Le 5 février 2010 on a examiné le pourvoi formé par l'accusée S.C. B.C.R. A. S.A. BUCAREST contre l'arrêt commercial n°54 du 2 février 2009 de la Cour d'Appel de Bucarest - Ve section commerciale.
Les débats eurent lieu en séance publique et furent consignés dans le compte-rendu de séance du 5 février 2010, intégré dans la présente décision. La Haute Cour ayant besoin de temps pour délibérer a remis le prononcé de son arrêt à la date du 11 février 2010, lorsqu'elle a décidé ce qui suit :
LA HAUTE COUR
Vu le présent pourvoi,
Vu les travaux du dossier, constate ce qui suit :
Les circonstances de la cause
Le plaignant D.M. a assigné en justice la Société Commerciale B.C.R. A. S.A. et s'est pourvue en cassation auprès du Tribunal de Bucarest pour faire annuler les décisions n°1, 2 et 3, du 22 octobre 2007, de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société accusée, portant modification de l'acte constitutif suite à l'introduction de l'article 51. Le plaignant argumente son action par le fait que la modalité de transmission des actions adoptée par l'AGEA n°3, à l'annulation de laquelle il a limité ses exigences, restreint le droit de propriété sur les actions.
Vu les nouvelles modifications intervenues dans la transmission des actions, soutient le plaignant, le seul actionnaire ayant droit est la B.C.R. (Banque Commerciale Roumaine), les autres actionnaires n'ayant que des obligations, ce déséquilibre créé devant être sanctionné. Du point de vue du droit, l'on a invoqué les prévisions des art. 94 et 136 de la Loi n°31/1990, conformément auxquels les actions accordent à leurs possesseurs des droits égaux, qu'ils sont tenus d'exercer avec bonne foi, en respectant les droits et intérêts légitimes de la société et des autres actionnaires.
Sentence du Tribunal de Bucarest - section commerciale.
En solution du litige, le Tribunal de Bucarest a prononcé la sentence n°6941 du 5 juin 2008, en prenant acte du renoncement par le plaignant au jugement des griefs visant l'annulation des décisions de l'Assemblée Générale des actionnaires de la B.C.R. n°1 et n°2 du 22 octobre 2007. Elle rejette l'exception du manque d'intérêt invoqué par l'accusée et sur le fond rejette le pourvoi en annulation de la Décision de l'AGEA n°3/2007 formulé par le plaignant D.M., qu'elle oblige au paiement de frais de justice.
Dans la solution du fond de l'affaire, le tribunal a retenu que par l'art. 51, introduit dans l'acte additionnel de la société accusée, l'on a institué le droit de préférence de l'actionnaire majoritaire qu'est la Banque Commerciale Roumaine, pour l'achat des actions proposées par les autres actionnaires et que l'institution de ce droit, ne viole pas les art. 94 et 1361 de la Loi n°31/1990.
Selon l'instance, les actions doivent être de valeur égale et accorder à leurs possesseurs des droits égaux. Ce principe institué par l'art. 94 de la LSC n'implique pas une égalité en droits parfaite des actionnaires. L'instance retient également que l'institution du droit de préférence n'empêche pas les actionnaires minoritaires de vendre leurs actions. L'art.51 introduit dans l'acte constitutif offre à l'actionnaire majoritaire le droit d'acheter lui-même les actions mises en vente, sans pour autant interdire à l'actionnaire minoritaire de vendre, ce qui fait que le droit des actionnaires minoritaires de disposer de leur bien n'est pas violé, de l'avis de l'instance.
A l'appui de cette conclusion, le tribunal fait aussi référence aux prévisions de l'art. 8 lettre f de la Loi n°31/1990, estimant que la loi des sociétés commerciales permettait d'instituer par l'acte constitutif toute restriction concernant le transfert des actions, le droit de préemption figurant parmi ces restrictions.
