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08/12/2003 | MAROC | N°S555

Maroc | Maroc, Cour suprême, 08 décembre 2003, S555


Texte (pseudonymisé)
Arrêt n° 555
Du 8/12/2003
Dossier n° 596/2/2/95
Acte d'aumône - son inscription sur le registre foncier-cette inscription est une prise juridique de possession(oui)-
- Lorsqu'en droit musulman ,le législateur a posé comme condition pour la validité des actes de libéralité, la prise de possession ,il visait le transfert de la propriété du bien objet de l'aumône des mains du donateur aux mains du donataire, il s'en suit alors que l'inscription de l'acte d'aumône sur les registres fonciers répond à ce souci d'une manière qui garantit les droits du donataire-
-Ainsi,

l'inscription de l'acte d'aumône sur le registre foncier est considérée comme...

Arrêt n° 555
Du 8/12/2003
Dossier n° 596/2/2/95
Acte d'aumône - son inscription sur le registre foncier-cette inscription est une prise juridique de possession(oui)-
- Lorsqu'en droit musulman ,le législateur a posé comme condition pour la validité des actes de libéralité, la prise de possession ,il visait le transfert de la propriété du bien objet de l'aumône des mains du donateur aux mains du donataire, il s'en suit alors que l'inscription de l'acte d'aumône sur les registres fonciers répond à ce souci d'une manière qui garantit les droits du donataire-
-Ainsi, l'inscription de l'acte d'aumône sur le registre foncier est considérée comme une prise juridique de possession d'une manière légale et incontestable qui dispense sa constation de visu par des adouls et de l'éviction du bien objet de l'aumône ou prouver la prise de possession par n'importe quel autre moyen.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour, toutes chambres réunies,
Après délibérations conformément à la loi,
Attendu qu'il résulte de l'étude du dossier et de l'arrêt objet du pourvoi en cassation n° 325 rendu par la cour d'appel de casablanca le 8/3/95 dossier 758/94 que les nommés AH Ah, Aa Al et Ak ont déposé le 22-7-91 auprès du tribunal de première instance de Mohammedia, une requête introductive d'instance où ils exposent que leur de cujus AH Ag Ae avait légué parmi le patrimoine successoral, un terrain objet du titre foncier 37140/s d'une superficie de 740 m2 sur lequel est construite sur une superficie de 130 m2 ,une villa à deux étages, le reste constitue le jardin et lorsqu'ils ont voulu inscrire leurs droits successoraux sur les registres fonciers, ils furent surpris par l'inscription sur ces registres d'un acte d'aumône n° 292 en date du 23-3-88 par AH Ad et Ap et demandent par conséquent au tribunal d'annuler cet acte ainsi que sa radiation des registres fonciers et ont joint à leur requête ,copie de l'acte d'hérédité copie de l'acte successoral et de l'acte d'aumône; après réponse des défendeurs et clôture de la procédure, le tribunal a rendu son jugement rejetant la demande des intéressés décision qui après appel a été confirmée par la cour d'appel au motif que l'inscription de l'acte d'aumône sur les registres fonciers dispense de la prise effective de possession car elle est plus sûre, cet arrêt a fait l'objet d'un pouvoir en cassation par les appelants.
En ce qui concerne le 1er et le 4eme moyen réunis, tirés de la violation du règlement intérieur et de la violation d'une règle de procédure ayant porté atteinte aux intérêt des demandeurs au pourvoi, de la dénaturation d'une pièce, du manque de base légale et défaut de motif en ce sens qu'on ne peut considérer la prise de possession visée par l'arrêt attaqué comme une prise de possession légale en matière d'aumône parce que dans le cas d'espèce, c'est le donateur qui a pris possession au lieu et place des donataires alors qu'il n'est ni leur tuteur légal , ni leur tuteur testamentaire ni leur tuteur datif, au surplus, le donataire AH Ad a atteint l'âge de la majorité le jour de la donation suivant son extrait d'acte de naissance versé au dossier et ainsi, lorsque la cour a considéré cette prise de possession comme légale, elle n'a pas fait bonne application de la loi car elle a dénaturé les faits et le contenu de l'acte d'aumône en ce qui concerne l'âge du donataire d'où il résulte que son arrêt n'est pas motivé ce qui l'expose à la cassation.
