Le 31 janvier 2011 est examiné le recours déclaré par l'accusé Etat roumain par le Ministère des finances publiques, Direction générale des finances publiques de la ville de Bucarest, contre la décision n° 224 A du 24 mars 2010 de la Cour d'appel de Bucarest - IVe section - civile.
Les débats ont été consignés dans la conclusion de séance du 31 janvier 2011, qui fait intégralement partie de la présente décision et le prononcé a été remis au 14 février 2011.
Après délibéré,
LA HAUTE COUR,
Vu la présente affaire, constate ce qui suit:
Par la sentence civile n° 1261 du 11 novembre 2009 du Tribunal de Bucarest, IIIème section civile, a été partiellement admise l'action du réclamant GR, en contradicteur du Ministère des Finances Publiques et a été obligé l'accusé au paiement de la somme de 537.419 lei, l'équivalent de 127.031 euros, calculé au cours de change de la BNR du 16 juin 2009, soit la valeur marchande de l'appartement n°8, situé à Bucarest, ...; a été rejetée comme infondée la demande d'obliger l'accusé au paiement de la contrevaleur des améliorations apportées à cet appartement.
Pour rendre cette décision, a été retenue comme bien-fondée l'exception d'absence de qualité de défendre en justice de l'accusée Ville de Bucarest, par le procureur général, en rapport des dispositions de l'art. 137 Code de procédure civile, car en vertu des dispositions de l'art. 51 alinéa 3 de la Loi n° 10/2001, la restitution du prix actualisé payé par ceux dont les contrats d'achat-vente, conclus en éludant les prévisions de la Loi n° 112/1997, ont été supprimés par des décisions de justice définitives et irrévocables, la restitution donc est faite par le Ministère des finances publiques sur le fonds extrabudgétaire constitué en vertu de l'art. 13 alinéa 6 de la Loi n° 112/1995, prévisions expressément modifiées par la Loi n° 1/2009, art. 14 et 17.
L'instance de fond a également retenu, concernant la demande du réclamant formulée en contradicteur du Ministère des finances publiques, que l'action du réclamant était partiellement fondée, mais seulement sous l'aspect d'obliger la partie à payer la valeur marchande de l'appartement, fixée conformément à l'expertise faite pour l'affaire, soit la somme de 573.419 lei, l'équivalent de 127.031 euros; pour les améliorations exigées, il a été retenu que sont incidentes les dispositions de l'art. 48 de la Loi n° 10/2001, tel qu'il a été modifié par l'art. 14 de la Loi n° 1/2009.
Contre cette décision s'est pourvu en appel l'accusé Ministère des finances publiques par la Direction générale des finances publiques et, par la décision civile n° 224 du 24 mars 2010 de la Cour d'appel de Bucarest - IVe section civile - l'appel a été rejeté comme infondé, en retenant les considérations suivantes:
La valeur marchande de l'appartement n°8 de Bucarest,..........., dont la propriété avait été perdue par le réclamant dans des circonstances équivoques, doit être réclamée à celui qui a produit l'éviction en vendant un bien pour lequel il n'avait pas de titre valable, à savoir l'Etat roumain par son Ministère des finances publiques, en vertu des prévisions de l'art. 51 de la Loi n° 10/2001 modifiée par la Loi n° 247/2005 et l'O.U.G. N°184/2002, vu que le Ministère des finances publiques, en sa qualité de représentant de l'Etat, avait perçu le prix payé par les acheteurs, qui correspondait aux prévisions de la Loi n° 112/1995 au moment de la signature du contrat de vente-achat.
Il a ainsi été retenu que sont accomplies dans l'affaire les dispositions de la Loi n° 112/1995 et de la H.G. n° 20/1996 conformément auxquelles, la somme obtenue par la vente des appartements en vertu de ces textes de loi a été appropriée par le Ministère des finances publiques, constituant un revenu extrabudgétaire de ce ministère et non par la Mairie de la ville de Bucarest, qui a conclu le contrat en sa qualité de vendeuse.
