Le 1er mars 2006, on a examiné le pourvoi en cassation formé par la Société Roumaine de Télévision contre l'arrêt civil no.1720 du 20 octobre 2005 de la Cour d'Appel de Bucarest - la VIIIème Chambre de contentieux administratif et fiscal.
Les débats ont été consignés dans la minute du 1er mars 2006 et la prononciation de la décision s'est ajournée pour le 6 mars 2006.
LA COUR
Vu le présent pourvoi en cassation,
Vu les travaux du dossier, constate:
Par la demande enregistrée à la Cour d'Appel de Bucarest - la VIIIème Chambre de contentieux administratif et fiscal, la Société Roumaine de Télévision s'est pourvue en cassation contre l'arrêt civil no.1720 du 20 octobre 2005, rendu par la Cour d'Appel de Bucarest - la VIIIème Chambre de contentieux administratif et fiscal par lequel a été rejetée comme mal fondé l'exception d'illégalité des dispositions de l'art.5 alinéa 1 de l'Arrêté du Gouvernement no.769/2004, exception soulevée par la défenderesse la Société Roumaine de Télévision, en contradictoire avec la demanderesse, l'Union des Compositeurs et des Musicologues de la Roumanie - l'Association pour les Droits des Auteurs.
Dans la motivation de la demande de pourvoi en cassation, on soutient que l'instance de fond a errée en droit en appréciant que l'exception est irrecevable.
La Société Roumaine de Télévision a soulevé l'exception d'illégalité relative à l'art.5 de l'Arrêté du Gouvernement no.769/1999, parce que, pour la détermination de la base de calcul de la rémunération qui devrait être payée vers U.C.R.M. - ADA (organisme de gestion collective des ouvrages musicales) comme la totalité des revenus bruts mensuels, transgresse les dispositions des art.43, 71, 131, 133 et 134 de la Loi no.8/1996 qui établissent que la rémunération se calcule sur les encaissements bruts qui proviennent de l'exploitation de l'ouvrage.
La demanderesse a précisé que la Cour d'Appel de Bucarest a rejeté l'exception soulevée, en motivant que les art.43 et 71 de la Loi no.8/1996 n'ont pas liaison avec l'objet de l'espèce - la rémunération due vers les organismes de gestion collective - et les art.131, 133 et 134 de la loi, applicables dans l'espèce, prévoient que la rémunération est établie en fonction des encaissements prévus de l'exploitation de l'ouvre.
La recourante précise aussi que par l'arrêt attaqué, l'instance a précisé que pour un juste calcul de la rémunération, il est nécessaire la modification de la Loi no.8/1996, pour être d'accord avec la législation européenne, aspect qui n'entre pas dans la compétence de l'instance judiciaire.
La demanderesse a invoqué le fait que la méthodologie, annexée à l'Arrêté du Gouvernement no.769/1999 et qui fait partie de l'Arrêté du Gouvernement, ne représente un acte normatif émis par le législateur et ni même par l'exécutif, mais, il est une convention entre les parties, respectivement les utilisateurs et l'organisme de gestion collective des ouvres musicales, convention qui est intervenue à la suite des négociations qui ont eu lieu conformément à l'art.131 alinéa 1-4 de la Loi no8/1996 (ainsi comme il est prévu dans le préambule de l'Arrêté du gouvernement susmentionné) et qui en conformité avec l'art.131 alinéa 5 de la Loi no.8/1996 a été approuvée par le Gouvernement par cet arrêté.
On a invoqué à l'aide de l'exception d'illégalité de l'Arrêté du Gouvernement no.769/1999, le fait que la méthodologie invoquée contrevient au principe de la proportionnalité entre la rémunération due au titulaire des droits d'auteur sur les ouvres musicales et les revenus obtenus à la suite de l'utilisation de leurs ouvres, la totalité des revenus bruts mensuels des utilisateurs et non, comme il est normal, «seulement aux ceux obtenus de l'utilisation des ouvres musicales qui constituent le répertoire de l'organisme de gestion collective».