C'est aussi en vertu de cet argument que le tribunal a rejeté l'affirmation selon laquelle l'actionnaire majoritaire aurait été de mauvaise foi dans l'exercice de ses droits par rapport aux actionnaires minoritaires.
La sentence n°694 du 5 juin 2008, rendue par le Tribunal de Bucarest - Section commerciale, est attaquée en appel par l'actionnaire D.M.
Les critiques contre la sentence de fond visaient tant le manque de solidité, que l'illégitimité de la solution rendue par le tribunal, l'appelant ayant structuré ses griefs sur trois aspects :
- l'interprétation erronée de l'art.8 alinéa 1 lettre f², art. 94, art. 1361 de la Loi des sociétés commerciales ;
- la violation et la limitation du droit de propriété concernant les actions par l'introduction de l'art 51 du nouvel acte constitutif de la société ;
- le montant excessif des frais de justice ;
Le plaignant a essentiellement critiqué la solution de l'instance première à propos des dispositions de l'art. 94 de la LSC statuant que les actions doivent avoir une valeur égale et accorder à leurs possesseurs des droits égaux, ont été faussement interprétées, n'étant pas accordées avec art. 8 alinéa 1 lettre f² de la même loi. Les restrictions auxquelles se rapporte ce dernier article, à savoir l'institution d'un droit de préemption doit, de l'avis de l'appelant doit être également attribué à tous les actionnaires possédant des actions de valeur égale, conformément à l'art. art.94 alinéa 1 de la loi n°31/1990, or, disposition ne sont pas respectées dans l'art. 51 introduit dans l'acte constitutif.
L'appelant estime que, par l'art. 51 du nouvel acte constitutif, son droit de propriété est violé, puisqu'il ne peut pas disposer librement des actions qu'il possède. L'appelant critique aussi la procédure instituée pour la vente des actions, du fait que la notification de l'offre de l'actionnaire représente une offre irrévocable et le mandat du directeur de la société intimée pour le transfert des actions est sans droit d'appel. De l'avis de l'auteur de l'appel, toutes ces limitations violent les dispositions légales et le droit de disposer des actions.
Enfin, de l'avis de l'appelant, les frais de justice accordés en première instance à l'intimée sont exagérés, par rapport au travail qui a été fait et à la valeur de la cause.
L'arrêt n° 54 rendu par la Cour d'appel de Bucarest - section commerciale, le 2 février 2009.
L'analyse de la sentence appelée par le prisme des critiques invoquées et des défenses de l'intimée a fait admettre l'appel déclaré par le plaignant D. M., changer en partie la sentence, annuler la décision de l'AGEA n°3 du 22 octobre 2007 de la SC B.C.R. Assurances de vie S.A. et au maintien des autres dispositions.
A propos de la première critique concernant les dispositions légales, la Cour d'Appel retient que l'on a vraiment enfreint l'art. 94, 1361 et l'art. 8 alinéa 1 lettre f² de la Loi des sociétés commerciales n° 31/1990, vu que par la décision de l'AGEA n°3, même si la loi permet d'instituer une restriction conventionnelle, le droit de préemption a été réglementé de manière excessive et abusive, fonctionnant uniquement en faveur de l'actionnaire majoritaire.
Par l'art. 51 du nouvel acte constitutif, l'instance d'appel estime que l'on a violé deux des principes qui régissent les droits des actionnaires, à savoir, celui de la prééminence de l'intérêt social et celui de la majorité. Vu les considérations concernant l'intérêt social et les composantes de cet intérêt, la Cour d'appel a fait remarquer que par la Décision de l'AGEA, un abus de droit a été commis, car l'actionnaire majoritaire a fixé, par le vote, des conditions excessives à la charge exclusive de l'actionnaire minoritaire qui souhaiterait vendre, celui-ci étant obligé de respecter le droit de préemption et le mandat irrévocable accordé au directeur de la société, pour mener à bien la vente.
