Est examiné le recours de la réclamante Université Polytechnique de Timi?oara contre la décision civile n° 71 A du 4 mars 2010 de la Cour d'appel de Bucarest, IXe section civile et de propriété intellectuelle.
Les débats ont eu lieu au terme du 28 janvier 2011 et furent consignés dans la minute de séance de ce terme là, conclusion qui fait partie intégrante de la présente décision.
Ayant besoin de temps pour délibérer, dans les conditions de l'art. 260 alinéa 1 du Code de procédure civile, la Haute Cour a remis le prononcé au 4 février 2011, puis au 11 février 2011, date où, après délibéré,
LA HAUTE COUR
Vu la présente cause, constate ce qui suit:
Jugement en première instance
Par son action enregistrée le 1 août 2006, au n° 26752/3/2006, la réclamante S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA a assigné en justice l'accusée Université Polytechnique de Timi?oara, demandant à l'instance d'interdire, par sa décision, à l'accusée l'usage de la marque « Politehnica Timi?oara » pour ses activités sportives de football, cette marque étant enregistrée par l'accusée au n° 67301/2004 pour la classe 41.
L'accusée Université Polytechnique de Timi?oara a formulé une demande reconventionnelle, demandant à l'instance de constater, par la décision qu'elle rendra, que c'est la réclamante qui avait enfreint son droit d'utilisation exclusive de la marque « Politehnica Timi?oara » , en déployant des activités sportives sous cette marque protégée, d'obliger la réclamante à cesser de suite ces activités de cesser d'utiliser un sigle identique à sa marque, de détruire sur le champs tous les articles promotionnels et documents imprimés de la marque en litige et de payer des dédommagements pour la période d'usage illégal de cette marque.
Par une demande enregistrée distinctement au n° 43123/3/2006 le 15 novembre 2006, l'Université Polytechnique de Timi?oara, traduit en justice en qualité de réclamante l'accusée S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA, demandant à l'instance de constater par la décision qu'elle rendra que l'accusée avait enfreint son droit d'utilisation exclusive de la marque « Politehnica Timi?oara » , en déployant des activités sportives sous cette marque protégée, d'obliger l'accusée de cesser sur le champs ces activités et de ne plus utiliser de signe identique ou similaire à sa marque, de détruire tout de suite tout matériel promotionnel et tout document portant la marque en litige et de payer des dédommagements pour la période d'utilisation illégale de la marque.
Dans ce dossier, l'accusée S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA a formulé à son tour une demande reconventionnelle, demandant à l'instance d'annuler, par la décision qu'elle prendra, l'enregistrement de la marque « Politehnica Timi?oara » en faveur de la réclamante, de lui interdire d'utiliser la marque pour ses activités sportives de football et de l'obliger au paiement de dédommagements.
Par sa conclusion du 20 mars 2007, le Tribunal de Bucarest - IIIe section civile a disposé de joindre les deux dossiers.
Par sa conclusion du 17 avril 2007, la même instance a admis l'exception de défaut de qualité processuelle passive de la réclamante SC « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA, a rejeté la demande formulée par cette réclamante au dossier n° 26752/3/2006, comme étant formulée par une personne sans qualité processuelle active, a rejeté l'exception de défaut d'intérêt dans la formulation de la demande reconventionnelle par l'accusée SC « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA, ainsi que l'exception d'exercice abusif des droits processuels invoqués par cette accusée.
Pour admettre l'exception de défaut de qualité processuelle active, le tribunal a retenu essentiellement que la réclamante S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA ne faisait pas la preuve de sa qualité de titulaire d'un droit quelconque sur la marque, afin de s'en prévaloir conformément à l'art. 35 de la Loi n° 84/1998.
Or, l'action en contrefaçon est réglementée par ce texte de loi uniquement en faveur des titulaires de marque, raison pour laquelle la réclamante, qui n'a pas cette qualité, ne saurait demander l'interdiction pour l'accusée Université Polytechnique de Timi?oara d'utiliser la marque .
