L'on examine les pourvois déclarés par les accusés Ministère de la Santé et Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi, contre la sentence n° 75/CA du 4 mai 2009 de la Cour d'Appel de Iasi - Section de contentieux administratif et fiscal.
A l'appel nominal sont présents l'intimée réclamante T.A.V., par son avocat, conformément à la délégation déposée au dossier, en l'absence des requérants-accusés.
Procédure complète.
L'on a présenté le compte-rendu de l'affaire, en indiquant que le requérant Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi avait déposé au dossier son point de vue concernant l'exception d'inconstitutionnalité des prévisions de l'art.304 pts. 8 et 9 et de l'art. 3041 du Code de procédure civile, exception invoquée lors du précédent délai par l'intimée, après quoi la Cour a accordé la parole à la partie présente concernant la demande de saisir la Cour constitutionnelle.
Le représentant de l'intimé a demandé d'admettre la demande et de saisir la Cour constitutionnelle de la solution d'exception invoquée, estimant que sont remplies les conditions légales en ce sens.
La Cour rejette la demande de saisir la Cour Constitutionnelle de l'exception d'inconstitutionnalité des prévisions de l'art. 304 pts 8 et 9 et de l'art.3041 du Code de procédure civile, en retenant, d'une part, que l'auteur de cette requête, l'intimée réclamante, ne justifiait pas son intérêt puisqu'elle n'avait pas formulé de pourvoi et que d'autre part, les raisons invoquée ne présentaient pas de critiques d'inconstitutionnalité des prévisions légales en question, mais souhaitaient seulement les modifier.
Constatant que l'on n'avait pas formulé d'autres requêtes, la Cour a accordé à la partie présente la parole pour les recours.
Le représentant de l'intimée a demandé le rejet des recours et le maintien de la sentence attaquée, comme solide et légale, pour les raisons et arguments présentés dans le mémoire de l'affaire.
LA COUR,
Vu le présent pourvoi ;
Après examen des travaux du dossier, constate ce qui suit :
Par sa sentence n° 75/CA du 4 mai 2009, la Cour d'Appel de Iasi - Section de contentieux administratif et fiscal a admis l'action formée par la réclamante T.A.V., en contradictoire avec les accusés Ministère de la Santé et Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi et a annulé l'ordre n° 1852 du 7 novembre 2008, émis par le ministre de la santé, disposant de suspendre ses effets jusqu'à ce que le jugement de la cause soit définitif. Par la même sentence, l'instance judiciaire a rejeté les exceptions de manque d'intérêt, d'absence de qualité processuelle active de la réclamante et de l'introduction prématurée de l'action.
Pour rendre cette sentence, l'instance de fond a retenu, essentiellement, ce qui suit :
Par l'ordre n° 1852 du 7 novembre 2008, il a été disposé de supprimer la section clinique IV de gastroentérologie, ayant 25 lits et de redistribuer ces lits aux trois autres sections cliniques, sur proposition de l'Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi, proposition comprise dans l'adresse n° 1774/2008, avisée par l'Université de médecine et pharmacie « G.T.P. » de Iasi, ainsi que dans le compte-rendu d'approbation de la Direction générale d'organisation et ressources humaines, développement professionnel et salaires, n°11666/2008.
Le manager de l'Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi, le dr. I.M. a ainsi proposé au Directeur général Ec. M.I. du Ministère de la santé de disposer, pour accroitre l'efficacité de fonctionnement de cet Institut, « la redistribution de 5 lits de la section clinique de gastroentérologie I, et des 25 lits de la Clinique de gastroentérologie IV aux sections II et III ». Dans l'exposé de motifs de cette proposition, l'on soutient que l'espace respectif répondait parfaitement à la structure proposée et que le personnel spécialisé de la IVe section serait redistribué aux autres sections de l'Institut, les actuels chefs de section, recommandés par le Sénat de l'U.M.P., au nombre de trois, devant occuper les trois postes dirigeants.
Cette proposition a aussi été motivée dans le sens d'une nécessité d'améliorer l'efficacité de l'activité d'assistance médicale, accordée dans l'ambulatoire intégré, par un plus grand nombre de consultations accordées aux patients, ce qui permettrait d'obtenir des fonds supplémentaires de la Caisse d'assurances maladie de Iasi, et d'améliorer les indices de performance du management de l'hôpital public, surtout ses indices de qualité, ceux économiques et financiers.
