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12/03/2010 | ROUMANIE | N°1433/CCAF/2010

Roumanie | Roumanie, Haute cour de cassation et de justice, Chambre de contentieux administratif et fiscal, 12 mars 2010, 1433/CCAF/2010


On examine le pourvoi déclaré par la SC ,,R.I.G." SA de Bucarest contre la sentence n° 226/CA du 16.12.2009 de la Cour d'appel de Iasi - section de contentieux administratif et fiscal.
A l'appel nominal est présente la requérante-réclamante par son avocat T.G., en l'absence des intimés-accusés S.N. de T.F. de M. C.F.R. SA - Succursale I. et Chambre de commerce et industrie de Roumanie.
Procédure complète.
Le magistrat assistant présente le compte-rendu de la cause, après quoi la Haute Cour donne la parole à la partie présente sur l'exception de tardiveté du pourvoi i

nvoquée dans son mémoire par l'intimée SN. TFM - C.F.R. M. SA - Sucursa...

On examine le pourvoi déclaré par la SC ,,R.I.G." SA de Bucarest contre la sentence n° 226/CA du 16.12.2009 de la Cour d'appel de Iasi - section de contentieux administratif et fiscal.
A l'appel nominal est présente la requérante-réclamante par son avocat T.G., en l'absence des intimés-accusés S.N. de T.F. de M. C.F.R. SA - Succursale I. et Chambre de commerce et industrie de Roumanie.
Procédure complète.
Le magistrat assistant présente le compte-rendu de la cause, après quoi la Haute Cour donne la parole à la partie présente sur l'exception de tardiveté du pourvoi invoquée dans son mémoire par l'intimée SN. TFM - C.F.R. M. SA - Sucursale I.
Le représentant de la requérante pose des conclusions de rejet de l'exception de tardiveté invoquée dans l'affaire, du fait que la demande de pourvoi motivé avait été déposée dans les délais prévus par la loi.
Après avoir délibéré, vu que la sentence attaquée avait été communiquée à la requérante-réclamante le 22.01. 2010 et que le pourvoi avait été déclaré le 23.01.2010, la date du cachet de la poste faisant foi, la Haute Cour rejettera l'exception de tardiveté invoquée dans l'affaire, comme infondée, car la demande de pourvoi était enregistrée à l'intérieur du délai de 5 jours fixé par le législateur pour se pourvoir en cassation.
N'ayant plus d'autres demandes ou preuves à administrer, la Haute Cour constate que la cause est en état d'être jugée et accorde la parole à la partie présente pour la demande de pourvoi formulée.
Le représentant de la requérante demande l'admission du pourvoi déclaré et la modification de la sentence attaquée, dans le sens du rejet comme inadmissible de l'exception d'illégalité des documents attaqués.
Elle précise que les documents attaqués par l'exception d'illégalité ne sont pas des documents administratifs au sens des dispositions légales. Elle ne demande pas de frais de justice.
Compte tenu des dispositions de l'art. 150 du Code de procédure civile, la Haute Cour clot les débats et retient la cause en vue de sa solution.