Par la sentence civile n° 381 du 17 mars 2009, le Tribunal de Bucarest - IIIe section civile a repris la solution d'admettre l'exception de défaut de qualité processuelle active de la réclamante S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA au dossier n° 26752/3/2006 et a rejeté, de surcroit, comme infondées toutes les autres demandes, principales ou reconventionnelles, formulées par les parties.
Pour rendre cette sentence, le tribunal a retenu ce qui suit:
La réclamante-accusée Université Polytechnique de Timi?oara est titulaire de la marque « Politehnica Timi?oara » n°67301/2004, conformément au certificat d'enregistrement délivré par l'Office d'Etat des Inventions et Marques, depuis le 29 novembre 2004, pour les classes 16, 25 et 41.
C'est sous le nom de « Politehnica Timi?oara » qu'a été organisé le club « Politehnica Timi?oara » auprès de l'Institut du même nom utilisé depuis 1920, date de la création de l'institution Ecole Polytechnique de Timi?oara.
En 1995 était constituée sous la tutelle de cette université l'Association Sportive Polytechnique de Timi?oara" par la sentence civile n° 373/1995.
La réclamante, dont le nom comporte l'élément verbal " Politehnica Timi?oara » , a donc enregistré cette marque, qu'elle utilise légalement pour ses activités éducatives et sportives, conformément aux prévisions de la Loi n°84/1998 et de la Loi n° 68/2001 de l'Education physique et du sport.
A son tour, l'accusée S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA utilise légalement le nom de " Politehnica Timi?oara » contenu dans sa dénomination commerciale.
Suite à l'Ordre n° 163 du 24 janvier 1991 du Ministère du Sport était constitué, dès le 1 février 1991, l'accusé « Fotbal Club Politehnica Timi?oara », subordonné au Ministère de l'Enseignement et de la Science, club autofinancé, par la séparation de sa section de football par rapport aux autres sections du club sportif " Politehnica Timi?oara » .
Par la sentence n° 94 du 11 juin 1993 de la Maison de justice de Timi?oara, l'Association « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » a été enregistrée comme personne morale.
Par la décision n° 369 du 9 mars 2000 du Conseil local de la ville de Timi?oara était approuvée l'association de ce club et de l'association « Fotbal Club Politehnica Timi?oara », tandis que par la décision n° 433 du 18 avril 2000 s'est aussi associé aux deux clubs mentionnés l'I.C.S. Sport Management, qui s'est engagé à supporter les frais de l'équipe de football.
Le 10 décembre 2001, il a été décidé de transformer l'association non-profit en société commerciale par actions du nom de S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA.
Le tribunal a donc retenu que l'accusée ne pouvait pas non plus être obligée de ne plus utiliser le nom de « Politehnica Timisoara » pour ses propres activités.
Concernant la demande reconventionnelle ayant pour objet d'annuler l'enregistrement de la marque en vertu de l'art. 5 alinéas 1 et 6 de la Loi n° 84/1998, respectivement 48 lettre c) de la même loi, le tribunal a retenu que n'étaient pas incidentes les dispositions légales mentionnées.
La marque verbale de la réclamante remplit les conditions prévues à l'art. 3 lettre a) de la Loi n° 84/1998, car c'est là un signe se prêtant à la représentation graphique, servant à distinguer les produits et services de la réclamante, un signe distinctif et nulle raison absolue ou relative n'expliquait qu'il soit refusé à l'enregistrement.
D'autre part, la mauvaise foi de la réclamante à l'enregistrement de la marque n'avait pas été prouvée par l'accusée, vu que la réclamante avait dans son propre nom les éléments verbaux enregistrés comme marque, et que parmi ses activités elle comptait aussi celles sportives, l'enregistrement de la marque pour les produits de classe 41 étant donc légal.
Jugement en appel
Par la décision n° 71A du 4 mars 2010, la Cour d'appel de Bucarest - IXe section civile et de propriété intellectuelle a rejeté comme infondé l'appel de l'Université Polytechnique de Timi?oara contre la sentence civile n° 381 du 17 mars 2009 du Tribunal de Bucarest - IIIe section civile, a admis l'appel déclaré par le S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA contre la même sentence; a partiellement changé la sentence, dans le sens qu'elle a partiellement admis la demande reconventionnelle du dossier n° 43123/3/2006; elle a partiellement annulé l'enregistrement de la marque « Politehnica Timi?oara » n° 67301/2004 pour des activités sportives de football de la classe des produits et services 41; elle a maintenu les autres dispositions de la sentence.
