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18/12/1998 | MAROC | N°M1130

Maroc | Maroc, Cour suprême, 18 décembre 1998, M1130


Texte (pseudonymisé)
ROYAUME DU MAROC
COUR SUPREME
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET N° 1130
DU 18 Décembre 1998
DECISION ATTAQUEE: Arrêt de la Cour d'appel de Rabat du
02 février 1997
Jugement en matière pénale - Son autorité sur le civil - Compétence des juridictions pénales.
Le jugement en matière pénale n'a autorité sur le civil que dans le seul domaine qui relève de la compétence des juridictions pénales; Aussi, ne peut-il avoir l'autorité de la chose jugée devant les juridictions civiles que si la juridiction pénale avait tranché l'affaire dans les limites de sa propre com

pétence.
C'est pourquoi, le juge pénal, ne peut valablement apprécier l'existence ou non d...

ROYAUME DU MAROC
COUR SUPREME
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET N° 1130
DU 18 Décembre 1998
DECISION ATTAQUEE: Arrêt de la Cour d'appel de Rabat du
02 février 1997
Jugement en matière pénale - Son autorité sur le civil - Compétence des juridictions pénales.
Le jugement en matière pénale n'a autorité sur le civil que dans le seul domaine qui relève de la compétence des juridictions pénales; Aussi, ne peut-il avoir l'autorité de la chose jugée devant les juridictions civiles que si la juridiction pénale avait tranché l'affaire dans les limites de sa propre compétence.
C'est pourquoi, le juge pénal, ne peut valablement apprécier l'existence ou non d'une société entre les parties en cause, car cela dépasse ses attributions.
Il s'ensuit que la juridiction civile qui n'est tenue de répondre qu'aux conclusions fondées des parties, a le droit de statuer conformément aux dispositions du droit civil sur l'objet du procès relatif à l'existence de la société; et que par conséquent, l'exception concernant la violation de l'autorité de la chose jugée invoquée par l'appelant, demeure non fondée.
Af Ae C/ Af Ac.c.
Rejet du pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rabat, en date du 02 février 1997.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur les premier et deuxième moyens réunis
Vu les article 451 du dahir des obligations et contrats (D.O.C) et 41 de l'ancien code de commerce (dahir du 12 août 1913) qui prévoient respectivement, les règles relatives à l'autorité que la loi attribue en matière civile à la chose jugée, et à la preuve en matière de société commerciale.
Attendu qu'en vertu de cet article 41, «le défaut d'écrit ou de publicité, dans les rapports des associés entre eux, n'empêche pas le contrat de société de produire tous ses effets; car ceux-là peuvent en établir l'existence par tous moyens de preuve.»
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure, des productions et des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué rendu par la Cour d'appel de Rabat en date du 02 février 1997 dans le dossier n° 4/534/96, que Af Ae (défendeur au pourvoi) présenta le 17 février 1994 devant le tribunal de 1ère instance de Aa Ad, une requête introductive dans laquelle il exposa qu'il est depuis 1963, associé- pour y avoir apporté des fonds ayant permis la réalisation du projet- à Af Ac (demandeur au pourvoi) - pour y avoir apporté à son tour parce qu'il en est titulaire, l'autorisation d'exploitation dudit projet- dans une unitéd'exploitation et de commercialisation ayant pour objet l'élevage de l'ostréiculture (les huîtres) dans le parc n° 10, situé à la lagune d'El Oualidiya.
Que ladite exploitation se faisait, en vue d'un partage équitable des bénéfices entre eux.
Qu'il fut ainsi jusqu'en 1993, lorsque le demandeur, sentant ses vieux jours arrivés, et cherchant à protéger les intérêts de ses enfants, souhaita qu'un acte écrit soit rédigé entre eux, quant à ladite exploitation;
Que le défendeur refusa non seulement l'établissement d'un tel acte, mais aussi de lui remettre la part qui lui revient dans les bénéfices pour l'exercice 1993;
Qu'il n'a reçu de ses mains, en août 1993, que vingt-deux (22) millions seulement, alors qu'il en a touché quatre vingt dix-sept (97) millions de centimes;
Que ce-ci lui a causé un préjudice, car il contribue à parts égales au paiement des frais et dépenses de gestion et conservation de l'unité d'exploitation, ainsi que des taxes et impôts correspondants;
Qu'en conséquence, il assigna en 1ère instance, le défendeur d'un côté pour s'entendire dire et juger, qu'une expertise comptable concernant les exercices 1992 et 1993 soit ordonnée par jugement avant-dire droit, afin de déterminer la part qui lui revient dans les bénéfices desdits exercices tout en lui réservant le droit de présenter à la lumière de ses conclusions ses demandes et prétentions, de l'autre pour s'entendre le condamner, en s'inspirant des conclusions de l'expert, à lui payer ladite part, qu'il estime à 50%.
Qu'au vu des conclusions d'une part responsives du défendeur, d'autre part de l'expertise, le tribunal rendit un jugement dans lequel il condamna le défendeur à payer au demandeur la somme de 410 000 dirhams (DH) au titre de la part qui doit lui revenir pour les exercices 1992 et 1993.
