LA COUR
Vu les présents pourvois,
Vu les travaux du dossier, constate :
Par l'arrêt pénal n°1289 du 10 novembre 2008, rendu par le Tribunal de Bucarest, 1ère section pénale, a été condamné l'inculpé M.V. (fils de T. et de V.) à une peine de prison de 5 ans pour tentative d'infraction de meurtre qualifié, prévu à l'art. 20 rapporté à l'art. 174, art. 175 lettre a), art.176 lettre b) C. pén.
En vertu de l'art 65 C. pén. interdit à l'inculpé l'exercice de ses droits prévus à l'art. 64 lettre d) et e) C. pén., pour une période de 3 ans après l'exécution de sa peine principale.
Maintient la mesure de détention provisoire et déduit la durée de la garde à vue et de la détention provisoire depuis le 18 octobre 2007, à ce jour.
Constate que la partie lésée M.A.L. ne s'est pas constituée partie civile.
En même temps, l'inculpé est obligé de payer la somme de 3204, 9 à la partie civile T.I. et sa demande de dédommagements moraux est rejetée.
Pour prononcer cette décision, l'instance de fond a retenu :
L'inculpé M.V. sont divorcés depuis 2004, une situation conflictuelle permanente les opposant depuis, l'inculpé a menacé son ancienne épouse, aussi bien que la partie civile T.I. (son ami), raison qui leur a fait déposer plusieurs plaintes auprès de la police. Effrayés par l'attitude de l'inculpé, ils ont embauché un garde du corps appartenant à la société A.S.G SRL.
La raison de l'embauche du garde du corps est que l'inculpé avait battu T.I. et l'avait menacé de mort s'il ne mettait un terme à sa relation avec son ancienne épouse.
Le 17 octobre 2007, l'inculpé s'est muni d'un couteau, est allé à l'école fréquentée par sa fille M.D.V., qu'il a utilisée pour pénétrer dans l'appartement de son ancienne épouse, au 6e arrondissement de Bucarest.
L'inculpé a attendu le couple dans l'appartement et dès qu'ils ont franchi le seuil, les a attaqués avec deux couteaux de cuisine. De l'un des couteaux, l'inculpé a frappé T.I. dans la région de la gorge, l'a abattu et lui a porté un autre coup sur la tête, suite à quoi le couteau s'est cassé.
Ensuite, l'inculpé a appliqué à la partie civile d'autres coups avec le manche du couteau et les poings.
En ce moment, la partie lésée M.A.L. a appelé le garde du corps, et, dans ce contexte, l'inculpé a sorti de sa poche un deuxième couteau, a pris son ancienne épouse par les cheveux, l'a attirée vers lui, l'obligeant à se pencher et lui a planté le couteau deux fois dans la région du coeur. C'est le moment où est intervenu le garde du corps N.A.E., qui a fait sortir de l'appartement les parties lésées, a appelé la police et l'ambulance, et a immobilisé l'inculpé.
Selon les rapports d'expertise médico-légale effectués, T . I. a subi des lésions traumatiques qui ont exigé 10-12 jours de soins médicaux, lésions qui n'ont pas mis sa vie en danger, tandis que la partie lésée M.A.L. a présenté des lésions traumatiques, qui ont demandé 16-18 jours de soins médicaux, lésions qui, de même, n'ont pas mis en danger la vie de la victime.
La situation exposée a été établie en vertu des expertises médico-légales, des déclarations de l'inculpé, des déclarations de la partie lésée et de la partie civile, du procès verbal d'enquête établi sur les lieux des faits, des planches photographiques effectuées le 18 octobre 2007, des rapports de constatation technique et scientifique, des dépositions du témoin N.A.E.
Contre cette solution se sont pourvus en appel : le Parquet près le Tribunal de Bucarest, qui critique la sentence de l'instance de fond pour illégalité concernant l'omission d'appliquer à l'inculpé la peine complémentaire de privation des droits prévus à l' art. 64 lettre a), IIe thèse et lettre b) C. pén. et pour jugement infondé, dans le sens s'avoir écarté les circonstances prévues à l'art. 74 - art. 76 C. pén. Par ses conclusions orales, le procureur a demandé de retenir aussi la circonstance aggravante prévue à l'art.75 lettre d) C. pén., la partie civile T.I. - attaquant l'illégalité de la décision, pour ne pas avoir accordé les dédommagements moraux demandé. Vu ce non fondé, elle a demandé que soient écartées les circonstances atténuantes retenues par l'inculpé. Dans son pourvoi, l'inculpé a demandé la diminution de la peine appliquée.