La Cour d'appel renvoie aussi aux prévisions de l'art.1361 de la Loi n°31/1990 régissant, au niveau des principes, l'exercice en toute bonne foi du droit de propriété des actions, estimant que ce principe devait aussi protéger l'actionnaire minoritaire, contre l'exercice abusif des droits par l'actionnaire majoritaire. La Cour a finalement écarté les affirmations de l'intimée concernant les restrictions pouvant être appliquées au droit de propriété des actions, estimant que, en effet, ce droit est reconnu par la loi, mais qu'il s'agit là de la façon dont l'actionnaire majoritaire a imposé sa volonté en ce qui concerne la modalité concrète d'exercice de ce droit.
Le recours. Les motifs de recours.
Contre la décision n°54, rendue le 2 février 2009 par la Cour d'appel de Bucarest - section commerciale, un recours a été déclaré par la plaignante SC B.C.R. A. SA en l'attaquant pour raison d'illégalité prévue à l'art.304 p.9 du Code de procédure civile.
Après l'exposé synthétique de la situation de fait et des considérations retenues dans la sentence sur fond de la cause, la requérante SC B.C.R. A. SA a critiqué la décision de la Cour d'appel qui serait fondée sur une interprétation erronée des prévisions légales applicables en matière de sociétés commerciales.
- La requérante affirme que le principe de l'égalité de droit des actionnaires et le principe de l'exercice en toute bonne foi des droits par les actionnaires ont été respectés. De son point de vue, le principe de l'égalité en droits ne concerne pas les droits conventionnels, mais uniquement les droits découlant directement de la loi. La requérante a ensuite développé des arguments à l'appui de cette affirmation concernant les prévisions de l'art. 94 (1) de la loi des sociétés commerciales. De ce point de vue, l'auteur du recours soutient que l'institution du droit de préférence ne viole pas le droit de propriété, ni la prérogative de disposer des actions. En citant la doctrine et la jurisprudence, la requérante en arrive à la conclusion que le fond du droit de propriété n'est pas atteint par l'application du droit de la majorité, seul son exercice étant touché. La procédure de vente offre, de son avis, à l'actionnaire majoritaire la possibilité d'acheter lui-même les actions mises en vente, sans pour autant interdire à l'actionnaire minoritaire de vendre.
- Une autre critique soutient que la loi des sociétés commerciales permettait expressément d'instituer des limitations concernant le transfert des actions et, puisque le droit de préférence peut être qualifié comme étant une telle limitation, expressément permise par l'art. 8 alinéa 1 lettre f de la LSC, l'introduction dans l'acte constitutif des clauses se rapportant au droit de préemption n'est guère contraire à la loi.
- La requérante estime que le principe de la majorité pousse la minorité à se soumettre à la majorité, car les volontés des actionnaires ne sauraient être objectivement similaires. En ce qui concerne le principe de la majorité, la requérante admet qu'il est limité par l'apparition de l'abus de droit, dans la situation où l'on enfreint l'intérêt social commun, mais elle estime que l'éventuel abus de droit doit être rapporté aux droits légaux des actionnaires et non aux droits découlant de la convention.
- A travers les derniers arguments apportés à l'appui du motif d'illégalité invoqué, la requérante indique que la mauvaise foi de l'actionnaire majoritaire n'a pas été prouvée dans cette cause, tout comme n'a pas été prouvé le préjudice effectif subi par l'intimé, en tant qu'actionnaire minoritaire.
Vus les arguments exposés, l'auteur a demandé l'admission du recours et la modification de la décision rendue par la Cour d'appel dans le sens du rejet de l'appel promu ? par l'intimé plaignant D.M.
Par son mémoire en défense, l'intimé a combattu les prétentions de la requérante, affirmant que l'application de la loi n'avait pas été critiquée, que le pourvoi était structuré sur des aspects tenant du mal-fondé de la décision.