En ce qui concerne les exceptions invoquées dans l'affaire, la première instance a jugé qu'elles étaient infondées, retenant ce qui suit :
Par l'émission de l'Ordre n° 1852 du 07 novembre 2008, la réclamante a considéré qu'étaient enfreintes des dispositions impératives de la loi, la sanction qui en découle étant, en ce cas, la nullité absolue de l'acte, vu que toute personne avait le droit de réclamer la violation de dispositions d'ordre public et de demander à l'instance de rétablir l'ordre de droit troublé.
Compte tenu du but poursuivi par la réclamante à travers son intérêt judiciaire, à savoir de rétablir l'ordre de droit dans l'Institut de gastroentérologie et hépatologie, l'instance de fond a constaté que la demande de la réclamante visait aussi la manière dont les institutions publiques remplissaient leurs attributions, la réclamante justifiant ainsi un intérêt public légitime.
Vu que, par la Décision n°121 du 29.12.2008, émise par l'Institut de gastroentérologie et hépatologie, il avait été disposé de transférer la réclamante de la Ière à la IIe section de l'Institut, transfert découlant du même ordre (contesté par la présente), la première instance a jugé que l'action de la réclamante était aussi justifiée par un intérêt personnel.
De même, indique l'instance de fond, à propos de l'exception de prématurité d'introduire la demande d'action en justice, la réclamante s'était adressée le 15 décembre 2008, au Ministère de la Santé pour faire annuler l'ordre contesté, sans recevoir de réponse à la date ou la sentence a été rendue.
Sur le fond de l'affaire, la première instance a retenu ce qui suit :
Conformément aux dispositions de l'art. 1 alinéas (1) et (6) de l'Ordre du M.S.P. n° 1836 du 23 octobre 2007, prévoyant les attributions du manager intérimaire de l'hôpital public, celui-ci n'avait le droit d'élaborer et de signer la propositions n°1774, qui était à la base de l'émission de l'ordre contesté, que suite à une analyse de l'activité de l'Institut au sein du Comité directeur et sur la base des propositions du conseil médical. Or, comme l'indique l'instance de fond, ni le Comité directeur, ni le Conseil médical n'ont été consultés sur la fausse situation présentée au Ministère de la santé, matérialisée par cette proposition.
A la date du 14.10.2008, le Conseil médical de l'Institut était valablement constitué par la décision n°25 du 30.06.2006 et avait pour principales attributions d'améliorer les normes cliniques, afin d'accorder des services médicaux de qualité et d'évaluer l'activité médicale déployée au sein de l'hôpital pour améliorer les performances obtenues, contexte dans lequel, par rapport aux dispositions légales, le directeur général ne pouvait ignorer l'existence d'un conseil et devait analyser la situation de la structure organisationnelle avec les autres assemblées.
D'autre part, est-il dit dans les considérations de la sentence attaquée, même la proposition demandant de redistribuer 5 lits de la Ière section n'était pas justifiée, puisque cette section avait les meilleurs indices d'activité médicale de toutes les sections de l'Institut (aspect qui ressort des rapports périodiquement transmis à l'INCDS), étant suivie en cela par la IVe section.
L'instance de fond retient également que suite à la réorganisation, résulte, conformément aux documents du Dossier de l'affaire, une baisse du financement par la Caisse d'assurances-maladie des sommes allouées à chaque patient, la baisse la plus évidente étant remarquée au niveau de la 1ère section, celle qui fut restructurée, bien qu'elle eut depuis toujours les meilleurs indices de fonctionnement.
La première instance retient également qu'il résulte, des fiches d'indices déposées au dossier de l'affaire, que la nouvelle structure portait atteinte à l'acte médical, dans les conditions où la 2e section avait toujours enregistré des doublets (deux patients dans un lit), tandis qu' à la 3e section, il y avait, pendant près de 10 jours parfois, des lits inoccupés.
