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25/01/2001 | MAROC | N°P474/8

Maroc | Maroc, Cour suprême, 25 janvier 2001, P474/8


Texte (pseudonymisé)
Arrêt n° 474/8
En date du 25 janvier 2001
Dossier criminel n° 7908/00
Stupéfiants - Epouse - Non dénonciation - Infraction - Non - Complicité - Conditions.
Que si, les juges de fond, en matière pénale, sont libres de former leur conviction, en considérant tous les modes de preuves permises par la loi, y compris les présomptions, il faut que celles-ci soient sans équivoques, déduites des faits réels et sûrs, et qu'elles n'aient pas de rapport avec une tierce personne.
Le fait que l'épouse soit au courant des agissements délictueux de son mari, sa non - dénonciati

on, ne constitue pas un acte de complicité, comme il est limitativement précisé...

Arrêt n° 474/8
En date du 25 janvier 2001
Dossier criminel n° 7908/00
Stupéfiants - Epouse - Non dénonciation - Infraction - Non - Complicité - Conditions.
Que si, les juges de fond, en matière pénale, sont libres de former leur conviction, en considérant tous les modes de preuves permises par la loi, y compris les présomptions, il faut que celles-ci soient sans équivoques, déduites des faits réels et sûrs, et qu'elles n'aient pas de rapport avec une tierce personne.
Le fait que l'épouse soit au courant des agissements délictueux de son mari, sa non - dénonciation, ne constitue pas un acte de complicité, comme il est limitativement précisé par la loi.
Toutefois, un acte d'assistance et d'aide, nécessite l'accomplissement par le complice d'un acte positif, comme produire en toute connaissance de cause, à l'auteur principal, les moyens et les instruments qui lui permettent de commettre l'infraction. Quand aux actes de provocation, ils consistent à ce que le complice utilise des méthodes pour influencer la volonté de l'auteur principal et l'inciter à commettre l'infraction.
Au Nom de Sa Majesté le Roi
Et, après délibérations conformément à la loi.
Vu le mémoire produit par la demanderesse au pourvoi.
Sur le moyen unique de cassation pris de défaut de motifs, en ce que les actes de complicité d'après les dispositions de l'article 4 du dahir du 21 mai 1974 et l'article 129 du code pénal sont énumérés de manière restrictive et faut-il aussi que le co-auteur soit au courant de ces actes, que l'arrêt attaqué lorsqu'il a considéré, l'exposante comme complice, et l'a inculpée également pour trafic de stupéfiants et contre bande, il aurait dû faire ressorti les événements, les circonstances et les faits matériels qui ont constitué le ou les faits commis par l'exposante et la façon dont ils ont été commis pour que la cour suprême puisse s'assurer de la bonne qualification juridique donnée aux faits, et la juste application de la loi.
Mais lorsque l'arrêt attaqué, s'est limité, comme l'a fait d'ailleurs le jugement de première instance, à exposer un ensemble de faits qu'il a considéré comme des présomptions, sans les énumérer, dont la cour d'appel était convaincue de manière absolue que l'inculpé est complice de vente et de contrebande de stupéfiants et de leur exportation vers l'étranger sans préciser les faits commis par l'exposante, d'où que l'arrêt serait insuffisamment motivé ce qui équivaut au manque de motifs.
D'autre part l'arrêt attaqué s'est basé sur des faits qu'il a considéré comme des présomptions, or les présomptions sont des faits précis dont le tribunal déduit d'autres faits, et que si les juges de fond peuvent souverainement choisir les présomptions dont ils déduisent leur conviction, ce pouvoir d'appréciation se heurte au fait que ces présomptions doivent absolument aboutir à incriminer comme les faits sans laisser d'alternative à une autre déduction ou à une autre interprétation .
Qu'en l'espèce, l'arrêt n'a pas démontré le ou les faits qui constituent une complicité, ce qui empêche et prive la cour suprême du droit de contrôle de la bonne application de la loi, d'où l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé ce qui équivaut au manque de motifs et de ce fait encourt la cassation.
Vu les articles 347 et 352 du code de procédure pénale, l'article 129 du code pénal, et l'article 4 du dahir du 21 mai 1974.
Attendu, que d'après l'alinéa 7 de l'article 352 du code de procédure pénale, tout jugement ou arrêt doit être motivé en fait et en droit sous peine de nullité, et que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs.
Attendu que les arrêts de la chambre criminelle prononcent une condamnation doivent être basés sur une certitude tirée des faits et des moyens de preuves exposés dans le dossier, sans qu'ils puissent supposer, éventuellement le moindre doute. Que si le juge pénal est libre de former sa conviction en considérant les divers modes et moyens de preuves permis par la loi, en outre les présomptions, il faut que celles-ci soient sans équivoques et déduites des faits sûrs dont le tribunal pourra conclure les éléments juridiques de la condamnations.