La Cour d'Appel de Bucarest, 1ère section pénale, admet, par l'Arrêt pénal n° 155/A du 18 juin 2008, les pourvois introduits par le Parquet près du Tribunal de Bucarest et par la partie civile T.I., casse partiellement la sentence pénale n° 1289/F du 10 novembre 2008 et majore la peine appliquée à l'inculpé, de 5 ans de prison à 8 ans de prison, privant en même temps l'inculpé des droits prévus à l'art. 64 lettres a), b) et e) C. pén. pour une durée de trois ans.
Par cette même décision l'appel de l'inculpé est rejeté comme non fondé.
Se sont pourvus en cassation contre cette décision le Parquet près la Cour d'appel de Bucarest, la partie civile T.I. et l'inculpé M.V.
Le parquet près la Cour d'Appel de Bucarest a critiqué la décision susmentionnée pour les raisons suivantes :
L'encadrement juridique erroné de l'acte sous rapport de l'omission de retenir les circonstances aggravantes prévues à l'art. 75 lettre d) C. pén. (cas de cassation prévu à l' art. 3859 point 17 C. proc. pén.).
L'individualisation erronée de la peine appliquée à l'inculpé (cas de cassation prévu par l'art. 3859 point 14 C. proc. pén.
Suppression erronée par l'instance d'appel de la peine accessoire et complémentaire, qui consistait en l'interdiction de l'exercice des droits prévus à l'art. 64 lettre d) C pén. ( cas de cassation prévu par l'art. 3859 point 171 C. proc. pén.
Omission d'appliquer les dispositions de l'art. 118 C. pén. concernant les deux couteaux utilisés pour commettre l'acte (cas de cassation prévu par l'art. 3851 point 171 C proc. pén.
La partie civile T.I. n'a pas indiqué par écrit les raisons de son pourvoi et ne s'est pas présentée à la date fixée pour solution de la cause.
L'inculpé a sollicité dans son pourvoi une nouvelle individualisation de sa peine, estimant que la sanction appliquée par l'instance d'appel était trop lourde.
Ayant examiné la décision demandée en rapport des raisons invoquées, ainsi que d'office, la Haute Cour constate que le pourvoi du Parquet près la Haute Cour de Cassation et Justice auprès de la Cour d'Appel de Bucarest, était fondé uniquement en ce qui concerne l'omission d'appliquer les dispositions de l' art. 118 lettre b) C. pén., tandis que les autres raisons de pourvoi invoqués par le parquet, la partie civile et l'inculpé étaient non fondées.
L'instance de fond et celle de contrôle judiciaire avaient établi correctement la situation de fait et l'encadrement juridique, sur la base des preuves administrées dans la phase des poursuites pénales et de l'instruction judiciaire.
L'acte commis par l'inculpé qui, le 17 octobre 2007, avait appliqué avec préméditation aux parties lésées M.A.L. et T.I. plusieurs coups avec deux couteaux, réunit les éléments constitutifs de la tentative d'infraction de meurtre qualifié et particulièrement aggravé, prévue à l' art. 20, rapporté à l'art 174 - art. 175 lettre a), art. 176 lettre b) C. pén.
Bien que l'instance d'appel n'ait pas motivé de ne pas avoir retenu la circonstance aggravante prévue à l'art. 75 lettre d) C. pén. (premier motif de pourvoi invoqué par le parquet), la Haute Cour constate que ceci devait nécessairement faire partie de l'encadrement juridique de l'acte.
La bassesse des raisons d'infraction est donnée par des impulsions intérieures, contraires à la morale, qui supposent une conscience attardée, dangereuse par la possibilité manifeste de l'infracteur à commettre des actes antisociaux.
C'est l'instance qui juge de la bassesse des motifs, car il ne s'agit pas là du mobile, qui fait partie du contenu légal de l'infraction en sa forme de base ou aggravée.
Cette circonstance aggravante ne peut cependant être retenue, lorsqu'elle constitue, aux côtés d'autres circonstances, la base de l'encadrement juridique d'une forme qualifiée de tentative de meurtre.
Or , dans cette espèce, le fait que l'inculpé en proie à une jalousie exacerbée (le rapport d'expertise médico-légale psychiatrique a établi que l'inculpé présentait, entre autres, le diagnostic de « délire de jalousie ») et visant la vengeance, ait pris la décision de tuer les victimes, ait réfléchi sur cette décision et ait préparé les couteaux, ait organisé sa pénétration dans l'appartement de son ancienne épouse, tous ces faits donc ont été retenus comme circonstances caractérisant la préméditation.