Pour en décider ainsi, la Cour d'appel a retenu ce qui suit:
A été correctement admise l'exception de défaut de qualité processuelle active de la réclamante S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA, tant que celle-ci n'est pas titulaire d'une marque « Politehnica Timi?oara » , d'autant plus que ce syntagme se retrouve dans le nom de l'Université.
Le simple fait que la dénomination commerciale de la réclamante comporte cet élément verbal et qu'elle déploie ses activités sous le signe de « Politehnica Timi?oara » ne lui confère pas la qualité d'interdire aux tiers d'utiliser la même dénomination.
La compétence des instances judiciaires pour régler cette affaire a aussi été correctement établie, le litige n'étant pas de nature à viser les activités sportives de deux clubs de football, mais un litige concernant l'enregistrement et l'utilisation d'une marque.
Il n'existe pas d'autorité de la chose jugée, par rapport à l'affaire réglée par le Tribunal arbitral Sportif de Lausanne, par sa décision du 5 décembre 2006, n'étant pas remplie la condition de la triple identité: de parties, d'objet et de cause.
En ce qui concerne l'enregistrement de mauvaise foi par l'Université Polytechnique de Timi?oara de cette marque, les affirmations de l'appelante S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA sont fondées.
Il résulte des preuves administrées qu'au moment où elle formulait sa demande d'enregistrer la marque, l'Université Polytechnique de Timi?oara savait que l'activité de football déployée sous le nom que l'on demandait d'enregistrer comme marque était de façon notoire celle d'une autre entité, sa notoriété étant donnée tant par la durée d'utilisation que par le fait que cette activité était connue sous ce nom par les supporters de ce sport et par les organismes nationaux et internationaux du football.
Même si des activités de football peuvent être déroulées au sein de l'Université Polytechnique de Timi?oara, on ne saurait utiliser pour cela une dénomination notoire, utilisée par une autre entité.
Les dispositions de l'art. 3 lettre a) de la Loi n° 84/1998 n'ont pas plus été respectées lorsqu'a été formulée la demande d'enregistrement, car la marque en litige ne servait pas à l'Université Polytechnique de Timi?oara pour distinguer ses activités de football de l'activité d'autres entités, bien au contraire, elle était de nature à créer une confusion.
Jugement en pourvoi
Contre cette décision se sont pourvus la réclamante accusée Université Polytechnique de Timi?oara, demandant principalement l'admission du recours et la cassation partielle de la décision et, subsidiairement, l'admission du recours et la modification partielle de la décision, dans le sens d'un rejet de l'appel déclaré par l'accusée réclamante, l'admission de son propre appel, l'admission de l'action telle qu'elle fut formulée par la demande reconventionnelle et par celle connexe.
Dans la motivation de sa demande, la requérante invoque ce qui suit:
1. L'instance a dépassé les attributions du pouvoir judiciaire lorsqu'elle a retenu l'art. 3 lettre a) de la Loi n°84/1998 comme raison pour annuler l'enregistrement de la marque, dans les conditions où l'annulation ne pouvait être disposée que pour les raisons prévues à l'art. 48 de la Loi n° 84/1998.
En annulant l'enregistrement de la marque pour la classe 41 des activités sportives de football, l'instance a établi une nouvelle catégorie de services de cette classe, catégorie qui ne se retrouve pas au Classement de Nice.
D'autre part, la Loi n° 69/2000 règlemente la possibilité pour les établissements d'enseignement supérieur de déployer des activités dans toutes les branches du sport sous leur propre nom, incluant les structures sportives respectives.
2. La décision ne comprend pas de motivation ou expose des raisons contradictoires ou étrangères à la nature du litige.
La décision ne comprend pas d'exposé de motifs en vertu desquels l'instance a retenu que l'enregistrement de la marque « Politehnica Timi?oara » aurait été de mauvaise foi pour ce qui est des activités sportives de football.