En ce qui concerne les dispositions de l'art.94, 8 alinéa 1 lettre f² de la loi des sociétés commerciales, vu qu'il a été soutenu à tort par le (recours ?), que le principe de l'égalité en droits des actionnaires ne concernerait pas aussi les droits conventionnels ou que le principe de la majorité supposerait d'identifier l'intérêt social avec l'intérêt de l'actionnaire majoritaire ; une décision de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaire doit aussi protéger, selon l'intimé, les intérêts des actionnaires minoritaires, que l'on ne saurait inclure dans la catégorie des tiers, comme il a été procédé dans l'arrêt n°3/2007.
Rejette de ce fait le (recours-pourvoi) comme non fondé et oblige la requérante au paiement de frais de justice.
Le recours est non fondé.
La raison d'illégalité prévue à l' art.304 (9) thèse II du Code de procédure civile concerne une application erronée de la loi. L'analyse de cette critique tiendra compte des dispositions de l'art.94, 1361 et 8 lettre f² de la Loi n° 31/1990 dans l'ordre suivant :
I - 1. La première critique a été argumentée par l'applicabilité de l'art.94 de la Loi n° 31/1990.
« Les actions doivent être de valeur égale ; elles accordent à leurs possesseurs des droits égaux ».
Par l'interprétation de ces dispositions, la requérante en est arrivée à la conclusion que la Loi n° 31/1990 n'institue pas de parfaite égalité en droits entre les actionnaires d'une société, que sont, au contraire, pris en compte uniquement les droits découlant de la loi et non pas les droits conventionnels, établis entre actionnaires ou par l'acte constitutif de la société.
Les arguments de la requérante ne prennent en compte qu'un aspect détaché des dispositions de l'art.94 de la LSC, à savoir celui de l'égalité en droits, en tant que principe découlant de la possession des actions. Mais l'art.94 institue une règle bien plus profonde du droit sociétaire, à savoir l'égalité de traitement de tous les actionnaires d'une société commerciale. En d'autres termes, il faudrait accorder à tous les actionnaires d'une société commerciale les mêmes prérogatives dans l'exercice de leurs droits, ce qui est un sens bien plus large que le regard théorique sur les dispositions de l'art.94, évoqué par la requérante dans son point de vue.
2. Le principe de l'égalité en droits, conformément auquel la requérante ne voit que des droits découlant de la loi, sans voir aussi des droits découlant de la convention.
Il a été indiqué plus haut, que toute mesure adoptée par l'assemblée générale doit répondre à l'intérêt commun des actionnaires, qu'ils soient majoritaires ou minoritaires et indépendamment du fait que la mesure prise découle de la loi ou de la convention.
La remarque selon laquelle, même lorsque la loi permet certaines limitations de l'exercice des droits, le principe de gouvernance majoritaire doit servir l'intérêt de tous les actionnaires et ne doit en aucun cas être utilisé pour favoriser l'actionnaire majoritaire, cette remarque donc n'est pas dépourvue d'importance. A retenir dans le même sens, que le pouvoir accordé à certains actionnaires par le contrat (de société) et l'organisation légale de la société ne doit pas être détourné selon le principe que « la minorité se soumet à la majorité », dans le but unique de favoriser les actionnaires majoritaires ay détriment des minoritaires, vu qu'une décision adoptée pour être conforme à l'intérêt social et à ceux des actionnaires.
II. 1.L'institution du droit de préférence et la corrélation de ce droit avec les prévisions de l'art.8 alinéa 1 lettre f².
En effet, l'art.8 lettre f² de la loi des sociétés commerciales institue la possibilité de certaines restrictions concernant le transfert des actions et oblige en même temps de mentionner ces restrictions dans l'acte constitutif de la société.
En ce qui concerne ces critiques, la requérante a accrédité l'idée que la légalité d'une telle clause permise par la loi ne saurait être mise en doute. L'affirmation de l'auteur du recours, selon laquelle, l'inclusion de cette restriction dans l'acte constitutif est prévue par la loi, est correcte, comme l'est aussi l'affirmation que la loi prévoit la possibilité de restreindre le droit de transfert des actions.