LA COUR,

Vu le présent pourvoi;
Après l'examen des travaux du dossier, constate ce qui suit:
1. Saisie de l'instance de fond.
Dans le cadre du dossier figurant au rôle du Tribunal de Ia?i, par lequel la réclamante S.C. ,,R.I.G." SA de Bucarest appelait en justice l'accusée S.N. De T.F. de M. C.F.R. SA - Sucursale I. pour l'obliger au paiement de la somme de 146.402, 51 lei, représentant la perception indue du Tarrif Horaire d'Utilisation pour l'exécution de contrats de transport, l'accusée S.N. de T.F. de M. C.F.R. SA - Sucursale I. a invoqué l'exception d'illégalité du certificat attestant le cas de force majeure n° 393 du 4.08.2008 et de l'avis concernant l'existence du cas de force majeure n° 12 du 17.10.2008 émis par la Chambre de commerce et industrie de Roumanie.
Le Tribunal de Ia?i, par sa conclusion du 5.11.2009, en vertu des dispositions de l'art. 4 de la Loi n°554/2004, a suspendu le jugement de l'affaire et saisi la Cour d'appel de Ia?i pour la solution de l'exception d'illégalité, la cause étant enregistrée au n°773/45/2009.
2. Solution de l'instance de fond.
Par la sentence n° 226/CA du 16.12.2009 de la Cour d'appel de Ia?i, a été admise l'exception d'illégalité invoquée par la SN. TFM CFR M SA - Sucursale I. en contradictoire avec la SC. ,,R.I.G." SA de Bucarest et la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie, dans le sens d'avoir constaté l'illégalité du certificat attestant le cas de force majeure n° 393 du 4.08.2008 et de l'avis concernant l'existence du cas de force majeure n° 12 du 17.10.2008, émis par la Chambre de commerce et industrie de Roumanie.
Pour rendre cette décision, l'instance de contentieux administratif saisie de la solution de l'exception d'illégalité a constaté que la réclamante, directement intéressée par l'activité des opérateurs de déchargement du port de Constan?a, avait la possibilité de se renseigner sur les incidents opposant durant la période en litige le patronat et les salariés de ce port, incidents de nature à affecter les activités de transport de la marchandise destinée à l'exportation et d'identifier les modalités permettant d'éviter le blockage de sa marchandise dans les moyens de transport des Chemins de Fer Roumains (CFR) à la station de départ.
La Cour a également retenu que la réclamante avait la possibilité d'éviter de différentes manières les conséquences négatives de la grève, manières qu'elle a énumérées largement, respectivement: de ne pas déposer l'échelonnement décalé du programme mensuel de transport pour le mois de juillet 2008, dans le cadre du contrat de prestations de transport n° 60011/2008,- ce qui aurait signifié, conformément à l'art. 63 du contrat, ,,un renoncement tacite" au chargement durant la période suivante, respectivement une suspension des transports pendant la période de grève, avec une nouvelle programmation; - de renoncer à conclure des contrats de transport, de décharger les transconteneurs se trouvant sur les wagons, afin d'éviter leur immobilisation avec paiement de Tarrifs Horraires d'Utilisation; de choisir d'autres terminaux de conteneurs concurrents de la C.S.C.T.C.
Concernant l'exception d'inadmissibilité des documents dont l'illégalité a été invoquée, l'instance de fond estime que, selon l'art. 28 alinéa 2 lettre i) de la Loi n°335/2007, la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie avait le devoir d'aviser, à leur demande, les sociétés roumaines, avec documentation à l'appui, sur l'existence de cas de force majeure et de leurs effets sur l'accomplissement des obligations commerciales internationales et que cette activité avait été autorisée par la loi pour répondre à l'intérêt public légitime, qui consiste à annoncer les événements de force majeure et déterminer leurs effets sur les obligations contractuelles, ce qui faisait que les documents émis par la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie dans l'exercice de cette attribution étaient sujets à la censure de l'instance de contentieux administratif par la voie de l'exception d'illégalité.

3. La voie d'attaque exercée.

Contre cette décision s'est pourvue en cassation la SC. ,,R.I.G." SA, en demandant l'admission du pourvoi, la modification de la sentence attaquée au sens du rejet de l'exception d'illégalité, comme inadmissible.
Dans les raisons du pourvoi, il est indiqué que la décision attaquée avait été rendue en violation et application erronée de la loi, raison de recours prévue à l'art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile.
Partant des prévisions de l'art. 4 de la Loi n° 554/2004, la requérante estime que, pour admettre l'exception d'illégalité, il faut que soient remplies les conditions suivantes:
- que l'exception se rapporte à la légalité d'un document administratif;
- que l'exception concerne un document administratif unilatéral, individuel ou normatif, à l'exception de ceux prévus à l'art. 5 de la loi;
- qu'un procès se trouve au rôle des instances de justice;
- que la solution du litige de fond dépende du document administratif faisant l'objet de l'exception d'illégalité.

Bien que l'instance de fond ait retenu que les documents émis par la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie pouvaient être censurés par l'instance de contentieux administratif, la requérante estime que ces affirmations sont erronées, compte tenu de l'art. 2 lettre c) de la Loi n° 554/2004, respectivement de la définition du document administratif, mais aussi de l'art. 2 lettre f) de la même loi, définissant le contentieux administratif.