L'instance d'appel n'a pas expliqué de quelle manière une société commerciale pouvait avoir, par ses actionnaires - personnes physiques - un quelconque lien avec l'Université Polytechnique de Timi?oara, puisque par son patrimoine elle ne saurait avoir de droit sur l'Université Polytechnique de Timi?oara ni sur une structure en faisant partie, pour que cette partie soit susceptible d'être transférée à la société commerciale, créée 80 ans après l'université.
La Cour d'appel retient de façon contradictoire que la réclamante accusée aurait enregistré la marque « Politehnica Timi?oara » de mauvaise foi et qu'elle aurait , en même temps, le droit d'avoir des activités de football.
Pour ce qui est des raisons pour lesquelles a été rejeté l'appel de la réclamante accusée, l'on ne retrouve pas dans les considérations de la décision les éléments de fait et de droit qui ont conduit à cette solution.
3. La décision est dépourvue de base légale et a été rendue en application erronée de la loi.
L'art. 3 lettre a) de la Loi n°84/1998 se rapporte aux conditions que doit remplir une marque, à savoir la possibilité de représentation graphique du signe choisi et sa capacité de servir à différencier les produits et services fournis par certaines personnes par rapport à ceux des autres; son caractère distinguable.
L'instance d'appel a mal appliqué ce texte de loi, car la marque « Politehnica Timi?oara » remplit les conditions du caractère distinguable, les services d'éducation, d'instruction, de divertissement, d'activités sportives et culturelles de cette université étant individualisés par rapport aux mêmes services fournis par d'autres établissements d'enseignement supérieur.
4. L'instance, ayant mal interprété l'acte juridique déduit à la justice, en a changé la nature et le sens clair et net indubitable.
Dans le développement de ce motif de recours, la requérante se rapporte à l'ordre du ministre des sports n° 163 du 24 janvier 1991 et à l'acte constitutif de la S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA dont il résulte que l'on n'y approuvait pas la création de l'association « Fotbal Club Politehnica Timi?oara », mais celle d'une unité de la structure de l'Université Polytechnique de Timi?oara du nom de « Fotbal Club Politehnica Timi?oara », unité subordonnée à l'université, en vertu de documents normatifs et non par la simple volonté d'une personne physique.
Quant aux intimés S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA et l'Office d'Etat des Inventions et Marques, bien que légalement cités, ils n'ont pas déposé de mémoire au dossier.
La requérante a aussi formulé une demande de suspension du jugement jusqu'à ce que demeure irrévocable la décision de justice constatant la nullité absolue ou partielle de l'acte constitutif de la S.C. « Fotbal Club Politehnica Timi?oara » SA.
La Haute Cour rejettera cette demande car, même si le résultat du procès faisant l'objet du dossier n° 4944/3/2009 pouvait intéresser la présente cause, il existe d'autres arguments en vertu desquels le recours sera jugé comme fondé, avec pour conséquence la cassation de la décision et le renvoi de la cause à la même cour d'appel pour être rejugée.
Analysant les critiques formulées par la requérante, la Haute Cour constate qu'une partie de ces critiques sont mal encadrées en droit, respectivement celles concernant le dépassement des limites du pouvoir judiciaire - art. 304 pt. 4 du Code de procédure civile et la mauvaise interprétation de l'acte juridique déduit au jugement - art. 304 pt. 8 du Code de procédure civile.
En vérité, la première critique visait la mauvaise application de la loi et devait être analysée de paire avec la troisième, portant sur l'illégalité, encadrée dans les dispositions de l'art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile, tandis que la raison portant sur l'interprétation erronée de l'acte juridique visait en vérité la situation de fait établie sur la base des preuves administrées.
Quant au motif de recours prévu à l'art. 304 pt.9 du Code de procédure civile, il est fondé, pour les considérations suivantes:
1. Contrairement aux affirmations de la requérante, l'art. 48 alinéa 1 de la Loi n° 84/1998, sous sa forme en vigueur à la date où la marque en litige a été enregistrée, prévoyait que toute personne intéressée pouvait demander au Tribunal de la ville de Bucarest d'annuler l'enregistrement de la marque, faite sans respecter les dispositions de l'art. 5 alinéa 1 de la loi.