Il est relevant de voir que, antérieurement à l'émission de l'Arrêté du Gouvernement no.769/1999, la Société Roumaine de la Télévision n'a pas été consultée. La procédure de négociation prévue par l'art.131 de la Loi no.8/1996 dans sa forme antérieure à la modification apportée par la Loi no.285/2004, imposait une négociation préalable aux méthodologies d'établissement des droits des organismes de gestion collectif, et, s'il existait la possibilité de ne s'entendre pas par un accord (situation de l'espèce), l'Office roumain des Droits d'Auteur (l'O.R.D.A.) analysait les points de vue des parties et établissait une méthodologie qui sera soumise pour l'approbation au Gouvernement; l'arrêté du gouvernement deviendra obligatoire y compris pour les parties qui n'ont pas participées à la négociation. Donc, l'arrêté du gouvernement n'est pas le résultat de la volonté des parties.
La recourante a soutenu aussi que, d'une manière erronée, dans la solution de l'exception soulevée dans l'espèce, l'instance n'a pas fait une interprétation systématique - téléologique de la Loi no.8/1996.
Ainsi, on n'a pas eu en vue que l'objet de la réglementation de la Loi no.8/1996 concerne le paiement des droits patrimoniaux dus aux titulaires des droits d'auteur, dans l'espèce, les auteurs d'ouvres musicales créées sur la base des contrats conclus individuellement avec les utilisateurs, ou sur la base du mandat donné à une organisme de gestion collective qui collectent ces droits.
Donc, il apparaît un moyen de calcul de la rémunération différent, par rapport à la valorisation des ouvres, soit individuellement, soit par l'intermédiaire des organismes de gestion collective, la valeur de la prestation restant identique, sans modifications, donc on ne change pas la valeur patrimoniale du droit de l'auteur.
Le recourant a invoqué l'art.43 de la Loi no.8/1996 qui établit le principe de la proportionnalité de la rémunération due aux auteurs d'ouvres musicales, avec les encaissements obtenus par le cessionnaire ainsi autorisé de l'utilisation de l'ouvre.
On souligne aussi le principe de la proportionnalité, de l'équilibre entre les contreprestations, tel comme il en résulte du droit civil; ils sont institués même des mécanismes comme paiement de l'indu ou de l'enrichissement sans cause par lesquels on peut écarter les conséquences de l'augmentation du patrimoine d'une autre personne basée sur la diminution du patrimoine d'une personne sans exister une juste liaison juridique entre les deux personnes.
On invoque l'art.71 alinéa 1 de la Loi no.8/1996, qui réglemente la rémunération due aux producteurs d'ouvres audio-visuelles, comme titulaires de droits patrimoniaux d'auteur et, qui, prévoit:«à défaut d'une convention contraire, la rémunération pour chaque modalité d'exploitation de l'ouvre audio-visuelle est proportionnelle avec les encaissements bruts résultés de l'exploitation».
On invoque aussi l'art.133 de la Loi no.8/1996 et on a soutenu comme complètement inéquitable le fait que la rémunération payée par l'organisme de télévision inclut une partie de ses revenus obtenus de la radiodiffusion des certaines émissions - des programmes (des bulletins d'information, des émissions sportives, politiques, talk-show) auxquels les auteurs d'ouvres musicales du répertoire géré collectivement n'ont contribué avec rien pour le motif que la rémunération n'inclut pas comme apport ces ouvres musicales protégées.
La demanderesse a invoqué aussi le communiqué du Conseil National de l'Audiovisuel no.8403 du 30 juin 2005, où on précise qu'il n'est pas équitable qu'une partie importante des revenus réalisés des télévisions, postes de radio et société de câble par la diffusion des programmes qui ne contiennent pas des ouvres portant des droits d'auteur qui se trouvent dans le répertoire des sociétés de gestion collective (des talk-show, des émissions informatives, des débats, des transmissions sportives) soient dirigées vers les sociétés de gestion collective.
De même, on a invoqué l'adresse C/4917 du 18 juillet 2005, qui précise que les revenus obtenus par les utilisateurs dans l'activité qui utilise le répertoire de l'alinéa 2 de l'art.1311 de la Loi no.8/1996 sont effectivement seulement les revenus qui proviennent de l'utilisation des ouvres musicales, qui se trouvent dans le répertoire protégé et géré par U.C.M.R. - ADA.
On mentionne, de même, que le législateur, par la modification de la Loi no.8/1996 - la Loi no.285/2004, tout comme par l'Ordonnance d'Urgence du Gouvernement no.123/2005 a clarifié le principe de la proportionnalité de la rémunération avec les revenus réalisés de l'utilisation de l'ouvre musicale dans les programmes de télévision et a changé le syntagme «des encaissements bruts de l'exploitation» avec des revenus obtenus par les utilisateurs de l'activité qui utilise le répertoire (art.1311 alinéa 2).