Comme l'indique également dans ses considérations la sentence attaquée, la cause réunit les dispositions de l'art. 14 de la Loi n° 554/2004, les cas justifiés étant représentés par les circonstances liées à l'état de fait et de droit largement analysé ci-dessus, sens qui impose aussi la suspension des effets de l'Ordre contesté.
C'est contre cette sentence, qu'ils estiment infondée et illégale, que se sont pourvus le Ministère de la Santé et l'Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi.
Dans son pourvoi, le Ministère de la Santé a ainsi invoqué, comme base légale, les dispositions de l'art ; 304 pts 8 et 9, l'art. 3041 du Code de procédure civile et a soutenu essentiellement les critiques suivantes :
- L'instance de fond a rejeté à tort l'exception de défaut de qualité processuelle active de la réclamante en invoquant la lésion d'un intérêt public ;
-L'ordre attaqué avait pour objet une réorganisation des sections cliniques de l'Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi, afin de rendre plus efficace leur activité et d'améliorer les indices de qualité;
- l'instance de fond n'a pas expliqué la suspension de l'exécution de l'ordre attaqué ;
- l'instance a eu tort de retenir que l'ordre attaqué était frappé de nullité ;
Dans le pourvoi qu'il a formé, l'Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi a invoqué les dispositions de l'art. 3041 du Code de procédure civile et a soutenu en essence les critiques suivantes :
- L'instance de fond a rejeté à tort l'exception de défaut de qualité processuelle active de la réclamante, retenant également à tort que la Décision n° 121/2008 léserait un intérêt personnel de la réclamante, ce qui justifierait qu'on invoque la lésion d'un intérêt public par l'ordre attaqué ;
-L'instance de fond a retenu à tort l'exception de prématurité de l'action formulée, bien que la réclamante n'aie pas parcouru la procédure de plainte préalable dans les conditions de l'art. 7 alinéa (1) de la Loi n° 554/2004 ;
- L'instance de fond a retenu à tort que l'Ordre n°1852/2008 était illégal du fait que la proposition de réorganiser les sections de l'Institut eut été faite sans une analyse en Comité directeur.
L'intimée-réclamante a déposé un mémoire répondant aux critiques formées par les autorités requérantes, soutenant que la décision de l'instance de fond était légale et solide et demandant le rejet des pourvois.
Les pourvois sont fondés pour les raisons qui seront présentés dans ce qui suit :
Comme il a été indiqué dans le précédent exposé résumé, il est incontestable que l'Ordre n°1852/2008 du ministre de la Santé publique modifiait l'Ordre n° 1197/2008 et disposait de réorganiser l'Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi au sens de la suppression de l'une des 4 sections cliniques de gastroentérologie et de la redistribution du personnel et des postes d'encadrement aux trois autres sections cliniques de gastroentérologie, ceci sur proposition du manager de l'Institut.
Pour rejeter l'exception de manque de qualité processuelle active de l'intimée-réclamante au sujet de la demande d'annulation de cet ordre, par l'invocation d'un intérêt public légitime, l'instance de fond a retenu que « l'action était justifiée par un intérêt personnel », vu que « par la décision n° 121/2008 de l'Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi, il avait été disposé de transférer la réclamante de la 1ère à la IIe section de l'Institut, transfert reposant sur ce même Ordre (contesté).
Il est vrai que, selon l'art. 1 alinéa (1) de la Loi n° 554/2004 avec ses modifications et complétions ultérieures, toute personne s'estimant lésée dans son droit ou dans un intérêt légitime, par une autorité publique, par un document administratif, pouvait s'adresser à l'instance de contentieux, l'intérêt légitime pouvant être aussi bien privé que public, comme dans le cas présent.
Cependant, il résulte des dispositions de l'art. 8 alinéa (1) de la même loi, que les personnes physiques pouvaient formuler des griefs invoquant la protection d'un intérêt public légitime seulement en subsidiaire, dans la mesure où la lésion de l'intérêt public légitime découlait logiquement de la violation du droit subjectif ou de l'intérêt légitime privé.