Selon l'art. 5 alinéa 1 lettre a) ne sont pas protégées et ne peuvent être enregistrées les marques qui ne remplissent pas les conditions prévues à l'art. 3 lettre a).
L'art. 3 lettre a) de la même réglementation prévoyait que la marque était un signe susceptible de représentation graphique, servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale par rapport à ceux appartenant à d'autres personnes.
On pouvait donc demander l'annulation de l'enregistrement si la marque ne remplissait pas les conditions prévues à l'art. 3 lettre a) de la Loi n° 84/1998, ceci étant l'une des raisons d'annulation prévues à l'art. 48 de la loi.
L'art. 3 lettre a) prévoit deux conditions pour pouvoir enregistrer un signe comme marque, respectivement la condition de sa représentabilité graphique et la condition de son caractère distinguable, c'est à dire de la capacité du signe de faire distinguer les produits ou services du point de vue de leur provenance.
Lorsqu'un signe ne remplit pas la deuxième condition, cela signifie qu'il ne pourra pas être utilisé et enregistré comme marque par quelle personne physique ou morale que ce soit, ceci étant une raison absolue de refus à l'enregistrement.
En l'espèce, la Cour d'appel n'a pas indiqué pourquoi le signe « Politehnica Timi?oara » n'était pas apte en soi à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux fournis par une autre; elle s'est rapportée en vérité à la possibilité de créer, en enregistrant un signe déjà utilisé dans l'activité d'un autre entrepreneur, une confusion entre la marque et le signe, ce qui pouvait être une autre raison d'annulation de l'enregistrement de la marque en question , raison prévue par l'art. 48 alinéa 1 lettre b), mais qui n'a pas été invoqué dans l'espèce.
En retenant l'incidence de l'art. 3 lettre a) de la Loi n° 84/1998, la Cour d'appel a mal appliqué le texte de loi mentionné.
2. Le fait que l'instance d'appel eut partiellement annulé l'enregistrement de la marque, pour une certaine catégorie de services seulement et non pour toute une classe de ceux que la réclamante avait enregistrés, n'entraine pas l'illégalité de la décision et, pour le cas où cette critique serait tenue pour fondée, selon la solution préfigurée pour les autres raisons de recours, ceci pourrait avoir pour conséquence même d'aggraver la situation de la requérante dans sa propre voie d'attaque.
3. Pour ce qui est du motif d'illégalité concernant la mauvaise application des dispositions de l'art. 48 alinéa 1 lettre c) de la Loi n°84/1998, la Haute Cour constate ce qui suit:
La raison d'annulation qui consiste en un enregistrement de mauvaise foi de la marque est prévue à l'art. 48 alinéa 1 lettre c) de la Loi n° 84/1998 et, comme le soutient correctement la requérante, en retenant l'incidence de cette raison, l'argumentation de l'instance d'appel est contradictoire et incomplète.
La cour d'appel retient ainsi la légitimité de l'utilisation du signe de « Politehnica Timi?oara » par l'Université Polytechnique de Timi?oara non seulement en raison de l'existence dans son patrimoine d'une marque enregistrée - qu'elle tient par la suite pour annulable pour mauvaise foi - mais aussi parce que le syntagme incriminé se retrouve dans le nom de cette Université.
En même temps, pour retenir la mauvaise foi à l'enregistrement, la cour d'appel se limite de constater qu'à la date où est formulée la demande, la sollicitante Université Polytechnique de Timi?oara savait que le signe qu'elle souhaitait enregistrer comme une marque était utilisé par une autre entité juridique.
En vérité, la simple connaissance de l'existence et de l'utilisation de la marque antérieurement à sa déposition ne suffit pas pour réunir les conditions de la mauvaise foi. Encore faut-il que le fait soit de nature frauduleuse.
La mauvaise foi implique de cumuler deux exigences distinctes, visant, d'une part, la connaissance du « fait pertinent » de l'existence et de l'utilisation d'une marque antérieure ou même d'un signe non enregistré en tant que marque - et d'autre part, l'intention frauduleuse.
