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29/11/2000 | MAROC | N°M1913

Maroc | Maroc, Cour suprême, 29 novembre 2000, M1913


Texte (pseudonymisé)
Selon le troisième paragraphe de l'article 143 du Code de Procédure Civile :
"Ne peut être considérée comme nouvelle la demande procédant directement de la demande originaire et tendant aux mêmes fins, bien que se fondant sur des causes ou des motifs différents."
Les jurisconsultes prévoient que ne peuvent être considérées nouvelles les demandes tendant à éclaircir et déterminer la demande principale, à la rectifier ou à la modifier et que la demande additive est irrecevable au niveau de l'appel puisqu'elle est considérée comme demande nouvelle et diffère de la demand

e principale quant au fond, au motif ou à la partie destinataire.
Attendu...

Selon le troisième paragraphe de l'article 143 du Code de Procédure Civile :
"Ne peut être considérée comme nouvelle la demande procédant directement de la demande originaire et tendant aux mêmes fins, bien que se fondant sur des causes ou des motifs différents."
Les jurisconsultes prévoient que ne peuvent être considérées nouvelles les demandes tendant à éclaircir et déterminer la demande principale, à la rectifier ou à la modifier et que la demande additive est irrecevable au niveau de l'appel puisqu'elle est considérée comme demande nouvelle et diffère de la demande principale quant au fond, au motif ou à la partie destinataire.
Attendu que la demande additive de la requérante portait au stade de l'appel sur les mêmes faits, objet et motifs du litige principal, elle en découle et y est fortement liée;
De ce fait, elle ne peut pas entamer une action introductive par cette demande sans pouvoir invoquer l'argument de la chose jugée par le jugement prononcée dans le litige principal, ladite demande s'inscrit alors et nécessairement parmi les exceptions prévues par l'article 143 du code de Procédure Civile, "paragraphe 3" qui fut exclue par le législateur de la règle interdisant de présenter les demandes nouvelles au niveau de l'appel ;
De même qu'il s'agit en l'affaire d'une action commerciale et que la liberté de preuve est l'un des principes généraux essentiels régissant la matière commerciale ; et que l'article 19 du Code de Commerce prévoit que la comptabilité régulièrement tenue est admise pour faire preuve entre commerçant à raison des faits de commerce, l'existence d'un contrat liant les deux parties sur un volet de la transaction commerciale n'avait pas empêché la requérante de prouver ses allégations portant sur la réalisation d'autres travaux au profit du pourvu en cassation avec tous les moyens de preuve ;
Lorsque la cour a rejeté la demande additive de la requérante tendant à établir ses allégations par tous les moyens de preuve pour les motivations prévues par son arrêt, elle n'a pas de ce fait valablement et juridiquement fondé sa décision et l'a ainsi rendue passible de cassation ;
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibération et conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de l'arrêt attaqué rendu par la Cour d'appel de Commerce de Fès, le 20/09/1999, dans le dossier nº577/99, que le pourvu en cassation, M. X A X B X Aa, a introduit une requête au tribunal de commerce de Fès, en date du 17/09/1998, dans laquelle il expose qu'il avait passé un contrat avec la Société`` "Bennani" pour l'Entreprise et les Travaux, qui s'était engagée à lui réaliser des travaux de menuiserie pour son immeuble, que la valeur de ces travaux a été arrêtée à la somme de 1401560 dirhams, que ladite société avait reçu un montant de 1550000 dirhams, soit un surplus de 148440 dirhams, que d'autre part la société n'avait pas honoré ses engagements aussi bien au niveau de la qualité du bois qu'au niveau de la qualité du travail et de ses dimensions, sollicitant ainsi d'ordonner à la société de lui restituer ce qui lui a été versé sans raison valable et de lui payer la somme de 148440 dirhams, avec un dédommagement de 20.000 dirhams, de lui verser un dédommagement provisoire de 25.000 dirhams et préliminairement de procéder à une expertise pour déceler et déterminer les travaux réalisés ; La requête a fait l'objet du dossier nº1610/98 ;
En vertu d'une requête enregistrée le 18/09/1998, présenté par la socié`` "BITRA", dans laquelle elle expose que M.EL B X Aa lui avait confié la réalisation des travaux de menuiserie dans son immeuble dit "Résidence Ab", dans son domicile sis à route d'Imouzzer et dans son local commercial, qu'il est demeuré débiteur à son égard pour ces travaux, à raison de 380634,08 dirhams en ce qui concerne l'immeuble, 56156,40 dirhams dans le logement et 32373,40 dirhams en ce qui concerne le local commercial, qu'il n'avait pas réglé ce dont il est tenu bien qu'il en a été mis en demeure, sollicitant de lui ordonner à lui payer la somme de 419163,88 dirhams, avec les intérêts à compter de la date de la mise en demeure et des dommages et intérêts fixés à 30.000 dirhams ; La requête a fait l'objet du dossier qui lui a été ouvert sous le nº1645/98 ;
