accordées par l'article 1, alinéa 1 d de la loi, déjà depuis 2004, de sorte que la non-signature de la convention qui matérialise la mise en oeuvre de ce droit subjectif n'est pas susceptible de retirer de l'application le bénéfice de la loi.
Pour des raisons décrites ci-dessus, la Haute Cour trouve les critiques infondées, et rejette le présent pourvoi conformément à l'article 312 (1) du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT :
Rejette comme étant infondé le pourvoi formé par l'appelante l'Agence des domaines d'Etat Bucarest contre la décision no. 119 du 4 octobre 2010 prononcée par la Cour d'Appel Bucarest, VIème Chambre commerciale.
Définitive.
Rendue en audience publique, aujourd'hui, le 15 mars 2011.