Le Ministère Public - Parquet près la Haute Cour de Cassation et de Justice est représenté par le procureur I.K.
L'on examine les recours déclarés par le Parquet près la Cour d'appel de Bucarest et la personne condamnée U.N.F. contre la sentence pénale n°109/F du 4 août 2009 de la Cour d'appel de Bucarest, IIe section pénale, causes pénales impliquant mineurs et familles.
A l'appel nominal était absent le requérant condamné, en état d'arrestation, l'avocat G.A. étant désigné comme défenseur d'office.
Procédure de citation légalement remplie.
L'instance a constaté la cause en état d'être jugée, accordant, selon l'art. 385/13 du Code de procédure pénale, la parole aux débats.
Le représentant du Ministère Public a posé des conclusions d'admission du pourvoi, de cassation de la sentence attaquée et de renvoi de l'affaire pour être rejugée en Cour d'appel, afin de préciser correctement l'objet du procès et de rendre une solution sur le fond. Il a indiqué en ce sens que la décision était illégale, vu que l'on y ignorait les dispositions de l'art. 129 de la Loi n°304/2004, en affirmant que l'objet de l'affaire ne serait pas de transférer une personne condamnée. L'instance a mal interprété le terme de condamnation, puisque selon les prévisions de la loi spéciale la qualité de condamné appartient à celui qui est soumis à une peine privative de liberté ou à une mesure de sécurité, après avoir commis une infraction. En l'espèce, l'objet de la cause est la personne soumise à une mesure de sécurité, ce qui fait qu'est incident ici le domaine d'application de la loi. L'on a, d'autre part, retenu que n'est pas remplie la condition que l'Etat de la condamnation soit d'accord avec l'Etat chargé de l'exécution, raison pour laquelle l'instance a demandé au Parquet de faire la preuve que la procédure ne peut pas être lancée à ce moment là.
Le défenseur du requérant condamné indique qu'il se rallie aux conclusions du procureur et demande de transférer la personne condamnée dans un hôpital psychiatrique de Roumanie.
LA COUR,
Vu le présent pourvoi pénal ;
Par la sentence pénale n°209/F du 4 août 2009 de la Cour d'appel de Bucarest, IIe section pénale, causes pénales impliquant des mineurs et des familles, a été rejetée la saisine du Parquet près la Cour d'appel de Bucarest concernant le transfert du citoyen roumain N.F.U. pour qu'il exécute sa peine dans un hôpital psychiatrique de Roumanie.
L'honoraire du défenseur désigné d'office d'un montant de 320 lei a été supporté sur les fonds du Ministère de la Justice.
L'on retient que par saisine du Parquet près la Cour d'appel de Bucarest, enregistrée au rôle de cette instance à la date du 22.07.2009 au n° 7026/2/2009, en vertu de l'art. 149 de la Loi n° 302/2004 modifiée, il a été demandé à cette instance de donner son avis sur la demande de transfert formulée par N.F.U. pour qu'il exécute sa peine dans un hôpital psychiatrique de Roumanie.
Dans l'exposé de motifs de la saisine il est dit que, par l'adresse n° 135558/2007, le Ministère de la Justice et des Libertés Civiques - Direction du Droit international et des Traités a transmis au Parquet près la Cour d'appel de Bucarest la demande formulée par le Ministère de la justice du Land de Rhénanie-Palatinat demandant d'examiner la possibilité de transférer en Roumanie le dénommé N.F.U., accusé des infractions de menace, tentative de chantage et violation de la Loi sur le régime des armes, la personne se trouvant actuellement internée dans un hôpital psychiatrique. Il résulte des documents communiqués par l'Etat de la condamnation, en application de l'art. 6 alinéa 2 de la Convention européenne sur le transfert des personnes condamnées, convention adoptée à Strasbourg le 21.03.1983, qu'à la date du 08.01.2004, la Maison de justice locale avait émis un mandat de dépôt en vertu duquel N.F.U. avait été interné le 13.01.2004 à la clinique Nette Gut, conformément à l'art. 126 du Code pénal allemand.
Par sentence de la Grande Chambre Pénale n°9 du Tribunal régional de Coblence, rendue le 20.07.2004, au dossier n° 2030 Js 48932/03 9KLs, définitive le 28.07.2004, il avait été disposé d'interner N.F.U. dans un hôpital psychiatrique, sous diagnostic de schizophrénie paranoïaque, conformément à l'art. 63 du Code pénal allemand.
Ultérieurement, le Tribunal régional de Coblence a disposé par sa décision n°2118 VRs 14120/04, définitive dès le 21.07.2007, de continuer son internement en hôpital psychiatrique.
Mentionnons que les délits qui ont entrainé son internement étaient ceux de menace, tentative de contrainte et violation de la loi sur le régime des armes.
L'on a en fait retenu que pour une voiture achetée par son amie à la date du 21.06.2003, N.F.U. s'était disputé avec un commerçant de véhicules. Il lui avait demandé de rendre l'argent et l'avait menacé avec un pistolet à gaz chargé. Il se croyait menacé, ce qu'explique sa maladie. Ultérieurement, à la date du 05.08. 2003, il a volé un sabre ninja et a traversé avec cette arme le centre de Bonn.
Suite à la correspondance avec l'Etat de la condamnation, il résulte de la lettre au contenu médical transmise par les autorités judiciaires allemandes que, pour son traitement dans le pays d'exécution de la peine, il était nécessaire de le maintenir dans un hôpital fermé, qui ne soit pas une prison quelconque, une clinique psychiatrique fermée étant suffisante.