Les dispositions de l'art. 51 de la Loi n° 10/2001 obligent le Ministère des finances publiques à restituer le prix, à partir de son fonds extrabudgétaire et, dans cette situation, l'accusé peut être obligé au paiement de la valeur marchande de l'appartement perdu par éviction, puisqu'il en a perçu le prix en vertu de la loi.
L'instance d'appel a encore constaté que, selon les dispositions de la Loi n° 1/2009, ceux qui ont conclu les contrats de vente-achat dans le respect de la Loi n° 112/1995 doivent recevoir la valeur marchande de l'appartement perdu par éviction, en vertu d'une décision de justice définitive et qu'en rapport de ces dispositions légales sont infondées les critiques formulées en appel concernant la nécessité d'une décision de justice définitive et irrévocable d'annulation du contrat de vente-achat, conclu en éludant les prévisions de la Loi n° 112/1995 (situation qui existe dans la présente affaire, car le contrat de vente-achat des réclamants n'a pas été annulé).
Il a encore été retenu par l'instance d'appel que la raison de recours en appel concernant l'absence de qualité de défenseur en justice du Ministère des finances publiques était infondée, vu qu'il n'était pas partie contractante dans le rapport juridique déduit au jugement, cette raison d'appel étant en contradiction avec les dispositions de l'art. 51 de la Loi n° 10/2001 et des art. 14-17 de la Loi n° 1/2009.
L'on a aussi retenu dans le même sens que le lien contractuel entre le Ministère des finances publiques et le réclamant était donné par le fait qu' en vertu des prévisions de la Loi n° 10/2001, le ministère avait perçu le prix et que c'était donc à lui de payer les dommages produits par éviction.
Contre cette décision s'est pourvu le Ministère des finances publiques, réclamant en vertu de l'art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile, de modifier la décision dans le sens de faire admettre l'appel pour les raisons invoquées.
Les critiques contre la décision de l'instance d'appel visent son illégalité sous les aspects suivants:
Le requérant soutient qu'est incidente l'exception d'absence de la qualité du Ministère des finances publiques de défendre en justice, d'autant plus que les réclamants avaient fondé leur action sur les dispositions de l'art. 1337 du Code civil, concernant l'éviction et, en ce sens, selon le principe de relativité des effets du contrat, ce dernier ne produisait d'effets qu'entre les parties contractantes ne pouvant ni profiter, ni nuire à un tiers.
L'on soutient que les dispositions de l'art. 1337 du Code civil et de l'art. 1341 du Code civil ne sauraient être écartées par nulle disposition spéciale contraire, ce qui fait que même les dispositions de l'art. 50 de la Loi n° 10/2001 ne sont de nature à faire introduire dans l'affaire le Ministère des finances publiques, aussi longtemps que l'obligation de garantir contre l'éviction avait un contenu plus large que la simple restitution du prix.
Il est encore souligné qu'il n'existe pas de décision définitive et irrévocable concernant la constatation de la nullité absolue du contrat de vente-achat, conclu entre le réclamant et la Mairie de la ville de Bucarest.
L'on soutient ainsi que ne sont pas remplies dans l'affaire les conditions prévues à l'art. 50 indice 1 de la Loi n° 10/2001, raison pour laquelle l'on soutient que le Ministère des finances publiques ne saurait être obligé à la restitution du prix, actualisé à sa valeur marchande, payé par les réclamants suite au contrat de vente-achat.
L'intimé GR a déposé des conclusions écrites (feuillets 12-13), demandant de rejeter le recours, comme infondé.
Examinant la décision attaquée du point de vue des raisons de recours invoquées, au sujet des dispositions de l'art. 304 pt. 9 Code de procédure civile, la Haute Cour retient ce qui suit:
Le titre de propriété du réclamant a constitué l'objet d'un litige réglé par la sentence civile n° 4545 du 20 mars 2006 du Tribunal du 1er secteur de Bucarest , feuillets 3-7 (définitive et irrévocable), litige dans le cadre duquel il a été procédé à l'achat des titres de propriété, en estimant que le titre des réclamantes MA, I P était préférable au titre détenu par GR, vu que ce dernier avait acquis le bien immeuble d'un non dominus.