Le tribunal a alors ordonné de procéder à une expertise en date du 26/11/1998 dans le dossier n° 1610/98 pour vérifier la conformité des travaux exécutés dans la "Résidence Ab" ; Dans son rapport, l'expert a conclu que les travaux réalisés sont conformes à l'engagement prévu par l'accord conclu et qu'il y'a eu des travaux supplémentaires non prévus par l'accord, dont il a arrêté la valeur à la somme de 174320,00 dirhams, en plus de la somme de 1401560,00 dirhams et qu'après déduction de ce qui a été payé par M. X Aa, celui-ci est resté débiteur vis à vis de la société de la somme de 25880,00 dirhams ;
Après présentation par les deux parties de leurs conclusions, le tribunal a rendu son jugement portant approbation du rapport de l'expert, M. C, ayant condamné le défendeur, M. X A, à verser à la société la somme de 25880.00 dirhams, ayant annulé la demande concernant le logement du défendeur et son comptoir en l'état et ayant rejeté le reste des demandes ;
La Société BITRA a interjeté d'appel le jugement par une requête appuyée par une demande additive, sollicitant d'ordonner le versement de la valeur de certains travaux qu'elle avait omis de demander selon les détails contenus dans la requête ;
La cour d'appel a déclaré l'appel recevable et la demande additive irrecevable et a confirmé le jugement interjeté d'appel ;
Attendu que parmi les reproches faites par la requérante à l'encontre de l'arrêt dans ses troisième et quatrième moyens, sa violation de la loi et des dispositions des articles 143 et 448 du Code de Procédure Civile et de l'article 334 du Code de Commerce, ainsi que le défaut de fondement légal, pour le motif que le tribunal a indiqué que la demande additive ne découle pas de la demande principale, mais qu'elle a sa propre existence et qu'on aurait dû la présenter par-devant le tribunal de première instance pour intenter une action nouvelle, or, si on se réfère aux données et aux pièces du dossier, on constate que la demande additive de la requérante émane de la demande principale et qu'en en prévoyant le contraire, la cour aurait alors porté atteinte aux règles substantielles de la procédure et n'avait pas valablement et légalement motivé son arrêt ;
D'autre part, la cour a considéré que les motifs de l'appel invoqués par la requérante ne reposent pas sur un fondement valable, du fait que son contrat conclu avec le pourvu en cassation au sujet de l'immeuble aurait dû l'obliger à passer le même contrat en ce qui concerne le local commercial et le logement; De même que la cour a estimé que les demandes de la requérante aussi bien en ce qui concerne les travaux supplémentaires qu'en ce qui concerne les travaux exécutés sur le local commercial n'ont pas été juridiquement prouvées au niveau de la réalisation; Or la requérante avait sollicité à ce sujet de procéder à une enquête pour comparer les travaux réalisés au niveau de l'immeuble, ainsi que ceux réalisés dans le local commercial et dans le logement et ce, par divers moyens telle l'audition aux ouvriers ayant contribué à l'installation et à la réalisation de ces travaux;
En écartant ses demandes portant sur ces points, l'arrêt de la cour a ainsi violé les formalités de procédure, les règles de preuve et les dispositions soulevées ci-dessus qui admettent la preuve des diverses transactions commerciales par la citation de témoins; Ceci nécessite en conséquence la cassation de l'arrêt ;
Justement et attendu que les reproches faites par la requérante à l'encontre de la Cour s'avèrent fondées et réelles, car celle-ci a motivé le rejet de la demande additive par le fait que : Cette demande ne découle pas de la demande principale, mais qu'elle a sa propre existence et on aurait dû le présenter dans une nouvelle action par-devant le tribunal de première instance sans nulle crainte de tomber en contradiction des jugements", alors comme il a été établi devant les juges d'appel, après avoir sollicité au niveau du premier ressort d'ordonner au pourvu en cassation de lui payer le reliquat restant à sa charge en contrepartie des travaux de menuiserie réalisés par elle à son profit dans son immeuble dit "Ab", dans son local commercial et dans son logement, arrêtés à la somme totale de 419163,88 dirhams, la requérante a présenté au niveau de la cour d'appel une demande additive concernant les mêmes travaux réalisés par elle dans les mêmes locaux, tout en constatant qu'elle a omis dans sa demande du premier ressort de mentionner des travaux supplémentaires et du matériel de cuivre, pour fixer ses réclamations à la somme de 529284,36 dirhams au lieu de celle arrêtée au premier ressort; En vertu des dispositions du troisième paragraphe, article 143, du Code de Procédure Civile : "Ne peut être considérée comme nouvelle la demande procédant directement de la demande originaire et tendant aux mêmes fins, bien que se fondant sur des causes ou des motifs différentes" ;
