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29/07/1998 | MAROC | N°M5124

Maroc | Maroc, Cour suprême, 29 juillet 1998, M5124


Texte (pseudonymisé)
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibérations conformément à la loi
Sur le 1er moyen:
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier et de l'arrêt attaqué, rendu par la Cour d'appel de Casablanca en date du 11/04/89, dossier 473/88, que les défendeurs en pourvoi, les compagnies d'assurance Essaâda, Aa et Remar, ont présenté une requête exposant avoir assuré un chargement composé de 12.010 quartiers de viandes d'un poids de 979.011 tonnes, transportés à bord du navire Tizi Ntest à destination du port d'Agadir, suivant connaissement n° 1. Qu'à l'arrivée,

des manquants et des avaries ont été constatés par les experts Corcos et Shmare...

AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibérations conformément à la loi
Sur le 1er moyen:
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier et de l'arrêt attaqué, rendu par la Cour d'appel de Casablanca en date du 11/04/89, dossier 473/88, que les défendeurs en pourvoi, les compagnies d'assurance Essaâda, Aa et Remar, ont présenté une requête exposant avoir assuré un chargement composé de 12.010 quartiers de viandes d'un poids de 979.011 tonnes, transportés à bord du navire Tizi Ntest à destination du port d'Agadir, suivant connaissement n° 1. Qu'à l'arrivée, des manquants et des avaries ont été constatés par les experts Corcos et Shmareff, ainsi que par les exposantes, qui se sont subrogées à leur assuré de plein droit, conformément aux dispositions de l'article 367 du Code de commerce maritime. Sollicitant de condamner les défenderesses au paiement solidaire de la somme de 893.435.26 Dhs, assortie des intérêts légaux. Le tribunal a jugé conformément à la demande, confirmé en appel.
Attendu que les attaquantes reprochent à l'arrêt attaqué la violation de l'article 345 du Code de procédure civile, arguant qu'il n'a pas été fait mention de la lecture ou non du rapport du conseiller rapporteur. Ce qui expose l'arrêt à cassation.
Cependant, attendu que la lecture ou non du rapport du conseiller rapporteur ne figure plus dans l'article 342 du CPC, disposition citée dans l'article 345 du même Code, supposé avoir été violée, et ce en vertu du Dahir du 10/09/93. Et que contrairement à ce que soutient le moyen, l'arrêt attaqué a bien mentionné que le conseiller rapporteur a été dispensé de lecture par le président et non-opposition des parties. Le moyen n'est donc pas recevable.
Sur le deuxième moyen:
Attendu que le attaquants reprochent à l'arrêt attaqué la violation des dispositions des articles 262 et 267 du Code de commerce maritime, l'insuffisance de motif, ses contradictions et le défaut de réponse à de moyens de défense fondamentaux, ainsi que la dénaturation des faits. Arguant qu'ils ont sollicité l'annulation du jugement de première instance, lequel s'est basé sur une protestation viciée légalement, en raison de son manque de précision et de motif, à savoir que ladite protestation, datée du 13/03/1981, n'a pas indiqué le nombre de quartiers présumés avariés, ni les quantités prétendument manquantes. Cependant, la Cour d'appel a passé outre l'exception, arguant que la lettre de protestation est suffisamment motivée, puisqu'il suffit de mentionner l'existence de dommages et de manquants subis par la marchandise. Ajoutant que seule l'expertise est à même de déterminer la quantité manquante ou avariée. Alors que l'article 262 du Code de commerce maritime a posé des conditions bien définies, subordonnant la recevabilité de l'action maritime à la réunion de ces conditions, dont la formation d'une protestation motivée, émanant du destinataire, à l'exclusion de toute autre partie, dont l'expert. Car le législateur, à travers cette précision et cette motivation, vise à arrêter les dommages éventuellement survenus lors du transport, alors que la marchandise est sous la garde du transporteur. La Cour d'appel, sollicitée par une protestation dénuée des critères prescrits par le législateur, n'en a pas moins estimé que la forme générale et simpliste de la protestation est suffisante. En outre, les attaquantes ont soulevé, rapport au manquant, l'absence de réserves de la part des agents de déchargement, de feuilles de vérification, d'état des différences et d'attestation de non-déchargement, ces documents étant de nature à établir la responsabilité. L'arrêt attaqué n'a comporté aucune réponse aux exceptions, se limitant à adopter le rapport de l'expert Corcos. Ce qui dispense de répondre à l'exception relative au manquant présumé au moment du déchargement de la marchandise, et qui l'expose à cassation.
Cependant, attendu que si la protestation objet de l'article 262 du Code précité n'a d'effet que si elle est motivée, il n'est pas nécessaire que la motivation soit détaillée. Il suffit que la motivation soit générale pour lui donner tout son effet, se limitant à dire que la marchandise a subi des dommages, comme c'est le cas en l'espèce. L'arrêt attaqué, en disant:«attendu qu'à la lecture de la lettre de protestation, il s'avère qu'elle est suffisamment motivée, car il suffit de faire mention de l'existence de dommages et de manquants subis par la marchandise», est allé dans le même sens. Concernant le 2ème volet du moyen, l'action est formée contre le transporteur maritime, responsable de la marchandise selon les dispositions des articles 221 et 262 du même Code, du jour de sa prise en charge à celui où elle a été effectivement mise à la disposition du destinataire. Le jugement de première instance a été rendu contre le transporteur qui l'a interjeté en appel à l'encontre des assureurs bénéficiaires dudit jugement, ainsi que contre l'ODEP, lequel, même si l'objet du 2ème volet du moyen tend à l'interpeller, il se trouve qu'aucune réclamation n'a été formulée à son encontre, ni en premier ressort, ni en appel. Il en résulte que l'arrêt qui l'a rendu responsable pour le motif que« l'expert Corcos, présent au moment du déchargement, a affirmé dans son rapport que quatre quartiers de viande sont tombés en mer, alors que huit autres n'ont pas été déchargés», n'a violé aucune disposition, ni dénaturé aucun fait, et a suffisamment répondu sur le manquant constaté. Et ce indépendamment de ce qui a été soulevé au sujet des feuilles de vérification, l'attestation de non-déchargement et le relevé des différences, lesquels concernent la relation transporteur -ODEP. Le moyen demeure donc dénué de fondement.
