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19/11/1996 | MAROC | N°A658

Maroc | Maroc, Cour suprême, 19 novembre 1996, A658


Texte (pseudonymisé)
Arrêt nº658
Du 19 septembre 1996
Dossier nº668/96
Expropriation pour utilité publique.
Il n'y a pas lieu de faire application des articles 79 et 80 du Code des Obligations et Contrats dans le domaine de l'empiètement matériel exercé par l'Administration, parce que l'article 79 précité concerne le classement de la responsabilité de l'Etat et des municipalités des dommages causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents, alors que l'article 80 concerne la responsabilité personnelle des agents de l'Etat et des

municipalités.
Le jugement ayant déclaré la non compétence de la juridi...

Arrêt nº658
Du 19 septembre 1996
Dossier nº668/96
Expropriation pour utilité publique.
Il n'y a pas lieu de faire application des articles 79 et 80 du Code des Obligations et Contrats dans le domaine de l'empiètement matériel exercé par l'Administration, parce que l'article 79 précité concerne le classement de la responsabilité de l'Etat et des municipalités des dommages causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents, alors que l'article 80 concerne la responsabilité personnelle des agents de l'Etat et des municipalités.
Le jugement ayant déclaré la non compétence de la juridiction ordinaire pour statuer en la requête était donc fondé.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibération conformément à la loi ;
En la forme :
Attendu que l'appel formulé par M. Ac Ab contre le jugement rendu par le tribunal de première instance de Ad le 05/03/1996, dans le dossier nº2475/95, ayant déclaré la non compétence en raison de la matière et le renvoi de l'affaire par-devant le tribunal administratif de Ad, est recevable du fait qu'il répond aux conditions légalement requises;
Au fond :
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier qu'au vu d'une requête datée du 17/11/1995, le demandeur appelant a exposé qu'il est propriétaire d'un bien immobilier objet du titre foncier nº164/M, sis à El Moukef, rue Bab Dbagh, nº22, Ad, d'une superficie globale de 1830 mètres carrés, qu'il a reçu du service des domaines publics une correspondance en date du 30/04/1992, signifiant que l'Etat désire acquérir cette propriété pour y réaliser un projet d'une école, qu'il avait proposé le prix de 350 Dirhams le mètre carré, sollicitant en cas d'accord de signer le document d'option détaillé joint à la correspondance, que le pourvoyant n'a pas approuvé cette offre, mais que l'Etat avait procédé, sans son autorisation et sans poursuivre aucune procédure juridique, à l'édification d'une école sur ladite propriété, que le constat établi à sa demande a prouvé que l'école a été édifiée par des matières préfabriquées, qu'étant donné que l'occupation par l'Etat est illégitime et ne repose sur aucun fondement juridique, il a le droit de demander de cesser cette occupation par voie judiciaire et si l'Etat manifeste sa volonté au dédommagement, il sollicite de procéder à une expertise en vue de définir la valeur et le prix de la propriété; Pour ce, il a sollicité d'ordonner à l'Etat en la personne du Ministère de l'Education Nationale, d'évacuer ladite propriété, de tous ses biens et de toute personne s'y trouvant et agissant pour lui ;
Vu la réponse de l'Administration des domaines publics indiquant que son rôle s'était limité à l'offre de vente par entente et que c'était le Ministère de l'Education Nationale qui avait occupé la propriété en litige ;
Après que l'agent judiciaire du Royaume avait invoqué l'argument de non compétence en raison de la matière , le tribunal de première instance a jugé sa non compétence à statuer en la requête ;
Le demandeur a interjeté appel du jugement en question ;
Attendu qu'il avait invoqué dans les moyens de son appel qu'en application de l'article 79 du Code des Obligations et Contrats, l'Etat supporte les dédommagements pour les préjudices subis par autrui à cause de ses actes sans son consentement et sans respecter la procédure légale prévue par le Dahir du 06 mai 1982 relatif à l'expropriation pour utilité publique, que cette attitude est un empiètement matériel de la part de l'Etat sur son droit et que par conséquent la compétence revient à la juridiction ordinaire pour statuer quant à l'empiètement matériel sur une propriété privée et pour réparer les divers dommages subis à la suite de cet acte conformément aux principes généraux qui régissent la responsabilité de l'autorité publique dans le cadre des articles 79 et 80 du Code des Obligations et Contrats ;