Or, dans la présente cause, l'objet de l'action formulée par la réclamante-intimée est l'annulation de l'Ordre n°1852/2008 par l'invocation d'un intérêt public légitime, comme le retient d'ailleurs l'instance de fond, sans que l'intimée réclamante eut demandé principalement l'annulation de la Décision n°121/2008, au sujet de laquelle l'instance de fond avait retenu qu'elle l'aurait lésée dans un intérêt privé, par le fait de son transfert de la 1ère à la IIe section .
Ceci étant, il résulte que l'instance de fond a mal jugé l'exception concernant la légitimité processuelle active de la réclamante.
Pour ce qui est de la solution donnée à l'exception de prématurité, l'instance de fond a correctement retenu que l'intimée réclamante avait adressé le 15 décembre 2008 une plainte préalable, demandant l'annulation de l'ordre en litige, mais elle omet de mentionner qu'à la même date, avait été déposé à l'office postal l'action adressée à l'instance de contentieux administratif pour faire annuler l'ordre dont il est question.
Or, il résulte de l'art. 7 alinéa (1) corroboré à l'art. 11 alinéa (1) de la Loi n°554/2004 avec ses modification et complétions ultérieures, que les demandes d'annulation d'un acte administratif peuvent être transmises à l'instance de contentieux administratif, soit après que soit communiquée la réponse à la plainte préalable, soit après expiration du délai légal de 30 jours depuis la solution de la plainte préalable ou, respectivement, la date où expire le délai légal de solution de la demande, ce qui rend illégale la solution de l'instance de fond de ce point de vue aussi.
Pour ce qui est de la solution du fond de la cause, pour annuler l'Ordre n°1852/2008, la Cour d'Appel a retenu que cet ordre était frappé de nullité, parce qu'il avait été émis sur proposition d'un manager intérimaire, n'ayant pas l'attribution de faire ce genre de propositions, sans que cette exigence soit une condition de validité de l'acte administratif attaqué.
Conformément à l'art. 174 alinéa (31) de la Loi n°95/2006, sur la réforme de la santé, introduit par la Loi n° 264/2007, la structure organisationnelle des établissements de santé publique dotés de lits et se trouvant sous les ordres du Ministère de la Santé, doit être approuvée par ordre du ministre, sur proposition du manager ou à l'initiative du Ministère de la Santé.
Puisque l'initiative d'émettre l'ordre en question est donc laissée au choix de l'émetteur, il résulte que seule l'absence de toute proposition pouvait entraîner la nullité de l'ordre attaqué, tandis que, dans la présente affaire, les dispositions légales ont été respectées dans les deux hypothèses, la proposition du manager de l'Institut étant acceptée, y compris par le compartiment spécialisé du Ministère et par le chef de la Direction générale d'organisation, des ressources humaines , du développement professionnel et des salaires.
Enfin, l'instance de fond retient aussi que l'acte administratif était illégal, parce que ces mesures organisationnelles ne s'imposaient pas, puisque, suite à cette réorganisation des sections, leur activité a été affectée de façon négative, mais cet aspect excède la compétence d'une instance de contentieux administratif, qui est obligée par les dispositions générales de la Loi n° 554/2004 de limiter son contrôle à la légalité de l'acte administratif, en exclusion de toute analyse, constatations et jugements concernant l'opportunité, l'efficacité et l'efficience de l'activité des structures du pouvoir exécutif administratif.
En ce qui concerne la mesure de suspendre l'exécution de l'Ordre n°1852/2008, la solution de l'instance de fond est aussi illégale et infondée, puisque tout s'est résumé à une simple affirmation, concernant l'existence d'un cas, bien justifié dans les conditions de l'art. 14 de la Loi n° 554/2004.
En conclusion, l'instance de recours admettra les deux pourvois et cassera la sentence attaquée comme illégale et peu solide et, en jugeant à nouveau la cause, rejettera l'action pour les raisons susmentionnées.
POUR CES MOTIFS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT :
Admet les pourvois déclarés par les accusés Ministère de la Santé et Institut de gastroentérologie et hépatologie de Iasi contre la sentence n° 75/CA du 4 mai 2009 de la Cour d'Appel de Iasi - section de contentieux administratif et fiscal ;
Casse la sentence attaquée et, sur le fond, rejette l'action formée par la réclamante T.A.V., comme infondée.
Définitive.
Rendue en audience publique, aujourd'hui, le 25 février 2010.