L'essentiel, à propos de ce droit conféré par la loi, est la manière d'introduire le droit de préemption au cas où l'on a recours à une telle restriction.
Pour revenir à l'espèce :
Par l' art. 51 intitulé « Transmission des actions » on prévoit : « Tout autre associé, hormis la Banque Commerciale Roumaine (le soumissionnaire), qui aurait l'intention d'aliéner les actions qu'il possède dans la société (« Les actions offertes ») à un tiers est obligé d'accorder à la Banque Commerciale Roumaine SA (B.C.R.) un droit de préemption pour l'achat des actions offertes. Afin d'éviter tout doute, le terme de « tiers » comprend en plus des personnes ne possédant pas d'actions dans la société, les autres actionnaires de celle-ci, le soumissionnaire et la B.C.R. exceptés. »
L'on remarque indiscutablement des dispositions susmentionnées que par l'art. 51, adopté par l'AGEA n° 3/2007, l'actionnaire majoritaire s'est vu accorder en exclusivité le droit de préemption. Comme ce droit découle de la qualité d'actionnaire et une telle clause peut permettre aux actionnaires d'augmenter leur participation au sein de la société, l'exercice de ce droit par l'actionnaire majoritaire ne respecte pas les droits légitimes des autres actionnaires, vu que la préemption a été instituée à sens unique, mentionnant que cette obligation concerne tout associé « hormis la banque ».
Par rapport aux arguments susmentionnés, il apparait clair que les dispositions de l'art.8 alinéa 1 lettre f² sont étroitement liées à l'art.94 de la Loi des sociétés et avec le principe général qui ressort de son contenu analysé ci-dessus.
2. Il convient de remarquer et pas en dernier lieu que la modification des statuts limitant la liberté de céder les actions en mentionnant le droit de préemption, n'est que l'attribut de l'assemblée générale de modifier l'acte constitutif. Néanmoins, le contenu de la modification de l'acte constitutif vise l'exercice du droit concernant les actions et il n'est pas sans importance de remarquer qu'en vertu du principe de la majorité, exprimé en assemblée générale, des avantages sont réservés aux actionnaires majoritaires au détriment des actionnaires minoritaires.
En d'autres termes, la prévision de l'art.8 lettre f² qui oblige d'introduire dans l'acte constitutif « toutes restrictions » concernant le transfert des actions, ne veut pas dire « dans n'importe quelles conditions ».
Ce qui est donc mis en cause, ce n'est donc pas la légalité d'une telle clause restrictive, mais, comme le soutient la requérante, l'exercice de ce droit.
Sont ainsi éliminées aussi les affirmations de la requérante invoquant la légalité de la modification de l'acte constitutif, du fait que différents « organismes habilités » avaient vérifié ces modifications.
III. - La troisième critique est examinée par le prisme de l'application de l'art.1361 de la Loi n°31/1990, approche qui tient compte du principe de la majorité et de l'abus de majorité retenu par l'instance d'appel.
Faisons remarquer que la doctrine aussi bien que la pratique admettent l'idée que l'abus de majorité est une forme de l'abus de droit, qui se manifeste surtout lorsque les décisions de l'assemblée générale des actionnaires sont prises dans l'intention de porter préjudice aux minoritaires contrairement à l'intérêt général.
Si de tels éléments, essentiels pour l'exercice du droit d'instituer une restriction permise par la loi dans la transmission des actions, ne sont pas respectés, est d'avis la requérante, le principe de la majorité oblige la minorité à se soumettre aux décisions de la personne qui détient la majorité du capital social. Il est vrai qu'en vertu du principe de la majorité, comme le soutient la requérante, une certaine présomption est apparue, comme quoi la volonté de la majorité équivaudrait à la volonté sociale. Seulement, comme il ressort de son argumentation, la volonté sociale n'est pas abstraite, elle doit coïncider avec l'intérêt commun des actionnaires, tel qu'il est formulé par le contrat de constitution de la société et l'organisation de dite société.