Partant aussi des prévisions de l'art. 1 de la Loi n°335/2007, la requérante estime que, par rapport à son but, la Chambre de commerce et industrie n'était pas une autorité publique et les documents émis par cette institution n'étaient pas des documents administratifs, ne pouvant être attaqués par la voie du contentieux administratif.

Sont aussi critiquées les références à ,,la satisfaction de l'intérêt public légitime, par l'attestation des événements de force majeure et la détermination de leurs effets" par le prisme des prévisions de l'art; 2 lettre c) de la Loi n° 554/2004 qui définit l'intérêt public légitime.

Les conditions obligatoires d'admissibilité n'étant pas remplies, l'on a demandé le rejet de l'exception d'illégalité invoquée.

Pour ce qui est du fond de l'exception d'illégalité, on critique la solution de l'instance de fond concernant la condition d'imprévisibilité des grèves et l'on indique que la société requérante ne pouvait interrompre ses opérations économiques et suspendre son activité commerciale pour un temps incertain, dans l'attente d'une grève générale.

L'on a demandé l'admission du pourvoi, la modification de la sentence attaquée dans le sens du rejet de l'exception d'illégalité invoquée, comme étant inadmissible.

L'intimée SN. TFM CFR M. SA - Sucursale de Ia?i a formulé un mémoire et a demandé le rejet du pourvoi comme infondé.

4.Solution de l'instance de pourvoi.

Après examen des raisons de pourvoi, des dispositions légales incidentes dans l'affaire, la Haute Cour admettra le pourvoi déclaré pour les considérations suivantes:
Dans la présente cause était invoquée l'exception d'illégalité du Certificat attestant le cas de force majeure n° 393 du 4.08.2008 et de l'Avis concernant l'existence du cas de force majeure n° 12 du 17.10.2008, les deux émis par la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie.
L'inadmissibilité de l'exception d'illégalité a été invoquée, tant devant l'instance de fond, que devant celle de recours, en estimant que les documents dont l'illégalité est invoquée n'étaient pas des documents administratifs au sens de l'art. 2 lettre c) de la Loi n° 554/2004, parce qu'ils n'émanaient pas d'une autorité publique.
L'instance de fond a jugé que les documents émis par la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie étaient sujets à la censure de l'instance de contentieux administratif par la voie de l'exception d'illégalité.
Pour la solution de l'exception d'inadmissibilité il convient de prendre pour point de départ les dispositions de l'art. 4 de la Loi n° 554/2004.
Selon ce texte, l'exception d'illégalité ne peut être invoquée que pour un document administratif.
Pour préciser si les documents dont on invoque l'illégalité, par voie d'exception, sont ou non des documents administratifs, nous analyserons les prévisions de l'art. 2 alinéa (1) lettre c) de la Loi n°554/2004.
Conformément à ce texte de loi, l'acte administratif est un document unilatéral à caractère individuel ou normatif, émis par une autorité publique, au régime de pouvoir public, pour organiser l'exécution de la loi ou l'exécution concrète de la loi, qui donne naissance, modifie ou porte à extinction des rapports juridiques.
La première condition donc, pour qu'un document soit jugé comme administratif, est qu'il soit émis par une autorité publique.
La loi du contentieux administratif définit comme autorité publique, dans son art. 2 alinéa (1) lettre b), - tout organe de l'Etat ou des unités administratives du territoire, qui agit en régime de pouvoir public, pour satisfaire un intérêt public légitime; sont assimilés aux autorités publiques, au sens de la loi, les personnes morales de droit privé qui, selon la loi, ont obtenu un statut d'autorité publique ou sont autorisées à rendre un service public, en régime de pouvoir public.
Il est important de préciser si, aux yeux de la loi, la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie est ou n'est pas une autorité publique, car seuls les documents émis par une autorité publique sont sujets à la censure de l'instance de contentieux administratif, par voie d'action directe ou par voie de l'exception d'illégalité.
Conformément à l'art. 1 de la Loi n° 335/2007 concernant les chambres de commerce de Roumanie, ,, les chambres de commerce sont des organisations autonomes, non gouvernementales, politiques, sans but patrimonial, personnes morales, créées pour représenter, protéger et soutenir les intérêts de leurs membres et de la communauté d'affaires, dans leurs rapports avec les autorités publiques et avec les organismes du pays et de l'étranger".
Selon la Loi n° 554/2004, comme nous l'avons déjà indiqué, par assimilation, ce sont des autorités publiques et des personnes morales de droit privé, mais à condition d'avoir acquis, par la loi ou par une décision de gouvernement, un statut ,,d'utilité publique", participant ainsi du pouvoir des services publics, en régime de pouvoir public, tout en étant des personnes morales de droit privé.
Comme en l'espèce, selon l'art. 1 de la Loi n° 554/2004, les chambres de commerce sont des organisations autonomes, non gouvernementales et n'ont pas acquis le statut ,,d'utilité publique", il en résulte que les documents émis par une telle autorité ne sont pas des documents administratifs.
L'instance de fond a fait référence au fait que, à la demande des sociétés commerciales, la Chambre de commerce et industrie de Roumanie avisait l'existence de cas de force majeure et leurs effets sur l'exécution des obligations commerciales internationales et que cette activité avait été autorisée par la loi pour répondre à l'intérêt public légitime, mais que la notion d'intérêt public légitime était directement liée à la notion d'autorité publique, car l'autorité publique , y compris les personnes morales de droit privé assimilées, agissaient pour répondre à un intérêt public légitime.
Vu que la solution de fond avait été rendue en violation de la loi, est incidente ici la raison de recours prévue à l'art. 304 pt. 9 du Code de procédure civile.
C'est pourquoi, en vertu de l'art.312 du Code de procédure civile, rapporté à l'art. 20 de la Loi n° 554/204, sera admis le pourvoi, sera modifiée la sentence attaquée et rejetée l'exception d'illégalité du certificat d'attestation du cas de force majeure n° 393 du 4.08.2008 et de l'avis n° 12 du 17.10.2008 émis par la Chambre de commerce et d'industrie de la Roumanie, comme inadmissible.