Attendu que d'après les articles 129 du code pénal et 4 du dahir du 21-5-74 les actes de complicité ont été énoncés de façon limitative .. Que le fait de savoir qu'une infraction a été commise sans la dénoncer ne constitue pas un acte de complicité d'autant plus que la non dénonciation de faits qualifiés délit n'est pas considéré comme un acte négatif puni, et que par suite, les actes d'incitation énoncés à l'article 4 et d'assistance édictés au 3eme alinéa de l'article 129 susvisés, nécessitent que le complice ait commis un acte positif qui consiste à produire, en toute connaissance de cause, à l'auteur principal, les moyens et les instruments qui lui permettent de commettre l'infraction, ou la lui faciliter, et peut se matérialise aussi par un acte qui écarte les obstacles, et que les actes de provocation sont tous les moyens utilisés par le complice pour influencer la volonté de l'auteur principal et l'inciter à commettre l'infraction.
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que pour prononcer la condamnation, de l'exposante pour complicité de vente de stupéfiants et leur exportation, à l'échanger malgré qu'elle ait nié lors de toutes les étapes de la procédure la cour d'appel s'est basée sur un ensemble de présomptions qui se résument ainsi.
1) Les déclarations de l'inculpé K.Y devant la police judiciaire qu'il était au courant que A.T et son épouse F.M (l'exposante) exercent le trafic de stupéfiants en les transportant du Maroc vers l'Europe, il a déclaré aussi que l'exposante savait que son mari lui avait confié la clé de l'usine où il cache les stupéfiants et il l'a chargé de son gardiennage, comme elle était aussi au courant que son mari faisant de la contrebande de stupéfiants, et qu'elle a voyagé avec lui à bord de sa voiture Mercedes 190 qui était chargée de stupéfiants.
2) Que les déclarations de K.Y devant la police judiciaire concordent avec la réalité, puisque les agents de la police ont trouvé effectivement une quantité de stupéfiants au domicile du mari de l'exposante, que l'inculpé K.Y a fuit en apercevant les agents de la police, et que la quantité de stupéfiants exporté à l'étranger était cachée dans le réservoir de la voiture Mercedes 190 qui était au nom de l'époux de l'exposante, que le chargement était effectué par certains membres du réseau de stupéfiants et qui sont A.B et S.D.
3)Que la confiscation de 204 kilogrammes de stupéfiants au domicile du mari de l'exposante, est en elle seule une présomption suffisante pour affirmer que l'épouse connaissait les activités de son époux pour ce qui est des stupéfiants, qu'elle exerce elle aussi une activité commerciale de façon continue au local commercial spécialisé dans la vente des meubles situé proche de la maison loué par son époux spécialement pour y stocker les stupéfiants.
4)Le voyage de l'inculpée plusieurs fois avec son époux à l'étranger à bord de sa voiture Mercedes qui été chargée de stupéfiants.
5)La contradiction de ces déclarations devant la police judiciaire: elle a déclaré en premier lieu qu'elle ignorait l'affaire de contrebande de stupéfiants dans laquelle son époux était impliqué, et puis en approfondissant les investigations concernant la maison où se trouvaient les stupéfiants confisqués, et qui était gardée par Y.K elle s'est rétractée, et a déclarée qu'elle savait que son mari avait loué la maison en question .. Que le fait de savoir que son époux avait loué une maison, alors qu'il été un simple fonctionnaire à l'enseignement primaire, qu'il avait une somptueuse voiture genre Mercedes 190 incite à affirmer que l'exposante était au courant que son époux faisait du trafic de stupéfiants.
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement de première instance qu'il a présenté lui aussi un ensemble de présomptions qui sont comme suit:
1) Que l'inculpée était en fuite après avoir quitté le territoire national en compagnie de son époux à bord de sa voiture Mercedes 190 chargée de stupéfiants, et que si elle ignorait que son époux ne faisait pas de trafic de stupéfiants, elle serait rentrée au Maroc lors de l'arrestation des membres du réseau.
2) Ses déclarations concernant la valeur des réparation de sa voiture fiat uno puisqu'elle déclare devant le tribunal que le montant des réparation était 5000 dirhams alors que sa fille a réglé les frais de réparation par un chèque de 10 000 dirhams qui a été remis aux réparateurs, toutefois ces derniers ont gardé la voiture jusqu'à ce qu'il reçoivent le complément relatif au chargement de stupéfiants de la voiture de l'époux le nommé A. , et puis si l'exposante avait bonne conscience elle aurait laissé sa voiture jusqu'au retour de son époux, et elle aurait alors réglé uniquement la somme de 5000 dirhams au lieu de 10 000.