2. - Dans le même ordre d'idées, il convient de remarquer que l'organisation de la société vise l'égalité de statut juridique des actionnaires, comme il résulte de l'art.94 alinéa 1 de la Loi n° 31/1990 se rapportant aux droits rattachés aux actions. L'égalité de statut juridique ne se rapporte pas à une parfaite égalité de droits, quelle que soit la participation au capital, mais à une égalité de traitement dans l'exercice du droit. C'est ce qui explique pourquoi le principe de la majorité ne crée qu'une présomption dans le sens que la majorité équivaut à la volonté sociale. Concrètement parlant, c'est dans le cadre de la volonté sociale qu'il convient de poursuivre l'intérêt social qui doit, à sont tour, coïncider avec l'intérêt commun des actionnaires.
Au cas contraire, le détournement des fonctions et le principe de la majorité mènent à l'abus de majorité au sein de l'assemblée générale des actionnaires et au préjudice des intérêts légitimes des minoritaires.
L'on peut donc conclure que l'interaction de la volonté individuelle et de celle de la majorité n'entraîne pas inévitablement la défaite de la première, ce qui fait que le principe de la majorité n'est pas une force absolue pouvant être opposée en toute situation.
3. La requérante soutient ne pas avoir commis d'abus de majorité en introduisant l'art.51 dans l'acte constitutif, vu qu'un tel abus est analysé en rapport des droits légaux des actionnaires, droit découlant des actions qu'ils détiennent et non des droits dérivés de conventions qui instituent des droits antérieurement inexistants au patrimoine de l'actionnaire.
L'allégation est irrecevable. La transmission des actions et les restrictions conventionnelles concernant l'exercice de cette transmission dérivent de la qualité d'actionnaire et toute mesure, même impliquant d'éventuels droits futurs concernant le patrimoine de l'actionnaire, vise l'intérêt légitime des actionnaires, se traduisant, en l'espèce, par la reconnaissance du droit de préemption et de la procédure instituée pour valoriser ce droit en faveur des actionnaires qui souhaitent transmettre leurs actions, en respectant les dispositions analysées ci-dessus.
IV. - Pour revenir à la critique d'illégalité par le prisme de l'abus de majorité, dont l'inexistence a été invoquée par la requérante.
L'art.1361 de la Loi n° 31/1990 règle dans le droit des sociétés le principe de l'exercice de bonne foi du droit de propriété des actions. Il convient d'abord de préciser de ce point de vue que la restriction instituée par l'art.51 en assemblée générale concerne l'exercice du droit de propriété. A remarquer en deuxième lieu de voir si l'élément intentionnel d'imposer certaines obligations à la charge de l'actionnaire minoritaire seulement, a vraiment existé, l'actionnaire majoritaire étant favorisé par la mesure prise.
Sous les deux aspects mentionnés, l'on constate que l'abus de majorité a existé, car des obligations excessives, corrélatives au droit de préemption ont été réglementés, à la charge exclusive de l'actionnaire minoritaire et au profit exclusif du majoritaire - (l'on a accordé en ce sens et par la procédure instituée des pouvoirs au directeur de la B.C.R., en outrepassant la volonté de l'actionnaire minoritaire), en enfreignant l'un des attributs du droit de propriété des actions, à savoir le droit d'en disposer.