Sur le 3ème moyen:
Attendu que les attaquantes reprochent à l'arrêt attaqué la violation des dispositions des articles 213 et 214 du Code de commerce maritime, l'article 401 du DOC, et la contradiction du motif. Arguant que le transporteur s'est prévalu d'une cause exemptant de la responsabilité, à savoir l'existence d'un vice caché, apparu sous la forme d'une fissure de l'un des canaux internes, au niveau . n° 4, à l'origine de l'écoulement du mazout vers la marchandise transportée. Les exposantes n'ont en été avisées qu'au début des opérations de déchargement, et les défenderesses en pourvoi n'ont soulevé aucune contestation au sujet de l'aptitude du navire à l'affrètement, ni sur la nature du vice caché ayant entraîné la pollution de la marchandise. La Cour d'appel était tenue de répondre aux exceptions basées sur ces éléments, du fait qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation. Elle a cependant écarté d'office l'application du principe d'exclusion de responsabilité pour motif de vice caché, malgré la réunion desdits éléments, se limitant à dire que«le vice caché dispense effectivement le transporteur de la responsabilité. Toutefois, lorsque ce transporteur a procédé à un examen approfondi et intégral du navire, présentant un certificat de navigabilité .». Or, cette motivation appelle certaines remarques. Car si la Cour a reconnu que le vice caché exclut la responsabilité, elle a lié l'examen approfondi à la production d'un certificat de navigabilité du navire. Ce qui constitue une interprétation étroite de l'examen approfondi, assimilé à la simple disposition dudit certificat. Il est constant que cette interprétation n'existe ni dans le texte de l'article 213, ni dans aucun autre; l'armateur peut prouver avoir procédé à l'examen nécessaire par tous les moyens. Les attaquantes l'ont établi par le biais du constat produit et non contesté, effectué par Ab Ac. Cependant, la Cour s'est limitée à écarter le rapport Akzouz qui a procédé au contrôle après déchargement, arguant que ce rapport ne saurait se substituer au certificat de navigabilité du navire. Sans compter l'existence d'autres documents dont le débat a été occulté par la Cour, tels les conclusions de l'expert Bodin et le rapport de mer déposé au tribunal de 1ère instance d'Agadir. L'arrêt attaqué, outre la violation des textes précités, demeure non motivé, notamment en ce qu'il a omis de répondre aux exceptions ci-dessus, ce qui l'expose à cassation.
Cependant, attendu que le certificat constatant la navigabilité du navire, suivant l'article 213 du Code de commerce maritime, constitue une simple présomption, susceptible de la preuve du contraire, auquel ne peut se substituer le rapport de mer rédigé après le départ. Ecarter le rapport de l'expert à ce sujet entre dans le cadre du pouvoir discrétionnaire du tribunal à apprécier les preuves. En outre, et en vertu de l'article 213 du CCM, l'exemption légale de responsabilité s'applique dans les cas nés des vices cachés, indécelables même en cas d'examen approfondi. Ce qui induit que les vices apparents sont décelables par le biais d'un examen appliqué et rationnel, à l'image de l'usure des parties du navire, ainsi que la défection de ses équipements et machines, incluant celle de la réfrigération résultant du défaut de maintenance ou de l'usure; vices desquels le transporteur doit répondre. La cour d'appel, en disant:«attendu que le vice caché dispense le transporteur de la responsabilité, mais seulement lorsqu'il a procédé à un examen approfondi et global du navire, et ce en présentant un certificat de navigabilité. L'invocation par le transporteur du rapport Agzoul, qui ne saurait remplacer ledit certificat, ne peut être prise en considération. Car ce rapport ne mentionne pas l'état apparent des canaux et ne fait pas état de la prise de connaissance du certificat de navigabilité, dont la production est impérative, pour dire de le dispenser de la responsabilité», elle n'a pas négligé les exceptions soulevées par les attaquantes à ce sujet; son arrêt n'a donc violé aucune disposition, et demeure suffisamment motivé.
PAR CES MOTIFS
La Cour suprême décide le rejet de la demande, les dépens à la charge des demandeurs de pourvoi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : M5124
Date de la décision : 29/07/1998
Chambre commerciale

Analyses

Intepellation du transporteur matritime - Certificat constat - Evaluation du rapport de mer et du rapport d'expertise.

Le certificat de constat établissant la navigabilité du navire est une simple présomption susceptible de la preuve du contraire, auquel ne peut se substituer le rapport de mer rédigé après le départ. Ecarter le rapport de l'expert entre dans le cadre du pouvoir discrétionnaire du tribunal à apprécier les peuves. L'exemption légale de responsabilité s'applique dans les cas nés des vices cachés, inédécelables même en cas d'examen approfondi. La motivation relative à la protestation objet de l'article 262 du Code de commerce martime, pour être générale, n'en conserve pas moins tous ses effets. Il en résulte qu'il suffit de mentionner que la marchandise a subi des dommages.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1998-07-29;m5124 ?
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