Ainsi conçue, la mauvaise foi, qui concerne les dispositions de l'art. 48 lettre c) est toujours assimilée à la fraude. Les constatations antérieures sont confirmées par les appréciations de la Cour de Justice de l'Union Européenne, reflétées dans la décision du 11 juin 2009, rendue dans l'affaire C-529/07 (Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG contre Franz Hauswirth GmbH).
L'instance d'appel n'a pas tenu compte de la jurisprudence de la Cour européenne et a donné une application inadéquate à des principes qui président aux relations concurrentielles entre parties, principes à travers lesquels il convient d'évaluer l'attitude subjective du sollicitant de la marque, règles confirmées par la décision de l'instance européenne.
Pour revenir à la décision mentionnée, il convient de mentionner que selon l'instance européenne l'intention d'empêcher un tiers de commercialiser un produit pouvait, dans certaines circonstances, caractériser la mauvaise foi du sollicitant de la marque, situation réunie surtout au cas où il s'avère que le sollicitant avait enregistré la marque sans l'intention de l'utiliser, uniquement pour bloquer l'accès du commerçant tiers sur le marché, situation où la marque ne remplit pas ses fonctions essentielles (paragraphes 41-45).
Etablissant un rapport entre ces appréciations théoriques et les données de l'espèce, il en résulte qu'il ne suffit pas pour le sollicitant de connaître « le fait pertinent », encore faut-il prouver l'intention frauduleuse de l'accusée au moment où elle demande l'enregistrement de la marque.
Pour ce qui concerne les critères d'appréciation de ces exigences, y compris les moyens de prouver l'intention frauduleuse, cette instance estime que le simple fait de connaître « le fait pertinent » ne présume pas, en soi, de l'existence d'une intention frauduleuse, comme il résulte des considérations de la décision en appel, une telle intention devant être prouvée distinctement de la première exigence et jugée comme telle.
Dans l'évaluation d'une telle intention, il est important de connaitre l'histoire de la constitution des deux parties en litige, leur activité antérieure à la demande d'enregistrement de la marque, tout comme les usages donnés aux signes par rapport aux produits ou services auxquels la marque était destinée, ultérieurement à son enregistrement, - tout d'abord, évidemment, si la marque avait effectivement été utilisée pour les produits ou services pour lesquels elle avait été enregistrée - afin de déterminer si et en quelle mesure elle avait rempli ses fonctions essentielles spécifiques.
Précisons, en même temps, que la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne faisait référence à une troisième exigence nécessaire pour que la mauvaise foi subsiste, distinctement de la condition de connaître l'existence de la marque du tiers et de l'intention frauduleuse, à savoir l'exigence du degré de protection juridique dont bénéficient, aussi bien la marque du tiers, que le signe dont on demande d'annuler l'enregistrement.
Cette exigence est aussi importante pour retenir la mauvaise foi et doit être évaluée comme telle.
L'on constate de ce qui vient d'être exposé que l'instance d'appel avait fait une mauvaise application des dispositions de l'art. 48 lettre c) de la Loi n° 84/1998, du point de vue du contenu conceptuel de la mauvaise foi et des critères pour en juger, l'analyse prouvant, en même temps, à travers ce qui vient d'être dit, que la situation de fait et de droit n'était pas pleinement et correctement établie.
Vu ce qui a été retenu, en vertu de l'art. 312 et de l'art. 304 pts 9 et 7 du Code de procédure civile, la Haute Cour admettra le recours déclaré par la réclamante contre la décision, cassera la décision et renverra les appels à la même Cour d'Appel pour un nouveau jugement.
POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:
Rejette la demande de suspension du jugement de la cause formulée par la requérante - réclamante Université Polytechnique de Timi?oara.
Admet le pourvoi de la réclamante Université Polytechnique de Timi?oara contre la décision civile n° 71 A du 4 mars 2010 de la Cour d'Appel de Bucarest, IXe section civile et de propriété intellectuelle.
Casse la décision et renvoie la cause à la même Cour d'Appel pour un nouveau jugement.
Définitive.
Rendue en audience publique, aujourd'hui, le 11 février 2011.