Des considérations de cette décision, il a été retenu que par comparaison des titres de propriété, il résultait que GR avait contracté l'achat avec un non-propriétaire, qui ne pouvait lui transmettre et ne lui a d'ailleurs pas transmis le droit de propriété.
Par la décision susmentionnée, GR a donc été obligé de laisser en pleine propriété et usage l'appartement n° 8, situé à Bucarest, ......
Par la même décision a aussi été rejetée la demande de constater la nullité absolue du contrat de vente-achat n° 1562/27312 du 21 novembre 1996, conclu par GR avec la Mairie de la ville de Bucarest par la S.C. HN S.A., en retenant l'exception de prescription extinctive concernant le dispositif de l'art. 45 de la Loi n° 10/2001.
Dans ces conditions, les réclamants ont lancé le 16 mars 2009, sur la base des dispositions de la Loi n° 10/2001, l'action pour le paiement de la valeur marchande de l'immeuble.
La circonstance que les réclamants aient aussi indiqué comme base de droit les dispositions de l'art. 1337 et des suivants du Code civil, n'a plus aucune pertinence dans les conditions où, par rapport aux dispositions de l'art. 84 du Code de procédure civile, l'action a été qualifiée de demande de restitution du prix du bien immeuble, en vertu des dispositions de l'art. 50 alinéa 2 de la Loi° 10/2001.
La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme a statué que le titre de propriété du sous-acquéreur de bonne foi, constitué en vertu de la Loi n° 112/1995, est protégé par l'art. 1 du 1er protocole additionnel de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
La diminution des anciennes frustrations ne doit pas créer de nouveaux préjudices disproportionnés, pour que les personnes qui ont acquis de bonne foi leurs biens ne soient pas mises en situation de supporter la perte de responsabilité de l'Etat ayant naguère confisqué ces biens (l'affaire Raicu versus Roumanie; l'affaire Pincova et Pina versus République Tchèque).
Il est vrai que la suppression des contrats des réclamantes n'a pas pu être décidée dans les conditions où opérait la prescription extinctive prévue à l'art. 45 de la Loi n° 10/2001, mais dans les conditions où elles étaient obligées de laisser le bon usage et possession de l'immeuble, l'application de l'art. 1 du protocole 1 additionnel de la Convention en faveur des réclamantes, suppose d'accorder le prix marchand de l'immeuble dont elles ont été évincées, ce qui est possible dans les conditions de l'art. 50 et 501 de la Loi n° 10/2001, selon le critère des proportions.
Les dispositions de l'art. 501 de la Loi n° 10/2001, modifiée par la Loi n° 1/2009, ne font qu'appliquer l'institution de la responsabilité pour éviction dans un domaine particulier, celui des immeubles abusivement pris par l'Etat durant la période du 6 mars 1945 - 22 décembre 1989 et vendus par l'Etat à des locataires de bonne foi, en vertu de la Loi n° 112/1995.
Le législateur roumain a adopté la législation spécifique au domaine (des immeubles nationalisés) suite à l'exigence de la Convention Européenne et à la jurisprudence de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ce qui fait que la restitution du prix prévu à l'alinéa 2 et 21 art. 50 de la Loi n° 1/2009 est faite par le Ministère des finances publiques par les Directions générales des finances publiques départementales et de la ville de Bucarest (art. 50.3 des normes méthodologiques d'application unitaire de la Loi n° 10/2001, telles qu'elles ont été modifiées et complétées par la H.G. n° 923 du 1 septembre 2010, précisée au « Monitorul Oficial » n° 610 du 13 septembre 2010.
Vu ce qui a été exposé, les raisons de recours invoquées ne sont pas circonscrites aux dispositions de l'art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile, raison pour laquelle le recours sera rejeté comme infondé.
POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:
Rejette, comme infondé, le recours dont s'est pourvu l'accusé Etat roumain par le Ministère des finances publiques, par la Direction générale des finances publiques de la ville de Bucarest, contre la décision n° 224 A du 24 mars 2010 de la Cour d'appel de Bucarest - IVe section civile.
Définitive.
Rendue en séance publique, aujourd'hui, le 14 février 2011.