On invoque le fait que l'interprétation de la Loi no.8/1996 doit se faire dans l'esprit européen, ayant en vue qu'elle est, en fait, en grande partie empruntée de la législation européenne et qu'il est nécessaire que la jurisprudence roumaine soit adaptée à celle de l'Union Européenne.
Au ce sens, on fait référence à l'arrêt de la Cour Européenne de Justice à l'affaire C/254/00 concernant «le concept de rémunération équitable», à l'art.8 (2) de la Directive no.12/100/EC et à l'arrêt de la Cour Européenne de Justice (Marleasing SA contre La Commercial International de Alimentation - 1992 CMLR 305) qui établit que, lorsqu'on applique les lois nationales, une cour nationale de justice doit les interpréter, autant possible, dans la lumière de la formulation et des buts de la directive, même si la loi nationale a été émise avant ou après la directive.
On invoque aussi l'arrêt C-245/00 de la Cour Européenne de Justice, qui a établi que «pour le calcul de la somme afférente à la rémunération équitable pour les artistes interprètes et exécutants et les producteurs des phonogrammes on tient compte de certains facteurs variables, excluant, expressément, l'idée de l'établissement du fondement de calcul de la rémunération comme une totalité des revenus de l'utilisateur.».
Par le mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2006, la défenderesse a sollicité le rejet du pourvoi, soutenant que l'Arrêté du Gouvernement attaqué avec l'exception d'illégalité est un acte «bilatéral» et ne peut pas faire l'objet de l'exception d'illégalité.
On soutient aussi qu'on ne peut pas invoquer un principe de la proportionnalité mais, au contraire, de la disponibilité, laissant la liberté complète concernant la modalité de détermination du quantum des rémunérations.
En ce qui concerne les directives européennes invoquées par la demanderesse, la défenderesse soutient qu'elles ne peuvent pas constituer, à présent, source de droit en Roumanie et, en ce qui concerne les interprétations données par C.N.A. et le Conseil Législatif, les deux notices invoquées par la demanderesse ne peuvent pas être prises en considération, parce que ces organismes ne peuvent pas faire des interprétations sur les lois.
Vu les documents de l'affaire, la Haute Cour de Cassation et de Justice constate que par l'arrêt no.1720 du 20 octobre 2005, la Cour d'Appel de Bucarest - la VIIIème Chambre de contentieux administratif et fiscal a rejeté comme mal fondée l'exception d'illégalité des dispositions de l'art.5 alinéa 1 de l'Arrêté du Gouvernement no.769/2004 soulevée par la défenderesse la Société Roumaine de Télévision, en contradictoire avec l'Union des Compositeurs et des Musicologues de la Roumanie - l'Association pour les Droits d'Auteur.
L'instance a retenu que les dispositions du point 5 de l'annexe 1 de l'Arrêté du Gouvernement no.769/2004 sont légales, par rapport aux dispositions de la Loi no.8/1996. De même, celles-ci font référence au fondement de calcul de la rémunération représentant les droits patrimoniaux des auteurs d'ouvres musicales et que les dispositions de l'art.43 et de l'art.71 de la Loi no.8/1995 ne s'appliquent pas dans l'espèce, celles-ci se réfèrent à la cession des droits patrimoniaux de l'auteur et, respectivement, aux dispositions spéciales - ouvres cinématographiques et d'autres ouvres audiovisuelles.
On retient aussi que l'instance dit que seulement les dispositions des art.131, 133 et 134 ont liaison dans l'espèce et elles se référent au fonctionnement des organismes de gestion collective et la rémunération s'établit par rapport aux encaissements bruts et non pas par rapport aux encaissements bruts prévus de l'exploitation de l'ouvre, tel comme il est prévu par les art.43 et 71, qui ne s'appliquent pas dans l'espèce.
La Haute Cour de Cassation et de Justice constate que l'arrêt de l'instance de fond est illégal et mal fondé et admettra le pourvoi formé dans l'espèce et modifiera l'arrêt attaqué, en admettant l'exception soulevée.