En ce qui concerne le 2,le 3 et le 5 moyen réunis tirés de la violation du règlement intérieur , de la violation d'une règle de procédure ayant porté atteinte aux intérêts des demandeurs au pourvoi, dénaturation d'une pièce, manque de base légale et défaut de motif en ce sens qu'on ne peut dire que l'inscription de l'acte d'aumône sur les registres fonciers est considérée comme une prise de possession qui dispense de la prise de possession effective car ceci n'est toléré ni par le droit musulman ni par le droit positif et lorsque l'article 66 du dahir sur l'immatriculation des immeubles stipule que«tout droit réel relatif à un immeuble immatriculé n'existe, à l'égard des tiers, que par le fait et du jour de son inscription sur le titre par le conservateur de la propriété foncière, ceci vise le cas où il s'agit d'un droit légitime incontestable et conforme à la loi; mais à partir du moment où l'aumône en question n'est pas valable car elle ne remplit pas les conditions de sa validité qui est la prise de possession surtout que les demandeurs au pourvoi ont versé au dossier un acte adoulaire n°111 où les témoins attestent que le donateur n'a jamais quitté la villa objet d'aumône jusqu'à sa mort alors que les adouls doivent se rendre sur les lieux pour constater de visu l'éviction de la dite villa par le donateur et de tous ses biens meubles et autres objets personnels et qu'il n'y est plus retourné comme il est cité chez Ibn Af dans son ouvrage la TOUHFA:(Si l'objet de l'aumône est la demeure du donateur son éviction de celle-ci est obligatoire)en conséquence, la déclaration visée dans l'acte d'aumône par le donateur comme quoi il a vidé les lieux de sa personne et de ses biens au moment où il en a pris possession au lieu et place des donataires ne dispense pas de la constation par des adouls de cette éviction parce qu'il s'agit là d'une condition de validité de l'aumône, par ailleurs, si l'occupation d'une superficie inférieure au tiers du bien objet de l'aumône par le donateur n'affecte en rien la validité de celle-ci comme l'affirme CHEIKH KHALIL ( l'un des docteurs les plus réputés du rite malikite);«Est valable sans tradition, la donation faite par un père à son enfant ou par un tuteur à son pupille ou à un interdit et que néanmoins, si la donation a pour objet une chose dont l'identité ne puisse être reconnue le dessaisissement du tuteur est nécessaire, lors même que la chose serait placée sous scellés et qu'il en est de même à l'égard de la maison habitée par le tuteur sauf s'il occupe la moindre partie.etc»;ceci concerne l'aumône faite par le père au profit de son fils ou son pupille et non à un tiers comme dans le cas d'espèce, il s'en suit donc que lorsque l'arrêt a distingué entre la maison et le jardin y attenant la cour a abusé de son autorité et de son évaluation des circonstances de cette affaire car le donateur a continué à habiter la villa objet d'aumône et de son jardin et lorsque la cour a considéré que l'inscription de l'acte d'aumône sur le registre foncier n°37140 avant tout empêchement juridique dispense de la prise effective de la prise de possession vu que cette inscription est sûre, elle a violé la loi et en a donné une fausse interprétation, d'où il résulte que son arrêt n'est pas motivé ce qui l'expose à la cassation;