Les jurisconsultes ont constamment prévu que les demandes tendant à éclaircir et à déterminer la demande originaire ou à la rectifier ne sont pas considérées comme nouvelles; De même que la demande additive, non admise au niveau de la cour d'appel, en tant que nouvelle demande, est bien celle qui diffère de la demande principale soit au niveau de l'objet, soit au niveau des parties en litige et qui entraîne un changement dans les éléments de l'action dans l'ensemble ;
Alors que la demande additive qui ne change pas l'assise et la nature de la demande initiale et qui tend aux mêmes fins, n'est pas considérée comme demande nouvelle même si elle comprend une modification de la demande d'origine; La demande de la requérante additive au stade de l'appel porte sur les mêmes faits, le même objet et même le motif du litige initial dont elle procède, y est fortement lié et ne peut en être séparé; Cette demande n'a donc pas d'existence indépendante qui lui permet d'intenter à nouveau une action en premier ressort sans en invoquer l'argument de la chose jugée en vertu du jugement rendu au sujet du litige initial qui en a directement découlé;
Sur ce, elle s'inscrit alors et nécessairement parmi les exceptions prévues par l'article 143 du Code de Procédure Civile, "paragraphe 3" exclus par le législateur de la règle d'irrecevabilité des demandes nouvelles au stade de l'appel ;
D'autre part, lorsque la cour a rejeté la demande la requérante tendant à ouvrir une enquête par tous les moyens y compris le témoignage de témoins pour établir sa requête, sous prétexte que : " Le tribunal de première instance a constitué sa conviction sur la base du seul contrat liant les deux parties à l'exclusion de toute autre pièce reconnue par l'autre partie en litige ; La requérante n'a pas présenté de preuve valable de la réalité et de la véracité du contrat conclu pour la réalisation des travaux de menuiserie dans la boutique et le lieu de résidence, à l'instar du contrat conclu pour les travaux concernant l'immeuble ;
Sur ce, il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire à l'enquête "bien qu'il s'agit en l'occurrence d'une action commerciale et que la liberté de preuve est l'un des principes généraux de base qui prédominent en matière commerciale; l'article 334 du Code de Commerce l'a bien confirmé; De même que l'article 19 du même code prévoit que la comptabilité régulièrement tenue est valable pour servir de moyen de preuve entre commerçants dans leurs transactions commerciales ;
L'existence d'un contrat liant les deux parties portant sur un côté de la transaction commerciale n'empêche pas la requérante de prouver ses allégations en ce qui concerne la réalisation d'autres travaux au profit du pourvu en cassation par tous les moyens de preuve y compris les documents régulièrement tenus, l'ouverture d'une enquête y afférente, l'audition de témoin ....;
Ainsi lorsque la cour a refusé la demande additive de la requérante et sa demande tendant à ouvrir une enquête en l'affaire et à procéder à l'audition de témoins pour les motifs invoqués dans son arrêt, elle a de ce fait violé les dispositions légales sus-indiquées et a porté préjudice aux droits de la défense; Son arrêt est en conséquence dépourvu de fondement légal et est passible de cassation;
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême casse, annule l'arrêt attaqué, renvoie l'affaire et les parties par-devant le même tribunal de commerce ayant prononcé le jugement, pour y statuer à nouveau, conformément à la loi, composé d'un autre corps et condamne le pourvu en cassation aux dépens.
De même que la Cour Suprême ordonne la consignation et la mention du présent arrêt sur les registres du même tribunal précité du jugement objet du recours ou sur sa marge.
Ainsi rendu l'arrêté et prononcé en l'audience publique tenue à la même date sus-indiquée, en la salle des audiences ordinaire de la cour suprême de Rabat, composée de :
M.Ahmed BENKIRANE, Président de la chambre,
Mme. Latifa REDA, Conseiller rapporteur,
Mme.Jamila EL MEDOUAR, Conseiller,
M.Boubker BOUDI, Conseiller,
Mme.Malika BENDIYANE, Conseiller,
en présence de M.Abdelghani FAÏDI, Avocat Général
et avec l'assistance de Mme.Naima X Y, Secrétaire Greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : M1913
Date de la décision : 29/11/2000
Chambre commerciale

Analyses

Demande principale - sens de la nouvelle demande. Demande additive et son rapport avec le litige - transacation commerciale. Moyen de preuve.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;2000-11-29;m1913 ?
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