L'exception d'illégalité soulevée concerne les dispositions de l'art.5 de l'Arrêté du Gouvernement no.769/1999 par rapport à la Loi no.8/1996.
Il faut préciser que l'Arrêté du Gouvernement est un acte administratif unilatéral, émis par une autorité centrale administrative, et, le fait que certaines précisions de l'acte administratif normatif sont le fruit des «négociations» préalables à l'émission de l'acte, des autorités intéressées, ne change pas le caractère de l'acte administratif comme acte unilatéral émis dans l'exercice des attributions du Gouvernement dans les limites des prérogatives du pouvoir exécutif, ainsi comme elle sont établies par la Constitution et la loi d'organisation du Gouvernement.
Donc, l'exception d'illégalité ne peut pas être considérée «irrecevable», tel comme il réclame la défenderesse, qui soutient que l'Arrête du Gouvernement est un «acte bilatérale».
Vu le fond de l'exception, il faut observer que ce que représente le litige entre les parties est la modalité de calcul de la rémunération, la demanderesse soutenant la rémunération proportionnelle avec les encaissements provenus de l'exploitation de l'ouvre et la défenderesse, par rapport à la totalité des revenus bruts mensuels de l'utilisation. Dans l'espèce, la demanderesse- T.V.R.- a soutenu que, auprès les émissions qui contiennent de la musique, on transmet des émissions d'information, des débats politiques, des émissions sportifs, talk-show, parce qu'il s'agit de la télévision nationale et il est inéquitable d'être obligé à payer à l'autorité de gestion collective la rémunération par rapport à la totalité des revenus bruts mensuels au lieu du calcul des revenus réalisés de la diffusion des émissions qui contiennent de la musique.
À l'art.1 de l'Arrêté du Gouvernement no.769 du 20.09.1999, on prévoit que : «on approuve les méthodologies concernant l'utilisation du répertoire des ouvres musicales des autorités de gestion collective des droits de l'auteur, tout comme les tableaux qui comprennent les droits patrimoniaux dus aux auteurs qui sont prévus dans les annexes 1-3 qui font partie intégrante de l'arrêté.».
L'art.71 de la Loi no.8 du 14 mars 1996 (l'ancienne forme de
la loi) et l'art.71 de la Loi no.8/1996 actualisée le 28.12.2005 réglementent, expressément, tel comme il résulte du contenu du texte, la rémunération par rapport à l'utilisation de l'ouvre audiovisuelle, proportionnellement avec les encaissements brutes réalisées de l'utilisation de l'ouvre (donc, effectivement de l'utilisation de l'ouvre).
Donc, on ne peut pas soutenir qu'il n'existe pas une contradiction entre l'Arrêté du Gouvernement attaqué avec l'exception d'illégalité et la Loi no.8/1996 modifiée, qui atteste le calcul de la rémunération par rapport à l'utilisation de l'ouvre, avec des références aux revenus bruts de l'utilisation et non pas avec des références à la valeur brute totale des revenus de l'utilisateur.
D'ailleurs, dans le contenu de cette conclusion se trouve l'art.43 de la Loi no.8/1996, quoiqu' elle se réfère à la concession, la modalité de calcul restant la même.
La circonstance que la législation européenne prévoit le principe de la proportionnalité entre la rémunération due au titulaire des droits de l'auteur sur les ouvres musicales et les revenus obtenus à la suite de l'utilisation des ouvres musicales par les autorités de la télévision, comme les deux notices invoquées par le recourant dans l'espèce, sont de réelles points de support pour une conduite concernant une affaire, comme cet espèce, même s'ils ne sont pas «source de droit», tel comme soutient la défenderesse.
Vu ces aspects, l'arrêt attaqué sera cassé conformément à l'art.312 du Code de procédure civile en admettant l'exception d'illégalité soulevée.
PAR CES MOTIFS
AU NOM DE LA LOI
LA COUR DIT:
Admet le pourvoi formé par la Société Roumaine de Télévision contre l'arrêt civil no.1720 du 20 octobre 2005 de la Cour d'Appel de Bucarest - la VIIIème Chambre de contentieux administratif et fiscal.
Casse l'arrêt attaqué et admet l'exception d'illégalité du point 5 de l'Annexe no.1 de l'Arrêté du Gouvernement no.769/1999, par rapport aux dispositions de la Loi no.8/1996.
Rendu en audience publique, aujourd'hui le 6 mars 2006.