Cependant, attendu qu'il résulte de la révision des pièces du dossier et notamment la requête introductive d'action que la requête initiale présentée par le demandeur appelant tend à ordonner à l'Etat et à ceux qui agissent pour lui d'évacuer le bien immobilier en litige, étant entendu qu'une telle occupation est un acte matériel pur qui ne repose sur aucun fondement juridique et que la demande subsidiaire tend à procéder à une expertise pour fixer la valeur de la propriété si l'Etat manifeste sa volonté à l'acquérir ;
Attendu que si la jurisprudence judiciaire antérieure de la Chambre Administrative près la Cour Suprême a toujours eu tendance à considérer que les tribunaux administratifs se contentent de statuer sur les actions aux dédommagements pour préjudices subis à cause des actes de personne relevant de droit public, y compris les actions d'occupation illégale par l'Administration de terrain de particuliers tel qu'il ressort de l'article 8 de la loi 41-90, portant institution des tribunaux administratifs, sans pouvoir statuer sur la levée de l'empiètement matériel puisque ceci relève de la compétence de la juridiction ordinaire, la nouvelle tendance de la Chambre Administrative tel que l'exprime l'arrêt rendu le 20/06/1996, dans le dossier n°150/96, consiste à dire que le tribunal administratif est compétent à statuer aussi sur les demandes de lever l'empiètement matériel accompli par l'Administration sous le motif que l'article 8, de la loi 41-90 sus-indiquée est susceptible d'inclure cette compétence à partir du fait que le tribunal administratif, en statuant sur les demandes de dédommagement pour préjudices subis à cause des actes de personnes de droit public en matière d'empiètement matériel, est tenu inéluctablement à statuer et à vérifier l'existence des éléments de l'empiètement matériel et des prétextes soulevés par l'Administration d'une part, et d'autre part, il se prononcera dans ce cas sur deux volets inséparables d'une seule action liée par un lien unique et qu'on ne pas disloquer l'un de l'autre ;
Sinon, quelle serait la philosophie escomptée de l'attribution de la compétence à statuer quant aux demandes de dédommagement pour empiètement matériel par l'Administration aux tribunaux administratifs et l'attribution de la compétence quant à la levée de l'empiètement matériel par l'Administration aux tribunaux relevant de la juridiction ordinaire, alors qu'il était légalement nécessaire d'attribuer la compétence dans les deux domaines à une seule instance judiciaire ;
Attendu que les articles 79 et 80 du Code des Obligations et Contrats invoqué par l'appelant pour confirmer la compétence de la juridiction ordinaire de statuer sur ce litige relatif à la levée de l'empiètement matériel de l'Administration, ne sont pas applicables en la présente affaire, puisque l'article 79 précité concerne le classement de la responsabilité de l'Etat et des Municipalités des dommages causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents, alors que l'article 80 sus-indiqué porte sur la responsabilité personnelle des agents de l'Etat et des municipalités ;
Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement interjeté d'appel était fondé lorsqu'il a déclaré la non compétence du tribunal ordinaire pour statuer sur ce litige, non pas sur la base du fait que la demande de procéder à une expertise par l'appelant porte sur un litige sur une expropriation pour utilité publique dont la compétence à statuer revient au tribunal administratif, mais plutôt sur la base du fait que la demande initiale présentée par ledit appelant concerne la levée d'une occupation matérielle pour par l'Administration qui relève de la compétence du tribunal administratif en plus du fait que celui-ci est compétent également pour statuer sur les demandes de dédommagement pour empiètement matériel.
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême confirme le jugement interjeté d'appel.
Ainsi rendu l'arrêt et prononcé en l'audience publique tenue à la date sus-indiquée, en la salle ordinaire des audiences de la Cour Suprême de Rabat, par la Cour composée de :
F M. Mohamed MONTASSIR DAOUDI, Président de la Chambre Administrative,
F M. Mustapha MouDARAA, Mohamed BOURAMDANE, Saadia BELMIR et Ahmed DINIA, conseillers,
F en présence de M. Abdelhamid LAHRICHI, avocat général
F et avec l'assistance de M. Aa A, secrétaire greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : A658
Date de la décision : 19/11/1996
Chambre administrative

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1996-11-19;a658 ?
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