Comme les mêmes circonstances ne sauraient constituer à la fois la base de la forme qualifiée de l'infraction et une circonstance aggravante, les dispositions de l'art. 75 lettre d) ne peuvent être appliquées en même temps.
Cette circonstance aggravante ne sera donc pas retenue si le meurtre a été commis dans les conditions de l' art. 175 lettre a) (avec préméditation, circonstance aggravante retenue par l'instance de fond et confirmée par l'instance d'appel) ou l'art. 175 lettre b) (pour un intérêt matériel), respectivement l'art. 176 lettre d) (pour commettre ou cacher un pillage ou un acte de piraterie) , car il donne alors son efficacité implicite à la bassesse des motifs.
Pour ce qui de la non application des peines accessoires et complémentaires, consistant en l'interdiction des droits parentaux, la Haute Cour constate que cette interdiction ne s'imposait pas.
La peine complémentaire de privation des droits parentaux ne peut être prononcée que si l'on constate un lien entre l'infraction commise et la qualité de parent de l'inculpé, dans le sens que l'acte commis mette en évidence que l'ascendant serait indigne d'exercer ses droits parentaux, ce qui n'est pas le cas dans cette espèce.
Il ressort au contraire des preuves administrées (voir le questionnaire psychologique, l'examen de la personnalité de l'inculpé effectué le 12 novembre 2007) qu'une affection réciproque existait entre l'inculpé et sa fille, l'inculpé devenant agressif à partir du moment où il ne pouvait plus avoir de relations avec sa fille, du fait du procès de divorce.
La peine accessoire de le priver de ces droits, qui serait une ingérence dans l'exercice de sa vie privée et de la vie de famille, est appliquée conformément à l'art. 8 de la Convention européenne des droits de l' homme, au cas où l'instance constate qu'en rapport au type d'infraction commise par l'inculpé, sa conduite et l'intérêt du mineur, la limitation de l'exercice de ce droit de l'inculpé, pendant la durée d'exécution de la peine privative de liberté, est une mesure nécessaire pour protéger le mineur et qu'elle poursuit de ce fait un but légitime.
Dans les conditions où avait lieu l'acte commis par l'inculpé, sans nulle implication concernant la mineure M.D.V., la privation de l'exercice des droits prévus à l'art. 64 lettre d) C. pén. n'est pas une mesure nécessaire, ce qui fait que l'instance d'appel a eu raison de ne pas l'appliquer.
Pour ce qui est de l'individualisation de la peine appliquée à l'inculpé, circonstance pour laquelle la décision est attaquée par le parquet et par l'inculpé, la Haute Cour constate que l'instance d'appel a justement individualisé la sanction pénale, tant sous rapport de sa nature et de son montant, que du point de vue de la modalité d'exécution, dans le respect des critères généraux prévus à l'art. 72 C.pén.
Conformément à l'art. 52 C. pén. , la peine est une mesure contraignante et un moyen de rééducation du condamné, afin de prévenir les infractions.
En tant que mesure contraignante, la peine a, en plus de son rôle répressif, une finalité d'exemple, concrétisant la réprobation légale et judiciaire, tant pour ce qui est de l'acte pénal commis, qu'en ce qui concerne le comportement de l'auteur de l'acte. C'est pourquoi la peine et la modalité d'exécution de celle-ci doivent être individualisées de manière à ce que l'inculpé comprenne la nécessité de respecter la loi pénale et d'éviter à l'avenir de commettre des actes pénaux.
L'instance d'appel a éliminé à juste titre les circonstances atténuantes retenues par l'instance de fond, a tenu compte de la modalité d'exécution de l'acte, de son caractère prémédité et du fait que la vie de deux personnes a été mise en danger et elle a appliqué une peine dépassant la limite inférieure du texte, prévoyant la sanction, estimant qu'une peine de 8 ans de prison répondait aux critères prévus par les dispositions de l'art.52 et de l'art 72 C. pén., tandis qu'une peine orientée vers le maximum spécial de 12 ans et 6 mois prévu par la loi pour l'infraction commise, comme le demande le parquet, ne répondrait pas au double but de la sanction pénale (but coercitif et de prévention éducative).