Que le défendeur interjeta appel contre le jugement avant-dire droit, et la décision au fond;
Qu'au vu des conclusions responsives de l'intimé, la Cour d'appel - qui à la lumière du résultat de l'enquête qu'elle ordonna de faire par jugement avant-dire droit, et réalisée par le conseiller-rapporteur- confirma le jugement, par son arrêt attaqué, objet de ce pourvoi en cassation.
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué, violation de la loi et notamment celle des articles 451 et 443 du D.O.C, défaut de réponse à conclusions et moyens présentés de manière régulière, violation de l'autorité de la chose jugée, au motif que la Cour-qui n'aurait pu dû en tenir compte une 3 fois bien qu'il soit produit dans le dossier de cette affaire - a quand même statué sur le fondement d'un acte de notoriété adoulaire de témoignages (Lafif) daté du 02 février 1994, dont l'annulation définitive fut prononcée par la juridiction pénale, conformément aux deux décisions correctionnelles ci-jointes;
Que cet acte ad-litem est nul et ne peut établir juridiquement aucune preuve parce que les témoins en apportant pour sa rédaction, leur témoignage sur un objet nul et inconnu, n'y précisèrent ni la date de constitution de la société, ni son capital social, ni la part qui doit revenir à chacune des parties.
Qu'il résulte de tout cela, qu'en rendant sa décision d'une part, sur le fondement d'un acte adoulaire de témoignages nul, d'autre part, en considérant que l'objet du procès est de nature commerciale et peut donc être prouvé par tous moyens de preuve, bien que le défendeur au pourvoi- qui n'est qu'un simple salarié-gérant, car tous les documents sont rédigés au nom du pourvoyant - soit dépourvu de toute preuve établissant l'existence de rapports d'associés entre eux, et que l'article 443 du D.O.C qui exige un écrit ne permet pas de prouver grâce au témoignage l'existence d'une convention dont la valeur excède 250 DH; la Cour - qui n'a pas répondu aux conclusions d'appel du pourvoyant relatives à l'exception soulevée concernant l'autorité de la chose jugée, comme il ressort de la décision de la juridiction pénale ayant décidé de la nullité dudit acte de témoignages (Lafif) et conformément à la position de la doctrine en la matière, qui considère que le juge civil est tenu d'adopter les motifs de la décision pénale, rendue entre les mêmes parties, pour la même cause et le même objet, fut-elle de condamnation ou d'acquittement, ainsi que le recours du défendeur au pourvoi, au juge civil après avoir perdu ses vaines tentatives devant le juge pénal- a violé les dispositions légales sus-invoquées et rendu par conséquent un arrêt devant être sanctionné par la cassation.
Mais attendu que la décision judiciaire en matière pénale ne jouit de l'autorité de la chose jugée, que dans le domaine qui relève de la compétence des juridictions pénales; Aussi, ne peut-elle jouir de ladite autorité devant les juridictions civiles que si la juridiction pénale avait statué dans les limites de sa propre compétence. Lorsque le juge pénal statua sur la question de l'existence ou non de la société entre les parties, il outrepassa les limites précitées; ce qui permet par conséquent à la juridiction civile de statuer valablement sur l'objet de l'instance, relatif à l'existence de la société, conformément aux dispositions du droit civil; et de rejeter pour cause de non fondement, l'exception de violation de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
Il s'ensuit que la Cour qui n'est pas obligée de répondre aux conclusions non fondées des parties, a, à bon droit motivé son arrêt que le pourvoyant ne conteste point, en ne tenant pas compte uniquement - pour donner une base légale à sa décision - de l'acte adoulaire ad-litem de témoignages (lafif), mais aussi des déclarations concordantes des témoins, consignées dans le procès-verbal de l'enquête, et qui, après avoir prêté serment, confirmèrent devant elle, l'existence entre les parties à l'instance, non seulement de la société sus-invoquée mais aussi de leur co-propriété dans plusieurs biens immeubles, conformément à des actes adoulaires (notaires de droit musulman), ainsi qu'un compte-bancaire joint n° 00200118203, ouvert sur les livres de la société générale Marocaine de Banque,
Qu'en considérant que l'objet de l'instance est de nature commerciale, et que par conséquent le défaut d'écrit n'empêche pas le contrat de société de produire tous ses effets juridiques dans les rapports des associés entre eux, qui peuvent en établir l'existence par tous moyens, conformément aux dispositions de l'article 41 de l'ancien Code de commerce, la Cour a donné une base légale à sa décision.
D'où il résulte que les deux moyens réunis ne peuvent être accueillis.
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi, en condamnant le demandeur au pourvoi aux dépens.
Président: Mr Mohamed BENNANI.
Rapporteur : Mme Zoubida TEKLANTI
Avocat général: Mme Ab C A.
Secrétaire- greffier: Mme Ab B.


Synthèse
Numéro d'arrêt : M1130
Date de la décision : 18/12/1998
Chambre commerciale

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1998-12-18;m1130 ?
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