3) Que le divorce kholü (divorce moyennant indemnité versée au mari) qui a eu lieu entre l'exposante et son époux, n'était qu'un divorce fictif pour faire croire au tribunal qu'elle n'était pas complice, parce que d'une part il était récent, en date du 22 novembre 1999, et d'autre part il n'était pas conforme aux dispositions de la circulaire de Monsieur le ministre de la justice sous le numéro 1028 en date du 17 janvier 1994.
Mais, attendu d'une part qu'il y a parmi ces présomptions certaines qui résultent des pièces du dossier et surtout les deux procès-verbaux de police judiciaire numéro 59 S.K en date du 4 février2000, et 340 S.K en date du 20 Août1999, du passeport de l'exposante numéro K 607080, que la date de l'arrestation des membres du réseau susmentionnée dans le jugement de première instance était le 18 Août1999 et que l'exposante avait quitté le Maroc en compagnie de ces trois enfants le 10 Août1999, et qu'elle est rentrée au pays le 6 septembre1999, et le 30 novembre1999 elle s'est adressée au juge pour demander le divorce pour cause que son époux était en fuite d'après ce qui est mentionné sur l'acte de divorce . que le 20 décembre1999 et sur instructions du procureur du Roi, l'exposante a été convoquée par la police judiciaire chargée de l'enquête, elle s'est présentée de son plein gré et sans qu'elle fasse l'objet d'aucun avis de recherche, et qu'elle a été relâchée après la prise de ses déclarations, mais lorsque K.Y a été arrêté, lui par contre était recherché, après son audition, on a convoqué l'exposante pour la deuxième fois devant la même police judiciaire, elle s'y est présenté le 3 février2000 mais elle a été mise en garde à vue et présentée devant le procureur du roi en cet état, ce qui fait que le jugement de première instance et l'arrêt qui le confirme ont dénaturé la réalité lorsqu'il avancent que l'exposante était en fuite et qu'elle ne s'est pas présentée à la police judiciaire de son plein gré.
Que d'autre part, parmi ces présomptions, il y a certaines qui ne la concernent pas, du fait que le jugement de première instance et l'arrêt de la cour d'appel ont énoncé que la saisie d'une certaine quantité de stupéfiants au domicile loué par l'époux de l'exposante, et qui n'était pas destiné à héberger l'épouse, ainsi que les déclarations des inculpés A.B et S.D qui précisaient avoir chargé la voiture de l'époux de l'exposante (genre Mercedes 190 ) de stupéfiants, toutes ces énonciations concernent autrui.
Qu'en troisième lieu, pour ce qui est du montant des réparations de la voiture de l'exposante; de son divorce; et des contradiction de ses déclarations devant la police judiciaire concernant sa méconnaissance du fait que son époux ait loué un local pour y stocker les stupéfiants.
Que ces présomptions ne justifient pas les faits dont l'exposante a été poursuivie.
Attendu, qu'en quatrième lieu, l'arrêt attaqué a mentionné que la cour à fondé sa conviction sur certains présomptions qui prouvent que l'exposante connaissait l'activité de son époux en matière de stupéfiants . que le fait d'être au courant des agissements délictueux de son époux, n'est pas considéré comme un acte de complicité comme le précise les articles 129 du code pénal, et 4 du dahir du 21 mai 1974, qu'en plus, la non dénonciation par l'épouse n'est pas punissable d'après l'article 299 du code pénal . et que l'arrêt a estimé que l'inculpé K.Y a déclaré devant la police judiciaire que l'exposante était au courant des activités du trafic de stupéfiants de son époux, et qu'elle l'aidait et malgré qu'il s'est rétracté devant la cour, sans pour autant, préciser, la manière et la façon dont elle l'aidait et l'assistait, qui devait en principe se matérialiser par la participation et la production de moyens et d'instruments qui facilitent l'infraction. que l'arrêt attaqué n'a pas fait ressortir cet élément, que dés lors il a violé les dispositions des articles 129 du code pénal, et 4 du dahir du 21 mai 1974 qu'il est insuffisamment motivé ce qui équivaut au manque de motifs et encourt de ce fait la cassation et l'annulation.
Par ces motifs
Casse et annule l'arrêt attaqué rendu par la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'El Hoceima en date du 9 mars2000, dossier numéro 155-00, dans les limites des dispositions concernant la demanderesse.
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Fès pour qu'elle soit à nouveau jugée conformément à la loi.
Taher SMIRES: Président
Mohamed El HLIMI: Conseiller
Abdel kader El MOUHADI: Conseiller
Hikma ESHISSEH: Conseiller
Zneb SIFDDINE: Conseiller
Mohamed MANSSOURI: Avocat Général


Synthèse
Numéro d'arrêt : P474/8
Date de la décision : 25/01/2001
Chambre pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;2001-01-25;p474.8 ?
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