La Haute Cour estime en même temps que la sollicitation de l'inculpé requérant de réduire la peine appliquée par l'instance d'appel n'était pas plus justifiée, vu que les circonstances concernant l'absence d'antécédents pénaux, son attitude à l'égard de l'acte commis, son comportement au sein de la communauté avaient déjà été analysées en tant que circonstances personnelles, que l'instance d'appel avait prises en ligne de compte pour le dosage de la sanction.
La peine appliquée à l'inculpé a donc été bien individualisée, ce qui fait que les critiques présentées à l'instance d'appel sont non fondées.
Le pourvoi de la partie civile T.I., non motivé par écrit et non soutenu, est rejeté.
Comme il résulte des documents figurant au dossier, l'inculpé est obligé au paiement de la somme de 3204, 90 lei, au titre de dédommagements civils prouvés, tandis que les dédommagements moraux n' ont pas été accordés, vu que la partie civile ne s'est pas présentée en instance pour démontrer les éventuelles souffrances psychiques subies.
Le recours du Parquet près la Haute Cour de cassation et justice, auprès de la Cour d'Appel de Bucarest est fondé en ce qui concerne l'omission des instances de disposer de la confiscation des couteaux- corps du délit.
Il résulte du procès verbal d'enquête sur les lieux de l'acte que dans l'appartement où avait eu lieu la tentative de meurtre, on a retrouvé le manche d'un couteau de couleur marron et une lame de couteau de 20 cm de long et 3 cm de large, comportant des traces de sang, ainsi qu'un couteau de cuisine au manche en matière plastique noire, sur la lame duquel ont également été identifiées des taches de sang.
Ces objets ont été emportés par les organes de poursuite pénale et photographiés comme on le voit sur la planche photo.
Vu cette circonstance, l'instance d'appel a retenu à tort qu'il ne fallait pas appliquer l' art. 118 lettre b) C. pén.
Or, les preuves administrées confirment que la partie lésée T. I. a été frappée avec le couteau au manche de couleur marron, dont la lame s'est rompue durant l'agression, tandis que la partie lésée M.A.L. a été blessée avec le couteau au manche en matière plastique de couleur noire.
Conformément à l'art. 118 lettre b) C. pén. les biens utilisés de quelle manière que ce soit pour commettre une infraction, qu'ils appartiennent à l'infracteur ou ont appartenu à une autre personne, celle-ci ayant connu le but de leur utilisation, ces biens sont soumis à une confiscation spéciale.
Par rapport aux considérations ci-dessus exposées, l'application des dispositions de l' art. 118 lettre b) C. pén. s'impose, tout comme la confiscation des couteaux - corps du délit.
Le pourvoi déclaré par le Parquet près la Cour d'Appel de Bucarest est donc admis uniquement au sujet de l'omission d'appliquer l' 118 lettre b) C.pén., tandis que les pourvois introduits par l'inculpé et la partie civile sont rejetés comme infondés, en vertu de l'art. 38515 point 1 lettre b) C. proc. pén.
La cour tient compte de la période de garde à vue et d'arrestation préventive de l'inculpé et, par l'art. 192 alin. (2) C.proc. pén. oblige l'inculpé requérant et la partie civile à des frais de justice envers l'Etat.
PAR CES MOTIFS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT :
Admet le pourvoi introduit par le Parquet près la Cour d'Appel de Bucarest contre la Sentence pénale n° 155/A du 18 juin 2009 de la Cour d'Appel de Bucarest, 1ère section pénale, concernant l'inculpé M.V.
Casse la décision pénale susmentionnée et la sentence pénale n° 1289/ F du 10 novembre 2008 du Tribunal de Bucarest, 1ère section pénale, uniquement pour ce qui est de l'omission d'appliquer les dispositions de l' art. 118 alin. (1) lettre b) C.pén.
Décide, en vertu des dispositions de l'art. 118 alin. (1) lettre b) C. pén, de la confiscation des couteaux - corps du délit.
Rejette comme infondés les pourvois introduits par l'inculpé M.V. et la partie civile T.I. contre ces mêmes décisions pénales.
Déduit de la peine appliquée à l'inculpé le temps de la garde à vue et de son arrestation provisoire, du 18 octobre 2007 au 22 septembre 2009.
Oblige l'inculpé requérant à payer à l'Etat la somme de 400 lei comme frais de justice, dont 200 lei, représentant l'honoraire du défenseur d'office, qui seront avancés sur les fonds du M.J.L.C.
Oblige la partie civile requérante à payer à l'Etat la somme de 50 lei de frais de justice.
Définitif.
Rendu en audience publique, en ce 22 septembre 2009.