2. Par l'opposition d'une telle clause, l'on ne saurait retenir que l'actionnaire majoritaire ait exercé ses droits dans l'assemblée générale avec bonne foi et dans le respect des intérêts légitimes de la société et des autres actionnaires. Même si la loi n° 31/1990 ne prévoit pas d'interdictions concernant la position de l'actionnaire majoritaire interdisant l'utilisation de sa position de majoritaire, (comme dans le cas de la loi n°297/2004), les dispositions de l'art. 1361 de la LSC sont suffisantes pour juger du fait que l'actionnaire majoritaire, qui gouverne la société, agit dans l'intérêt de la société et le fait avec bonne foi. Concrètement parlant, cette position de l'actionnaire majoritaire se rapporte aux avantages obtenus en AGEA au détriment des autres actionnaires. Dans ces conditions, la Cour d'appel a correctement procédé par l'arrêt critiqué, en sanctionnant l'abus de droit par l'annulation de la décision de l'AGEA.
3. Pour ce qui est de l'exercice des droits dans l'assemblée générale, la requérante a voulu démontrer que la mauvaise foi dans l'exercice du droit n'a pas été prouvée, vu qu'il n'existe nulle disposition légale qui limite ou conditionne ce droit.
Le raisonnement de la requérante s'appuie sur la nature conventionnelle du droit de préférence à l'achat des actions mises en vente, qui, à son avis, exclut la règle de l'égalité. Elle justifie cette exclusion par le fait que le droit de préférence n'est pas conféré par la qualité d'actionnaire. Cette allégation est écartée. Le droit de propriété des actions et les attributs de ce droit découlent de la qualité d'actionnaire, ce qui fait que toutes les mesures visant ce droit sont liées ou découlent de la qualité d'actionnaire. Dans le cas en espèce, la transmission des actions a été restreinte par l'institution du droit de préemption et des conditions excessives ont été fixées pour l'exercice du droit de préemption, ces conditions étant dirigées dans un seul sens (vers l'actionnaire minoritaire), la position majoritaire étant utilisées à cet effet, ce qui est une manifestation de l'abus de droit, de la position dominante dans la prise des décisions dans la société.
4. Il est erroné de ce point de vue de soutenir que, si l'on prend des mesures conventionnelles restrictives pour la transmission des actions, le principe institué par l'art.94 de la Loi des sociétés commerciales n'est pas opérant. Puisque ces dispositions visent un principe, celui-ci doit être poursuivi dans l'activité de décision de la société pour, justement, équilibrer l'exercice des droits. L'on ne saurait omettre dans ce contexte, que cet « équilibrage » tient autant de l'exercice des droits, dans la prise de mesures en assemblée générale, que du respect des intérêts légitimes des autres actionnaires, ce qui résulte synthétiquement des dispositions de l'art.1361 de cette loi.
Ce n'est donc pas la simple position dominante qui engendre l'abus de droit, mais le non respect des exigences concernant l'exercice des droits.
Vu donc ce qui précède et constatant que la décision de la Cour d'appel était rendue dans l'application correcte de la loi, conformément à l'art. 312 du Code de procédure civile, le recours est rejeté.
V - En ce qui concerne les frais de justice, la Haute Cour applique l'art.274(3) du Code de procédure civile et oblige la requérante au paiement de la somme de 3.000 lei de frais de justice. Cette appréciation tient compte des dispositions susmentionnées, de la réalité de ces frais et de leur caractère raisonnable. (cause G. contre la Roumanie ; S. et autres contre la Roumanie etc.).Notons que la fixation des frais de justice dans les conditions de l'art.274(3) de la LSC ne gêne pas l'exécution du contrat d'assistance juridique, car on diminue le montant des frais de justice sans porter atteinte au rapport juridique engendré par la conclusion du contrat d'assistance dans son intégralité.
PAR CES MOTIFS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:
Rejette le pourvoi déclaré par la plaignante S.C. B.C.R. A. S.A. de BUCAREST contre la décision commerciale n° du 2 février 2009 de la Cour d'appel de Bucarest - Ve section commerciale, comme non fondé.
Oblige la requérante-accusée à 3000 lei de frais de justice.
Définitif.
Rendu en séance publique, ce 11 février 2010.