Vu que dans la cause ne sont pas remplies les conditions prévues à l'art. 129 lettre f de la Loi n° 302/2004 modifiée, l'Etat de la condamnation et celui de l'exécution ne s'étant pas mis d'accord sur le transfert, ce qui fait que ce transfert ne peut avoir lieu, d'autres conditions prévues à l'art.129 de la Loi n° 302/2004, respectivement celles de l'alinéa 1 lettres c et d, ne sont pas non plus remplies...
La Cour d'appel, ayant examiné les documents et travaux du dossier, constate comme infondée la présente saisine, les conditions de transfert prévus à l'art. 129 de la Loi n° 302/2004 n'étant pas remplies dans l'affaire, à savoir qu'il s'agisse de condamner un ressortissant de l'Etat d'exécution qui aie encore à exécuter au moins 6 mois de sa peine, à la date où était reçue la demande de transfert et, d'ailleurs, l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution ne s'étant pas mis d'accord sur le transfert d'une personne que les autorités judiciaires allemandes aient internée dans un hôpital psychiatrique d'Allemagne.
Ainsi donc, les exigences de l'art. 129 de la Loi n° 302/2004 modifiée n'étant pas remplies dans l'affaire, la présente saisine a été rejetée comme infondée.
Contre cette sentence se sont pourvus en recours le Parquet près la Cour d'Appel de Bucarest et la personne condamnée N.F.U. par son curateur.
Le parquet indique que l'instance de fond avait donné une interprétation erronée au terme de condamnation, vu que selon la loi spéciale la qualité de condamné désigne la personne sujette à une peine privative de liberté ou à une mesure de sécurité, pour avoir commis une infraction. En l'espèce, l'objet de cette cause-ci est la personne soumise à une mesure de sécurité et le domaine d'application de la loi est donc incident. Il a d'autre part été retenu que la condition de l'accord entre l'état émetteur de la condamnation et celui qui l'exécute n'était pas remplie, raison pour laquelle l'instance a demandé au parquet de faire la preuve d'une procédure qui n'eut pu être lancée à ce moment là.
La personne condamnée a critiqué la solution de rejet de sa demande, affirmant que son souhait était d'être transféré en Roumanie.
Examinant la décision attaquée par le prisme des critiques formulées et aussi d'office, conformément à l'art. 385/6 alinéa 3 C.pr.pén., la Haute Cour constate que les deux pourvois sont fondés.
Des documents et travaux du dossier, il résulte que, suite au fait que U.N.F. avait commis plusieurs infractions sur le territoire de l'Allemagne (menace, tentative de contrainte, violation du régime des armes), le Tribunal de Coblence avait disposé par sentence définitive de son internement dans un hôpital psychiatrique.
Il a été retenu en essence que l'inculpé avait commis ces actes « en état d'incapacité de responsabilité », mais que, généralement l'inculpé et ses actes représentaient un danger pour la société, compte tenu des maladies psychiques dont la personne était atteinte.
Il résulte donc en essence, des documents de son dossier, que même s'il n'avait pas été condamné à une peine d'emprisonnement, une mesure de sécurité avait tout de même été prise contre l'inculpé, celle-ci trouvant son correspondant dans le Code pénal roumain, respectivement l'internement médical prévu à l'art. 114 du C. pén.
Il est vrai que, selon l'art. 127 de la Loi n° 302/2004, cet acte normatif est appliqué pour le transfert des personnes condamnées, mais conformément à l'art. 2 lettre K de la même loi, l'on entend par condamnation toute peine ou mesure de sécurité appliquée suite à une infraction.
Or, en l'espèce, l'instance de fond a analysé la cause qui lui a été confiée, ignorant la disposition légale susmentionnée, qui donne un sens élargi à la notion de condamnation, celle-ci ne se résumant pas à une peine privative de liberté.
Dans ces conditions, vu que la première instance n'avait pas correctement établi l'objet du jugement et n'avait, donc, pas rendu de solution sur le fond de la cause à elle confiée, seront admis les deux recours déclarés, sera cassée la sentence et sera renvoyée la cause pour être rejugée par la même instance, à la Cour d'Appel de Bucarest.
En rejugeant l'affaire, l'instance de fond analysera aussi les autres conditions prévues par la loi en vue du transfert, avec référence expresse à celles prévues par l'art. 129 lettres d et f du C. pr. pén., prenant en compte des particularités de la cause (les autorités roumaines n'ont pas été directement saisies par la personne transférable , quant à celle-ci, en raison des maladies dont elle est atteinte, elle a été placée sous curatelle, comme il résulte des documents figurant au dossier du pourvoi - feuillet 8).
Les frais judiciaires occasionnés par la solution du recours resteront à la charge de l'Etat et l'honoraire du défenseur désigné d'office pour le requérant condamné, soit 320 lei, seront payés sur les fonds du Ministère de la Justice.
PAR CES MOTIFS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT :
Admet les pourvois déclarés par le Parquet près la Cour d'Appel de Bucarest et par la personne condamnée U.N.F. contre la sentence pénale n° 209/F du 4 août 2009 de la Cour d'Appel de Bucarest, IIe section pénale, pour causes pénales impliquant des mineurs et familles.
Casse la sentence pénale attaquée et renvoie la cause à la même instance de la Cour d'Appel de Bucarest, pour être rejugée.
L'honoraire du défenseur désigné d'office pour le requérant condamné, soit 320 lei, sera payé sur les fonds du Ministère de la Justice.
Définitive.
Rendue en audience publique, aujourd'hui, le 24 juin 2010.