Or, attendu qu'en réponse à tout ce qui a été soulevé dans tous les moyens réunis, et à partir du moment où il résulte des pièces du dossier qu'il est prouvé surtout par le conservateur de la propriété foncière de Ai Aj que les défendeurs au pourvoi avaient inscrit l'acte d'aumône (n° 292 -page 434 du registre n°3 des successions, daté du 23/3/ 58 ) sur le titre foncier n°37140 concernant la villa objet de cette libéralité à leur profit et ce du vivant du donateur BOUSLIME Ali ben Slimane, cette inscription est considérée en elle même une prise juridique de possession qui dispense de sa constation de visu par les adouls et de l'éviction de la villa objet de l'aumône ou de la prouver par n'importe quel autre moyen tant que cette inscription opère le transfert de la propriété et de la prise de possession du bien objet d'aumône des mains du donateur aux mains des donataires et ce d'une manière légale et incontestable qui permet aux bénéficiaires d'user du dit bien sans contestation, il s'en suit que cette aumône est effective au profit des donataires et des tiers surtout que le fait que le donateur a personnellement entrepris les démarches nécessaires pour l'inscription de l'acte d'aumône auprès de la conservation foncière est considéré comme une exécution de celui-ci comme il est connu que cette exécution par les soins du donateur, renforce la validité de cette libéralité vis à vis de lui même et vis à vis d'autrui à moins qu'il s'agisse d'une instance fictive, quant à l'acceptation de cette aumône par le donateur (dont il est l'auteur) au lieu et place du donataire AH Ad Ab Ao qui au moment de l'aumône venait d'atteindre l'âge de la majorité, ceci ne peut être une cause de sa nullité tant que ce dernier a affirmé devant les juges du fond qu'il tient à cette aumône dont l'acte est effectivement inscrit sur le titre foncier, qu'il est entré en possession de ce bien qui est entre ses mains qu'il en use en jouit et en profite ce qui prouve son acceptation de cette aumône;au surplus, si un tiers est mandaté par le tuteur légal testamentaire au datif pour l'acceptation de l'aumône ,ceci n'est pas une cause de nullité de cette dernière tant qu'elle engendre un profit sûr pour le mineur et tant qu'elle n'est pas assortie d'une condition ou d'un engagement ,et compte tenu de tout ce qui précède, lorsqu'en droit musulman, le législateur a posé comme condition, pour la validité des actes de libéralité, la prise de possession, il visait le transfert de la propriété du bien objet de l'aumône des mains du donateur aux mains du donataire, d'où il s'en suit alors que l'inscription de l'acte d'aumône sur les registres fonciers répond à ce souci d'une manière qui garantit les droits du donataire car à partir du moment où l'acte d'aumône est inscrit sur le titre foncier, le donataire devient propriétaire du bien objet d'aumône qui va être en sa possession sans contestation ce qui lui permet d'en user comme il l'entend;ainsi quand l'arrêt attaqué a considéré l'inscription de l'acte de cette aumône sur le titre foncier avant tout empêchement juridique comme une prise juridique, de possession effective ,il a fait bonne application de la loi, qu'il n'y a pas eu abus d'autorité de la part de la cour, ni de dénaturation d'une pièce du dossier et qu'il a par conséquent suffisamment motivé son arrêt ce qui fait que les moyens soulevés par les demandeurs au pourvoi sont infondés,
PAR CES MOTIFS
La cour, toutes chambres réunies rejette le pourvoi et condamne ses demandeurs aux dépens
La cour était composée de messieurs:
-ABABOU Abdelwahab président
-Des membres BELAKSIR Lahbibe-IDRISSI Youssef-benzahir Malika-SLAOUI Abdelazize.
-DERDABI Mohamed-président de chambre de Statut Personnel et deS Successions .
-Des membreS AMJOTE Hassan Conseiller rapporteur-ABOUDI Allal-LAKFIFA Ibrahim-SGUHIR AMJATE Mohamed.
-KORI Mohamed président de chambre 4ème section civile
-Des membres KADIME Abdenabi-OTMANI Mohamed-MACHRAFI Zahra-BOUKRAA Abdeslam.
-BENKIRANE Ahmed président de la chambre commerciale,
-Des membres -BOUDI Boubeker-REDA LATIFA-Bendiane Malika et B Ah.h.
-MEDARAA Mustapha président de la chambre admistrative
- Des membres A Ahmed-SABILA An AG Am C Ak.k.
-ANJAR TAÏB Président de la chambre criminelle
- Des membres Z Hassan-zirate Hassan-AZNAYE Omar-AKIL Abderrahmane.
Et en présence du 1er Avocat général BENYOUSSEF Ahmed.
Le greffe étant assuré par Monsieur X Ac.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S555
Date de la décision : 08/12/2003
Chambre de statut personnel et successoral

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;2003-12-08;s555 ?
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