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20/06/1996 | MAROC | N°A475

Maroc | Maroc, Cour suprême, 20 juin 1996, A475


Texte (pseudonymisé)
Arrêt n°475
Du 20 juin 1996
Dossier nº186/96
Voie de fait - Demande d'évacuation - Compétence .
La compétence du tribunal administratif à statuer sur les demandes de lever l'empiètement matériel exercé par l'Administration sur le terrain d'autrui, peut être déduite des dispositions de l'article 8 de la loi 41-90, qui lui attribuent la compétence de statuer sur les demandes de dédommagement pour les préjudices subis par cette occupation.
Cette compétence demeure valable même s'il y a empiètement par une Administration sur le terrain d'une autre Administration.<

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La Cour,
Après délibération conformément à la loi;
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Arrêt n°475
Du 20 juin 1996
Dossier nº186/96
Voie de fait - Demande d'évacuation - Compétence .
La compétence du tribunal administratif à statuer sur les demandes de lever l'empiètement matériel exercé par l'Administration sur le terrain d'autrui, peut être déduite des dispositions de l'article 8 de la loi 41-90, qui lui attribuent la compétence de statuer sur les demandes de dédommagement pour les préjudices subis par cette occupation.
Cette compétence demeure valable même s'il y a empiètement par une Administration sur le terrain d'une autre Administration.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI;
La Cour,
Après délibération conformément à la loi;
En la forme :
Attendu que l'appel présenté par l'Etablissement Régional d'Aménagement et de Construction de la zone Centre (ERAC/Centre ) en la personne de son Directeur et des membres de son Conseil d'Administration contre l'ordonnance rendue par le juge des référés près le tribunal de première instance d'El Aa, le 17/01/1996, dans le dossier des référés nº4/26/95, ayant déclaré la non compétence de statuer sur le litige, est recevable puisqu'il répond aux conditions légalement requises ;
Au fond :
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de la teneur de l'ordonnance attaqué sus-indiquée qu'en vertu de la requête enregistrée le 20/06/1995, le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques a exposé par-devant le tribunal de première instance d'El Aa qu'il est propriétaire du bien immobilier sis dans le périmètre urbain de la ville d'Azemmour, donnant sur l'avenue Mohammed V, d'une superficie de 7000 mètres carrés, qu'il fut surpris par son occupation par le défendeur, l'ERAC, que cet acte constitue un empiètement du droit de propriété immobilière, sollicitant ainsi de suspendre les travaux, de l'expulser des lieux en litige ;
Attendu que le défendeur a invoqué le fait qu'il s'agit d'un contentieux opposant deux services administratifs publics et que la compétence revient donc au tribunal administratif, le tribunal de première instance a déclaré sa non compétence pour statuer en la demande ;
La demanderesse a en conséquence interjeté d'appel le jugement précité ;
Attendu que dans ses moyens d'appel l'appelant a invoqué le défaut de motivation de l'ordonnance interjetée d'appel, la violation des droits de la défense et le défaut de fondement valable, puisque le tribunal a motivé sa décision par la non compétence du moment que les deux parties en litige sont deux services publics, à savoir le Ministère des Habous et des affaires islamiques et l'Etablissement Régional d'Aménagement et de Construction ;
Or, le fait qu'un litige oppose deux services publics ne suffit pas pour dire que la compétence est du ressort des tribunaux administratifs et soustraire l'affaire aux tribunaux ordinaires, mais il faut que le litige en soi soit administratif ou du moins qu'il ait un aspect ou des circonstances administratifs. Mais si le litige porte sur un simple acte matériel et sur la réalité des faits, il est alors du ressort de la juridiction ordinaire parce qu'elle est compétente principalement et globalement ;
Après délibération conformément à la loi ;
Attendu qu'il est clair que l'action en cours est fondée sur l'empiètement par l'intimé sans droit ni motif valable sur une parcelle de terrain dont l'appelant allègue qu'il en est propriétaire; Il s'agit par conséquent de lever l'empiètement matériel exercé par un service public sur un terrain appartenant à un autre service public ;
Attendu que la loi 41-90 instituant les tribunaux administratifs, même si elle n'a pasexpressément prévu la compétence de ces tribunaux pour statuer sur les demandes de lever l'empiètement matériel présentées contre l'administration, ceci laisse entendre que ces actions relèvent de la compétence de la juridiction globale ;
Cependant, l'article 8 de la même loi dispose que parmi les compétences des tribunaux administratifs celle de statuer sur les requêtes des dédommagements pour préjudices résultant d'actes et d'activités des personnes de droit public; Il va sans dire quele tribunal administratif, lorsqu'il se trouve entrain d'examiner les conditions et circonstances d'une action relative à une demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel découlant d'actes et d'activités des personnes relevant du droit public dans le domaine de l'empiètement matériel pur, ledit tribunal sera donc tenu, sans nul doute, de vérifier l'existence des éléments de l'empiètement matériel et les justifications soulevées par l'Administration et ce, avant de fixer le dédommagement correspondant aux préjudices subis à la suite de cet empiètement. Comment peut on alors dire que le tribunal administratif est compétent pour statuer sur la demande de dédommagement fondée sur l'empiètement matériel, sans percevoir sa compétence à statuer sur la levée de cet empiètement ;
Lorsque la loi lui a conféré le droit de statuer sur les demandes de dédommagement pour préjudices résultant d'actes matériels de l'Administration, le tribunal serait, a priori, habilité également a statuer sur les demandes de lever l'empiètement matériel; Ceciconfère donc au tribunal administratif le droit de statuer sur deux volets inséparables d'une seule action à un lien qu'on ne peut pas isoler l'un de l'autre ;
Attendu qu'au vu de ce qui précède et si l'article 8 de la loi 41-90 instituant les tribunaux administratifs est susceptible d'inclure les demandes de lever l'empiètement matériel exercé par l'Administration en plus des demandes de dommages et intérêts pour les préjudices causés par les actes et les activités des personnes de droit public du fait de la liaison inséparable existant entre ces demandes en raison de la nature de l'action, la question ne diffère en rien lorsque l'empiètement matériel à lever est un empiètement exécuté par l'Administration au détriment d'une autre Administration tel le cas en la présente affaire ;
La compétence du tribunal administratif est alors établie du moment que les conditions de cette action sont remplies ;
Par ces attendus et ces motivations légales, la Cour Suprême compense les motivations critiquées dans l'ordonnance objet du recours
L'ordonnance interjetée appel est donc valablement fondée.
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême confirme l'ordonnance interjetée d'appel et condamne l'appelant aux dépens.
Ainsi rendu l'arrêt et prononcé en l'audience publique tenue à la date sus-indiquée, en la salle ordinaire des audiences de la Cour Suprême de Rabat, par la Cour composée de :
F M. Mohamed MONTASSIR DAOUDI, Président de la Chambre Administrative,
F M. Mustapha MouDARAA, Mohamed BOURAMDANE, Saadia BELMIR et Ahmed DINIA, conseillers,
F en présence de M. Abdelhamid LAHRICHI, avocat général
F et avec l'assistance de Mme. Ab A, secrétaire greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : A475
Date de la décision : 20/06/1996
Chambre administrative

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1996-06-20;a475 ?
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