POUR CES RAISONS
AU NOM DE LA LOI
DECIDE:

Admet le pourvoi déclaré par la SC. ,,R.I.G."SA de Bucarest contre la sentence n° 226/CA du 16 décembre 2009 de la Cour d'appel de Ia?i - section de contentieux administratif et fiscal.
Modifie la sentence attaquée, au sens qu'elle rejette l'exception d'illégalité du certificat d'attestation du cas de force majeure n°393 du 4. 08. 2008 et de l'avis n° 12 du 17.10. 2008 émis par la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie, comme inadmissible.
Définitive.
Rendue en audience publique, aujourd'hui, le 12 mars 2010.


Synthèse
Formation : Chambre de contentieux administratif et fiscal
Numéro d'arrêt : 1433/CCAF/2010
Date de la décision : 12/03/2010

Analyses

Certificat attestant le cas de force majeure, émis par la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie. Caractère de l'acte. Exception d'illégalité. Inadmissibilité.

Sont des autorités publiques par assimilation, uniquement les personnes morales de droit privé ayant acquis par la loi, ou par Arrêté du Gouvernement, le statut d'"utilité publique", bien qu'étant des personnes de droit privé (l'art. 2 alinéa 1 lettre b) de la Loi n° 554/2004). Les documents émis par la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie n'ont pas le caractère de documents administratifs, pour pouvoir être censurés par l'instance de contentieux administratif - par voie d'action directe ou par voie d'exception d'illégalité - n'étant pas émis par une autorité publique au sens de l'art. 2 alinéa (1) lettre b) de la Loi n° 554/2004, puisque la Chambre de commerce et industrie de la Roumanie est, conformément aux dispositions de l'art. 1 de la Loi n° 335/2007, une organisation autonome, non gouvernementale, sans but patrimonial et n'ayant pas acquis le statut d'utilité publique.


Parties
Demandeurs : SC. R.I.G. SA de Bucarest
Défendeurs : S.N. de T.F. de M. C.F.R. SA - Succursale I. et Chambre de commerce et industrie de Roumanie.

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Iasi, 16/12/2009


Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ro;haute.cour.cassation.justice;arret;2010-03-12;1433.ccaf.2010 ?
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